Guerre commerciale et technologique : L’UE avance sur sa stratégie de sécurité économique

Guerre commerciale et technologique : L’UE avance sur sa stratégie de sécurité économique

Ce mercredi 24 janvier, la Commission européenne a officiellement publié ses plans relatifs au renforcement de la sécurité économique de l’UE face à l’influence grandissante de la Chine dans les économies des Etats membres.

Cette publication s’inscrit dans le cadre de la réduction des risques diplomatiques et économiques encourus par l’UE dans sa relation avec la Chine annoncée dès mars 2023 par Ursula Von Der Leyen avant sa visite à Pékin avec Emmanuel Macron.

L’une des principales mesures concerne le renforcement du contrôle des investissements directs étrangers (IDE) dans l’UE. La Commission européenne souhaite effectivement établir des critères minimaux de contrôle que chaque Etat-membre devrait mettre en œuvre afin de disposer d’un cadre commun de filtrage.

Si certains Etats-membres ne disposent pas pour le moment de tels mécanismes de contrôle, la France, avec le décret Montebourg entré en vigueur en 2014, a su mettre en place des mesures de protection de ses intérêts stratégiques non pas seulement dans l’industrie de défense mais également dans les domaines de l’eau, de la santé, de l’énergie, des transports et des télécommunications.

Fin 2023, le ministre de l’Économie Bruno le Maire a par ailleurs confirmé la baisse annuelle du seuil de contrôle des IDE de 25% à 10% et l’élargissement du contrôle aux activités d’extraction et de transformation des matières premières critiques.

Au-delà des IDE, le paquet sur la sécurité économique vise également à un contrôle plus efficace de l’UE sur les exportations de biens à « double usage » (usage civil et usage militaire) et à un renforcement de la sécurité économique en matière de recherche. Certaines technologies sont particulièrement ciblées par la Commission : les semi-conducteurs, l’industrie quantique, les biotechnologies ainsi que l’intelligence artificielle.

Cette publication du 24 janvier fait écho aux préoccupations déjà affichées par certains parlementaires européens qui dénonçaient dans un rapport publié en décembre 2023, l’influence croissante de la Chine sur un certain nombre d’infrastructures critiques au sein de l’Union (transports, ports, réseaux télécoms, métaux rares, câbles sous-marins…).

Si la Chine est particulièrement visée par ces récentes décisions de la Commission européenne en raison de sa stratégie de fusion militaro-civile (c’est-à-dire d’alignement des intérêts commerciaux des entreprises privées chinoises sur les intérêts politico-militaires du PCC), elle n’est pas le seul pays déployant des techniques d’ingérence au sein de l’UE. Loin de là.

Les Etats-Unis, au-delà de l’exemple emblématique Alstom, ont également fait pression sur les Pays-Bas en 2023 pour que ces derniers réduisent leurs ventes de semi-conducteurs avancés à Pékin, forçant Amsterdam à se positionner dans la guerre commerciale qui oppose les deux empires.

 

Cette publication s’inscrit dans le cadre de la réduction des risques diplomatiques et économiques encourus par l’UE dans sa relation avec la Chine annoncée dès mars 2023 par Ursula Von Der Leyen avant sa visite à Pékin avec Emmanuel Macron.

L’une des principales mesures concerne le renforcement du contrôle des investissements directs étrangers (IDE) dans l’UE. La Commission européenne souhaite effectivement établir des critères minimaux de contrôle que chaque Etat-membre devrait mettre en œuvre afin de disposer d’un cadre commun de filtrage.

Si certains Etats-membres ne disposent pas pour le moment de tels mécanismes de contrôle, la France, avec le décret Montebourg entré en vigueur en 2014, a su mettre en place des mesures de protection de ses intérêts stratégiques non pas seulement dans l’industrie de défense mais également dans les domaines de l’eau, de la santé, de l’énergie, des transports et des télécommunications.

Fin 2023, le ministre de l’Économie Bruno le Maire a par ailleurs confirmé la baisse annuelle du seuil de contrôle des IDE de 25% à 10% et l’élargissement du contrôle aux activités d’extraction et de transformation des matières premières critiques.

Au-delà des IDE, le paquet sur la sécurité économique vise également à un contrôle plus efficace de l’UE sur les exportations de biens à « double usage » (usage civil et usage militaire) et à un renforcement de la sécurité économique en matière de recherche. Certaines technologies sont particulièrement ciblées par la Commission : les semi-conducteurs, l’industrie quantique, les biotechnologies ainsi que l’intelligence artificielle.

Cette publication du 24 janvier fait écho aux préoccupations déjà affichées par certains parlementaires européens qui dénonçaient dans un rapport publié en décembre 2023, l’influence croissante de la Chine sur un certain nombre d’infrastructures critiques au sein de l’Union (transports, ports, réseaux télécoms, métaux rares, câbles sous-marins…).

Si la Chine est particulièrement visée par ces récentes décisions de la Commission européenne en raison de sa stratégie de fusion militaro-civile (c’est-à-dire d’alignement des intérêts commerciaux des entreprises privées chinoises sur les intérêts politico-militaires du PCC), elle n’est pas le seul pays déployant des techniques d’ingérence au sein de l’UE. Loin de là.

Les Etats-Unis, au-delà de l’exemple emblématique Alstom, ont également fait pression sur les Pays-Bas en 2023 pour que ces derniers réduisent leurs ventes de semi-conducteurs avancés à Pékin, forçant Amsterdam à se positionner dans la guerre commerciale qui oppose les deux empires.

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Lors d’une conférence de presse le 16 janvier 2024, le Président de la République a parlé de « réarmement civique et démographique » pour souligner sa volonté politique de s’attaquer à la baisse de la natalité et à l’augmentation de l’infertilité en France. Derrière cette question, se cachent des enjeux aux multiples conséquences sur notre société.

Lors d’une conférence de presse le 16 janvier 2024, le Président de la République a parlé de « réarmement civique et démographique » pour souligner sa volonté politique de s’attaquer à la baisse de la natalité et à l’augmentation de l’infertilité en France. Cela a fortement fait réagir, notamment les milieux féministes, accusant Emmanuel Macron de vouloir contrôler le corps des femmes et lui enjoignant de, je cite, « laisser nos utérus en paix(1) ». Comment expliquer que le politique veuille se mêler de ce sujet, qui ne relève en apparence, que de la sphère privée et du droit des femmes à disposer de leur corps ? Est-ce que cet intérêt est vraiment nouveau ? Pas tellement. Depuis 1932, les mesures autour de la famille se sont enchaînées(2), signe de l’intérêt du politique sur cette question cruciale, aux multiples enjeux, pour certains avec des conséquences importantes sur notre société. Le présent article a pour objectif d’en présenter quelques-uns, pour faire prendre conscience, notamment à la gauche, que ce sujet ne doit pas être laissé aux autres partis politiques.

La démographie : critère de puissance dans un contexte géopolitique complexe

Avoir un enfant est un bouleversement des habitudes et des modes de vie, du foyer, du porte-monnaie mais également du corps des femmes. Pour autant, il est impossible de resteindre ce sujet à la seule sphère privé. Et c’est la principale information à retenir de l’allocution du président de la République. 

Une natalité dynamique et une population jeune, permet à un pays d’accroître son influence : à travers sa main d’œuvre pour faire prospérer ses industries, sa diaspora, ou encore, dans un contexte géopolitique à risque et de potentiel déclenchement de conflits, de disposer de soldats. Dans ce contexte, l’utilisation du mot « réarmement » et du vocabulaire militaire, prend tout son sens. Ce terme semble avoir été utilisé sciemment, la communication du président étant toujours pensée au mot près.  

A noter que les puissances émergentes d’Asie, possèdent l’avantage de disposer d’une démographie importante, en forte croissance, même si cette dynamique pourrait s’endiguer dans les prochaines décennies : on compte aujourd’hui 1,15 enfant par femme en Chine en 2022, loin du seuil de renouvellement démographique établi à 2,1 enfants par femme(3).

A l’inverse, les pays de l’OCDE, et pas uniquement la France, sont confrontés à une baisse de la natalité depuis plusieurs décennies. Ainsi, au sein de l’Union européenne en 2023, on compte 1,50 enfant par femme, alors qu’on en comptait 1,57 en 2010(4). Cette baisse est légère, mais progressive. La France reste le pays de l’Union avec le nombre d’enfants par femme le plus élevé : environ 1,83, contre par exemple 1,53 en Allemagne(5). On constate également depuis plusieurs années, après des mouvements de baisse, une augmentation de la fécondité des pays de l’Europe de l’Est (par exemple la Hongrie, la Roumanie, etc.) alors que celle des pays de l’Ouest (France, Allemagne, Espagne, etc.) si elle ne recule pas, stagne.

Les pays de l’Europe de l’Est vont bientôt détrôner la France et afficher le taux d’enfant par femme le plus élevé d’Europe : on pense notamment à la Roumanie, qui comptabilise aujourd’hui 1,80 enfant par femme.

Emmanuel Macron a-t-il peur que cela puisse influencer le rapport de force en Europe ? En effet, la baisse de la natalité, et donc le vieillissement d’une population, réduit fortement une population active. Ainsi, un pays dispose de moins de ressources mobilisables pour la production économique, ou pour le financement du modèle social. Il serait possible d’imaginer dans le futur que la relocalisation en Europe de grandes industries (encouragées par la hausse des tensions au niveau mondial et donc la mise en péril des chaînes d’approvisionnement) soit davantage favorables à des pays comme ceux de l’Est dont la population active est jeune, en plus de disposer de salaires beaucoup plus faibles. 

Ventant la concurrence et l’augmentation à l’extrême de la compétitivité, on peut imaginer que l’Union laissera faire, puisqu’elle ne transige déjà par sur le dumping social. Ces questions sont d’autant plus cruciales aujourd’hui, alors que l’Union imagine intégrer de nouveaux pays à l’Est.

Le politique a-t-il peur d’une transformation de la société française ?

Au-delà de l’infertilité croissante dont parle le Président (sur laquelle nous reviendrons), il évoque également l’évolution des mœurs dans son discours. Emmanuel Macron indique que les femmes font des enfants de plus en plus tard. En effet, alors qu’en 1994, l’âge moyen de la mère à l’accouchement était de 28,8 ans, il est en 2023 d’environ 31 ans(6)

Mais prend-il réellement conscience de ces évolutions ? En évoquant sa volonté de faire remonter la natalité en France, il semble, de manière sous-jacente, se positionner en faveur du modèle de la famille « nucléaire », étant le cadre le plus classique pour avoir des enfants, sans prendre en compte que de nombreuses autres formes de couple / de vie ont émergé ces dernières décennies. Loin de se montrer progressiste en la matière, il semble plutôt droitiser son discours (ce n’est d’ailleurs pas spécifique au sujet de la famille et de la natalité).

Le président de la République semble également ne pas totalement comprendre, (en tout cas il ne se prononce pas sur le sujet) les raisons pour lesquelles les femmes ont des enfants plus tard, voire n’en ont tout simplement pas. La thèse de Véra Nikolski nous donne des pistes de réflexion : l’autrice met en relation la baisse de la natalité, avec l’augmentation de l’indépendance des femmes. Elle estime que l’émancipation des femmes a été obtenue grâce au progrès technique et scientifique. En raison en effet des évolutions scientifiques, le taux de mortalité infantile a baissé drastiquement, permettant aux femmes d’être rassurées quant à leur survie et à celle de leur progéniture : cela semble aller de soi aujourd’hui, ce n’était pas le cas il y a encore quelques décennies. L’émancipation des femmes a été rendue possible en raison également d’un autre facteur : faisant moins d’enfants elles passent moins de temps enceinte ou à s’occuper de leurs enfants qu’auparavant, et bénéficient par conséquent de plus d’autonomie et de liberté. Il est à craindre que, lorsque la nation a besoin que les femmes se mettent à son service, pour réarmer démographiquement le pays, il en soit fini de leurs droits. 

Des considérations culturelles voire anthropologiques tendent également à expliquer la baisse du taux de natalité : être une femme dans nos sociétés contemporaines ne passe plus obligatoirement par l’enfantement. Être mère ne se conçoit plus de la même manière qu’auparavant. Demander simplement aux femmes de « réarmer » la France, n’aura certainement pas l’effet escompté.

