La série documentaire et son grand succès amplement mérité ont permis de braquer les projecteurs pour de bon sur DJ Mehdi, prodige musical décédé prématurément à 34 ans d’un accident domestique, et de le faire connaître ainsi que son héritage musical auprès des personnes à travers les générations qui ne l’avaient pas connu jusqu’ici. Elle immerge pleinement les téléspectateurs dans la vie, l’univers et l’évolution musicale de cet artiste, comme jamais auparavant.
Une œuvre à la fois hip-hop et électro
De son vrai nom Mehdi Favéris-Essadi, DJ Mehdi, né le 20 janvier 1977 dans une famille franco-tunisienne en banlieue parisienne, après s’être fabriqué son premier sampler puis rejoint le groupe hip-hop Idéal J (dont faisait partie notamment Kery James), commence à gagner en notoriété et rejoint le collectif Mafia K‘1 Fry (comptant notamment dans ses rangs Rohff et Rim‘K).
Après avoir été beatmaker pour nombre de rappeurs, DJ Mehdi décide par la suite de sortir des projets solo, et ses productions ne sont alors plus exclusivement hip-hop mais également beaucoup plus électro. Il ne connaît tout d’abord qu’un succès relatif, et ses anciens collègues rappeurs ne manquent pas de le charrier sans retenue concernant ce changement d’orientation. Cependant, DJ Mehdi, loin de se décourager, persiste dans cette voie et rejoint le bientôt célébrissime label électro Ed Banger, alors tout juste fondé, sur lequel viendront se rajouter notamment par la suite Justice. C’est alors que le succès revient pour DJ Mehdi, et il continuera à faire de la musique électronique jusqu’à sa mort en 2011.
L‘humain derrière l’artiste
« DJ Mehdi : Made in France » ne nous présente pas DJ Mehdi uniquement à travers son incroyable carrière, mais nous montre aussi Mehdi Favéris-Essadi, la personne. On découvre en lui un homme très sympathique, humble, les pieds sur terre, avec une ouverture d’esprit exceptionnelle. Autrement dit, l’ami que tout le monde aimerait avoir.
Mehdi nous est présenté par ceux qui l’ont fréquenté de près. De nombreuses archives le montrant en studio, en concert devant des foules en délire, en interview, complètent le portrait, tout comme les interviews des collaborateurs de DJ Mehdi et de sa famille, qui permettent également de le replacer dans son contexte familial, culturel et musical.
La puissance du documentaire
Si le documentaire a connu un tel succès, c’est bien évidemment en premier lieu en raison de l’histoire hors du commun qu’il raconte et des univers qu’il concerne, le hip-hop et l’électro, aujourd’hui tous deux très solidement installés dans le paysage musical contemporain, bien que ce ne fut pas forcément le cas à l’époque de DJ Mehdi. Et voir un artiste se déplacer du hip-hop vers l’électronique, comme l’a fait DJ Mehdi, était du jamais-vu à l’époque.
Cependant, deux aspects expliquent également le succès de « DJ Mehdi : Made in France » : la qualité du documentaire lui-même, en plus de l’histoire qu’il raconte, et la pertinence des thèmes abordés, qui ajoutent au grand impact du documentaire et le rendent pertinent pour toutes les générations. Le documentaire est d’une telle qualité et d’un tel rythme que l’on est tout de suite absorbé et captivé, comme on le serait pour un film. Ensuite, il met en valeur des thèmes comme l’importance de la famille, de l’amitié, la passion quand on se consacre avec un tel dévouement à un projet (DJ Mehdi était un vrai perfectionniste, très rigoureux et exigeant envers lui-même), ou encore la perte d’un être cher (il est difficile de ne pas se sentir révolté par l’injustice de la mort prématurée d’un artiste aussi talentueux, prometteur, mais également profondément bienveillant et fédérateur).
Au-delà du décès de DJ Mehdi, une célébration de sa vie et de son œuvre
Le documentaire rend hommage à DJ Mehdi de la plus belle des manières. Certes, sa vie a pris fin prématurément, mais une fois arrivé à la fin de la série, on n’est pas inconsolable comme on pourrait être tenté de le penser. Pourquoi ? D’abord, parce qu’on nous montre que DJ Mehdi continue à vivre parmi nous, à nous faire danser et vivre nos émotions à travers sa musique. Ensuite, parce que la quasi-totalité du documentaire célèbre sa vie, et les différents protagonistes du récit revivent lors des interviews leur joie d’avoir connu Mehdi et passé de merveilleux moments avec lui.
En ce qui concerne la postérité de l’artiste, la musique de DJ Mehdi a, à elle seule, énormément contribué à ce qui allait être le son des années 2010. En témoignent notamment les hommages d’énormément de stars de la musique (Pharrell Williams et Drake pour ne citer qu’eux !) sur Twitter après son décès.
Qualifier de documentaire cette série en six épisodes serait presque réducteur, tant on est à la fois captivé et profondément ému par ce personnage incomparable de l’histoire de la musique française (et peut-être mondiale) ? Le terme « film en 6 parties » conviendrait presque mieux. Enfin, un autre mérite du documentaire est d’être accessible à beaucoup de générations, et ses bonnes ondes hautement contagieuses permettent de faire connaître l’artiste à d’autres parties de la société française. Espérons que DJ Mehdi, auparavant, malgré tout essentiellement connu par les millenials en France, ait désormais la popularité qu’il mérite. La génération Z française a désormais fait plus largement connaissance avec lui, et continue de faire vivre ainsi son héritage près de 15 ans après sa mort.
Au cas où vous n’auriez pas encore vu le documentaire (ou plutôt le film en 6 parties), pas de panique : « DJ Mehdi : Made in France » est encore disponible sur le site et l’application Arte (et YouTube) jusqu’au 31 juillet 2027. Pour autant, inutile d’attendre trop longtemps avant de le regarder, ou plutôt de le dévorer, tant les épisodes sont hautement addictifs, et d’une durée raisonnable (une quarantaine de minutes pour la plupart).