Les nouveaux habits du Speaker de la Chambre des Représentants

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Les nouveaux habits du Speaker de la Chambre des Représentants

Début janvier, le républicain Kevin McCarthy a été élu président de la chambre basse du parlement des Etats-Unis d’Amérique. Le bruit et la fureur de représentants plus trumpistes que Trump qui avaient juré sa défaite nous donnent un aperçu de l’état de la droite radicale américaine à deux ans de l’élection présidentielle.

« Il y a de longues années vivait un empereur qui aimait par-dessus tout les beaux habits neufs ; il dépensait tout son argent pour être bien habillé. Il ne s’intéressait nullement à ses soldats, ni à la comédie, ni à ses promenades en voiture dans les bois, si ce n’était pour faire parade de ses habits neufs. »

C’est ainsi que commence le conte d’Andersen Les nouveaux habits de l’empereur. Deux menteurs profitèrent ensuite de la candeur et de la coquetterie de l’empereur pour le rouler dans la farine, en lui vendant fort cher de magnifiques nouveaux habits. Ces escrocs lui avaient vendu du vide, et personne n’osa rien dire quand l’empereur déambula nu, jusqu’à ce qu’un innocent enfant le fît remarquer, et que le peuple entier se rît de la balourdise de leur souverain.

Plusieurs siècles après cette mésaventure fictive, loin de la Scandinavie andersienne, une autre épopée grotesque a amusé un pays entier ou presque : l’élection du Speaker de la Chambre des Représentants des Etats-Unis d’Amérique.

En novembre dernier, à l’occasion des élections de mi-mandat, l’intégralité de la chambre basse du Parlement américain a été renouvelée. A cette occasion, les républicains ont repris, d’une courte tête, la majorité perdue en 2018. Les primaires républicaines ont été sanglantes, et l’aile trumpiste est parvenue à purger un grand nombre de « modérés ». De la dizaine de représentants républicains qui avaient voté, en 2020, la destitution de Donald Trump suite à la tentative séditieuse de renverser le résultat de l’élection, il n’en reste plus que deux. Tous les autres ont été balayés par des trumpistes ou n’ont pas même cherché à se représenter.

Cette présidentialisation du scrutin législatif, pro-Trump contre anti-Trump, arrange tant les trumpistes que les démocrates. Les premiers restent ainsi au centre de l’actualité politique, alors même que l’ancien président n’a plus accès aux réseaux sociaux et est boycotté par la plupart des chaînes d’information. Les seconds agitent le drapeau rouge honni qui fédère une coalition électorale sans grande cohérence idéologique autre que le rejet de Trump. Et pour les uns comme pour les autres, cela a été payant. Les démocrates sauvent le Sénat, accroissant même leur majorité en remportant un siège supplémentaire en Pennsylvanie, et limitent la défaite à la Chambre des Représentants. Les trumpistes ont confirmé leur mainmise totale sur le parti républicain.

Certes, l’hypothèse Ron de Santis, gouverneur républicain de Floride largement réélu, a commencé à percer. Certes, beaucoup de ces candidats de l’ultra-droite complotiste et raciste ont été battus, mettant à mal la rhétorique trumpiste de victoires infinies si sa ligne est adoptée. Si cette élection a réveillé une aile non-trumpiste qui essaye de s’organiser au sein du parti républicain, ce n’est que pour mieux montrer son isolement et sa faiblesse dans le rapport de force interne.

Car il est essentiel de rappeler que si cette aile est moins agitée, brouillonne et chaotique que son pendant trumpiste, on peut toutefois difficilement la qualifier de modérée. Tout aussi opposée aux taxes, tout aussi anti-avortement, tout aussi anti-immigration, tout aussi ultra-religieuse. Quelques divergences existent au niveau de la politique internationale, les trumpistes sont isolationnistes, certains anti-trumpistes comme Liz Cheney sont néo-conservateurs et imaginent les Etats-Unis en gendarme du monde, mais les désaccords de fond s’arrêtent là. Ron de Santis est un évangélique clérical assumé, et la poignée de sénateurs républicains ayant voté la destitution de Trump (Lisa Murkowski de l’Alaska, Susan Collins du Maine, Mitt Romney de l’Utah…) vote constamment des lois pro-pétrole et pro-charbon. Ils comptent parmi leurs soutien Elon Musk, dont les frasques récentes à la tête de Twitter ne penchent pas en faveur d’une qualification modérée et raisonnable pour ce club de républicains anti-Trump.

Et ces querelles autour de la personne de Trump sont venues se greffer au rapport de force, plus stratégique qu’idéologique mais bien réel, au sein de la représentation républicaine. Démocrates comme républicains sont chacun divisés en trois factions : les plus à gauche des démocrates sont rassemblés dans le Congressional Progressive Caucus, les démocrates modérés dans la New Democrat Coalition, et les démocrates droitiers néolibéraux dans la Blue Dog Coalition. Chez les républicains, les centristes adeptes du bipartisme font partie du Republican Governance Group, la majorité des députés siège, elle, dans le Republican Study Committee, et l’extrême-droite anti-taxe, anti-régulation, anti-immigration, ultra-nationaliste a fondé le Freedom Caucus.

Cette segmentation est à peu près stable depuis le milieu des années 2010, quand la vague des représentants républicains issus du Tea Party a cherché à s’organiser. S’ils poussaient jusqu’au bout la rhétorique anti-Etat et nationaliste traditionnelle au Parti Républicain, c’est avant tout sur la forme que ces représentants se distinguaient. Fermés à tout compromis, praticiens de l’agit-prop, volontiers polémiques, prêts à tout pour pousser leur agenda, selon la formule consacrée.

Les plus trumpistes des trumpistes ont naturellement rejoint ce caucus, avec pêle-mêle Marjorie Taylor Greene de Géorgie, mise au ban suite à des propos antisémites, Harriett Hageman du Wyoming, adoubée par Trump pour battre Liz Cheney dans ce fief républicain absolu, Lauren Beobert, du Colorado, partisane de la théorie supra-complotiste Q-Anon et qui promeut ouvertement la fin de la séparation des Eglises et de l’Etat ou encore Matt Gaetz, de Floride, accusé de prostitution de mineure et protégé par Trump.

Certes de plus en plus nombreux, une cinquantaine aujourd’hui, ils n’en demeurent pas moins minoritaires au sein de la conférence des représentants républicains. Battus lors de l’élection interne pour désigner le futur Speaker de la Chambre des représentants, ils n’ont pas tardé à se venger du malheureux vainqueur, Kevin McCarthy.

Tout devait bien se passer pour le représentant californien McCarthy. C’est un élu expérimenté qui siège à la Chambre depuis 2007. Il a toujours senti le vent tourner au bon moment : un des premiers soutiens de Trump en 2016, il avait fait volte-face lors de la tentative séditieuse des négateurs de la victoire de Biden en appelant le président sortant à démissionner, avant de se rallier comme quasiment tous les autres au récit de la victoire volée et du complot démocrate. Il s’est fait pardonner de Trump, qui le soutenait officiellement pour cette élection. Or, comme l’empereur du conte d’Andersen, il aime par-dessus tout collectionner les habits, politiques.