D’autres facteurs, bien qu’encore très marginaux, peuvent également jouer sur la baisse de la natalité de certaines catégories de la population française. L’éco-anxiété en est un et touche de plus en plus de femmes et de couples. Comment imaginer avoir un enfant dans un monde en plein basculement climatique ? L’absence d’une politique d’envergure pour aborder la transition écologique, en France comme au niveau européen et mondial, ne permet pas de se projeter.

Bien sûr la baisse de la natalité est une donnée à ne pas prendre à la légère. Elle risque d’avoir des répercussions importantes sur la société française. Son corrolaire, le vieillissement de la population (qui touche massivement les pays de l’OCDE), risque de transformer notre modèle de société  : comment pérenniser notre modèle social avec la réduction de la population active et l’allongement de l’espérance de vie ? Comment prendre en charge correctement le grand âge, d’autant plus si le nombre de personnes âgées augmente ? Le système est d’ailleurs déjà défaillant, comme ont pu le démontrer les scandales et enquêtes sur la gestion de nombreux EHPAD en France, cherchant la rentabilité plutôt que le bien-être des pensionnaires. Des questions qui restent sans réponse et qui ne sont que trop partiellement abordées.

L’infertilité, LE tabou du siècle selon Emmanuel Macron

Dans son discours, Emmanuel Macron indique qu’il souhaite la mise en œuvre d’un plan pour lutter contre l’infertilité. Les contours de ce plan, restent flous. Il faut effectivement reconnaître que c’est un problème au niveau mondial : selon un rapport de l’OMS, 17,5% de la population en âge d’avoir des enfants est touché par l’infertilité et une personne sur six a déjà rencontré des problèmes d’infertilité dans sa vie(7).

Quelles sont les raisons principales de l’infertilité ? Plusieurs sont connues de la communauté scientifique : les perturbateurs endocriniens et pesticides, que nous consommons, que nous ingérons ou que notre peau absorbe dans les produits alimentaires mais également d’hygiène et de beauté ;  la pollution atmosphérique….On peut également citer certaines pathologies, comme l’endométriose qui peut avoir des conséquences importantes sur le quotidien et la fertilité des femmes ou encore, les maladies sexuellement transmissibles non-traitées comme la chlamydia. Concernant l’endométriose, bien que les recherches (qui progressent) n’aient pas encore permis de déterminer précisément les causes de cette pathologie, notre mode de vie en est potentiellement une des explications.

Cet étalage n’a pas pour objectif d’être exhaustif ou de faire peur : l’idée est de démontrer que l’infertilité est un sujet global, avec de multiples causes, dont l’augmentation relève surtout de notre façon de vivre et de notre modèle de société.

Il semble difficile de concevoir un plan de lutte contre l’infertilité qui soit réellement à la hauteur : pour l’être, cela nécessiterait de repenser complètement notre modèle. Et les plans européens (la PAC qui n’encourage pas spécialement la fin de l’utilisation des pesticides ni la fin de l’agriculture intensive ; le plan « fit for 55 » qui est censé réduire d’au moins 55% d’ici 2030 les émissions nettes de gaz à effet de serre, notamment dans les transports, sans qu’on puisse à ce stade constater des effets, etc.), semblent encore n’avoir que des conséquences réduites en la matière. Sans s’occuper des raisons profondes de l’infertilité, ce plan ne sera rien d’autre qu’une mesurette.

Redonner confiance en l’avenir

Concernant l’accompagnement de la parentalité, on peut déplorer l’absence d’infrastructures suffisantes pour accueillir les jeunes enfants, à des prix raisonnables. Si le président de la République souhaite encourager les femmes à avoir des enfants, il faudrait qu’il s’attaque sérieusement à cette question.

Au-delà des structures, Emmanuel Macron a annoncé vouloir remplacer le congé parental par le congé de naissance, d’une durée plus courte (6 mois) mais avec une rémunération a priori plus importante. Cela fait plusieurs mois que le gouvernement évoque cette mesure, sans qu’on en connaisse les contours. Augmenter la rémunération de ce congé est nécessaire, mais il y a d’autres paramètres à prendre en compte : ce congé pourra-t ’il être pris de manière désynchronisée ? Quelle sera sa rémunération exacte ? Comment pourra-t-il s’articuler avec le congé maternité et paternité ? Sera-t-il contraignant, notamment pour établir l’égalité dans la prise en charge de l’éducation par les deux parents ? Tout cela reste encore flou.

Ces aspects sont d’autant plus importants à prendre en compte que la maternité est un facteur pénalisant dans la carrière des femmes, et source, en partie, d’inégalités salariales qui persistent.

Il ne suffit pas de vouloir faire le buzz en employant un terme militaire pour évoquer le sujet de la natalité. Cette question s’inscrit dans un cadre plus large, et soulève de réelles interrogations pour l’avenir. La natalité est en baisse en France, mais cela est un mouvement global rencontré par de nombreux pays, notamment de l’OCDE. L’émancipation des femmes et l’acquisition de nouveaux droits, peut l’expliquer en partie, et c’est une bonne chose : les femmes ont la liberté de choisir d’avoir des enfants ou non, et si elles le souhaitent, quand et comment. La baisse de la natalité ne pourra pas être endiguée sans repenser réellement notre mode de vie. C’est bien notre modèle qui est à remettre en cause, mais il y a peu de chance que le gouvernement et l’Union européenne, prennent ce chemin.

Ce discours, est en complète opposition avec l’ère du temps : l’atteinte effective de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, et la transition écologique. Pour autant, la natalité reste un sujet d’ampleur, dont la gauche doit se saisir, au regard de tous les enjeux qu’il comporte.  

Références

(1)Propos tenus par Anne-Cécile Mailfert, Présidente de la Fondation des Femmes, sur les plateaux télé et sur X

(2)https://www.vie-publique.fr/eclairage/20144-la-politique-de-la-famille-depuis-1932-chronologie

(3)https://www.geo.fr/geopolitique/face-a-son-declin-demographique-la-chine-risque-une-crise-sans-precedent-214800

(4) https://www.ined.fr/fr/tout-savoirpopulation/chiffres/europe-pays-developpes/indicateurs-fecondite/

(5) Eurostats

(6)https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381390

(7)https://www.who.int/publications/i/item/978920068

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La révolution Twitch : quand le streaming de jeux vidéo redéfinit le divertissement en ligne

Tout a commencé en 2011 lorsque Justin Kan et Emmett Shear, les fondateurs de Justin.tv, ont décidé de se concentrer sur une nouvelle idée : la diffusion en direct de jeux vidéo. C’est ainsi qu’est née Twitch.tv, une plateforme dédiée exclusivement au streaming de jeux vidéo. Les premières diffusions étaient simples, souvent réalisées depuis les chambres des streamers passionnés.

Twitch a su attirer rapidement une communauté de joueurs avides de partager leurs expériences en direct. Au fil des ans, elle a connu une croissance exponentielle. En 2013, la plateforme comptait déjà plus de 45 millions de téléspectateurs uniques par mois, et elle est rapidement devenue la référence en matière de streaming de jeux vidéo. Les streamers les plus populaires sont devenus de véritables célébrités numériques, attirant des milliers voire des millions de spectateurs à chaque diffusion.

La montée en puissance de Twitch a remis en question les méthodes traditionnelles de diffusion de divertissement, notamment la télévision et le cinéma. Tandis que la télévision et le cinéma sont des médias passifs où les spectateurs sont de simples consommateurs, Twitch offre une expérience interactive en temps réel. Les spectateurs peuvent discuter avec les streamers, poser des questions et même influencer le déroulement du jeu. Cela crée une connexion plus forte entre les créateurs de contenu et leur public, une dynamique absente dans les médias traditionnels.

Twitch a aussi radicalement démocratisé la diffusion de contenu. Pour devenir créateur sur Twitch, vous n’avez pas besoin de matériel coûteux ou de studios de production sophistiqués. Une simple webcam et une passion pour un sujet suffisent pour commencer à diffuser en direct. Cela contraste fortement avec les normes élevées de l’industrie cinématographique et télévisuelle, où la production de contenu est souvent réservée à un petit nombre. En outre, la variété et la niche du contenu sur Twitch sont inégalées. La plateforme permet la diffusion de contenus allant des jeux vidéo aux discussions en direct sur des sujets spécifiques, en passant par la musique et les arts. Cette diversité offre aux spectateurs la possibilité de trouver des contenus qui correspondent à leurs intérêts précis, ce qui est rarement possible dans les médias traditionnels, qui visent souvent un public plus large et généraliste.

Enfin, Twitch offre une monétisation directe aux créateurs de contenu. Les streamers ont la possibilité de générer des revenus directement à partir de leur audience, que ce soit par le biais de dons, d’abonnements payants ou de publicités. La possibilité de monétiser leur passion distingue les créateurs de contenu sur Twitch des modèles de rémunération traditionnels, où les artistes peuvent souvent dépendre de maisons de production ou de chaînes de télévision, mais cela ne garantit pas un revenu à tous. En fait, selon un sondage réalisé en 2023 par l’Institut OnePoll auprès de plus de 2000 streamers, seuls 51% d’entre eux ont réussi à générer des revenus grâce au streaming.

Parmi ceux qui ont réussi à gagner de l’argent, le revenu annuel moyen s’élevait à 1264 $, ce qui équivaut à environ 100 $ par mois, un montant relativement modeste. En créant une nouvelle économie précaire, l’ubérisation du divertissement peut avoir des conséquences profondes sur les travailleurs indépendants qui cherchent à percer dans l’industrie du contenu en ligne. Bien que l’accès à la création de contenu en temps réel soit devenu plus facile que jamais, cela ne vient pas sans son lot de défis. De nombreux petits streamers se retrouvent dans une situation précaire, dépendant largement des dons, des abonnements et des contrats de parrainage pour leur subsistance financière. L’absence de sécurité de l’emploi et la dépendance vis-à-vis de la générosité de leur communauté peut entraîner une instabilité financière constante. La précarité économique est l’une des réalités les plus marquantes de l’ubérisation du divertissement, et elle met en lumière les inégalités financières qui existent entre les créateurs de contenu établis et ceux qui cherchent encore à se faire un nom.

L’impact de Twitch sur les industries du divertissement traditionnel

Twitch ne se limite pas à redéfinir le divertissement en ligne, il exerce également une influence significative sur les industries du divertissement traditionnelles telles que la télévision et le cinéma.

Tout d’abord, l’impact sur les industries traditionnelles est palpable. La popularité croissante de Twitch a entraîné une migration de l’audience des médias traditionnels vers le contenu en direct en ligne. Les émissions de télévision, en particulier les événements sportifs en direct, ont vu leur part d’audience diminuer au profit des streams de jeux vidéo et d’autres contenus en direct sur Twitch. Selon des données récentes, la part d’audience des événements sportifs en direct à la télévision a connu une diminution de 15% au cours des deux dernières années. Cette concurrence inattendue a incité les médias traditionnels à revoir leur stratégie pour rester pertinents dans un paysage médiatique en mutation constante.

De plus, Twitch a radicalement changé les habitudes des consommateurs. Les jeunes générations sont de plus en plus enclines à s’éloigner des médias traditionnels pour se tourner vers des plateformes en ligne, où la personnalisation et l’interaction sont la norme. Les spectateurs préfèrent désormais suivre des streamers qu’ils considèrent comme des pairs plutôt que des célébrités de la télévision. Par exemple, selon une enquête récente, 65% des personnes âgées de 18 à 34 ans préfèrent suivre des streamers sur des plateformes en ligne plutôt que de regarder des célébrités à la télévision. Le plus populaire d’entre eux reste Squeezie avec près de 5 millions d’abonnés. Face à cette nouvelle forme de divertissement, les médias traditionnels ont dû réagir. De nombreuses chaînes de télévision ont commencé à diffuser leurs contenus sur des plateformes de streaming en direct pour atteindre un public en ligne, comme BFMTV ou encore France Télévisions. Certains studios de cinéma ont même expérimenté la diffusion en direct de bandes-annonces et de contenus exclusifs sur Twitch pour créer un engagement plus direct avec les spectateurs. Cette réponse montre que l’industrie du divertissement traditionnelle reconnaît l’importance croissante de Twitch et cherche à s’adapter à cette nouvelle réalité.

