Célébrer la pride

Célébrer la pride

“Qui fait l’homme et qui fait la femme” ? Cette question, d’un ton plutôt daté, la plupart des couples queer l’ont entendue. Bien que la tolérance sexuelle ait gagné du terrain ces dernières années, dans la loi comme dans les médias , l’équilibre de ces couples questionne encore beaucoup. L’indiscrétion des personnes osant cette question est-elle plus à blâmer que l’origine de cette idée ? Si l’idée d’une répartition genrée dans le couple est si répandue, c’est bien parce qu’elle est socialement actée.

“Qui fait l’homme et qui fait la femme” ? Cette question, d’un ton plutôt daté, la plupart des couples queer l’ont entendue. Bien que la tolérance sexuelle ait gagné du terrain ces dernières années, dans la loi comme dans les médias(1), l’équilibre de ces couples questionne encore beaucoup. L’indiscrétion des personnes osant cette question est-elle plus à blâmer que l’origine de cette idée ? Si l’idée d’une répartition genrée dans le couple est si répandue, c’est bien parce qu’elle est socialement actée. L’attribution de rôles genrés aux femmes et aux hommes est intrinsèquement liée aux dynamiques en place dans la société patriarcale. Et ce constat s’étend également aux couples homosexuels, qui bien qu’hors de l’hétérosexualité, n’en subissent pas moins les injonctions hétéronormées.

Alors qui fait l’homme et qui fait la femme ?

Dans l’esprit de celui ou celle qui pose cette question, existe une version assez précise d’un couple homosexuel, tout d’abord visuellement. L’apparence est en effet le premier trait donné aux injonctions de genre, qui attribue certains traits physiques au domaine du féminin et du masculin. Cette caractérisation ne s’arrête pas aux portes de l’hétérosexualité, elle intervient également dans les milieux queer, catégorisant des personnes comme masculines ou féminines. La classification genrée qui est appliquée aux personnes queer est directement issue de la vision hétérosexuelle que nous avons de la société et plus précisément du couple. Une femme doit faire couple avec un homme et si ce n’est pas le cas alors il faut que cette dichotomie soit représentée dans le couple de femmes, avec l’une jouant le rôle de l’homme et l’autre jouant le rôle de la femme. Ces rôles ne se limitent pas à l’expression physique du genre, ils s’expriment également dans les attentes qui peuvent apparaître au sein du couple, qui bien que queer, n’est pas pour autant immunisé face aux exigences hétéronormées de la société. L’intériorisation de normes sociales genrées peut ainsi faire peser sur les épaules des membres du couple des attentes propres à leur expression de genre, qui se résume vulgairement aux personnes féminines à la cuisine et masculines au bricolage.

Le féminisme a beaucoup à apporter également aux couples queer, puisque venant déconstruire la vision patriarcale que nous impose la société. Nombre de sociologues(2), philosophes(3), ou encore anthropologues(4) féministes viennent repenser les rôles genrés voire même le genre, et ainsi nourrir une vision radicalement différente de celle imposée par le patriarcat. Ces travaux nous permettent alors de remettre en question les rôles genrés, dans le couple hétérosexuel comme queer. S’affranchir de ces considérations binaires permet d’accueillir plus librement les expressions d’identités multiples, plus que de genre, et en particulier dans les couples queers, dans lesquels ces questions ne se limitent pas toujours à la binarité du genre.

Il y a donc une multitude de réponses à la question que nous avons tous entendue. Monique Wittig répondrait que les lesbiennes ne sont pas des femmes(5), coupant ainsi court à l’injonction des rôles genrés dans le couple lesbien. Chacun(e) est libre d’apporter la réponse qu’il ou elle souhaite, même si le mieux serait que cette question ne soit plus posée.

Références

(1)En France

(2) Christine Delphy

(3) Monique Wittig

(4) Véra Nikolski

(5) Monique Wittig, La pensée Straight, 1992

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

Front populaire contre Front national : les médias doivent choisir leur camp

Front populaire contre Front national : les médias doivent choisir leur camp

Depuis le dimanche 9 juin 2024, aux alentours de 21h, le monde politique est bouleversé par l’annonce présidentielle de la dissolution de l’Assemblée nationale. Entre alliance des gauches et explosion des partis de droite et d’extrême droite, ces journées politiques offrent un spectacle étonnant. Cet edito entend analyser un point saillant qui risque de déterminer en grande partie les résultats du 7 juillet : le cadrage médiatique.

Depuis le dimanche 9 juin 2024, aux alentours de 21h, le monde politique est bouleversé par l’annonce présidentielle de la dissolution de l’Assemblée nationale. Entre alliance des gauches et explosion des partis de droite et d’extrême droite, ces journées politiques offrent un spectacle étonnant. Le sujet de cet édito n’est pas de revenir sur ces tractations ou même de présenter une analyse globale des enjeux que recouvrent les prochaines élections législatives. Il entend simplement analyser un point saillant qui risque de déterminer en grande partie les résultats du 7 juillet : le cadrage médiatique.

Selon toute vraisemblance, et plus que jamais, les médias joueront un rôle crucial dans ces élections législatives. A chaque échéance électorale il en va de même, mais notre hypothèse est qu’ils seront, cette-fois ci, plus que jamais déterminants.