La liste des postes qu’il a occupés serait bien trop longue pour être détaillée. Il a servi comme whip de la majorité, c’est-à-dire comme responsable de la discipline partisane, il a coordonnée la plateforme programmatique républicaine, et dirige le groupe républicain depuis 2014, tant dans la majorité que dans la minorité. Un seul habit lui manquait, le plus convoité des habits qu’un parlementaire puisse rêver, celui de Speaker de la Chambre. Il n’a pas de pendant chez les prestigieux sénateurs, car la présidence du Sénat est assurée par le Vice-Président des Etats-Unis. Et ce poste n’est pas seulement honorifique, car c’est au Speaker que revient le choix des textes mis aux voix.

Ces nouveaux habits lui ont coûté fort cher, et ont pris bien du temps à être acquis. Il a fallu s’y reprendre à deux fois, car il avait été battu en 2015.

La frustration touchait à son terme, le marteau de modération allait lui être remis. L’élection commença. Un à un, par ordre alphabétique, les représentants sont appelés à voter. Très vite, quelque chose cloche, un certain nombre de députés du Freedom Caucus votent pour un autre candidat que lui, pour Andy Biggs, l’ancien président du Caucus, ou bien pour Jim Jordan, un des plus complotistes des trumpistes, pourtant rallié à McCarthy. L’élection lui échappe, 19 républicains n’ont pas voté pour lui, il n’avait une majorité relative que de 4 sièges. Humiliation suprême, les démocrates serrent les rangs et Hakeem Jeffries, de Brooklyn, arrive en tête. L’élection étant à la majorité absolue des voix, personne n’est élu, pour la première fois depuis 1923.

S’ensuivent alors de longues et douloureuses séances de négociations lors desquelles les beaux habits de Speaker ont lentement et cruellement été dépecés. Adieu la latitude concernant les textes mis aux voix, une règle informelle demandant qu’un texte soit soutenu par une majorité des représentants républicains devra être inscrite dans le règlement, pour barrer la route à tout compromis entre républicains modérés et démocrates. Adieu la stabilité du poste, une motion de censure pourra être déclenchée à l’initiative d’un seul député. Adieu, surtout, la crédibilité politique.

C’est un véritable vaudeville qui s’est déroulé sur quatre jour, avec un final qui n’a rien à envier à la série Veep.

Les élections se suivaient et se ressemblaient. Aux 19 dissidents du départ se rajoute dès le second vote un vingtième larron. Le lendemain, une représentante républicaine décide de s’abstenir, se disant fatiguée de l’impasse dans laquelle se trouve son camp. Au milieu du troisième jour, un autre représentant républicain doit s’absenter pour raisons médicales sans qu’aucune procuration soit possible. Dans le Tohu-Bohu, certains des frondeurs votent pour Kevin Hern, pour le seul plaisir de voter pour un représentant doté du même prénom que McCarthy et jouer sur les nerfs de la majorité. Mais le grand final du quatrième jour fut la consécration de la nudité de l’empereur.

Les négociations dans la nuit avaient avancé et la majorité des réfractaires s’étaient rangés à ce qu’on n’oserait qualifier de raison. Mais il restait six irréductibles, un de trop. A 22h, le meneur de l’agit-prop néo trumpiste, Matt Gaetz a failli en venir aux mains avec un autre représentant républicain de Caroline du Nord, qui a dû être retenu par un troisième. Aux alentours de minuit, Marjorie Taylor Greene a fait circuler son téléphone portable duquel elle avait appelé Donald Trump pour tenter de convaincre les six derniers de rentrer dans le rang. Las, ils refusèrent de prendre l’appel, mais acceptèrent de se ranger en s’abstenant, ce qui permettrait à McCarthy d’être élu.

La chambre était alors en plein vote pour savoir s’il fallait ajourner la séance. Les démocrates votaient systématiquement non lors de ces votes, souhaitant maintenir sous les caméras la gabegie républicaine. A l’inverse, les partisans de McCarthy voulaient se donner plus de temps pour relancer les négociations. C’est au milieu de ce vote que l’annonce du ralliement à l’abstention fut faite. En catastrophe, les républicains qui n’avaient pas encore été appelés votèrent avec les démocrates pour refuser l’ajournement. Puis s’ensuivit un 15ème et ultime vote lors duquel le représentant californien sortit vainqueur.

Epuisé par une bataille absurde, ayant attendu quatre jours durant le vote de la victoire comme on attend Godot, Kevin McCarthy était enfin élu, après le plus long blocage depuis la guerre de Sécession. Il pouvait parader revêtu de ses nouveaux habits de Speaker de la Chambre, et saisir le marteau qui devait lui servir à juguler les débats. Mais le Speaker était nu. Incapable d’affirmer son leadership, ayant dû multiplier les concessions, compromis et compromissions avec une aile turbo-galacto-radicale. Il suffira d’un seul représentant pour déclencher une motion de censure. Aucune négociation avec les démocrates modérés ne pourra avoir lieu, car une loi ne pourra être mise aux voix qu’avec l’aval de la majorité des républicains.

Donald Trump, victime collatérale du chaos de ses farouches partisans, a vu son image écornée. Jusqu’alors, il n’avait jamais eu besoin de tenir ses troupes, dont la déraison s’alignait sur ses intérêts personnels et politiques. Mais quand il s’est agi, pour la première fois depuis son entrée en politique, de calmer le ton des éléments marginaux les plus furieux, il s’en est révélé bien incapable.

C’est ainsi qu’une fraction d’un des deux partis structurants des Etats-Unis d’Amérique a pu démontrer la double impuissance des trumpistes et des anti-trumpistes. Rien ne pourra être fait sans eux, et la modération ne sera pas acceptée.

Les rois républicains sont nus, et cela prête à rire. Pour l’instant.

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Montéhus, le cabarettiste socialiste oublié

Culture

Montéhus, le cabarettiste socialiste oublié

Les chants de la Commune, l’Internationale, le Temps des Cerises, la Semaine Sanglante, sont aussi connus que leurs auteurs, Eugène Pottier et Jean-Baptiste Clément. La tradition chansonnière de la fin du XIXème siècle, les cafés-concerts où le peuple venait écouter un poète gouailler contre la misère et l’oppression, ne s’arrêtèrent pas avec l’écrasement de la Commune. D’autres artistes leur succédèrent, et écrivirent des chansons qui sont restées dans la mémoire. Dans cet article, nous revenons sur l’un d’eux, Montéhus, chansonnier parisien du début des années 1900, dont l’œuvre perdure encore bien que son nom ait été relativement effacé.