Les défis de Twitch : de l’importance de la modération à la santé mentale

L’ascension fulgurante de Twitch n’est pas exempte de défis et de critiques importants, qui mettent en lumière les complexités de cette plateforme. Tout d’abord, les problématiques liées à la régulation du contenu sont devenues un enjeu majeur. Twitch est confronté à la nécessité de maintenir un équilibre entre la liberté d’expression de ses streamers et la nécessité de modérer le contenu pour éviter les discours de haine, la violence, ou d’autres formes de contenus inappropriés.

Les cas de streamers bannis pour des comportements répréhensibles ont suscité des débats sur la modération et la transparence des règles de la plateforme. Cette situation souligne les défis de la modération en ligne et les conséquences potentielles pour les créateurs de contenu dont la liberté d’expression peut être limitée. De plus, les débats sur les questions de droits d’auteur sont récurrents sur Twitch. Lorsque les streamers diffusent de la musique ou utilisent des éléments protégés par des droits d’auteur dans leurs streams, cela peut entraîner des réclamations de droits d’auteur et des sanctions.

La tension entre la création de contenu original et l’utilisation de médias protégés par des droits d’auteur soulève des questions complexes quant à la manière dont les droits de propriété intellectuelle sont appliqués dans cet environnement en évolution rapide. Les streamers peuvent se retrouver confrontés à des problèmes juridiques et à des pertes financières en raison de ces litiges liés aux droits d’auteur, ce qui ajoute une couche de complexité à leur expérience sur la plateforme.

Les défis en matière de santé mentale et de bien-être des streamers demeurent aussi préoccupants. Les streamers passent souvent de longues heures en direct pour satisfaire leur audience, ce qui peut avoir un impact négatif sur leur santé physique et mentale. Les pressions liées à la notoriété, à la performance constante et à la gestion de la vie privée en ligne sont autant de défis auxquels les streamers sont confrontés. Ces défis ne sont pas les seuls problèmes auxquels Twitch doit faire face.

Une conséquence notable de l’ubérisation sur des plateformes comme Twitch est la concentration du pouvoir entre les mains de ces grandes entreprises. Ces plateformes exercent un contrôle considérable sur les créateurs de contenu en dictant les règles du jeu, les algorithmes de recommandation, et les conditions de monétisation. Cette inégalité de pouvoir entre les créateurs et les plates-formes peut avoir des implications majeures, notamment en ce qui concerne la visibilité des créateurs, la répartition des revenus et la suppression de contenu. Les décisions de modération prises par ces plateformes peuvent également soulever des questions sur la censure et la liberté d’expression.

Le futur de Twitch : réalité virtuelle, streaming HD et croissance continue

Malgré les critiques, Twitch présente un avenir prometteur, à condition qu’elle s’adapte aux innovations technologiques et aux tendances émergentes. La réalité virtuelle (RV) et la réalité augmentée (RA) ouvrent des horizons passionnants pour les streamers, offrant la possibilité de créer des expériences encore plus immersives. Imaginez des streamers interagissant avec leur public au sein d’environnements virtuels époustouflants, créant ainsi de nouvelles formes captivantes de divertissement. De plus, les avancées dans la diffusion en continu à haute résolution et à faible latence promettent d’améliorer considérablement la qualité des expériences de streaming, renforçant ainsi l’attrait de Twitch.

En ce qui concerne l’avenir de Twitch et des plateformes similaires, les prédictions pointent résolument vers une croissance continue. Les audiences en ligne ne cessent de croître, et la diversification des contenus proposés sur Twitch contribue à élargir son public. Autrefois principalement axée sur les jeux vidéo, la plateforme s’est métamorphosée en un espace où l’on peut trouver des contenus aussi variés que des performances musicales, des débats en direct, des séances de création artistique et bien plus encore.

Cette diversité offre aux spectateurs la possibilité de découvrir des contenus qui correspondent précisément à leurs centres d’intérêt, une caractéristique rarement présente dans les médias traditionnels, qui ciblent souvent un public plus large et généraliste. Les partenariats stratégiques avec des entreprises de médias traditionnels et la diffusion d’événements en direct d’envergure internationale renforcent encore la position de Twitch en tant qu’acteur incontournable du divertissement en ligne. Ces collaborations favorisent l’accessibilité aux contenus traditionnels sur la plateforme, tout en offrant une expérience interactive aux spectateurs.

En résumé, Twitch incarne l’ubérisation du divertissement à son apogée. Cette plateforme a connu une ascension fulgurante, révolutionnant notre manière de consommer et d’interagir avec le contenu en ligne. Elle est passée du statut de plateforme modeste à celui d’acteur incontournable de l’industrie du divertissement, grâce à des caractéristiques telles que l’accessibilité, la monétisation directe et l’interaction en temps réel. Cependant, Twitch doit également faire face à des défis, notamment la régulation du contenu, les droits d’auteur et le bien-être des streamers. En fin de compte, Twitch offre un aperçu fascinant de l’avenir du divertissement, où l’ubérisation ouvre la voie à une ère d’interactivité, de personnalisation et d’accessibilité accrues, plaçant le public au cœur de la création et de la consommation de divertissement.

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Suite à la dernière chronique de David Cayla, Nicolas Dufrêne lui répond et défend l’émission de monnaie libre comme un moyen de répondre aux enjeux de la reconstruction écologique.

Je remercie David Cayla pour sa critique de mon ouvrage(1) et me réjouis que la revue Le temps des ruptures m’accorde un droit de réponse. Puisque l’auteur m’accuse de « promouvoir de fausses solutions aux naïfs », dont il ne fait évidemment pas partie, je vais à mon tour contester ses affirmations et une certaine propension à avoir une « vision malthusienne » de l’économie qui fait l’impasse sur toutes les réflexions actuelles concernant le rôle de la monnaie dans la transition écologique.

Depuis plusieurs années, je fais en effet partie de ceux (aux côtés d’éminents économistes comme Gaël Giraud, Alain Grandjean, Jean-Michel Servet, Jézabel Couppey-Soubeyran, etc…) qui portent des propositions originales dans le débat public concernant le financement monétaire des dépenses publiques, notamment par l’émission de monnaie libre (c’est-à-dire libre de dettes). Nous faisons également l’analyse en profondeur de notre rapport à la dette et des modalités de financement de la reconstruction écologique. C’est l’objet de mon dernier ouvrage(2). Comme toute idée neuve, il est normal que ces réflexions suscitent des discussions et des critiques, surtout qu’elles heurtent la pratique traditionnelle de la finance, et c’est un plaisir de les expliquer et d’en débattre rationnellement.

David Cayla, nous dit dans son texte : « En économie, on peut raisonner à plusieurs niveaux en étudiant les flux « monétaires », les flux « financiers » ou les flux « réels ». Les flux réels sont constitués des biens et des services que nous produisons et que nous échangeons. C’est ce qu’on appelle la richesse. Quant à la monnaie, elle représente et elle quantifie la richesse, mais elle n’en est pas elle-même. En effet, elle n’a de valeur que dans la mesure où elle peut être convertie en richesses réelles ». Dans cette vision traditionnelle, de l’économie (puisqu’on l’enseignait ainsi au XIXe siècle), la monnaie n’est qu’un voile, elle est « neutre », elle ne sert qu’à échanger des biens et des services.

La réalité est toute autre, en témoignent les écrits de Keynes dans lesquels il considère que  sans l’avance monétaire que représente le crédit, la création de « richesses » ne peut pas s’opérer aussi efficacement, encore moins dans les sociétés modernes. Il y a une interaction constante entre les flux monétaires et les flux réels : ils ne sont pas séparés, comme le suggère Cayla, ils sont en interdépendance constante. On le sait depuis longtemps : Rosa Luxemburg disait par exemple que « la reproduction capitaliste jette, dans les conditions d’une accumulation toujours croissante, une masse toujours plus considérable de marchandises sur le marché. Pour mettre en circulation cette masse de marchandises de valeur croissante, une quantité de plus en plus considérable d’argent est nécessaire. Cette quantité croissante d’argent, il s’agit précisément de la créer »(3). Ainsi Cayla explique que « Ni l’économie ni la monnaie ne sont « magiques ». Tout ce qui est vendu et consommé est nécessairement le résultat d’une transformation productive », il oublie tout simplement que la transformation productive repose nécessairement sur l’acte « magique » de création monétaire, c’est-à-dire en fait sur la capacité du secteur bancaire à créer de l’argent ex nihilo, sur le fondement d’écritures comptables. Vouloir séparer flux financiers, monétaires et réels, c’est méconnaitre le fonctionnement de l’économie contemporaine qui les lie étroitement à chaque instant.

Cayla nous dit ensuite « Dans une économie, la richesse réelle a différents usages. Elle peut être consommée ou investie ». On se perd un peu puisque l’auteur vient justement de nous expliquer que la richesse réelle était représentée par les marchandises et les services. Or, si l’on peut consommer une marchandise, on ne peut pas l’investir. On investit les revenus qui sont procurés éventuellement par cette marchandise, pour en acquérir d’autres ou pour obtenir des services. Vendre des biens et des services est en effet un moyen d’acquérir de la monnaie qu’on peut réinvestir dans d’autres biens et services, ou épargner. Mais il existe un autre usage : emprunter. C’est le rôle de la création monétaire que Cayla oublie dans son raisonnement. Cela le conduit à commettre un contresens quand il écrit : « À moins de penser que les ressources naturelles et le temps de travail soient illimités, ce qui est absurde, on ne peut pas à la fois augmenter l’investissement et la consommation. De fait, augmenter la masse monétaire ne changera pas les données de cette équation ». Bien au contraire : augmenter la masse monétaire permet justement d’activer des ressources inemployées (des chômeurs par exemple ou de nouvelles activités) qu’on ne finançait pas auparavant. Sans révolution du crédit, il n’y aurait tout simplement pas eu de révolution industrielle. C’est la base de la théorie keynésienne dont on ne sait plus très bien si Cayla se revendique encore.

Ce qui est plus grave, de mon point de vue, c’est que cela le conduit à une vision malthusienne de l’économie, notamment quand il parle de la transition écologique : « le problème est que toutes les ressources qui seront consacrées à produire davantage de biens d’investissements ne pourront être utilisées pour produire des biens de consommation ». Or, si l’on ne peut que souhaiter une réduction de notre consommation ostensible et inutile, dire que l’on ne peut faire de l’investissement qu’au détriment de la consommation est un non-sens absolu. Toute l’histoire économique du XXème siècle a été celle d’un développement simultané de la consommation et de l’investissement, sans quoi nous n’aurions pas ce grave problème d’empreinte humaine sur la planète aujourd’hui. Si l’on ne pouvait financer l’investissement que par une baisse de consommation, et vice-versa, notre économie serait en état stationnaire, ce qui fait que le problème pour l’environnement serait certainement bien moindre.

L’économie, contrairement à ce que semble penser David Cayla, n’est pas un gâteau de taille fixe que l’on se partage entre investissement et consommation (sauf dans la théorie classique du XIXe siècle). La création monétaire permet d’augmenter simultanément les deux en introduisant une avance monétaire sur la base de biens ou de services qui n’existent pas encore. À l’inverse, la raréfaction du crédit conduit à un effondrement de la capacité à créer des biens et des services. Aussi quand Cayla affirme que « À moins de penser que les ressources naturelles et le temps de travail soient illimités, ce qui est absurde, on ne peut pas à la fois augmenter l’investissement et la consommation », il semble ne pas considérer que c’est exactement ce que l’on fait en pratique depuis plus d’un siècle. Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant, bien évidemment, qu’une extension illimitée et irresponsable de la consommation est souhaitable.