Selon Le Figaro(1), en se fondant sur les résultats des élections européennes du 9 juin, 536 (sur 577) circonscriptions pourraient voir un duel entre le Front populaire et le Rassemblement national au second tour. C’est évidemment une fourchette – très, très – haute, et on imagine mal les candidats de la majorité présidentielle ou de LR n’arriver au second tour que dans une quarantaine de circonscriptions. Toutefois ce qui ressort des différentes analyses, c’est qu’une majorité de duels se fera entre le RN et le Front populaire.

Dès lors, ce sont les suffrages des électeurs centristes, macronistes, qui détermineront le vainqueur d’un second tour. Plusieurs enquêtes menées en 2023 montrent que, désormais, Jean-Luc Mélenchon fait figure d’épouvantail pour la bourgeoisie centriste, bien plus que Marine Le Pen. Un sondage de mars 2023 indiquait que Marine Le Pen inquiétaient 39% des électeurs Renaissance ; Jean-Luc Mélenchon 44%. La situation s’est, du reste, empirée depuis le 7 octobre et l’attaque terroriste du Hamas : refus de qualifier le Hamas d’organisation terroriste, rupture de la NUPES par le Parti socialiste, sorties antisémites de Jean-Luc Mélenchon, attaques quotidiennes sur Raphaël Glucksmann, etc.

Un sondage IFOP du 8 février 2024 montre qu’en cas de second tour entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, 66% des sympathisants Renaissance voteraient pour la candidate du Rassemblement national. Insistons sur ce point : les deux tiers de l’électorat macroniste voteraient pour l’extrême droite en cas de duel face au chef de la France insoumise. Il faut avoir cet élément essentiel en tête à l’heure d’appréhender le rôle que jouent et joueront les médias dans la campagne législative en cours.

En partant donc de l’hypothèse selon laquelle beaucoup de seconds tours verront s’affronter candidats estampillés Front populaire et candidats d’extrême droite, l’électeur centriste est à convaincre. La modération dont a fait preuve Jean-Luc Mélenchon au JT de France 2, et les compromis sur le programme commun (construction européenne, reconnaissance des actes terroristes du Hamas, soutien à l’Ukraine, etc) témoignent de cette prise de conscience. Il faut rassurer le bourgeois.

Mais si les femmes et hommes de gauche ont pris leur responsabilité, il reste un élément qu’ils n’ont pas entièrement entre les mains – même si leurs prises de position peuvent l’influencer -, le traitement médiatique des futurs seconds tours. Car rappelons-nous qu’en avril 2022, au soir du premier tour de l’élection présidentielle, le président de la République Emmanuel Macron n’était crédité que de 53% des suffrages, contre 47% pour Marine Le Pen. Ici, c’étaient les électeurs de gauche qu’il fallait convaincre. Eux qui avaient déjà fait barrage à l’extrême droite en 2002, en 2017, étaient à nouveau appelés à voter pour le candidat de la casse sociale par excellence. Nombre d’entre eux souhaitaient s’abstenir.

Les deux semaines qui ont précédé le second tour ont vu, comme on pouvait s’y attendre, une campagne médiatique de front républicain se mettre en place. Progressivement, à mesure que le risque fasciste devenait réalité (les sondages inquiétants étaient dans les bouches de tous les chroniqueurs et journalistes politiques), à l’initial « ni-ni » était préféré un vote en faveur d’Emmanuel Macron. Finalement, l’on est passé de 6 points d’écart à 17.

La chose est dure à quantifier, mais je fais l’hypothèse que sur les électeurs centristes, les médias dits « traditionnels » ont encore une influence considérable. Que l’on pense aux millions d’auditeurs des matinales radio, ou aux millions de téléspectateurs du journal de 20h, l’audience touchée est grande et, surtout, c’est un audimat dont on peut fortement supposer qu’une grande partie aura voté pour un candidat de la majorité présidentielle au premier tour.

Ces médias ne vont pas appeler à voter pour tel ou tel camp, mais le cadrage médiatique qu’ils feront des sorties des uns et des autres sera décisif. Insidieusement, la diabolisation ou la dédiabolisation afférées au Front Populaire ou au Rassemblement national par la radio, la télévision ou les médias du « centre raisonnable » (qui, généralement, abhorre tout autant voire plus la France insoumise que le Rassemblement national) orienteront une partie non négligeable de l’électorat macroniste à se décider.

Car il ne s’agit pas de savoir si le RN aura 50 ou 100 députés. Il ne s’agit pas de savoir si LFI en aura 30, 50 ou 70. Il s’agit bel et bien de savoir si les électeurs centristes sont prêts à propulser l’extrême droite à la tête de la France.

Références

(1)Le Figaro, 12 juin 2024. 

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

Les fausses bonnes idées en politique

Édito

Les fausses bonnes idées en politique

Il apparaît qu’en politique, comme sur un fleuve, il soit vain d’aller à contre-courant. Notre camp, celui de la gauche, celui du progrès, celui du mouvement, s’est longtemps attaché à l’Histoire, puisqu’elle était amenée, pensait-on, à prévoir les mondes nouveaux – matérialisme historique oblige. Aussi, certains combats paraissaient aller dans le sens de l’Histoire, et l’on opinait à leur bon sens sans vraiment réfléchir à leurs implications. Et voilà que, des années plus tard, ces fausses bonnes idées se révèlent avoir produit de bien fâcheuses conséquences.