Les chants de la Commune, l’Internationale, le Temps des Cerises, la Semaine Sanglante, sont aussi connus que leurs auteurs, Eugène Pottier et Jean-Baptiste Clément. La tradition chansonnière de la fin du XIXème siècle, les cafés-concerts où le peuple venait écouter un poète gouailler contre la misère et l’oppression, ne s’arrêtèrent pas avec l’écrasement de la Commune. D’autres artistes leur succédèrent, et écrivirent des chansons qui sont restées dans la mémoire. Dans cet article, nous revenons sur l’un d’eux, Montéhus, chansonnier parisien du début des années 1900, dont l’œuvre perdure encore bien que son nom ait été relativement effacé. Il est en effet l’auteur, en 1912, du chant des jeunes gardes, commande passée par la SFIO pour son mouvement de jeunesse, chanté par des générations de jeunes socialistes, de jeunes communistes, et toujours considéré comme l’hymne de l’Union Nationale des Etudiants de France.

Issu d’une famille juive, Gaston Mardoché Brunswick dut, à une époque où l’antisémitisme était omniprésent, chanter sous pseudonyme. Relativement peu connu jusqu’en 1907, il accède à la notoriété en célébrant la fraternisation de la troupe avec les vignerons révoltés du Languedoc.

Gloire au 17ème

En 1907, alors que la surproduction vinicole entraîne une baisse drastique du prix du vin, les petits exploitants du midi, réunis dans des coopératives annonçant l’autogestion, se révoltent contre les importations de vin étranger bon marché et de qualité médiocre. De grandes manifestations éclatent, réunissant plus de 150 000 personnes à Béziers puis à Perpignan, 700 000 à Montpellier. La troupe est appelée pour réprimer la colère populaire, et le 20 juin, ordre est donné d’ouvrir le feu sur les manifestants. Le soir-même, la 6ème compagnie du 17ème régiment se mutine et fraternise avec les vignerons. Contraint à la négociation, Clemenceau donne suite aux revendications du mouvement social, et les mutins obtiennent de ne pas être sanctionnés.

Montéhus écrit alors un chant intitulé Gloire au 17ème, dans lequel il célèbre les mutins. En voici le refrain :

Salut, salut à vous

Braves soldats du 17ème

Salut, braves Pious-pious(1)

Chacun vous admire et vous aime

Salut, salut à vous

A votre geste magnifique

Vous auriez, en tirant sur nous

Assassiné la République

Alors socialiste modéré, Montéhus, dans cette chanson, conteste à la fois la République bourgeoise et les thèses anarchistes. Tirer sur le peuple, c’est assassiner la République. Le parti de l’ordre, mené par Clemenceau, n’est donc pas républicain quand il fait tuer le prolétariat en révolte. Alors que les anarchistes veulent abattre la République au prétexte que le maintien de l’ordre se fait en son nom et contre les révoltés, Montéhus dit au contraire que, pour être républicain « on ne doit pas tuer ses pères et mères pour les grands qui sont au pouvoir ». Cette thématique tout à la fois républicaine, socialiste et patriote, est poursuivie dans le deuxième couplet :

Comme les autres, vous aimez la France

J’en suis sûr, même vous l’aimez bien

Mais sous votre pantalon garance(2)

Vous êtes restés des citoyens

Un soldat citoyen, c’est un soldat qui refuse de tirer sur les siens, qui refuse d’être instrumentalisé par « les grands », et qui protège ses concitoyens, au lieu de les fusiller. Cette idée qu’on ne doit pas s’entretuer revient plusieurs fois dans la chanson : « On ne se tue pas entre Français », « La Patrie, c’est d’abord sa mère. […] Il vaut mieux même aller aux galères que d’accepter d’être son assassin ». Au lieu de s’emporter contre le patriotisme utilisé pour abattre la révolte sociale, thèse des anarchistes, Montéhus renverse l’argument, et chante que le patriotisme c’est au contraire fraterniser avec la révolte sociale. Le socialisme républicain est mis en chanson, à la lumière d’un événement durant lequel Jean Jaurès joua un grand rôle.

Devenu célèbre, Montéhus acquiert un cabaret, qu’il renomme « Le Pilori de Montéhus », dans lequel il se fait antimilitariste et socialiste. Il cultive l’ironie dans ses chansons, et n’a de cesse de pourfendre les républicains non socialistes, qui défendent un système politique sans aller jusqu’à l’égalité sociale. Dans On est en République, il se moque ouvertement du triomphalisme républicain qui ne prend pas en compte les inégalités et la misère. Le premier couplet donne ainsi :

Enfin ça y est on est en République

Tout marche bien tout le monde est content

Le président, ça c’est symbolique,

Ne gagne plus que douze cent mille francs par an

Aussi l’on a les retraites ouvrières

Six sous par jour ça c’est un vrai bonheur

La Nation française peut être vraiment fière

Vivent les trois couleurs

Inspirateur de Lénine

La renommée de Montéhus dans les milieux socialistes est alors importante. Pacifiste fervent, pourfendeur des inégalités et chantre des luttes ouvrières, il reçoit Lénine dans son cabaret, alors exilé en France.

Donner une dimension festive à la politique, la structurer avec des chants populaires repris en cœur, créer du commun entre les militants, ce que permettait Montéhus se retrouva plus tard dans la politique culturelle de l’Union Soviétique, où l’art fut mis au service de la politique et du bolchévisme. Pour attirer les foules et les intéresser à la lutte, les meetings étaient précédés de moments festifs, permettant à chacun de participer, créant des modes d’action politique ne requérant pas de bagage idéologique préalable. Ces pratiques, proches de l’éducation populaire, furent expérimentées par Lénine lors de son exil parisien, quand il demandait à Montéhus de venir chanter en introduction de ses meetings. Sur les livrets de ses chansons était écrite la phrase suivante, résumant la portée qu’il souhaitait leur donner : « Chanson lancée dans le Peuple ».

Montéhus et la guerre, un rapport ambivalent

Le pacifisme de Montéhus s’évanouit avec la Grande Guerre. Rallié, comme la plupart des socialistes, à l’Union Sacrée et la lutte contre l’envahisseur allemand. Il devient alors un chanteur de cabaret de guerre, chargé de remobiliser les soldats en permission et les civils, de lutter contre le défaitisme, toujours à l’arrière, loin du front. Il chante alors

Nous chantons la Marseillaise

Car dans ces terribles jours

On laisse l’Internationale

Pour la victoire finale

On la chantera au retour

Si ce patriotisme viscéral fut partagé par beaucoup de socialistes, comme nombre d’entre eux aussi, il revint dessus après-guerre, quand les horreurs des combats lui furent rapportées. Décrédibilisé auprès du peuple ouvrier pour avoir défendu ce qui les faisait mourir au charnier, touché par la mort de plusieurs de ses amis, de membres de son public, il écrivit une de ses chansons les plus célèbres, La butte rouge, qui raconte non pas, comme on le considère à tort, les combats sur la butte Montmartre pendant la Commune, mais plutôt les combats sur la Butte de Berzieux, dans la Marne. La lutte des classes fait son retour :

Ce qu’elle en a bu, du bon sang, cette terre

Sang d’ouvriers et sang de paysans,

Car les bandits qui sont cause des guerres

Ne meurent jamais, on ne tue que les innocents

Jouant beaucoup plus sur le registre de l’émotion que le reste de son répertoire, elle traduit aussi la perte des illusions d’avant-guerre, la fin de la légèreté et le caractère pesant du retour tragique de l’Histoire. Ainsi, le dernier couplet donne :

La butte rouge c’est son nom, le baptême se fit un matin

Où tous ceux qui grimpaient roulèrent dans le ravin

Aujourd’hui y a des vignes, il y pousse du raisin

Mais moi j’y vois des croix portant le nom des copains

Montéhus fait son retour au moment du Front Populaire, réadhérant à la SFIO et écrivant des chansons pour mobiliser les ouvriers et chanter son soutien au nouveau gouvernement. Réduit au silence par Vichy, contraint de porter l’étoile jaune mais échappant à la déportation, il meurt peu après la Guerre, décoré de la légion d’honneur, mais déjà sorti de la mémoire collective.