Cette vision malthusienne conduit notre analyste à une autre affirmation que je crois dangereuse. Cayla nous explique en effet que puisque la croissance est atone, et puisqu’il faut nécessairement, choisir entre l’investissement et la consommation, alors « pour s’assurer que les investissements soient réalisés le plus rapidement possible, il faudra réorienter des ressources productives de la consommation vers l’investissement. Cela se traduira, sur le plan monétaire, par une baisse des revenus et du pouvoir d’achat des ménages ». Autrement dit, la transition écologique ne pourra se faire que dans la souffrance, par la baisse des revenus et du pouvoir d’achat des ménages, pour privilégier l’investissement. Une telle affirmation est non seulement fausse mais dangereuse au regard de ce qu’elle implique comme vision économique et sociale, qui est une vision sacrificielle. Elle est fausse car, contrairement à ce que semble croire Cayla, une consommation faible signifie un faible investissement (Keynes encore et toujours). Elle est dangereuse car, bien au contraire, des ménages aux revenus en berne, avec un pouvoir d’achat amputé, ne pourront pas acheter de véhicules électriques, rénover leur logement, manger plus sainement (du bio) ou acquérir des produits plus responsables. Ils continueront d’acheter les produits les moins écologiques, les moins chers et les plus polluants. C’est l’exact inverse qu’il faut prôner : il faut aider à l’investissement des entreprises dans la transformation de leur appareil de production, y compris par le biais de subventions directes, tout en aidant les ménages, par des aides ciblées et par une augmentation de leurs revenus, à rénover leur logement, à acquérir des véhicules propres et à manger mieux. Et à côté de cela, il faut édicter les réglementations nécessaires pour que disparaisse la propension au moins-disant social et écologique.

Et c’est justement à tout cela que la création monétaire libre et ciblée que je recommande peut aider. Car réussir la transition suppose des investissements privés et publics gigantesques. En France, la première estimation complète et précise de ces investissements supplémentaires, avant le rapport Pisani-Ferry, a justement été produite, en 2022, par l’Institut Rousseau que je dirige(4).  Nous avions montré qu’il fallait investir pas loin de 2 % du PIB en plus chaque année, dont 57 % environ devait reposer sur de l’investissement public, seul à même de compenser les failles de marché. Or, pour que cet investissement ne se traduise pas par une pression accrue sur la dette (déjà importante, plus encore pour la dette privée que pour la dette publique), ou par une politique d’austérité, une monnaie libre de dettes, créée par la banque centrale, selon des voies et dans des volumes définis démocratiquement, serait parfaitement adaptée.

Mais Cayla s’en offusque : « Puisque la création monétaire est susceptible de financer tout ce dont nous avons besoin, et puisqu’on peut créer de la monnaie sans limite et autant qu’on le juge nécessaire, alors laissons le Parlement financer tout ce dont rêve la gauche ». Notons déjà que Cayla ne semble pas choqué par le fait que le Parlement ait perdu tout pouvoir monétaire et que les banques centrales soient indépendantes du pouvoir politique mais dépendantes des marchés financiers. Ce n’est pas mon cas : je pense que la monnaie est un bien commun et que la démocratie ne peut pas en être exclue. L’indépendance des banques centrales a conduit à les figer dans une posture d’immobilisme, entièrement tournée vers la lutte contre l’inflation, qui devient un obstacle tant dans le financement des dépenses publiques que dans celui de la transition écologique, puisqu’il est devenu manifeste que les opérations de la banque centrale, en vertu du principe de « neutralité monétaire » ont participé à financer massivement des actifs fossiles plutôt que des actifs verts. Dans un précédent ouvrage écrit avec Alain Grandjean « Une monnaie écologique », nous avions ainsi formulé une quinzaine de propositions concrètes et opérationnelles pour mettre la politique monétaire au service de la transition écologique.

Quant à la création monétaire, le bilan de la BCE a augmenté de plus de 6000 milliards d’euros en moins de dix ans. Or, d’où vient donc cet argent ? A-t-il été levé par l’impôt ? Evidemment non. A-t-il été emprunté ? non plus. Il a bien été créé ex nihilo par la banque centrale. Plus encore : quand la banque centrale du Japon achète des ETF (c’est-à-dire des actions) sur les marchés, il n’y a pas de dette en échange, c’est de la création monétaire pure. Idem quand la BCE a créé plus de 143 milliards d’euros en 2023 pour rémunérer les réserves excédentaires des banques. Cet argent n’est ni plus ni moins qu’une subvention financée par création monétaire « libre » comme de nombreux économistes l’ont fait remarquer(5). Au lieu de subventionner les banques grâce au pouvoir de création monétaire de la BCE à hauteur de 143 milliards d’euros, n’aurait-il pas mieux valu utiliser ce pouvoir pour financer la transition écologique ?

David Cayla ne semble pas comprendre que la question n’est pas de savoir si l’on peut faire de la création monétaire libre de dettes car on en fait déjà, au profit des marchés financiers. La question est de savoir à qui doit profiter ce pouvoir ? Pour ma part, je prône depuis longtemps qu’il doit profiter à la transition écologique, aux activités non rentables, plutôt que d’être dirigé vers le « trou noir monétaire » des marchés financiers.

David Cayla m’accuse ensuite d’avoir trouvé le Graal, une solution simpliste à laquelle personne n’avait pensé : « Le plus étrange dans cette affaire est que ce soit un non-économiste qui révèle le pot-au-rose. La conjuration des économistes aurait-elle empêché l’humanité de se libérer de la dette de manière définitive alors que la solution était évidente ? Émettre de la « monnaie sans dette », de la « monnaie libre » ». Vouloir disqualifier les propos de quelqu’un sur sa qualité professionnelle n’est pas très fairplay, surtout quand la personne en question a travaillé plus de dix ans à la commission des finances de l’Assemblée nationale, et travaille depuis plus de quinze ans sur les questions monétaires.

Mais surtout David Cayla semble réellement mal informé concernant la littérature monétaire. Ainsi, en 1960, les économistes américains John G. Gurley et Eduard S. Shaw avaient nommée outside money(6) ce que je nomme monnaie libre, pour la distinguer de l’inside money, celle qui est émise en contrepartie d’une dette et qui est donc endogène (au sens où elle est conditionnelle à la demande de crédit). Milton Friedman invoqua la possibilité d’une « monnaie hélicoptère » dans les années 60, c’est-à-dire une distribution gratuite d’argent à tous les citoyens financée par la banque centrale (je précise n’y être pas favorable car cela ne modifie pas les formes de l’activité économique contrairement à la monnaie libre et ciblée que je propose et désigne sous le nom de « monnaie émancipatrice »). Si l’on remonte aux années 30, l’école de Chicago poussait aussi la banque centrale à piloter la masse monétaire sans dette, et plus récemment avec le débat sur la « monnaie pleine » en Suisse (voir les travaux de Jean-Michel Servet), qui conduirait à donner à la banque centrale le soin de piloter la masse monétaire. Quand on ne connaît pas la genèse d’une idée, il vaut mieux la railler avec prudence.

David Cayla explique ensuite que j’aurais une vision tronquée, imaginant que la création monétaire permettrait seule de résoudre tous les problèmes, voire de « se passer de travail puisque l’argent, qu’on peut créer de manière illimitée, travaillerait pour nous ». C’est n’avoir rien compris à ce que je propose. Émettre de la monnaie sans dette, c’est justement libérer le potentiel de travail de l’humanité. Cela revient à financer des emplois et des activités non rentables qui aujourd’hui ne le sont pas par le marché. Prenons un exemple : la protection des forêts et des milieux humides ne rapporte quasiment rien, en revanche leur exploitation et leur dégradation (notamment de la forêt) peut rapporter beaucoup, car cela est rémunéré par le marché. Par conséquent, émettre de la monnaie sans dette c’est pouvoir payer les personnes et les investissements nécessaires pour protéger ces milieux. En outre, il ne s’agit pas de créer de la monnaie pour tout, sans distinction, mais de le faire de manière ciblée, là où c’est utile et nécessaire.

On notera au passage que la pression sur le remboursement des dettes conduit à une pression constante sur l’exploitation des ressources naturelles. Ce mécanisme joue d’ailleurs à plein dans les pays en développement surendettés, qui tendent à exploiter au maximum les ressources naturelles qu’ils ont, quitte à les dégrader sévèrement, sous la pression des créanciers internationaux.

C’est d’ailleurs pour cela qu’on voit apparaître des propositions d’annulation de dettes (c’est-à-dire de monnaie libre par conséquent) en échange de la sauvegarde d’écosystèmes (debt for nature swaps) ou à imaginer une rémunération en DTS (qui est par nature une monnaie sans dette) pour les pays qui sauvegarderaient leur environnement (comme nous l’avions d’ailleurs proposé avec Alain Grandjean dans Une monnaie écologique). Mais Cayla nous expliquera sûrement que tout ceci relève également de « fausses solutions pour naïfs ». Personnellement, je crois sincèrement, et nous sommes de plus en plus nombreux à y croire, qu’on viendra tôt ou tard à la « monnaie émancipatrice » que je défends dans mon livre, quand on aura compris que le seul mode de création monétaire par la dette est un cercle sans fin qui travaille contre lui-même.

Références

(1)https://letempsdesruptures.fr/index.php/2023/11/17/peut-on-financer-la-transition-ecologique-par-lemission-de-monnaie-sans-dette/

(2)Nicolas Dufrêne, La dette au XXIe siècle, comment s’en libérer ?, Odile Jacob, octobre 2023.

(3)Rosa Luxemburg, L’accumulation du capital, Maspero, 1972, tome I, p. 138-139

(4) https://institut-rousseau.fr/2-pour-2c-resume-executif/

(5)https://cepr.org/voxeu/columns/monetary-policies-do-not-subsidise-banks

(6)Money in a Theory of Finance (avec un appendice mathématique d’Alain Enthoven), Washington DC, Brookings Institute, 1960. 

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Le Parlement européen s’alarme de la dépendance de l’UE vis-à-vis de la Chine en matière d’infrastructures critiques

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Le mercredi 17 janvier, les eurodéputés ont voté deux résolutions relatives à l’influence croissante de la Chine sur un certain nombre d’infrastructures critiques au sein de l’Union (transports, ports, réseaux télécoms, métaux rares, câbles sous-marins…)

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Le vote du parlement européen concernait notamment une résolution invitant la Commission européenne et les États membres à élaborer une stratégie portuaire. « En développant son influence dans les ports européens, la Chine a la possibilité d’avoir une influence sur nos politiques et d’avoir une influence également sur le commerce des matières rares (1)», indique son rapporteur.

Il concernait également le rapport du groupe Renew Europe déposé le 11 décembre 2023 relatif aux effets en matière de défense et de sécurité de l’influence de la Chine sur les infrastructures critiques des Etats de l’Union. Comme indiqué sur le portail de l’Intelligence économique « L’analyse de ce « rival systémique et concurrent » souligne comment la stratégie de fusion militaro-civile (MCF) mise en place par Pékin cible les technologies de pointe. La Chine cherche ainsi à éliminer les barrières entre la recherche civile et les secteurs commerciaux, industriels et de défense. Parmi les technologies ciblées, on retrouve l’informatique quantique, le big data, les semi-conducteurs, la 5G, les technologies nucléaire et aérospatiale avancées, ou encore l’intelligence artificielle. (2)»

La stratégie chinoise en matière de fusion militaro-civile

Le rapport du groupe Renew Europe souligne la nécessité de comprendre la stratégie chinoise de fusion militaro-civile (c’est-à-dire l’alignement des intérêts commerciaux des entreprises privées chinoises sur les intérêts économiques mais également politico-militaires du Parti communiste chinois) dans un contexte géopolitique plus large.

Cette stratégie est effectivement connectée à d’autres initiatives : les nouvelles routes de la soie bien sûr, mais également la route de la soie numérique (y compris « Made in China 2025 » et « China Standards 2035 »), l’initiative pour la sécurité mondiale et la stratégie de circulation duale.

Ainsi,le dessein final de cette stratégie de fusion militaro-civile est, selon les rapporteurs, de répondre à l’objectif stratégique de long terme du parti-Etat chinois : « faire de la Chine la première puissance mondiale sur les plans de l’influence politique, des capacités économiques, de la suprématie technologique et de la puissance militaire et déstabiliser l’ordre mondial ».

Les agences de renseignement des différents Etats de l’Union ont par ailleurs alerté à de multiples reprises sur les risques de dépendance, d’espionnage et de sabotage inhérents à la présence d’entités chinoises (mais pas uniquement) dans les infrastructures et les secteurs stratégiques de l’UE.

Nombreuses sont les pressions politiques émises par le pouvoir chinois, et subies par les acteurs économiques et politiques européens, pour l’approbation d’investissements dans les infrastructures critiques. La participation de l’entité chinoise COSCO dans le port de Hambourg est à cet égard symptomatique.

Quelles sont les conséquences de la stratégie chinoise de fusion militaro-civile ?