Il apparaît qu’en politique, comme sur un fleuve, il soit vain d’aller à contre-courant. Notre camp, celui de la gauche, celui du progrès, celui du mouvement, s’est longtemps attaché à l’Histoire, puisqu’elle était amenée, pensait-on, à prévoir les mondes nouveaux – matérialisme historique oblige. Aussi, certains combats paraissaient aller dans le sens de l’Histoire, et l’on opinait à leur bon sens sans vraiment réfléchir à leurs implications. Et voilà que, des années plus tard, ces fausses bonnes idées se révèlent avoir produit de bien fâcheuses conséquences.

Ce n’est pas de ce qu’on appelle communément les « questions de mœurs » ou les « questions sociétales » qu’il s’agit ici. En l’espèce, il y a un progrès indéniable sur ces enjeux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et on ne peut que s’en féliciter. La chape de plomb morale qui subsistait sur les têtes de nos concitoyens est progressivement mais sûrement écartée au profit de libertés émancipatrices.

Non, ce dont il s’agit véritablement, ce sont des idées qui semblent, en raison d’un contexte donné, aller de soi. Je souhaiterais donner deux exemples précis, qui à dire vrai n’ont aucun rapport entre eux, mais illustrent chacun à leur manière l’égarement d’une partie – sinon de la totalité – de la classe politique.

Le premier concerne la désindustrialisation. Cette notion, désormais honnie de la gauche radicale au RN en passant par la Macronie, fut il y a encore peu de temps l’alpha et l’oméga de la politique économique française. A la fin des années 90, la mondialisation « heureuse » permettait enfin aux nations occidentales de se décharger du lourd fardeau de la production industrielle. La tertiairisation offrait l’occasion de délocaliser les usines dans les pays en développement, notamment la Chine, et de supprimer la classe ouvrière au profit de salariés-individus éclatés. Rares étaient ceux qui, à l’époque, contestaient le mouvement en marche. Et le PDG d’Alcatel d’ajouter que la marque française devait « devenir une entreprise sans usines ». Du reste, la réflexion était cohérente, et il est évidemment plus simple de railler a posteriori un fourvoiement collectif aussi grave. Pourtant, aujourd’hui, il n’est pas un responsable politique qui ne se réclame de la relocalisation industrielle. La désindustrialisation ? Fausse bonne idée historique que plus personne ne défend aujourd’hui.

Autre objet de forfaiture républicaine, la fâcheuse tendance qu’ont eue gauche et droite confondues de croire la laïcité dépassée. En 1989, lors de la fameuse « affaire de Creil », des responsables politiques considéraient que la guerre des deux France (entre laïques et catholiques) étant terminée, la laïcité mérite assouplissement et accommodements raisonnables. Cela allait aussi dans le sens de l’histoire, avec la phraséologie différentialiste qui allait avec. Pour bon nombre de politiques de gauche, le progrès devait balayer les obscurantismes religieux et donc n’apparaissait plus la nécessité de lutter fermement contre ceux-ci. D’où le non-choix de Jospin, alors Premier ministre, qui aboutit à une politique d’atermoiement – « il est urgent de ne pas se presser » – laquelle ne se résoudra qu’en 2004 avec l’adoption de la loi prohibant le port de signes religieux ostensibles. Son vote est d’ailleurs quasiment unanime, à gauche comme à droite, montrant là que quinze années ont été perdues, quinze années durant lesquelles la laïcité a reculé. Assouplir la laïcité ? Fausse bonne idée historique que peu de gens défendent aujourd’hui.

En cette nouvelle année 2024 qui commence, de nouveaux combats politiques vont être menés, et des enjeux inédits apparaîtront dans le débat médiatique. Je pense par exemple à l’autonomie de la Corse, sur laquelle les partis semble-t-il ne parviennent pas à se prononcer. Qu’ils y soient opposés ou favorables, c’est un tout autre débat. Mais espérons, pour le bien de notre démocratie, et surtout pour ne pas le regretter dans vingt ans, qu’ils réfléchiront avant de suivre aveuglément le sens du vent. L’appartenance au camp du mouvement ne doit pas nous empêcher, parfois, d’orienter le gouvernail pour ne pas se laisser emporter.

Nous soutenir

Si vous aimez notre travail, c’est par ici !

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

Nos autres éditos...

NOS REVUES

C’est encore mieux version papier.

Lire aussi...

La gauche à la pointe de la lutte contre le narcotrafic
Anticor : un nouvel agrément après une bataille judiciaire sans précédent
Penser l’alternative : entretien avec Jacques Rigaudiat
Le Nouveau Front Populaire doit devenir le camp de la concorde nationale

Quand E.Macron ouvre la boîte de pandore du régionalisme

Édito

Quand E.Macron ouvre la boîte de pandore du régionalisme

Longtemps, parler de décentralisation et de questions territoriales revenait à s’exprimer devant des salles vides, découragées par des considérations abstraites et techniques qu’il fallait beaucoup de courage pour s’évertuer à dire qu’elles étaient fondamentales. En quelques semaines, l’actualité les a rendus palpables.