Un socialisme matriarcal ?

A travers tout le répertoire du chansonnier, une figure revient en filigrane, celle de la mère. En 1905, alors férocement pacifiste, il écrit la Grève des mères, censurée pour apologie de l’avortement. Il y propose aux femmes de ne plus faire d’enfants pour ne plus fournir de soldats aux armées et ne plus souffrir de la mort de leurs enfants. Est présente l’idée que seules les mères peuvent arrêter la guerre :

Refuse de peupler la Terre

Arrête la fécondité

Déclare la grève des mères

Au bourreau, crie ta volonté

Défends ta chair, défends ton sang

A bas la guerre et les tyrans

Pour faire de ton fils un homme

Tu as peiné pendant vingt ans

Tandis que la gueuse en assomme

En vingt secondes des régiments

L’enfant qui fut ton espérance

L’être qui fut nourri de ton sein

Meurt dans d’horribles souffrances

Te laissant vieille, souvent sans pain

Par deux fois, dans Gloire au 17ème, il honore les soldats de ne pas avoir tiré sur leurs mères, tandis que dans On est en République, il se moque de la rémunération élevée du directeur de l’assistance publique, qu’il compare aux sommes de misères réservées aux « filles-mères ». Dans la jeune garde, il chante « Nous vengerons nos mères que des tyrans ont exploitées ».

La mère qui nourrit avant d’être trahie par la guerre et l’armée, soit que son fils y meurt, soit que son fils se retourne contre elle, revient plusieurs fois. Ce registre de la cellule familiale et de l’opposition entre une mère généreuse et une guerre cruelle sert à mobiliser, à émouvoir, et finalement à gommer le masque que la propagande militariste essaye de poser sur les horreurs qu’elle crée, en ramenant l’auditeur au plus profond de son enfance.

Si une lecture anachronique pourrait y voir une assignation patriarcale des femmes à leur rôle de mère, il ne faut pas oublier que, dans le contexte de l’époque, Montéhus prenait alors de manière assez inédite la défense des femmes. Certes, par le biais désormais suranné de la figure exclusive de la mère, mais cela fut, pour l’époque, significatif. Faut-il y trouver une origine psychanalytique dans le fait que Montéhus était le fils d’une famille de 22 enfants ?

Il prit aussi la défense des prostituées dans N’insultez pas les filles, où par opposition à la bonne morale chrétienne, il trouvait dans les causes de la prostitution la misère plutôt que l’immoralité, chantant le refrain :

N’insultez pas les filles

Qui se vendent au coin des rues

N’insultez pas les filles

Que la misère a perdues

S’il y avait plus de justice

Dans notre société

On ne verrait pas tant de vices

S’étaler sur le pavé

Chansonnier oublié dont les chansons sont encore retenues dans la mémoire collective, Montéhus fut le reflet du socialisme de son temps. Volontiers républicain tout en dénonçant la République bourgeoise, toujours prompt à analyser le réel à la lumière de la lutte des classes et de la misère dans laquelle le peuple était plongé, pacifiste autant que patriote, surnommé le révolutionnaire cocardier, il fut de ces artistes qui, se plaçant au second plan, chantaient en se mettant à la place des autres et s’effaçaient devant leur œuvre. Ses chansons ont été reprises par Yves Montand, Marc Ogeret, ou plus récemment par Zebda et les Amis d’ta femme. « Lancées dans le Peuple », certaines ont été attrapées au vol, nous permettant de garder des traces du socialisme du début du XXème siècle.

Références

(1)Surnom donné aux conscrits

(2)Pantalon rouge que portaient les soldats

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Les chants et chansons politiques, liants structurants de l’action politique