A travers ces investissements dans des infrastructures critiques, la Chine vise à accroître la dépendance économique de l’Union. Les rédacteurs du rapport exhortent par conséquent le Parlement européen et la Commission à renforcer la surveillance réglementaire et à « introduire des vérifications spécifiques des antécédents des personnes physiques et morales ayant des liens directs avec le gouvernement chinois ».

La diversification des sources d’approvisionnement en minéraux bruts critiques et terres rares à travers des partenariats stratégiques avec des pays tiers autre que la Chine représente également une nécessité selon les rapporteurs.

Développer une « boîte à outils » européenne afin de répondre aux préoccupations en matière de sécurité et de défense

L’un des piliers de la stratégie d’autonomisation de l’UE vis-à-vis de la Chine en matière de technologies et infrastructures critiques n’est autre que le réseau d’instituts de recherches et d’installation de R&D. Ces instituts jouent effectivement un rôle de premier plan dans le respect des engagements pris en matière de transition écologique, numérique mais également en matière de défense spatiale.  

Lucides quant à la situation de leadership de la Chine dans un certains nombres de technologies critiques utilisées dans des secteurs comme la 5G, les batteries, les missiles hypersoniques, l’énergie solaire et éolienne, les rapporteurs demandent aux institutions européennes de procéder à un examen systématique des entreprises chinoises « bénéficiant directement ou indirectement de programmes européens d’importance stratégique pour l’UE et, le cas échéant, de mettre fin à leur participation. »

La dépendance de pays de l’UE sur certaines infrastructures est, à bien des égards, alarmante : 100 % du réseau RAN 5G de Chypre est composé d’équipements chinois, le chiffre est de 59 % pour l’Allemagne.

Le rapport souligne également les dangers inhérents à l’application TikTok, qui ne respecte pas le cadre européen de protection de la vie privée, et constitue un instrument redoutable de désinformation à grande échelle.

Si les récentes mesures législatives visant à renforcer l’autonomie d’entités critiques, comme les ports, de l’UE sont saluées, les eurodéputés souhaitent néanmoins que la Commission partage avec le Parlement (avant la fin de la législature) une analyse détaillée de l’ensemble des risques commerciaux liés aux technologies telles que « les semi-conducteurs, l’informatique quantique, les chaînes de blocs, l’espace, l’intelligence artificielle et les biotechnologies. »

Les risques d’ingérences dans les marchés publics relatifs aux équipements de sécurité ne font malheureusement pas l’objet d’un contrôle adéquat. Comme c’est le cas dans le cadre du contrat passé par l’aéroport de Strasbourg avec la filiale européenne de la société chinoise Nuctech (détenue en partie par le gouvernement chinois) pour l’installation de scanners et portiques de sécurité.

Les députés ont émis les demandes suivantes :

– la mise en place d’un mécanisme de réaction rapide de détection du double usage ou de l’usage abusif d’infrastructures dans l’UE « sous propriété, participation ou concession chinoise, qui pourrait être utilisé pour mettre fin aux droits de concession et/ou suspendre la capacité du domaine dans les cas de propriété et de participation »

– La mise en œuvre de nouvelles mesures en matière de sécurisation des chaînes de production et approvisionnement des infrastructures et matériaux critiques

– L’élaboration d’un nouveau cadre législatif visant à réduire les risques de sécurité relatifs aux fournisseurs de systèmes de câble sous-marins

Etendre les mesures européennes aux partenaires et aux voisins de l’UE

Les députés européens invitent enfin la Commission à étendre les mesures prises en faveur de l’autonomie stratégique de l’UE vis-à-vis de la Chine aux pays partenaires de l’UE et faisant partie de sa politique de voisinage.  

Références

(1) https://agenceurope.eu/fr/bulletin/article/13330/13

(2) https://www.portail-ie.fr/univers/influence-lobbying-et-guerre-de-linformation/2024/les-infrastructures-critiques-europeennes-gangrenees-par-la-strategie-de-fusion-militaro-civile-chinoise/

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Anticor, l’association française engagée dans la lutte contre la corruption, fait face à un nouveau moment critique. Le gouvernement a décidé de ne pas renouveler son agrément alors qu’il avait jusqu’au 26 décembre pour le faire. Un sésame crucial qui lui permet pourtant d’intervenir comme partie civile dans les affaires judiciaires de corruption.

Cet agrément, qui confère à l’association un statut juridique particulier, est indispensable pour son action directe contre les abus de pouvoir et la corruption en France. Sans lui, l’efficacité d’Anticor dans le système judiciaire est significativement réduite, impactant ainsi sa capacité à promouvoir la transparence et l’intégrité au sein des institutions.

Depuis sa fondation en 2002, Anticor s’est affirmée comme une force majeure dans la révélation d’affaires de corruption en France. Ses actions ont permis de mettre en lumière des affaires importantes, contribuant ainsi à lutter contre l’impunité : les sondages de l’Élysée, les concessions autoroutières, et plus récemment l’affaire Dupond-Moretti. Sa capacité à agir comme partie civile dans les procès pour corruption repose sur son agrément. Ce statut lui permet de jouer un rôle crucial dans la lutte contre la corruption, en portant devant la justice des cas où les pouvoirs publics peuvent être réticents ou lents à agir. L’agrément d’Anticor est donc un outil essentiel pour assurer la transparence et la responsabilité dans la gouvernance publique.

La décision du gouvernement de ne pas renouveler l’agrément d’Anticor a suscité une réaction forte de la part de sa présidente, Élise Van Beneden, et de son avocat, Vincent Brengarth. Madame Van Beneden a exprimé sa déception face à cette décision, la considérant comme un signe de l’agacement du gouvernement envers les actions d’Anticor. Brengarth a qualifié cette décision de « pied de nez fait à la lutte contre la corruption » et de « cadeau de Noël aux corrupteurs ». Ils interprètent ce refus comme un obstacle majeur à leur mission cruciale de surveillance et de combat de la corruption en France.

Anticor ne se laisse pas décourager pour autant et envisage de contester cette décision. L’association cherche à prouver qu’elle remplit tous les critères nécessaires pour obtenir cet agrément. Cette démarche vise à défendre son droit à intervenir efficacement dans les affaires judiciaires de corruption, un rôle qu’elle considère comme fondamental dans la lutte contre la corruption en France.

Ce refus de renouvellement soulève également des questions cruciales sur la transparence et l’intégrité de la gouvernance dans le pays. Cette décision met en lumière les obstacles rencontrés par les organisations indépendantes dans leur mission de lutte contre la corruption. Elle souligne également l’importance de la vigilance et de l’engagement continu dans la protection de l’éthique et de la probité au sein des institutions publiques, un enjeu majeur pour le maintien d’une démocratie saine et responsable.

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Dans une période où la politique éducative néo-libérale Macron/Attal s’engouffre dans une spirale d’une école de l’entre-soi, de l’individualisme et de la compétition, nous devons examiner les leviers qui doivent permettre à l’École de la République de lutter efficacement contre les inégalités pour mieux garantir une démocratisation de la réussite scolaire aujourd’hui encore réservée à quelques-uns.

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Trois thématiques apparaissent comme essentiels et nécessitent à la fois un véritable changement de paradigme ajouté à un courage politique jusqu’alors trop timide : la mixité sociale et scolaire, l’éducation prioritaire et la reconnaissance des personnels d’éducation.

L’indispensable mixité sociale et scolaire

Si l’objectif de mixité sociale et scolaire est bien inscrit dans l’article 1 de la loi de Refondation de l’Ecole de 2013, seules quelques expérimentations ont été financées conjointement par l’État et les collectivités territoriales.

Or le constat est éloquent : 12% des élèves fréquentent un établissement qui accueille 2/3 d’élèves issus de milieux socialement très défavorisés. En classe de 3ème au collège, 45% des établissements pratiquent une ségrégation active et 25% des formes de séparatisme social. L’enseignement privé -qui perçoit des subventions publiques pour la majorité d’entre eux- scolarise 36,7% d’élèves d’origine sociale favorisée contre 20,6% dans le public.

Alors que l’importance de la mixité sociale et scolaire pour tous les élèves n’est plus à démontrer, la persistance d’une ségrégation sociale et scolaire entre établissements, entre les classes d’un même établissement et entre public et privé -du fait même de l’État- alimente quotidiennement un entre soi qui reproduit les inégalités et entrave toute démocratisation de la réussite.

 Plus que jamais les expérimentations destinées à améliorer la mixité sociale et scolaire -comme celle de Toulouse- doivent être développées et soutenues, les questions de carte scolaire doivent être revisitées pour un meilleur équilibre en intégrant notamment les établissements privés financés à 73% sur des fonds publics sans être à ce jour soumis aux mêmes obligations d’accueil que l’enseignement public.

Le protocole d’accord signé le 17 mai dernier entre le Ministre Pap N’Diaye -prédécesseur de Gabriel Attal- et Philippe Delorme pour l’enseignement catholique reste de portée très symbolique et peu contraignante alors que des mesures auraient pu être proposées comme vient de le confirmer un récent rapport de la Cour des Comptes sur l’enseignement privé sous contrat : renforcement du contrôle administratif, financier et pédagogique, instauration de critères pour moduler les moyens financés accordés, mise en place de contrats d’objectifs et de moyens entre les établissements privés, l’Etat et les collectivités…

En renonçant à traiter au fond cette question de la mixité sociale et scolaire, le Ministre Gabriel Attal et le Président Macron –qui ne s’exprime jamais sur le sujet-entretiennent de fait une rupture d’égalité entre les élèves, rupture contraire aux principes élémentaires d’une école qui veut se dire toujours républicaine.

L’éducation prioritaire doit être…une priorité

Au risque de déplaire aux contempteurs du « donner plus à ceux qui ont moins », rappelons ici que sans les dispositifs d’éducation prioritaire installés depuis 1981, la situation des inégalités scolaires et de réussite des élèves dans les quartiers concernés seraient bien plus grave qu’elle ne l’est aujourd’hui, dans un environnement socio-économique qui s’est dégradé sur de nombreux territoires.

Pour autant, ces inégalités ne vont pas en diminuant et les écarts se creusent entre ceux qui réussissent et ceux qui sont en grandes difficultés, faute d’un investissement massif -plutôt qu’un saupoudrage inefficace- dans trois domaines au moins qui impactent durablement les apprentissages et la réussite des élèves.

  • La santé :

Comment réussir sa scolarité en REP -Réseau d’Education Prioritaire- quand les enfants de 6 ans qui y vivent ont deux fois plus de problèmes dentaires, d’audition et d’obésité que dans les écoles hors-REP ? Comment réussir sa scolarité quand les enfants de ces quartiers ont en moyenne 30% de problèmes de vue en plus que la moyenne hors éducation prioritaire ?

Comment prétendre à une école « inclusive » dans ces quartiers prioritaires quand le ministre Blanquer prédécesseur de Gabriel Attal a refusé le versement de la prime REP/REP+ aux personnels les moins rémunérés que sont les Accompagnants des Elèves en Situation de Handicap –AESH- ?

La médecine scolaire -médecins, infirmières- doit être omniprésente dans ces établissements afin de permettre dès l’école maternelle une prévention médicale de tous les instants, un véritable travail en lien avec les équipes éducatives, les familles et les structures de soins dans les quartiers.

  • Des financements à la hauteur des enjeux :

Cessons de rabâcher l’antienne éculée selon laquelle « l’éducation prioritaire, ça coûte cher ». Et rappelons que par exemple, à effectifs identiques, un collège en éducation prioritaire peut avoir une masse salariale inférieure à celle d’un centre-ville du fait du nombre important de jeunes enseignants en début de carrière dans les établissements en REP ou REP+.

De la même manière peut-on continuer à accepter que l’État finance en moyenne 18,80 euros par élève en éducation prioritaire pour l’accompagnement éducatif et dans le même temps 45 fois plus pour un élève qui prépare les concours en classe préparatoire ? –rapport de la Cour des Comptes de 2016- .Il est grand temps que les responsables politiques tournent le dos à une politique de saupoudrage  en mettent en place une véritable politique de financement massif  et pérenne sur ces secteurs les plus en difficultés.