Lorsque nous évoquions le régionalisme, notamment dans notre dernier livre « La France en miettes », on nous accusait de pessimisme. On prétendait que cela n’arriverait pas, que la France était un îlot de stabilité en la matière. Même en présentant des chiffres, en prouvant grâce à des études internationales ou des statistiques que ce qui se passait en Espagne nous guettait, peu de politiques étaient capables de se projeter au-delà du périphérique, encore moins vers des exemples étrangers… Il a fallu qu’un président de la République, qui aime à reprendre la rhétorique de ses interlocuteurs pour les séduire, parle comme un nationaliste Corse à Ajaccio pour que tous les régionalismes de France s’embrasent. Le jeu de surenchère entre régions a commencé ce jour-là avec la région Bretagne qui a remis un rapport sur l’autonomie à Élisabeth Borne. La boîte de Pandore est donc ouverte. Ce n’est que le début. D’autres collectivités et élus se sont levés pour dire que leur région n’avait pas moins de dignité que la Corse et avait le droit de réclamer la même chose. Le Président de la République souhaite également inscrire la Corse comme « communauté culturelle ». L’universalisme de la République repose sur l’idée qu’elle ne reconnaît aucune communauté, seulement des citoyens. Si nous reconnaissons une communauté, il faut reconnaître les autres. Si les jeunes de nos banlieues demandent la reconnaissance de leur communauté, leur répondrons-nous positivement, car elle n’est pas moins digne que la communauté corse ? Si c’est le cas, nous devons accepter de basculer vers un État communautariste à l’anglo-saxonne. Si nous leur répondons que leur communauté ne mérite pas d’être reconnue, alors nous hiérarchisons les communautés. Cela s’appelle du racisme. Si nous ne mettons pas un frein à cette idée présidentielle, nous devrons bientôt choisir entre communautarisme ou racisme ; il n’y aura plus de troisième voie.

Pire encore que le régionalisme, il fallait aimer être une voix dans le désert jusqu’à présent pour parler de différenciation territoriale… La loi 3Ds, illisible et technique, n’intéressait personne. Même les élus locaux se montraient indifférents. Pourtant, sur la base de cette loi, Valérie Pécresse et la Région Île-de-France viennent de faire 40 propositions. Premier exemple, un SMIC régional. Il serait plus élevé en Île-de-France, cela peut paraître sympathique. Sauf que, cela impliquerait une baisse relative ou réelle du SMIC dans les régions plus pauvres. Oublions la loi SRU et le logement social. Valérie Pécresse n’est pas une grande fan du logement social, pas plus que de l’Éducation nationale. Elle propose donc des écoles privées avec une totale liberté pédagogique à l’anglo-saxonne pour former des agents économiques. Ces écoles seraient choisies par la région mais, il ne faut pas rigoler, financées par l’État. Voilà ce qu’est la différenciation : une notion technique qui permet de démanteler le service public et les protections sociales. Si nous ne nous mobilisons pas contre cela, nous devrons assumer de vivre dans un pays où l’éducation aura été privatisée et l’inégalité légalisée. Pour l’instant, Valérie Pécresse doit demander l’autorisation. Emmanuel Macron propose cependant d’inscrire dans la Constitution un « droit à la différenciation ». Les collectivités y gagneraient également le droit de « déroger » à la loi. Aucun pays n’a adopté le principe de pouvoir « déroger » à la loi. Imaginez que vous décidiez, au nom de votre singularité, de ne pas vous arrêter à un feu rouge. La différenciation selon Emmanuel Macron, c’est cela. Quand Laurent Wauquiez refuse d’appliquer le zéro artificialisation nette (ZAN), il anticipe sur la réforme voulue par le président. Les partisans de la différenciation ne devraient plus parler et promettre la transition écologique, car cet exemple montre que celle-ci sera impossible.

Il est grand temps de s’alarmer des projets territoriaux du Président. Ces principes peuvent sembler ennuyeux aux rédacteurs de slogans de manif, mais si nous les ignorons, nous devrons vivre dans un pays dénué de politique publique ambitieuse, sans service public, sans véritable protection sociale… encore faudrait-il qu’il y ait encore alors un pays.

Lire aussi...

La gauche à la pointe de la lutte contre le narcotrafic
Anticor : un nouvel agrément après une bataille judiciaire sans précédent
Penser l’alternative : entretien avec Jacques Rigaudiat
Le Nouveau Front Populaire doit devenir le camp de la concorde nationale

La course à l’intelligence artificielle entre les grandes puissances : une nouvelle Guerre Froide ?

Édito

La course à l’intelligence artificielle entre les grandes puissances : une nouvelle Guerre Froide ?

L’intelligence artificielle (IA), autrefois cantonnée au domaine de la science-fiction, occupe désormais le centre d’une compétition effrénée entre les principales puissances mondiales. Cette quête de la suprématie en matière d’IA n’est pas sans rappeller la Guerre Froide du 20e siècle, avec ses rivalités technologiques, ses enjeux allant de la supériorité militaire à la domination économique, en passant par l’influence géopolitique mondiale.

L’intelligence artificielle (IA), autrefois cantonnée au domaine de la science-fiction, occupe désormais le centre d’une compétition effrénée entre les principales puissances mondiales. Cette quête de la suprématie en matière d’IA n’est pas sans rappeller la Guerre Froide du 20e siècle, avec ses rivalités technologiques, ses enjeux allant de la supériorité militaire à la domination économique, en passant par l’influence géopolitique mondiale.