Culture

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L’Histoire de la gauche est jalonnée de chants et de chansons qui ont structuré son imaginaire, créé des liens entre militants des mêmes causes, servi de bannière et animé les meetings. Un chant n’est pas un programme, une chanson n’est pas une mesure, et pourtant, ils font autant partie de notre culture que les congés payés, l’augmentation du SMIC ou l’abolition de la peine de mort.
La première saison de la série télévisée d’Eric Benzekri Baron Noir nous fait suivre l’affrontement entre Amélie Dorandeu, jeune énarque ralliée à la social-démocratie, et Philippe Rickwaert, vieux baron socialiste issu du monde ouvrier. Lors d’une passe d’armes entre ces deux protagonistes dans le premier épisode, celui-ci veut que le candidat socialiste aille assister à l’enterrement d’un syndicaliste, celle-là dénigre la proposition avec cette réplique : « avec des images à la Good Bye Lenin, dis, on chantera l’Internationale aussi ? Y aura des bières et des merguez ? » Ici est grossièrement dressée la tension apparente de la social-démocratie européenne au XXIème siècle, sommée de choisir entre son héritage idéologique socialiste, marqué de symboles et d’idéologie, et la technocratie gestionnaire, hermétique à ce genre de fantaisie charmante. L’Internationale, c’est le passé, un monde révolu, un délire de vieux militants communistes. L’avenir de la politique, ce sont les tableurs Excel, les programmes chiffrés, pas les vieux slogans. Quiconque a déjà assisté à un congrès du Parti Socialiste, du Parti Communiste, de l’UNEF, à une manifestation de la CGT ou à un rassemblement du Premier Mai a pourtant déjà entendu Bella Ciao, la jeune garde ou encore le chant des partisans. L’Histoire de la gauche est jalonnée de chants et de chansons qui ont structuré son imaginaire, créé des liens entre militants des mêmes causes, servi de bannière et animé les meetings. Un chant n’est pas un programme, une chanson n’est pas une mesure, et pourtant, ils font autant partie de notre culture que les congés payés, l’augmentation du SMIC ou l’abolition de la peine de mort.
LA DIFFÉRENCE ENTRE UN CHANT POLITIQUE ET UNE CHANSON POLITIQUE
Un chant et une chanson, ce n’est pas la même chose. Quand Renaud chante Société tu m’auras pas, et quand l’orchestre de la CGT joue le Temps des cerises, dans les deux cas, un texte est chanté par une voix humaine et porte un message politique ou symbolique. Pour autant, on associe spontanément la chanson au chanteur qui l’a écrite, alors que l’origine du chant n’est pas traçable, ou alors n’est pas spontanément ce à quoi on pense. La chanson politique est, malgré tout, commerciale : elle est sur un album, on l’entend à la radio, elle est jouée dans un concert, etc. Le chant, lui, est un patrimoine collectif, interprété et réinterprété en continu depuis plusieurs décennies. Cette différence n’empêche pas qu’il y ait porosité entre les deux. Un chanteur peut reprendre un chant politique dans un album et en faire une chanson, par exemple Thomas Fersen inclue Bella Ciao dans son deuxième album Les ronds de carotte. A l’inverse, une chanson peut devenir un chant politique. Victor Jara, chanteur populaire et engagé chilien assassiné lors du coup d’Etat d’Augusto Pinochet, a ainsi composé et chanté El derecho de vivir en paz, chanson pacifiste traitant de la Guerre du Vietnam, qui est par la suite devenue un chant de ralliement de l’opposition à la dictature puis repris en cœur par la foule dans l’immense mouvement social chilien de 2019. Le propre d’un chant politique, c’est sa malléabilité. Il est repris, réarrangé, réécrit car chacun se le réapproprie constamment. On gardera certains couplets, on en modifiera d’autres. Le même air peut servir parfois de support à des chants politiques d’idéologies adverses. Ainsi, bolchéviques, tsaristes et anarchistes ont chacun chanté des notes similaires, déclinées sous le nom A l’appel du grand Lénine, Les Partisans Blancs et La Makhnovtchina(1). La similarité des paroles est parfois frappante : Version bolchévique : Par le froid et la famine Dans les villes et dans les champs À l’appel du grand Lénine Se levaient les partisans Version tsariste : Dans le froid et la famine, Par les villes et par les champs A l’appel de Denikine Marchaient les partisans blancs. Version anarchiste : Makhnovtchina, Makhnovtchina, Tes drapeaux sont noirs dans le vent Ils sont noirs de notre peine Ils sont rouges de notre sang Si le même air a pu servir de support à l’affrontement idéologique, une même chanson a aussi pu être traduite et participer ainsi de l’internationalisme du mouvement ouvrier. Le Front des Travailleurs, Das Einheitsfrontlied et The Song of Workers united sont la même chanson en français, allemand et anglais. L’Internationale, le plus connu des chants de lutte, fut traduite dans à peu près toutes les langues au même titre que le Manifeste du Parti Communiste. L’un et l’autre allaient de pair. A l’analyse théorique et aux méthodes politiques devaient se joindre des outils pour souder et fédérer les militants. Ces chants forgeaient une identité commune au mouvement internationaliste. Ils étaient l’application symbolique et concrète du mot d’ordre « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ». Le combat, les intérêts et les chants étaient identiques, et se déclinaient dans chaque pays, dans chaque langue, pour chaque peuple. Dans les régimes communistes, la spontanéité des chants politiques fut abandonnée et y furent appliqués les principes du centralisme démocratique. Des comités produisirent à la chaîne des textes mis en musique dédiés aux masses pour favoriser leur émancipation dans le respect de la ligne du parti, notamment en URSS et en RDA. Oktoberklub, en Allemagne de l’Est, s’en était fait une spécialité. Saigon ist frei (« Saigon est libre »), appelant le peuple allemand à saluer la victoire du Viet Nam sur les USA, Da sind wir immer noch (« Nous sommes encore présents ») à la gloire du régime, côtoyaient les vieux chants révolutionnaires ou à la gloire des révolutions passées, comme Oktobersong célébrant la Révolution d’Octobre. Die Arbeiter von Wien, les ouvriers de Vienne, est la substantifique moelle chantée du marxisme-léninisme. Son refrain clame « Wir sind der Zukunft getreue Kämpfer, wir sind die Arbeiter von Wien », « Nous sommes du futur les fidèles combattants, nous sommes les ouvriers de Vienne ». De même que les bolchéviques encastrèrent le combat ouvrier dans des régimes peu soucieux des libertés individuelles, de même les chants du mouvement ouvrier furent encastrés dans une création un peu plus martiale et peu spontanée, peu reprise. La malléabilité d’un chant vient tout à la fois de la simplicité de son air, de la concision de ses paroles, et du temps politique dans lequel il s’inscrit. Il est peu probable qu’aujourd’hui, alors que la conscience de classe a régressé et que le monde ouvrier ne représente plus qu’une minorité du monde du travail en Occident, un chant comme l’Appel du Kominterm soit repris. « Quittez les machines, dehors prolétaires, marchez et marchez, rendez-vous pour la lutte » n’est plus dans l’air du temps. Et pourtant, il est toujours présent dans notre imaginaire collectif, les plus zélés militants le chantent toujours. C’est une autre fonction du chant politique, il entretient la mémoire, il matérialise la continuité des luttes. Les revendications de la Commune de Paris ont été oubliées, pas ses chants. Après la Semaine Sanglante, le massacre des communards fut rappelé par un chant du même nom, interprété par des générations de chansonniers, des Quatre Barbus à la Compagnie Jolie Môme, de Marc Ogeret aux Amis d’ta femme. La Commune fut un incroyable vivier de chants et chansons politiques, tout comme le furent Mai 68 ou la Révolution Française. Au moment où la ferveur populaire éclate, les célébrations artistiques sont légion, c’est un fait établi depuis longtemps. La Révolution Française produisit le Chant du Départ, la Carmagnole, la Marseillaise. Mai 68 fut plus prolifiques aux chansons. C’est pendant ces événements que Renaud débuta la chanson, et les révoltes étudiantes et ouvrières furent chantées par Dominique Grange (Grève illimitée, Chacun de Vous est concerné, et bien d’autres).
LA CHANSON POLITIQUE ET LA POÉSIE ENGAGÉE : ÂMES SOEURS INSÉPARABLES
Les fonctions des chants et chansons politiques sont complémentaires. Contrairement au chant, la chanson est moins facilement réinterprétée et réappropriée, et reste bien souvent attachée à son interprète ou compositeur. La prédation capitaliste n’est pas loin non plus, en témoigne la reprise de Bella Ciao pour en faire une chanson dénuée de sens politique par Maître Gims, surfant sur le succès de la série La Casa de Papel. La chanson politique permet cependant un enrichissement et une subtilité que n’ont pas toujours les chants, souvent monolithiques et bruts de décoffrage. Le Temps des Cerises excepté, il est rare qu’un chant politique évoque autre chose que la politique elle-même. Les chanteurs, professionnels de la musique, savent généralement l’enrober de contenus plus poétiques, voire reprennent des poésies et les mettent en musique. Les chanteurs permettent ainsi à la poésie engagée, plutôt confidentielle, d’accéder à la notoriété. La poésie donne à la chanson poétique une forme de romantisme. Barbara de Prévert, chanté par Montand, offre une vision plus fine qu’un chant pacifiste comme la grève des mères. Les premiers vers racontent le souvenir d’une femme rencontrant son amant dans la rue, un contexte poétique précis est donné avec la ville de Brest et la pluie. Puis, dans la deuxième moitié du poème devenu chanson, la politique revient brutalement « Oh Barbara, quelle connerie la guerre », et les malheurs des bombardements sont alors décrits. La chanson, plus travaillée et sentimentale qu’un chant, lui donne une force supplémentaire. Georges Brassens, Léo Ferré, Jean Ferrat, Georges Moustaki, Joan Baez, les noms ne manquent pas de chanteurs et chanteuses qui ont su interpréter en musique leurs idées politiques. Moustaki célèbre le concept trotskiste de Révolution Permanente dans Sans la nommer, Joan Baez, à la suite de Leonard Cohen, raconta la Résistance dans The Partisan. Les groupes de musique ne sont pas en reste. Au Québec, Les Cowboys Fringants chantent l’indépendantisme dans Lettre à Lévesque. Quant au mouvement écologiste, on ne compte plus les chansons qui appellent à défendre l’environnement et à ne pas polluer.
ET LA DROITE DANS TOUT ÇA ?
La chanson politique, est-ce forcément de gauche ? Que chante-t-on dans les meetings de la droite ? La tradition monarchiste de la droite française fait d’abord se consacrer les chansons à leur champion, leur candidat, leur Roi présidentialisé. La France avec Chirac en 1988 en est le summum : « La France a besoin d’un homme, de courage de résolution ». A l’extrême-droite du champs politique, on affectionne les chants militaires, nostalgiques de l’Algérie française, on garde le même habitus royaliste thaumaturge que la droite républicaine (« Avec Jean-Marie, je n’ai plus de peine, avec Jean-Marie, plus aucun soucis » dans Avec Jean-Marie). Force est de constater que la tradition de la chanson politique n’a pas été préservée à droite. Pourtant, il existait des chansonniers conservateurs et droitiers de la fin du XIXème siècle, tels Louis-François-Marie Nicolaïe dit Clairville. Il singeait les chansons du camp ouvrier, dépeignant l’internationale ouvrière comme un repère de bagnards alcooliques dans sa version de l’Internationale, souhaitant le massacre des communards dans La Commune, opposant le bon ouvrier obéissant au mauvais ouvrier révolté dans Les deux canailles. La République, fondée par la gauche, récupérée par la droite, ce thème est devenu un topos de l’analyse politique. Le drapeau tricolore républicain s’opposait au drapeau blanc royaliste, et pourtant c’est aujourd’hui la droite qui utilise le plus cet étendard, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres de ce sujet maintes fois et bien plus intelligemment traité. Il en est de même avec les chansons révolutionnaires qui, institutionnalisées et déparées par la force de l’oubli et de l’habitude de leur subversion, seraient devenues des symboles de droite et abandonnées par la gauche. La Marseillaise, en 1917, était le cri de ralliement des révolutionnaires russes, quelle ironie de la voir reprise par les héritiers idéologiques des défenseurs du tsarisme. La plus superbe ironie de la reprise par les libéraux-conservateurs des chants de la Révolution eut lieu lors de la campagne de 1981. Valéry Giscard d’Estaing allait jouer du piano chez les Français en interprétant les beaux morceaux de notre roman national. Au programme, le chant du départ, qui devint la chanson des jeunes giscardiens. Alors que la campagne de François Mitterrand insistait sur l’esprit de fin de règne de l’Ancien Régime qui flottait autour du président centriste flamboyant, les partisans de celui-ci chantaient « tyrans descendez au cercueil ». La chanson engagée et les chants politiques sont constitutifs de l’Histoire de la gauche, du mouvement ouvrier internationaliste et des luttes progressistes. Parfois institutionnalisées, elles s’encastrent alors dans le régime officiel, et finissent par être reprises par leurs adversaires d’hier, ou par reproduire les erreurs et errements des nouveaux régimes, à l’image des chants politiques des démocraties populaires. A travers chants et chansons, ce sont toutes les questions de notre mouvance politique qui resurgissent. Comment sortir du mouvementisme, parvenir au pouvoir, y mener les changements radicaux que nous souhaitons en restant respectueux des libertés publiques sans trahir nos électeurs ? Comment se réapproprier les symboles du républicanisme et du socialisme républicain dérobés par la droite, délaissés par la gauche ? Comment les remettre au goût du jour, comment les dépoussiérer ? Nous n’avons pas de solution magique toute faite à apporter à ces questions, mais le rôle du Temps des Ruptures sera de tenter d’y répondre. Références (1)Du nom de l’armée anarchiste ukrainienne de Nestor Makhno