  • La scolarisation des enfants de 2 ans :

Véritable lieu d’éducation, de socialisation, de construction de la citoyenneté fondée sur les valeurs de solidarité, de coopération et de responsabilité, l’école maternelle dès l’âge de 2 ans permet à chaque enfant de développer ses potentialités, de construire ses connaissances et compétences, face à des inégalités comme celle de l’acquisition du langage : à 4 ans, un enfant défavorisé a entendu 30 millions de mots de moins qu’un enfant de famille aisée.

Le quinquennat Macron-Blanquer rue de Grenelle a drastiquement réduit la scolarisation des enfants de moins de trois ans, la faisant passer de 11,6% en 2017 à 9,4 % en 2020. Plus grave encore : la mise en place de l’instruction obligatoire à 3 ans va définitivement éradiquer la scolarisation des enfants de 2 ans, faute de postes budgétaires et de moyens des collectivités qui, dorénavant, vont devoir financer la maternelle privée pour les 3 ans.

Dans ce contexte, il nous faut réaffirmer plus que jamais que le temps passé à l’école maternelle a une incidence positive sur la scolarité ultérieure des enfants, ce que démontrent bon nombre d’études.

En remettant en cause la scolarisation des enfants de moins de trois ans, l’actuel gouvernement s’en prend également à un principe éducatif majeur : celui de l’universalité d’accès à l’éducation. À l’école maternelle, la prise en charge des enfants est gratuite pour toutes les familles, installant ainsi un principe d’universalité d’accès encore reconnu aujourd’hui. L’école maternelle accueille tous les enfants, quels qu’ils soient, où qu’ils soient, sans condition de revenu ou d’insertion professionnelle des parents.

En même temps qu’elle marque la reconnaissance pleine et entière de l’école maternelle au sein de notre service public d’enseignement, le maintien et le renforcement de la scolarisation des enfants de deux ans constitueraient une mesure essentielle et un levier majeur dans la lutte contre les inégalités, pour la réussite de tous les élèves.

Reconnaître les enseignants, piliers de notre République

Sans eux, rien ne sera possible : reconnaître les enseignants à leur juste place au cœur de notre projet de société, c’est à la fois les former, revaloriser leur fonction et c’est aussi leur faire confiance en tant que pédagogue.

  • Une formation initiale et continue digne de ce nom :

Tant qu’on ne comprendra pas qu’enseigner, plus qu’une vocation, est un métier qui nécessite des professionnels de très haut niveau, nous ne parviendrons pas à faire de l’école un levier dans la lutte contre les inégalités.

N’oublions jamais, comme le soulignent régulièrement les études de l’OCDE, que les systèmes éducatifs performants sont ceux dont les enseignants ont bénéficié de longs stages pratiques de formation initiale et qui, par la suite, ont pu bénéficier d’une formation continue importante basée sur les besoins des équipes pédagogiques.

Plutôt que de stigmatiser injustement et à mots couverts la responsabilité des enseignants face à la perte d’heures d’enseignements liées à leur formation pour mieux justifier de l’organiser hors temps scolaire, le ministre gagnerait à s’interroger sur le manque de moyens de remplacements pour une grande part liée au niveau de salaire, aux conditions de travail et …. à l’absence de formation.

Inadéquation entre les outils disponibles et les attentes des enseignants, manque d’attractivité des missions des formateurs, apport insuffisant de la recherche en éducation, nécessité de mise en œuvre de formations locales en déléguant des moyens sur le terrain aux équipes pédagogiques … Autant d’urgences qui, en n’étant pas traitées, participent d’une nouvelle atteinte au statut même des enseignants.

  • Des salaires décents et attractifs :

Le constat est aujourd’hui connu : après 15 ans de carrière, les enseignants français du premier degré sont payés 14% de moins que les autres de l’OCDE et ceux du second degré 20% de moins. Autre constat : 70 % des professeurs des écoles et 50 % des certifiés gagnent moins de 2 500 euros nets, primes et heures supplémentaires comprises.

L’instabilité des équipes éducatives, souvent liée aux difficultés d’exercice, au manque d’attractivité des postes, impacte fortement la réussite des élèves avec des absences d’enseignants plus nombreuses et moins bien remplacées, de nombreux contractuels et de jeunes enseignants moins expérimentés nommés sur des postes non pourvus.

Il y a donc urgence à permettre une rémunération digne dès le début de carrière et à augmenter fortement la rémunération des enseignants mais aussi de tous les personnels au contact d’élèves (professeurs, Conseillers Principaux d’Education, personnels médico-sociaux…). Redonner confiance et permettre aux métiers de l’enseignement et de l’éducation de redevenir attractifs quand le nombre de démissions a triplé en dix ans, c’est aussi placer la question de la revalorisation des personnels au cœur des enjeux éducatifs.

En ce sens le fameux « Pacte » du gouvernement Macron-Attal annoncé à grands renforts de communication constitue un formidable renoncement.

Délaissés, dévalorisés, déconsidérés, nos enseignants attendaient à juste titre une revalorisation conséquente, sur la base d’une promesse présidentielle d’augmentation immédiate de 10% pour tous les enseignants et sans missions supplémentaires.

Après s’être transformée en hausse « moyenne » de 10% par rapport à 2020, incluant de surcroît d’anciennes primes mais également le gel du point d’indice, l’augmentation finale appelée « socle » sera de 5.5% en septembre 2023 quand 70% des enseignants auront une augmentation limitée à 95 euros, soit une hausse inférieure à 4% qui ne compensera pas les pertes de pouvoir d’achat subies depuis le début de l’année 2023.

A ce « socle » vient s’ajouter le fameux « pacte », ensemble de nouvelles missions qui, sous forme de « briques », aggravent les charges de travail, les inégalités femmes/hommes, le clivage premier /second degré, ignorant par ailleurs la prise en compte de tâches supplémentaires que font les enseignants -professeurs principaux, accueil des enfants en situation de handicap… – , laissant ainsi sous – entendre que les enseignants disposeraient de suffisamment de temps libre pour s’adonner au « travailler plus pour gagner plus » du quinquennat Sarkozyste.

Comment ne pas faire le lien entre ce nouvel affront fait aux enseignants et la faillite du « choc » d’attractivité » qui voit cette année encore le nombre de candidats aux concours de recrutements chuter de 30% pour le premier degré et de 18% pour le second degré par rapport à 2021 ? Comment s’étonner que faute de candidat.es les inscriptions épreuves aux concours de recrutements 2024 aient été reculées ?

Re-légitimer nos enseignants, c’est aussi les rémunérer à la hauteur de l’importance de leurs missions.

  • Les enseignants sont des pédagogues :

La mainmise du ministre Blanquer sur la liberté pédagogique des enseignants via la diffusion de guides (« petits livres orange »), les réformes descendantes du ministre sans concertation ni consultation ont été relayées par Gabriel Attal qui dans le même esprit, suite aux récents résultats PISA 2022, vient de décider d’appliquer dans les écoles la « méthode de Singapour » en mathématiques.

Valoriser et mutualiser les projets pédagogiques innovants, donner du temps de concertation pour le travail en équipe, permettre les expérimentations, co-construire les réformes avec les personnels et leur donner du temps pour se les approprier au bénéfice des élèves : autant de pistes qui redonneront aux enseignants une légitimité pédagogique sans laquelle l’Ecole ne pourra sérieusement lutter contre les inégalités.

Mais au-delà de la question salariale, de la formation et de la pédagogie, nous assistons bel et bien à une véritable perte de sens du métier et de la place des enseignants au cœur de notre société. 

Quelle vision de l’École pour aujourd’hui et pour demain ? Quel sens donner à la « réussite scolaire » quand, par exemple, la réforme du lycée professionnel consiste d’abord et avant tout à diminuer les enseignements fondamentaux pour amener les jeunes à pourvoir le plus tôt possible des emplois dont le patronat a besoin mais sans les préparer à évoluer dans un monde du travail en pleine mutation ?

Comment redonner à nos enseignants la légitimité, la dignité et la reconnaissance nécessaires au cœur de notre société ? Comment les aider à construire leurs carrières (mobilité, VAE…) ? Comment améliorer leurs conditions de travail ? Comment leur permettre de faire réussir tous les élèves partout sur le territoire de la République ? Quels outils mettre en place pour leur permettre de lutter au mieux contre la difficulté scolaire qui dans certains quartiers infuse de la maternelle jusqu’au collège ?

Les réponses existent, elles sont connues, seule aujourd’hui fait défaut la volonté politique de promouvoir une école de tous pour tous.

Au final, la promotion de l’excellence pour quelques-uns au détriment de l’objectif de démocratisation de la réussite ne peut constituer l’alpha et l’oméga d’une politique éducative comme celle menée par l’actuel gouvernement Macron-Attal.

Parce qu’une société sans éducation est une société sans avenir, l’égalité des élèves face à la réussite scolaire exige que l’École exprime une même ambition pour tous en termes d’appropriation des savoirs et de culture commune, partout sur le territoire de notre République et pour tous ses enfants.

Réaffirmons avec force que pour que certains réussissent, il n’est pas nécessaire que d’autres échouent et que les inégalités ne sont pas une fatalité.

Une Ecole juste pour tous, exigeante pour chacun, une Ecole qui ne laisse personne au bord du chemin, une Ecole de l’altérité, de la coopération et de l’émancipation : telle doit être notre ambition collective.

 

Yannick TRIGANCE

Conseiller régional Ile-de-France

Secrétaire national PS Ecole, collège, lycée.

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L’intelligence artificielle, une stimulation bienvenue

JOEL SAGET AFP
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L’intelligence artificielle, une stimulation bienvenue

Entretien avec Cédric Villani
D’un abord mystérieux, voire décourageant pour le profane, l’intelligence artificielle n’en demeure pas moins porteuse de promesses et d’enjeux immenses, que l’on parle en termes éthiques, économiques ou sociaux. Fondamentalement, elle constitue une question de société qui se pose – en réalité s’impose – à chacune et à chacun de nous. Cédric Villani, auteur d’un rapport phare sur l’IA publié en 2018, en est un expert et obersvateur privilégiés. Dans cet entretien, le mathématicien et ancien député nous invite à garder l’IA à sa place, dans un esprit positif et critique.

Photo : (c) Fabien Rouire

Le Temps des Ruptures : Votre intérêt pour l’intelligence artificielle ne date pas d’hier. Adolescent, elle vous passionnait déjà. Depuis lors, sous votre double casquette d’homme scientifique et politique, vous êtes devenu une référence en la matière. Quel regard portez-vous sur cet itinéraire et comment envisagez-vous la suite ?
Cédric Villani : 

Un itinéraire inattendu, sur un sujet inattendu, dans un contexte inattendu. Certes, je me passionnais, adolescent, pour les développements de l’IA sous la plume du grand vulgarisateur Douglas Hofstadter, mais mes choix de recherche, en physique mathématique statistique, semblaient m’en éloigner complètement, et je considérais le sujet de l’IA comme encalminé. Et puis, le domaine a changé de forme, mon activité s’est élargie, c’est avec surprise que j’ai vu l’IA se ré-inviter dans ma sphère théorique — mon périmètre de recherche intersecte celui de l’IA dans le domaine dit des réseaux adversariaux[1] — puis dans mes activités de vulgarisateur, et enfin politiques. La mission que m’ont confiée le Président de la République et le Premier ministre, en 2017, a été l’occasion de me plonger au cœur du débat et depuis j’y ai occupé une posture d’observateur privilégié, pas naïf en matière de sciences et technologies, mais pas non plus directement impliqué dans la programmation ou le développement de l’IA. C’est une posture qui me va bien, en permanence en train d’écouter et de prendre la parole. L’arrivée de ChatGPT a fait passer le débat public à un nouveau niveau d’intensité, je l’ai senti arriver ! Aujourd’hui ce sujet concerne presque la moitié de mon activité publique — débats, formations, conférences, ici et là en France et ailleurs, et l’occasion d’interagir avec des milliers de personnes intéressées.