Un exemple frappant de cette compétition se manifeste dans la bataille pour la domination de la 5G, une technologie de communication ultrarapide qui constitue un élément essentiel de l’infrastructure de l’IA. Les États-Unis ont encouragé des entreprises comme Qualcomm à développer rapidement la 5G afin de préserver leur avantage technologique, tandis que la Chine, avec des géants de la technologie tels que Huawei, a également réalisé d’énormes investissements, alimentant ainsi la rivalité entre ces deux nations, avec Taiwan au centre de ces enjeux géopolitiques.

La Chine, les États-Unis et d’autres acteurs privés majeurs investissent massivement dans la recherche et le développement de l’IA, cherchant à dominer ce secteur stratégique promettant de transformer non seulement l’économie mondiale, mais également la manière dont nous vivons, travaillons et nous défendons. La question cruciale est de savoir si cette course à l’IA peut être gérée de manière pacifique ou si elle évoluera vers une nouvelle forme de conflit.

L’idée que les États-Unis pourraient chercher à épuiser la Chine dans une course technologique, de manière similaire à la stratégie employée pendant la Guerre Froide contre l’URSS dans la course à l’armement, est une perspective à ne pas négliger. Dans la période de la Guerre Froide, les États-Unis et l’Union soviétique se sont engagés dans une compétition sans fin pour développer et acquérir des armes toujours plus sophistiquées. Cette course aux armements a finalement contribué à l’épuisement de l’Union soviétique et a joué un rôle dans son effondrement ultérieur.

Pourtant, n’est-il pas dans l’intérêt des pays intéressés de trouver des moyens de coopérer plutôt que de s’engager dans une rivalité destructrice ?

La communauté internationale doit jouer un rôle essentiel dans la gestion de cette course à l’IA. Des normes et des protocoles internationaux doivent être établis pour garantir une utilisation éthique et responsable de l’IA. La transparence, la sécurité des données et la protection de la vie privée sont des principes fondamentaux qui ne doivent en aucun cas être compromis dans cette quête de suprématie. En fin de compte, la course à l’IA peut représenter une opportunité pour les nations de collaborer, de partager leurs connaissances et de s’engager dans une compétition constructive. Contrairement à la Guerre Froide qui s’est achevée par un équilibre stable plutôt que par une confrontation directe, la course à l’IA peut déboucher sur des avancées technologiques bénéfiques pour l’humanité, à condition que les acteurs mondiaux fassent preuve de sagesse et de coopération.

La question n’est donc pas de savoir si une nouvelle Guerre Froide est inévitable, mais plutôt si nous, en tant que société mondiale, sommes prêts à travailler ensemble pour façonner l’avenir de l’IA de manière éthique, responsable et bénéfique pour tous. La réponse à cette question déterminera si la course à l’IA sera une marche vers un avenir meilleur ou une course vers l’incertitude.

Lire aussi...

La gauche à la pointe de la lutte contre le narcotrafic
Anticor : un nouvel agrément après une bataille judiciaire sans précédent
Penser l’alternative : entretien avec Jacques Rigaudiat
Le Nouveau Front Populaire doit devenir le camp de la concorde nationale

L’interdiction des abayas ou l’arbre qui cache la forêt

Édito

L’interdiction des abayas ou l’arbre qui cache la forêt

Le 27 août, quelques jours avant la rentrée scolaire, le nouveau ministre de l’Education nationale Gabriel Attal a pris la décision d’interdire les qamis et les abayas à l’école. Cette mesure était attendue par les personnels éducatifs et s’inscrit dans la droite ligne de l’esprit de la loi de 2004. Un laïque conséquent ne peut que s’en féliciter. Toutefois, choisir de faire de cette interdiction le sujet principal de la rentrée scolaire permet au nouveau ministre d’éviter les sujets qui fâchent, à savoir la crise multifactorielle que traverse l’école publique.

Le 27 août, quelques jours avant la rentrée scolaire, le nouveau ministre de l’Education nationale Gabriel Attal a pris la décision d’interdire les qamis et les abayas à l’école. Cette mesure était attendue par les personnels éducatifs et s’inscrit dans la droite ligne de l’esprit de la loi de 2004. Un laïque conséquent ne peut que s’en féliciter. Toutefois, choisir de faire de cette interdiction le sujet principal de la rentrée scolaire permet au nouveau ministre d’éviter les sujets qui fâchent, à savoir la crise multifactorielle que traverse l’école publique. La phrase de Charles Péguy s’applique tout aussi bien aux détracteurs de la laïcité qu’aux gouvernants qui ont abandonné l’école publique : « Il faut toujours dire ce que l’on voit ; surtout-il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ».

L’annonce de Gabriel Attal a fait réagir sur les réseaux sociaux – qui bien qu’étant une bulle fermée sur elle-même, influence tout de même la sphère politico-médiatique. Le tombereau d’insultes qu’a suscité, à titre d’exemple, la prise de position laïque du députée socialiste Jérôme Guedj en témoigne. Alors que selon un sondage IFOP près de 80% des Français approuvent cette mesure (60% des sympathisants LFI et EELV), une partie des militants de gauche perd de vue à la fois sa boussole laïque et son électorat. L’argument des contempteurs de l’interdiction qui revient le plus souvent est le suivant : l’abaya est un habit culturel et non cultuel, aussi le prohiber revient à exercer un racisme pur et dur qui vise une nouvelle fois les musulmans. C’est d’ailleurs, disent-ils, ce qu’affirme le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). Notre réponse tiendra en plusieurs points.