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Fin de l’histoire pour le souverainisme québécois ?

Luttes d'hier & Luttes d'ailleurs

Fin de l’histoire pour le souverainisme québécois ?

Le 24 juillet 1967 à Montréal. En déplacement au Canada, Charles de Gaulle se présente au balcon de l’hôtel de ville. En conclusion d’un discours sur l’amitié entre la France et le Canada français, il se fend d’une phrase qui fait désormais partie de l’histoire : « Vive le Québec libre! ». Cette saillie intervient à un moment charnière de l’histoire des francophones d’Amérique du Nord : le basculement vers le souverainisme.

Dans les années 1960, le souhait d’émancipation politique de la génération du baby-boom provoque une période d’ébullition politique mondiale : le Printemps de Prague, l’accélération de la décolonisation, les révoltes estudiantines, la diffusion du pacifisme, du féminisme et de l’antiracisme en sont les principales manifestations … La lutte des classes, en Europe, n’apparaît plus comme l’unique moteur de l’histoire, l’autorité de l’Église catholique vacille, et les peuples du tiers monde infligent à l’impérialisme américain sa première défaite.

Dans ce contexte politique de rupture, un peuple, celui des Canadiens français, entre en pleine métamorphose. Depuis leur abandon par la France au XVIIIème siècle, ils vivent comme une société distincte et minoritaire. Leur histoire mouvementée commence par la déportation du peuple Acadien. Après la victoire britannique lors de la Guerre de Sept Ans et la cession des colonies françaises d’Amérique du Nord, les francophones d’Acadie ont été déportés en France ou en Louisiane par les Britanniques. Au XIXème siècle, une révolte française menée par le mouvement des patriotes s’est achevée par leur pendaison. Coupée de ses liens avec la métropole, la société canadienne-française s’était repliée sur elle-même, autour d’une Eglise catholique rendue toute puissante. Cependant, l’emprise politique et culturelle du cléricalisme décline à partir des années 1960, avant de disparaitre. La période de « grande noirceur », caractérisée par la domination politique du premier ministre québécois conservateur et clérical Maurice Duplessis, laisse place à partir de 1960, date de la victoire du libéral Jean Lesage, à la révolution tranquille, une période de rupture où la société québécoise se modernise à grande vitesse, avec l’édification de son Etat-Providence.

La naissance d’une conscience nationale

La société évolue, sans pour autant que la domination des Canadiens britannique ne disparaisse. Si le clivage entre anglophones protestants et francophones catholiques s’évanouit avec la sécularisation de la société, la bourgeoisie reste anglophone et le prolétariat francophone. Dans ce terreau fertile, le marxisme-léninisme, farouchement combattu par l’Église, parvient à déployer ses thèses, notamment avec l’arrivée de la littérature anticolonialiste au Québec. Les Canadiens français prennent conscience de leur statut de peuple inféodé. Le nationalisme, la fierté d’être une Nation culturellement distincte, ne peut plus suffire, au moment où le peuple québécois exige la reprise en main de son destin.