Le Temps des Ruptures : En 2018, en tant que député, vous avez rédigé un rapport phare sur l’intelligence artificielle qui vous a confronté à la difficulté de définir la notion de façon satisfaisante. À défaut d’une telle définition, quelles vous semble être aujourd’hui ses applications les plus bénéfiques et prometteuses pour nos sociétés ?
Cédric Villani : 

Des applications bénéfiques, vous avez l’embarras du choix : le logiciel qui vous indique comment aller de tel café à telle salle de séminaire en moins d’une demi-heure, par les transports en commun dans une ville où vous n’aviez jamais mis les pieds. Ou comment trouver avec votre moteur de recherche Internet, une information utile pour votre conférence. Ou comment comprendre ce qui se dit dans une langue que vous n’avez jamais apprise, grâce la fonction de traduction automatique sur les réseaux sociaux… Ce sont des applications considérables ! Vous me direz… mais ce n’est pas de l’IA ! Je vous répondrais bien sûr que si, ce sont des tâches autrefois réservées aux humains (qui connaissaient les plans, la littérature ou les langues) et désormais à disposition, certes avec moins de précision que les meilleurs experts humains parfois. Mais aujourd’hui ce qui est sous le feu du débat public, et qui vaut qu’on parle d’IA matin et soir dans les médias, ce ne sont pas ces applications, ce sont les succès des IA basées sur l’apprentissage statistique par réseaux de neurones, et maintenant, plus spécifiquement encore, des IA génératrices de textes ou d’images, basées notamment sur le concept de transformeur. On voit bien ici à quel point le terme est flou. En tout cas, les IA génératives, celles qui vous écrivent sans effort une lettre de candidature pour une élection, un plan pour lutter contre l’isolement ou une synthèse de la presse internationale du matin, elles changeront la donne dans tout ce qui relève du traitement de l’information et de l’écriture de document. C’est très spécifique ! Ne comptez pas sur elle pour résoudre le problème des déchets, des pesticides, de l’alimentation — des choses qui relèvent de la physique, de la biologie, se heurtent sur le mur de la réalité matérielle. Mais c’est beaucoup, à une époque où tant de choses dépendent de la parole, depuis votre carrière professionnelle jusqu’aux déclarations de guerre. L’IA peut aider à convaincre, à présenter une situation, à récolter des crédits, à remplir des formulaires de demande de subvention, à programmer une application etc. Les travaux de Naomi Oreskes ou David Chavalarias ont largement démontré l’abondance, l’audace et l’influence de l’action des groupes de pression, laboratoires d’idées, agences de communication, représentant d’intérêts et autres, pour peser dans les décisions publiques sur des sujets aussi variés que le tabac, les pluies acides, l’armement ou la transition écologique : si ces outils peuvent avoir tant d’impact négatif, ils peuvent aussi, entre les bonnes mains, avoir un impact positif. Aujourd’hui il est plus souvent négatif que positif, mais c’est bien une question de volonté ! Et ce qui est certain, c’est que, dans un monde où les rapports de puissance et de domination ont été bien souvent obtenus au détriment de l’écologie, les acteurs dominants utiliseront la technologie en priorité pour défendre leurs intérêts.

Le Temps des Ruptures : Dans votre rapport de 2018, vous avez formulé une série de recommandations aussi précises que variées. Quel bilan faites-vous de leur mise en œuvre ?
Cédric Villani : 

Je suis fier de ce rapport dont la réussite a reposé sur plusieurs ingrédients clé : une équipe pluridisciplinaire travaillant en grande confiance, des auditions extrêmement vastes menées en contradictoire, une mise en scène du rapport lui-même à travers colloques et conférences, et enfin une adhésion du gouvernement dès le démarrage. Pourtant le bilan est contrasté. Le gouvernement a fait des efforts pour la mise en œuvre, réussissant certains sujets et d’autres pas du tout. Prenons les dix recommandations que nous avions choisies pour résumer l’ensemble. Je peux dire que certaines ont été bien mises en œuvre : mise en place d’un comité d’éthique, des instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle (3IA), de capacités de calcul (je pense aux calculateurs Jean Zay et Adastra). D’autres, à moitié : une politique de données ouverte et protectrice, une insistance sur quatre secteurs industriels stratégiques, améliorer l’efficacité de l’État grâce à l’IA. Pour le reste — efficacité de l’État grâce à l’IA, bacs à sable d’innovation, laboratoire de l’évolution du travail, réduction de l’empreinte écologique de l’IA, résorption de l’inégalité entre hommes et femmes en IA — on n’a quasiment aucun résultat visible. Et sur la cruciale question européenne, cela piétine ! Certains objectifs ont été atteints, d’autres pas du tout — comme le doublement des promotions d’ingénieurs IA, lointain objectif. Si le gouvernement n’est pas parvenu à boucler la feuille de route, ce n’est pas par mauvaise volonté — parfois c’était de la viscosité administrative, parfois un manque de prise, parfois une reculade face à des problèmes politiques. En matière d’IA, les problèmes sont bien plus du côté humain que du côté technique !

Le Temps des Ruptures : On sait qu’en matière d’intelligence artificielle la France et l’Europe sont à la traîne par rapport aux concurrents américains et chinois. À cet égard, que vous inspire les récentes annonces d’investissements de Xavier Niel qui entend faire émerger « un champion européen de l’IA » ?
Cédric Villani : 

Les déclarations de Xavier Niel vont résolument dans le bon sens quand il insiste sur la mobilisation européenne — seule adéquate sur ce sujet pour des questions de taille de marché, de quantité de ressources disponibles, également susceptible d’incarner un grand projet de société motivant pour le monde de la recherche —, sur l’investissement dans les salaires, et sur la collaboration avec le monde du logiciel libre. Sur ce dernier point il est en phase avec le chercheur français vedette Yann Le Cun. Je suis toujours de très près les positions de Yann, à la fois l’un des plus grands chercheurs en matière d’IA, mais aussi l’un des rares qui a su garder son sang-froid et son discernement face à la pression et le chaos qui ont envahi le domaine en même temps que les milliards et les annonces de rêves.

Le Temps des Ruptures : Le développement de l’intelligence artificielle s’est accéléré ces dernières années, poussant les autorités publiques – nationales, européennes et internationales – à penser sa réglementation. Quelle est l’échelle pertinente pour ce faire et qu’attendez-vous des divers législateurs ?
Cédric Villani : 

Cette accélération est surtout visible, grâce au succès surprenant d’une technologie particulière — les grands modèles de langage — qui n’a que cinq ans. Mais elle ne doit pas occulter les réalisations spectaculaires de l’IA qui ont précédé — applications de recherche d’information, de repérage et guidage, de traduction, de lecture, etc. Si ChatGPT est si marquant c’est qu’il s’invite dans notre quotidien et que l’on peut l’expérimenter sur des tâches qui nous sont très familières ; mais pour les spécialistes, le remue-ménage n’est pas forcément plus grand que le choc subi il y a une dizaine d’années quand les réseaux de neurones se sont imposés. Je vous rappelle aussi que l’on ne voit toujours pas précisément quel est le modèle économique qui sera bâti autour de ces grands modèles. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut garder la tête froide en même temps qu’arrive cette nouvelle évolution très marquante. Dans un sujet aussi pragmatique et expérimental, il faut accepter que la réglementation soit aussi changeante et pragmatique. Certains domaines sont déjà sur-régulés — c’est le cas des données de santé, ce qui a des conséquences néfastes en matière de développement de projet et cause bien plus d’effets négatifs que positifs. Toutes les échelles sont pertinentes, et pas seulement au niveau législatif. Je participe d’ailleurs, en tant qu’expert invité, à un exercice remarquable, la Convention citoyenne sur l’Intelligence artificielle voulue par la métropole de Montpellier, pour proposer des lignes de conduite, bonnes pratiques et gardes-fous en la matière à l’échelle métropolitaine. Je souhaite enfin insister, lourdement, sur le fait que l’Europe est déjà très régulée par rapport aux autres continents, que des comités éthiques et des chartes pertinentes se sont multipliées à toutes les échelles ces dernières années, et que le facteur limitant bien plus urgent maintenant, c’est de progresser sur les moyens de mise en œuvre, aussi bien le développement de l’IA que les moyens de son contrôle — des ressources humaines, des ingénieurs qualifiés, des personnes en charge du contrôle, de l’audit, de la recherche, etc.

Le Temps des Ruptures : En juin dernier, le Parlement européen a adopté en l’amendant la législation sur l’intelligence artificielle proposée par la Commission européenne en 2021. Les eurodéputés ont élargi la liste des pratiques interdites, ajoutant notamment les systèmes d’identification biométriques « en temps réel » dans l’espace public. Dans le même temps, la loi relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, adoptée par l’Assemblée nationale en mai 2023, autorise la vidéosurveillance dite « augmentée » laquelle est basée sur un système d’intelligence artificielle. Cette mesure vous parait-elle légitime ? Ne faut-il pas s’inquiéter de la prolifération des technologies de surveillance ?
Cédric Villani : 

La prolifération des technologies de surveillance est un fait majeur de notre société, mais elle n’a pas attendu l’IA. Voilà bien des années que les révélations de Snowden, publiées par Assange, ont démontré que la NSA et le FBI pratiquent l’espionnage international à une échelle industrielle, aussi pour les affaires économiques. Sur ce sujet, ce qui m’inquiète le plus n’est pas tant la technologie utilisée, que son usage et la personne qui la pratique. Pour le dire crûment : cela me rend plus nerveux d’être espionné avec des technologies classiques, par quelqu’un qui n’est pas mon ami, sans mandat ni contrôle démocratique, que de savoir qu’une personne en qui j’ai confiance utilise une technologie perfectionnée, dans un cadre bien défini, pour me contrôler. Et donc, si le prestataire pour les JO est un prestataire en qui j’ai par ailleurs des raisons d’avoir confiance, au plan technique et éthique pourquoi pas. Maintenant, il est de plus en plus clair que ces JO ont été préparés au mépris de toute ambition écologique, malgré les bonnes paroles, et que c’est un événement qui fera plus de mal que de bien à la planète et à l’humanité… mais c’est un autre débat.

Le Temps des Ruptures : Toujours sur le règlement européen, celui-ci autorise désormais l’usage de systèmes d’intelligences artificielles pour la mise en œuvre des politiques migratoires de l’Union. Quelles pourraient être les dérives d’un tel usage ? Comment parvenir, plus généralement, à une règlementation de l’intelligence artificielle qui protège et promeuve les droits humains ?
Cédric Villani : 

Franchement, ne croyez pas que c’est la technologie qui va protéger et promouvoir les droits humains. Le plus souvent la technologie renforce les jeux et rapports de pouvoir. La seule chose qui peut protéger les droits humains, c’est notre volonté politique de le faire. Et quand on observe les débats politiques aujourd’hui à travers le monde, il y a de quoi être inquiet. D’une part, le numérique et l’IA se sont avérés extraordinairement efficaces pour renforcer la domination des régimes autoritaires sur leur population. Voyez la Chine ! D’autre part, même dans les démocraties occidentales, la technologie numérique a proposé une tentation de dérive quant au contrôle de la population. Voyez les États-Unis. Le remède est à chercher du côté politique, bien plus que technologique. Et dans la bonne conception des outils, plus que dans la réglementation (design is politics).

Le Temps des Ruptures : Au stade actuel enfin, avons-nous suffisamment de recul et de contrôle pour faire un usage aussi extensif de l’intelligence artificielle que les politiques publiques le prévoient ? Êtes-vous optimiste ?
Cédric Villani : 

Comment voulez-vous avoir suffisamment de recul, dans un domaine où les avancées viennent comme des chocs, non seulement pour les politiques, mais aussi pour les experts eux-mêmes ? Il faut accepter qu’on est dans l’expérimentation. Et l’IA m’empêche moins de dormir que d’autres sujets terribles du moment. Le dérèglement climatique, la 6e extinction de masse, les sécheresses qui se profilent, la pénurie de compétences, l’épidémie de solitude, le réarmement mondial, la guerre ici et là, les coups d’État, l’élection de Javier Milei… Franchement, les sujets horribles semblent se donner la main pour faire une ronde autour de nous ! Alors il est important de garder l’IA à sa place : un sujet passionnant qui mérite un investissement conséquent, mais qui ne doit pas obscurcir, ni en termes de débat public, ni en matière d’investissement, les problèmes bien plus graves et aigus du moment. Et l’IA, malgré les risques et inquiétudes légitimes, est aussi un sujet passionnant, l’occasion de regarder en face certains de nos biais et d’apprendre sur notre humanité, de progresser sur la structure même du savoir, de défricher certains nouveaux horizons scientifiques, c’est une stimulation bienvenue.