Premièrement, en République laïque celle-ci n’a pas à tenir compte des considérations des institutions religieuses concernant tel ou tel vêtement pour apprécier son éventuelle dimension cultuelle. L’Etat n’a en la matière pas besoin des appréciations théologiques des docteurs de l’islam ou du catholicisme. Comme l’a expliqué Patrick Weil dans un entretien à Marianne, « le burkini n’était pas prévu dans le Coran, les vêtements portés par les juifs orthodoxes Loubavitch ne sont pas non plus obligatoires selon la pratique traditionnelle mais on ne dira pas pour autant que ces tenues ne sont pas religieuses. C’est le juge qui va déterminer ce qui est religieux ou pas ». Ce qui fait office de caractère religieux, c’est notamment le fait que le vêtement soit porté de manière permanente. La rédaction adoptée par la loi du 15 mars 2004 – celle qui prohibe le port de signes religieux ostensibles – ne se limite pas aux vêtements religieux par nature, mais vise aussi les signes religieux par destination. La jurisprudence du Conseil d’Etat, depuis 2007, confirme cet esprit de la loi. En 2007 il avait jugé qu’un bandana couvrant les cheveux manifestait une appartenance religieuse ostensible, alors qu’à ma connaissance nul verset du Coran ne mentionne un quelconque bandana.

Deuxièmement, et c’est un point que beaucoup de personnalités politiques omettent, c’était une décision attendue massivement par les personnels éducatifs. Seuls 15% d’entre eux considéraient que les abayas et les qamis étaient des habits culturels, contre 68% qui les voyaient comme des signes religieux – et donc tombant sous le coup de la loi de 2004. Depuis près d’un an, les professeurs et proviseurs demandaient au ministère des consignes claires. Pap Ndiaye n’avait pas tranché, et mettait par là même les professeurs dans la confusion. Pourtant dès juin 2022 le Conseil des sages de la laïcité conseillait, par la voix de son secrétaire général Alain Seksig, « de ne pas laisser à nouveau les personnels de direction livrés à eux-mêmes ». Le « à nouveau » est à ce titre édifiant, et renvoie à la situation pré-loi de 2004 pendant laquelle les enseignants n’arrivaient plus à gérer le port du voile islamique en classe. Cette interdiction va donc soulager les personnels éducatifs, et permet une clarification demandée depuis un an par les syndicats. Le soutien apporté le 29 août par Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, à la décision de Gabriel Attal, en est révélatrice.

Troisièmement, et ce point-là est passé sous silence par les insoumis et écologistes, l’abaya n’est pas une simple mode vestimentaire qui sort de nulle part. Les atteintes à la laïcité ont doublé entre l’année scolaire 2022-2023 et la précédente. Le port de tenues religieuses représentait « 15 % à 20 % des faits rapportés jusqu’au printemps 2022 et dépassent désormais les 40 % des remontées mensuelles » (Le Monde).  Si le port de l’abaya était à l’école inexistant il y a encore quelques années, et s’il apparaît désormais massivement dans certains lycées – selon Iannis Roder, expert à la Fondation Jean Jaurès, certains lycées lyonnais voyaient près de la moitié des jeunes filles porter un abaya en classe -, ce n’est pas un hasard. Dès l’été 2022, les renseignements territoriaux alertaient le ministre d’une offensive menée par des prédicateurs islamistes sur les réseaux sociaux, notamment tiktok. Etait mise en avant une stratégie de contournement de la loi de 2004, justement grâce au port de quamis et d’abayas – mais, évidemment, il était surtout demandé aux femmes de se couvrir le corps… Ces appels ont été massivement relayés sur les réseaux sociaux, ce qui explique pourquoi, à la rentrée de septembre 2022, des milliers d’abayas sont apparus dans les écoles françaises.

 

La décision du ministre, mettant fin au flou de son prédécesseur, s’avère être une sage décision. Mais, non content de faire parler de lui, le ministre renforce volontairement les lignes de fracture à gauche sur les questions de laïcité. Par ailleurs le choix d’en faire le sujet principal de la rentrée scolaire apparaît au mieux comme un camouflet, au pire comme une instrumentalisation visant à passer sous silence d’autres sujets majeurs. Il manquera en effet 3 000 professeurs à la rentrée, des dizaines de milliers d’élèves rateront des cours essentiels à leur instruction. Le ministre se garde bien de proposer de véritables mesures financières pour remédier à ce problème, qui une nouvelle fois touchera principalement les plus pauvres, ceux qui n’ont pas leur famille pour les aider en cas de cours manqués. Se découvrant laïque, le ministre se garde pourtant bien de toucher à l’école privée, dont on sait grâce au fichier détaillé de l’Indice de position sociale (IPS) (dont la publication a longtemps été obstrué par l’ancien ministre) que les différences sociales s’accroissent entre école privée et école publique. Les écoles privées accueillent de plus en plus d’enfants de bourgeois, là où la ségrégation sociale de l’école publique ne fait que se renforcer d’année en année. Le précédent ministre avait tenté tant bien que mal d’endiguer ce phénomène, mais la toute-puissance de l’école privée en France (pourtant largement financée par des fonds publics) l’en a empêché. Se découvrant laïque, le ministre se garde pourtant bien de s’attaquer aux ghettos scolaires où l’islamisme fait florès, où la gangrène identitaire prospère sur la disparition des services publics. Pas de lutte contre le repli communautaire sans mixité sociale et culturelle. Gageons de garder en tête la maxime de Jaurès : « La République doit être laïque et sociale mais restera laïque parce qu’elle aura su être sociale ».