Par l’émancipation, le peuple québécois entend non seulement sortir de la tutelle cléricale et se libérer du risque social, mais aussi devenir souverain, être maître d’un « chez lui » qui reste à définir…La société canadienne française ne se construit pas territorialement, mais linguistiquement et culturellement : alors que les francophones sont présents partout au Canada, le mouvement souverainiste cherche à définir un « chez nous », qui sera le Québec, province majoritairement francophone, dotée d’un gouvernement, d’une administration, d’un éventail large de compétences pour se diriger vers la souveraineté. Désormais, le terme de « Québécois » remplace celui de « Canadien français » : les francophones, minoritaires au Canada, deviennent majoritaires dans la province québécoise.

Au moment où Charles de Gaulle prononce son fameux discours, cette réflexion reste confinée aux cercles souverainistes encore minoritaires. Paradoxalement, les protestations du gouver- nement canadien et le scandale diplomatique qui s’en suit donne une existence mondiale au nom de « Québec ». Jusqu’en Chine, des idéogrammes sont associés pour écrire ce mot nouveau.

Dans la foulée de ce choc politique, le mouvement souverainiste s’agrandit, l’idée d’une nation québécoise progresse. Un an après, en 1968, les souverainistes de différentes obédiences, nationalistes ou anciennement libérales, s’unissent dans le Parti Québécois (PQ). La même année, un essai paraît, Nègres blancs d’Amérique, dans lequel Pierre Vallières, journaliste et écrivain souverainiste, dénonce la domination économique des conglomérats anglo-saxons sur les francophones, auxquels a été interdit l’accès aux postes de direction. Aux élections québécoises de 1970, le Parti Québécois arrive deuxième en nombre de votes. Les plus radicaux, acquis aux thèses anticolonialistes, avaient fondé en 1963 le Front de Libération du Québec (FLQ). S’inspirant des mouvements anticolonialistes d’Afrique, d’Algérie en particulier, ils souhaitent qu’une insurrection populaire balaye l’administration canadienne-britannique, considérée comme colonisatrice. Combattus comme organisation terroriste par le Canada, ils passent à l’action violente en octobre 1970.

L’attaché commercial du gouvernement britannique, puis le ministre du travail du Québec sont enlevés. Le FLQ envoie un manifeste à tous les médias, et réclame qu’il soit diffusé à la radio et dans la presse, ainsi que la levée d’un impôt révolutionnaire volontaire et l’autorisation de quitter le Canada pour Cuba. Les médias obtempèrent, et le manifeste est diffusé. Le gouvernement du Canada, mené par Pierre-Eliott Trudeau profite de cet évènement pour s’attaquer non pas seulement aux éléments radicaux du FLQ mais à tout le mouvement souverainiste y compris l’immense majorité pacifiste.

En 1968, les souverainistes de différentes obédiences, nationalistes ou anciennement libérales, s’unissent dans le Parti Québécois (PQ).

Une loi de guerre est votée, qui permet à l’armée canadienne de se déployer dans tout le Québec, deux ans après que le gouvernement canadien avait déclaré que le Québec n’était pas sous occupation.

Les locaux du Parti Québécois sont perquisitionnés, ses militants fichés, certains sont même arrêtés malgré leur absence de lien avec le FLQ. Se sentant considérée comme un ennemi de l’intérieur, une partie du peuple québécois se soulève, faisant éclater des émeutes. L’affaire tourne au drame quand le ministre du travail est retrouvé mort, dans le coffre d’une voiture, entrainant l’arrestation rapide des « felquistes » (membres du FLQ). Si les actions du FLQ sont unanimement condamnées, la mémoire retient surtout la surréaction canadienne, l’occupation militaire et le fichage d’opposants politiques pacifiques. Encore aujourd’hui, les souverainistes québécois déplorent que le gouvernement canadien ne se soit jamais repenti, bien que l’excuse mémorielle soit une activité récurrente du Canada dirigé par Justin Trudeau, le fils de Pierre-Eliott Trudeau.

Loin d’affaiblir le mouvement souverainiste, les événements d’octobre confirment ce qu’il professe depuis une dizaine d’années : le gouvernement du Canada méprise le Québec. Les élections québécoises de 1976 donnent la vic- toire au Parti Québécois de René Lévesque, notamment grâce à l’adhésion de la classe ouvrière au souverainisme : les syndicats soutiennent largement le Parti Québécois, dont la puissante Fédération des Travailleurs du Québec, qui avait été victime du fichage politique consécutif à octobre 70. Le Mouvement social et le mouvement souverainiste se confondent dans leur lutte contre la domination du capitalisme anglo-saxon. Cette première mandature souverainiste est l’occasion de lois emblématiques, comme la loi 101, qui fait du français la seule langue officielle du Québec. Les administrations et entreprises du Québec sont désormais obligées de communiquer exclusivement en français, d’adopter un nom français, et d’adopter des campagnes publicitaires en français. La reconquête de l’espace public par le peuple québecois, à travers la langue de Molière, est à l’œuvre, après une période de recul du français, isolé, comme assiégé par tout un continent anglophone. Mais ce projet de souveraineté butte, en 1980, sur l’échec d’un premier référendum d’indépendance. Le gouvernement de René Lévesque avait proposé que le Québec adopte le principe de souveraineté-association, où le pouvoir politique serait rapatrié d’Ottawa, tout en conservant un régime d’association économique et de monnaie unique. La campagne du PQ ne parviendra pas à convaincre les Québécois, qui re- jettent par 60% des voix le projet de Lévesque.

Déclin du souverainisme, retour du nationalisme de droite

Ainsi, le mouvement souverainiste, foncièrement social-démocrate, est pris dans les mêmes impasses que la social-démocratie européenne. Arrivé au pouvoir, il participe à la progression néolibérale des années 1980-1990, du fait de la domination du PQ par son aile droite, attachée à l’indépendance mais économiquement libérale.

La question économique est évacuée, la question linguistique et identitaire prend définitivement le pas sur la question sociale, et les débats se cristallisent autour de la constitution canadienne. En 1981, le gouvernement canadien souhaite donner au Canada une constitution écrite par les Canadiens, celle en vigueur ayant été écrite par les Britanniques. Les désaccords persistants entre les provinces, qui veulent un pouvoir fédéral décentralisé, et le gouvernement du Canada, plus centralisateur, sont réglés dans la nuit du 4 novembre 1981 par les neuf premiers ministres provinciaux anglophones et le premier ministre du Canada, Pierre-Eliott Trudeau. René Lévesque, exclu des négociations, refuse de signer l’accord, indique le rejet du Québec, entériné malgré le refus de la signature du Québec.

Deux projets de réforme de la constitution pour inclure le Québec échouent. Le premier échoue en 1987, les premiers ministres provinciaux n’arrivant pas à s’entendre. Pour essayer de dépasser les désaccords entre premiers ministres, le gouvernement du Canada passe directement au référendum en 1992. Celui-ci propose de reconnaître le Québec comme une société distincte, sans étendre les pouvoirs des provinces. Il est rejeté au Québec mais aussi dans l’Ouest du Canada, traduisant l’impossibilité du Canada de reconnaître la spécificité de la société québécoise : les Québécois trouvaient que cet accord ne leur confiait pas suffisamment de latitude sur leur orientation politique, l’Ouest du Canada refusait quant à lui le concept de société distincte. La société francophone du Québec bascule durablement dans le souverainisme. Les indépendantistes remportent les élections 1994, et provoquent immédiatement un référendum.