Références :

[1] Type d’algorithme utilisé dans l’intelligence artificielle

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La Cour administrative d’appel de Paris a rendu sa décision ce matin, confirmant le retrait de l’agrément anticorruption de l’association Anticor. Cette décision, qui va à l’encontre des
conclusions du rapporteur public, met en lumière la rédaction erronée de l’arrêté signé par Jean Castex en 2021, selon les représentants d’Anticor et leur avocat, qui ont réagi lors d’une conférence de presse.

La Cour d’appel a appuyé sa décision sur des motifs de forme liés à la rédaction de l’arrêté, sans approfondir une analyse sur le respect par Anticor des conditions d’octroi de l’agrément. Une décision dénoncée par l’association, soulignant l’absence de contrôle sur les conditions qu’elle a toujours respectées. Les représentants d’Anticor lancent un appel au gouvernement pour corriger la motivation imparfaite de l’arrêté et rétablir l’agrément de l’association. 

« Le fait que l’arrêté d’attribution d’agrément ait été mal rédigé par Jean Castex est une évidence, et la justice l’a confirmé par deux fois. Anticor a donc obtenu en 2021 une décision d’agrément qui portait en elle-même les bases de son annulation, tel un cheval de Troie administratif ayant vocation à être attaqué », déclare Elise Van Beneden, présidente d’Anticor, lors de la conférence de presse.

La décision de la Cour, contraire aux conclusions du rapporteur public, a surpris l’association. Les juges ont refusé la demande de « substitution de motifs » car elle n’avait pas été explicitement formulée par la Première ministre Elisabeth Borne. Un constat critiqué par Paul Cassia, vice-président d’Anticor, soulignant les lacunes dans l’arrêté de Jean Castex et dans le mémoire de la Première Ministre.

Pour l’avocat de l’association, Me Vincent Brengarth, c’est une décision « kafkaïenne et
révoltante », marquée par un manque d’indépendance manifeste. Anticor annonce qu’elle saisira prochainement le Conseil d’État, espérant une décision tranchée sur le fond pour rétablir son agrément.

Un appel à la lutte contre la corruption

Depuis sa création en 2002, Anticor a joué un rôle crucial dans la promotion de la transparence et de l’intégrité politique en France. Ses bénévoles ont dénoncé des affaires de corruption, sensibilisé le public et encouragé des mesures rigoureuses. La présidente d’Anticor souligne que plus l’association est attaquée, plus les adhérents se mobilisent.
Sans son agrément, Anticor perd la possibilité de contester le classement sans suite d’une affaire par un procureur, entravant la lutte contre l’impunité des délinquants en col blanc. Anticor demande un renouvellement de l’agrément, dont les conditions sont juridiquement réunies, mais souligne la dimension politique de la décision.


Depuis de nombreuses années, Anticor plaide pour un changement : l’agrément anticorruption devrait relever d’une autorité indépendante, comme le Défenseur Des Droits, et sa validité devrait être portée à 5 ans. Une mesure urgente pour garantir l’indépendance des associations anticorruption en France.

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Finalement, c’est quoi être prof ? un article par Cincivox.

Article à retrouver ici : https://cincivox.fr/2023/10/23/profs/ 

Visiter le blog de l’auteur : https://cincivox.fr/

En mémoire de Samuel Paty et Dominique Bernard

Quel beau métier que celui de professeur en France !

*

Inventer toutes les ruses possibles pour attirer l’attention d’élèves illettrés, vautrés dans la culture de l’avachissement, obstinément rétifs au moindre effort.

Chercher à leur faire lever le nez de leur téléphone, à les sortir de leur dépendance aux écrans pour leur transmettre quelques bribes de savoir.

Rappeler des évidences à leurs parents à propos du travail, de l’attention nécessaire en classe, alors qu’eux-mêmes n’en ont rien à faire.

Consacrer l’essentiel de son temps non à l’instruction mais à l’éducation, parce que, même en CP, des enfants aux « comportements difficiles », bel euphémisme, pourrissent la classe.

Lutter contre la violence qui devient chaque jour un peu plus le mode normal de relation des gamins entre eux et avec les adultes.

Passer le plus clair de son temps à expliquer, en vain, les règles fondamentales de la civilité et les nécessités de la discipline à des petits sauvageons inéduqués, qui se fichent de l’école et se moquent de ce que raconte l’enseignant en face d’eux.

Pallier les démissions parentales.

Se battre contre les endoctrinements familiaux.

Ne plus pouvoir enseigner l’évolution, l’histoire de l’univers, la reproduction ni des pans entiers de l’histoire, ne plus évoquer la laïcité ni donner des cours de natation ni de sports collectifs mixtes… par crainte des réactions des élèves et de leurs entourages.

Subir des remises en question systématiques de tous les savoirs et de toutes les connaissances, par des « ça sert à quoi ? » ou des contestations agressives au nom de la religion.

Endurer les pressions, les menaces, les insultes et la violence des grands frères et des parents à la moindre complainte mensongère du petit ange.

Trouver de temps en temps un pneu crevé sur sa voiture ou une lettre de menaces dans son casier.

Redouter les interventions des associations de parents d’élèves, puissants lobbies de la détestation des enseignants et spécialistes des campagnes de harcèlement des professeurs.

Voir les mêmes associations de parents d’élèves accompagner, voire inspirer, toutes les réformes délétères depuis quarante ans et se servir un verre.

Regretter l’époque où l’école était encore, vaille que vaille, un sanctuaire protégé de l’extérieur, qui offrait aux élèves un cadre émancipateur, une respiration laïque, à l’abri de la société, de ses modes et de ses coups de folie.

Observer la disparition du magistère intellectuel et moral dont ont joui, jadis, les professeurs, dont l’autorité est dorénavant taillée en pièce, et que des amuseurs idéologues remplacent dans les références des plus jeunes.

S’effrayer devant le lavage de cerveaux que s’infligent les mômes, incapables de se décrocher du défilement hypnotique des vidéos tiktok et autres réseaux dits sociaux, miroirs aux alouettes dans lesquels ils s’absorbent en continu.

Essayer de leur ouvrir les yeux et de les sortir de l’extrême mimétisme envers des influenceurs qui ressemblent aux gamins et à qui les gamins veulent ressembler – vide abyssal de deux miroirs face à face.

Échouer à développer leur esprit critique, à les exercer à l’usage de leur raison pour les protéger du bourrage de crânes auquel les soumettent les pires idéologues.

Perdre son temps en « missions » toujours plus nombreuses, lâchement abandonnées par les autres institutions et le reste de la société, en fonction des modes et des lubies du moment : apprendre aux enfants le tri sélectif (quand se rendra-t-on compte que c’est là un pléonasme stupide : comme un tri pourrait-il ne pas être sélectif, enfin ?!), la protection du climat, faire ses lacets, le code de la route, la méditation (ou comment faire entrer les sectes à l’école, bravo !), le codage informatique, la communication non violente, le jardinage…

Être sommé de résoudre tous les maux de la société.

Être accusé d’être responsable de tous les maux de l’école.

Prendre chaque jour en pleine figure le mépris des politiques, des médias et de la société.

S’affliger des rodomontades de chaque nouveau ministre pressé d’attacher son nom à une réforme qui sapera encore un peu plus l’édifice déjà croulant et rendra plus impossible l’exercice du métier, dans le veule objectif de grimper au sein de la hiérarchie gouvernementale.

S’élever contre les réformes destructrices et s’entendre dire que les enseignants « prennent les enfants en otages » ; un an ou deux plus tard, lorsque lesdites réformes entrent pleinement en application, écouter les mêmes s’emporter de nouveau contre les professeurs au prétexte qu’ils seraient responsables des effets des réformes.

Se savoir seul en première ligne avec derrière soi toute l’administration prête à prendre le parti adverse quoi qu’il arrive, le « pas de vague » étant le dogme absolu et la démission l’habitus généralisé.

Être rabaissé par des inspecteurs qui n’ont pas enseigné depuis des lustres et n’ont en tête que les balivernes pédagogistes.

Perdre son temps en des tâches administratives toujours plus lourdes et plus absurdes.

Être forcé de suivre des formations ineptes et infantilisantes.

Renoncer à enseigner sa discipline pour répondre aux injonctions à monter des « projets » débiles.

Participer à des réunions inutiles hors des heures de service et jamais indemnisées.

S’entendre dire que les professeurs ne fichent rien et sont toujours en vacances alors que le véritable temps de travail est au moins le double de celui passé en classe – avec tout le travail dans les trous de l’emploi du temps, à la maison, pendant les fameuses vacances, le soir et le week-end, bien plus que n’importe quel cadre du privé ou du public.

Se résigner devant la mauvaise foi de tous les calomniateurs des enseignants qui prétendent qu’une heure en classe devant trente élèves est équivalente à une heure de travail passée devant un ordinateur ou à « manager » une équipe d’adultes.

Se débrouiller avec des moyens dignes du tiers-monde et utiliser son matériel personnel pour son travail.

Avoir en face de soi des classes surchargées parce qu’il n’y a pas assez de professeurs, que la France a un des pires taux d’encadrement et que l’administration, pour justifier les économies, ment sans vergogne lorsqu’elle prétend que le nombre d’élèves par classe n’a aucune incidence sur les apprentissages.

Recevoir un traitement nettement inférieur aux autres corps de catégorie A de la fonction publique – et donc misérable comparé aux salaires des cadres du privé eux aussi bac+5 –, traitement parfaitement représentatif de l’estime dans laquelle la société tient les professeurs.

Constater la chute régulière, chaque année, du nombre de candidats aux concours et comprendre parfaitement que plus personne ne veuille faire ce métier.

S’alarmer que les nouveaux recrutés possèdent un niveau catastrophique de maîtrise de la discipline qu’ils vont devoir enseigner.

Se souvenir que l’autorité du maître est directement liée à sa maîtrise de la discipline et reprendre un verre.

Remarquer que les démissions sont de plus en plus nombreuses alors que les recrutements suivent une courbe inverse.

Se révolter devant la contractualisation et les recrutements en « speed dating » qui signifient bien que n’importe qui peut prétendre s’improviser prof et que tout le monde s’en fout, du moment qu’il y a un adulte dans la classe pour garder les gosses.

Regarder, impuissant, l’Éducation nationale se transformer en Garderie inclusive sous les applaudissements des imbéciles.

Être entré dans la carrière par amour de sa matière et volonté de la transmettre mais ne plus l’enseigner qu’à la marge, les heures de disciplines étant sans cesse réduites au profit des heures de rien.

Contempler l’instruction s’effondrer et finir la boutanche.

Percevoir dans la destruction des lycées professionnels la nouvelle étape vers la privatisation de l’éducation nationale.

Vivre chaque jour la chute du niveau malgré le déni dans lequel les idéologues pédagogistes, pour continuer de faire fructifier leur juteux business, tentent de maintenir l’opinion publique, avec, il faut le reconnaître, de moins en moins de succès tant leur propagande craque sous le poids du réel.

Reconnaître que le ver est dans le fruit, beaucoup de profs ayant dorénavant cédé aux billevesées pédagogistes, aux discours lénifiants sur la « bienveillance » et la « tolérance », et même à une certaine complicité avec les idéologies obscurantistes qui gangrènent la société.

Abandonner tout espoir pour ce qui concerne les syndicats professionnels, trustés par des déchargés qui n’ont pas mis les pieds devant une classe depuis deux générations et sont plus occupés à faire tourner leur boutique et à propager leur idéologie empoisonnée qu’à défendre les enseignants sur le terrain.

Regretter que le corps enseignant savonne souvent lui-même sa planche.

*

Et pourtant…

Continuer d’apparaître, aux yeux des ennemis de la République, comme ses premiers représentants.

Incarner, encore, le savoir, l’héritage des Lumières, la laïcité… c’est-à-dire les ennemis à abattre pour tous les obscurantismes, islamisme en tête.

Demeurer seul face aux provocations des islamistes contre l’institution scolaire, depuis les foulards de Creil en 89 jusqu’aux abayas de 2023.

Aller à l’école le matin la boule au ventre, dans l’angoisse du geste ou de la parole sciemment mal interprétés.

Craindre pour sa propre vie et celle de ses proches en rentrant chez soi le soir.

Faire preuve d’un courage dont bien peu seraient capables, en se dressant pour protéger les autres.

Et, par un beau jour d’octobre, se faire égorger.

Cincinnatus, 23 octobre 2023

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