Nous soutenir

Si vous aimez notre travail, c’est par ici !

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

Nos autres éditos...

NOS REVUES

C’est encore mieux version papier.

Lire aussi...

La gauche à la pointe de la lutte contre le narcotrafic
Anticor : un nouvel agrément après une bataille judiciaire sans précédent
Penser l’alternative : entretien avec Jacques Rigaudiat
Le Nouveau Front Populaire doit devenir le camp de la concorde nationale

Tribune – Université des possibles : « La gauche doit engager la reconquête populaire »

Édito

Tribune – Université des possibles : « La gauche doit engager la reconquête populaire »

Élus et militants, intellectuels et associatifs, défendent l’initiative de l’ « Université des possibles » : engager la reconquête des classes populaires à gauche sur une ligne sociale et républicaine.
© Photo by CHRISTOPHE SIMON / AFP
Article original dans Marianne

 

A quelques jours du début des universités d’été des partis de gauche, et quelques semaines après les émeutes qui ont déchiré le pays, il devient urgent pour la gauche de proposer une nouvelle vision du monde. La tension sociale, à bien des égards explosive, dans laquelle le chef de l’État a poussé le pays depuis la mobilisation contre la réforme des retraites et l’explosion sociale consécutive à la mort de Nahel ont de quoi inquiéter. À mesure que la France s’intègre dans la mondialisation néolibérale, les crises se succèdent (économique, sanitaire, environnementale…) avec ce qu’elles charrient de conséquences néfastes : délocalisation des industries, destruction des écosystèmes, casse des services publics pour financer les mesures d’ »attractivité »…

L’EFFACEMENT DE LA GAUCHE DU DÉBAT PUBLIC

A chacune de ces crises on a prophétisé la fin du tout marché, le retour à la souveraineté nationale et à des mécanismes de régulation lorsque l’activité humaine se révèle prédatrice. La crise sanitaire et la mobilisation contre la réforme des retraites ont d’ailleurs toutes deux fait réémerger des thèmes chers à la gauche : relocalisation de l’activité économique, solidarité nationale et accès à des soins de qualité, nécessité de mener une transition écologique face au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité.

Pourtant, la course à la concurrence généralisée est toujours aussi vive et les partis de gauche semblent incapables de transformer les colères populaires en espoirs d’un ordre social nouveau. En témoignent les sondages qui dépeignent le RN comme grand vainqueur de la réforme des retraites. Les ouvriers, pour la grande majorité d’entre eux, ne votent plus à gauche et les classes populaires ne s’identifient plus à elle depuis longtemps. Bien que la Nupes soit parvenue à éviter la déroute de la gauche aux élections législatives, rares sont les Français qui s’identifient encore aux partis de gauche. La base sociale des différentes organisations qui la composent donne trop souvent l’impression de se rétracter autour d’un entre-soi de diplômés urbains et de militants vieillissants.

SORTIR DE L’IMPUISSANCE

En focalisant leur attention sur la compétition électorale (avec des débats interminables sur l’opportunité de créer des coalitions qui perdent parfois tout sens politique), les partis de gauche ont arrêté de penser les mutations économiques, sociales et politiques de notre société et ne parviennent plus à proposer une « vision du monde » cohérente et crédible, en même temps qu’ils délaissent toute ambition en matière d’actions concrètes sur le terrain.

Dans une société en crise, où il est de bon ton d’exalter la réussite individuelle et de mépriser les solidarités collectives, il est temps de proposer un autre modèle. Certes la concentration de la majorité des médias français entre les mains de quelques milliardaires complexifie l’émergence de récits alternatifs. Mais le travail sur les représentations collectives est depuis longtemps délaissé au profit d’incantations rituelles à la lutte contre l’extrême droite. À l’inverse, les droites, celle du chef de l’État comme celle du Rassemblement national, bien que défendant les intérêts des classes dominantes, grandes gagnantes de la mondialisation financière, ont su jouer sur les peurs des Français et toucher les déclassés et les classes populaires.

Autrefois existait une contre société de gauche, qui se manifestait par une multitude d’associations (sportives, de soutien scolaire, de musique, de collecte alimentaire, etc…) présentes un peu partout sur le territoire. Un grand nombre de Français avait ainsi une expérience concrète de l’action menée par ces associations : concerts, tournois de foot, cours du soir, etc… Certaines de ces associations existent toujours mais se réduisent comme peau de chagrin en raison du peu d’attention portée à la construction et à l’ancrage social des organisations politiques. Le contrecoup de la révolution numérique a été un éloignement physique grandissant entre les représentants politiques et les citoyens et l’abandon progressif de toute action locale (hormis la diffusion de tracts et le collage d’affiches en période électorale). S’inscrire dans le temps long de la construction idéologique et de l’ancrage social, voilà les conditions d’un véritable renouveau à gauche.