Le second référendum de 1995 se joue à un cheveu, avec une victoire du non à l’indépen- dance de seulement 1% d’avance sur le oui. Les manœuvres politiques du Canada destinée à renverser le référendum en faveur de l’union, en utilisant des moyens contestés et contestables, sont fructueuses : la campagne pour le non, surfinancée, organise d’immenses rassemblements aux frais du contribuable. Si 60% des francophones votent en faveur de la souveraineté, la totalité des anglophones et 80% des allophones (ceux dont la langue maternelle n’est ni l’anglais, ni le français) s’y opposent, entraînant son échec. La division du camp fédéraliste (opposé à la souveraineté), et l’union du camp souverainiste garantissent tout de même une majorité solide pour gouverner le Québec. Mais incapable d’incarner une alternative au néolibéralisme, les parties souverainistes échouent définitivement à fédérer le peuple québécois autour d’un nouveau projet politique et social. Cette défaite, puis l’incapacité à s’en relever affaiblissent durablement le mouvement souverainiste.

Ainsi, les années 2000 sont celles de la division du camp souverainiste. Reprochant au Parti Québécois son tournant néolibéral, et acquis au multiculturalisme, le parti de gauche radicale Québec Solidaire (QS) progresse. Ce parti, qui professe officiellement le souverainisme, attire en réalité des votes d’une population métropolitaine et multiculturelle nettement moins sensible à cette question.

De leur coté, les plus radicaux, en faveur de l’indépendance quittent le Parti Québécois à la fin de la décennie 2000 pour fonder un parti résolument indépendantiste, Option Nationale. Celui-ci a fusionné avec Québec Solidaire, mais son chef historique, Jean-Martin Aussant, est rapidement revenu au Parti Québécois… En ce qui concerne les élections fédérales cana- diennes, le Bloc Québécois, qui avait dominé la vie politique fédérale au Québec depuis 1994, s’effondre en 2011 lorsque les éléments plus à gauche du mouvement souverainiste, lassés par le centrisme économique du parti, votent massivement pour le parti multiculturel social-démocrate canadien, le Nouveau Parti Démocrate. Si au niveau provincial, le Parti Québécois retrouve le pouvoir en 2012, il le perd deux ans plus tard, en raison de son incapacité à faire adopter une loi sur la laïcité.

Cinquante ans après la fondation du Parti Québécois, le projet souverainiste a fait son temps et se retrouve enterré par un nationalisme ayant fait allégeance au libéralisme économique, avec l’arrivée au pouvoir de François Legault.

Avec une base électorale vieillissante, incapable de porter durablement un projet souverainiste, déserté par les jeunes, le Parti Québécois connait une déroute électorale en 2018. Ne conservant que ses bastions de l’est du Québec, il est désormais relégué à la quatrième place en nombre de sièges, derrière Québec Solidaire. La lassitude à l’égard du Parti Libéral profite à la formation nationaliste et droitière « Coalition Avenir Québec » (CAQ), dirigée par François Légault, homme d’affaires et ancien membre du Parti Québécois, élu lors des élections de 2018.

M. Legault a fait adopter une loi sur la laïcité, interdisant notamment le port de signes religieux par les fonctionnaires du gouvernement du Québec, dénoncée dans le reste du Canada, où domine une conception multiculturelle hostile à tout discours considérant la religion avec circonspection. Champion d’une société québécoise sécularisée, acquise au capitalisme mais globalement hostile à l’immigration, M. Legault réussit à capter toute la dimension identitaire du souverainisme.

Dès lors, l’avenir du mouvement souverainiste québécois, concurrencé à la fois par un nationalisme identitaire et par une gauche radicale multiculturelle semble peu prometteur.

Comment retrouver l’équilibre fondateur du Parti Québécois, être en accord avec les aspirations du peuple, qu’elles soient économiques, culturelles ou politiques ? Le mouvement souverainiste québécois semble intensément divisé : si certains soulignent la nécessité de renouer avec les travailleurs, les syndicats et les classes populaires, d’autres franges, au contraire, voient dans le souverainisme un moyen de construire un Québec plus compétitif et libéral. En outre, se pose la question de l’identité québécoise dans un monde globalisé et multiculturel, certains soulignant la nécessité de rompre avec la dimension ethnique du souverainisme québécois afin d’embrasser un projet plus inclusif.

Vers un nouveau souffle pour le souverainisme ?

Existe-t-il à nouveau, aujourd’hui, un contexte qui serait propice au déclenchement du processus souverainiste ? Le multiculturalisme anglo-saxon, de plus en plus opposé à l’universalisme francophone, semble être un terrain favorable. Tout comme la presse américaine s’oppose avec sentimentalisme et cris d’orfraie à la laïcité française, la presse canadienne n’hésite pas à qualifier les Québécois de racistes dès lors qu’ils votent une loi interdisant le port de signes religieux pour les fonctionnaires du gouvernement du Québec. Il est tout à fait possible qu’un désaccord éclate entre le gouvernement canadien et le Québec sur un sujet aussi central que la laïcité : Justin Trudeau pourrait parfaitement contester la loi québécoise devant les tribunaux. Dans cette situation, quelle serait la réaction de la société québécoise ? Il est possible qu’un affrontement entre les conceptions multiculturelle anglo- saxonne et universaliste franco québécoise fasse refleurir l’élan du souverainisme sur les rives du Saint-Laurent.

Pour autant, une telle stratégie ne saurait suffire, la droite nationaliste québécoise ayant d’ores et déjà démontré son habileté à instrumentaliser la défense de la culture québécoise. Plus que jamais, le lien avec la question sociale fait défaut au mouvement souverainiste, particulièrement dans sa pratique du pouvoir. La République laïque et sociale, résistant au capitalisme de marché en pratiquant la cogestion et l’Etat-providence, à l’emprise des clergés, est le projet politique abouti du souverainisme. En garantissant à tous de quoi vivre, elle permettrait l’émancipation collective par l’autonomisation du peuple des tutelles économiques et cléricales. Néanmoins, ce projet est en porte-à- faux avec le mantra classique des souverainistes, « la souveraineté ne se fait pas à gauche ni à droite, elle se fait devant », et des multi- culturalistes, qui voient dans la laïcité un facteur d’oppression contre les minorités. En fin de compte, le multiculturalisme et le souverainisme dominant semblent être empêtrés dans le consensus libéral mou. A l’inverse, une nouvelle étape du souverainisme consisterait, face à l’unanimisme ambiant, à incarner un bloc politique et social facilement identifiable autour d’un projet politique d’opposition au néolibéralisme. Face aux partisans de la fin de l’Histoire, il lui reste maintenant à réassumer un rapport de force politique et social.

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