RESTAURER LES CONDITIONS DE L’ESPÉRANCE

Ce sont les objectifs que nous nous fixons en créant dès septembre 2023 l’Université des Possibles. Rassemblant des élus et militants de gauche, intellectuels et associatifs, salariés du public comme du privé, l’Université des Possibles organisera des tables rondes, largement accessibles, et visant à répondre aux grands enjeux auxquels devra faire face le pays au cours du XXIe siècle : la réinvention du contrat républicain ; la transformation écologique et la démondialisation de l’économie ; la révolution féministe ; l’invention d’une nouvelle coopération internationale.

Soucieuse de renouer avec l’éducation populaire, et fidèle à l’héritage des universités itinérantes promues par Jean Jaurès, l’Université des Possibles organisera également des événements populaires (cafés débat, conférences, banquet populaire) sur l’ensemble du territoire national, dans les grandes villes comme dans la France périphérique et rurale. Au cours de la programmation pour l’année 2023-2024, l’université sera notamment présente à Marseille, Rochefort, aux Lilas, à Nantes, Lyon, Angers, Bordeaux, Toulouse, Mont-de-Marsan, Montélimar.

Construire une alternative à l’actuelle dérive autoritaire et libérale du chef de l’Etat est nécessaire : d’autres possibles existent pour répondre à la crise globale.

Le temps presse : pour réussir ensemble, unissons-nous !

***

Les premiers signataires :

Bassem Asseh, PS, 1er adjoint de la maire de Nantes

Philippe Brun, Député PS de l’Eure

David Cayla, maître de conférences en économie à l’université d’Angers

Jean-François Collin, ancien haut-fonctionnaire

Jean-Numa Ducange, Professeur d’histoire contemporaine (Université de Rouen)

Frédéric Farah, économiste et enseignant à Paris 1

Frédéric Faravel, conseiller municipal et communautaire GRS de Bezons

Barbara Gomes, conseillère municipale de Paris, groupe Communiste et Citoyen

Hugo Guiraudou, directeur de publication du Temps des Ruptures

Liem Hoang Ngoc, ancien député européen, économiste et président de la Nouvelle Gauche Socialiste

Jean-Luc Laurent, Maire MRC du Kremlin-Bicêtre

Marie-Noëlle Lienemann, Sénatrice de Paris, co-fondatrice de la Gauche Républicaine et Socialiste, ancienne ministre

Emmanuel Maurel, Député européen, co-fondateur de la Gauche Républicaine et Socialiste

Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas

Arnaud de Morgny, directeur-adjoint du centre de recherche de l’école de guerre économique-cr451

David Muhlmann, essayiste et sociologue des organisations

Pierre Ouzoulias, Sénateur PCF des Hauts-de-Seine

Chloé Petat, co-rédactrice en chef du Temps des Ruptures

Christophe Ramaux, maître de conférence en économie à l’université Paris I

Laurence Rossignol, Sénatrice PS de l’Oise, ancienne ministre

Stéphanie Roza, chargée de recherche au CNRS, philosophe spécialiste des Lumières et de la Révolution française

Milan Sen, co-rédacteur en chef du Temps des Ruptures

Mickaël Vallet, Sénateur PS de Charente-Maritime

Lire aussi...

La gauche à la pointe de la lutte contre le narcotrafic
Anticor : un nouvel agrément après une bataille judiciaire sans précédent
Penser l’alternative : entretien avec Jacques Rigaudiat
Le Nouveau Front Populaire doit devenir le camp de la concorde nationale

Edito PRIDE : repenser l’hétérosexualité pour faire avancer le féminisme : et si on incluait les lesbiennes ?

Édito

Edito PRIDE : repenser l’hétérosexualité pour faire avancer le féminisme : et si on incluait les lesbiennes ?

« Les lesbiennes ne sont pas des femmes ». Par cette affirmation, Monique Wittig(1) suscite incompréhension mais aussi colère. Pourtant, elle renvoie à une réalité bien ancrée, celle de l’exclusion des LBT(2) du féminisme. La hiérarchisation des luttes a très vite renvoyé la question de la sexualité à la sphère privée, reléguant d’office ces revendications au second plan. Pourquoi cette mise à l’écart des luttes LBT pose-t-elle problème dans le cadre plus large des luttes féministes ?
Pourquoi parle-t-on d’exclusion des luttes LBT du féminisme ?

La notion d’identité sexuelle est récente et désigne surtout les « minorités » sexuelles, l’hétérosexualité n’étant questionnée que depuis peu. Ce n’est qu’à partir du 20e siècle, où la sexualité commence à être un sujet de réflexion, que la question des LGBT comme minorité est abordée, jusqu’alors ils n’étaient considérés que comme « déviants »(1).

Une opposition est alors très vite apparue dans les luttes féministes, entre celles considérées comme prioritaires (avortement ou encore égalité salariale), et celles jugées plus secondaires (mariage pour tous ou encore interdiction des thérapies de conversion).

Au sein même des groupes féministes, le lesbianisme est souvent considéré comme un « style de vie alternatif » puisque l’hétérosexualité détient toujours le statut du modèle relationnel par excellence(2). On parle aujourd’hui de luttes LGBTQIA+ comme d’un ensemble, comme si ses membres se battaient tous pour les mêmes droits et contre les mêmes discriminations. Les lesbiennes sont ainsi perçues comme « la version femelle de l’homosexualité masculine »(3). Pourtant, contrairement à leurs « homologues masculins », elles doivent également faire face au sexisme et à la misogynie.

La violence du patriarcat s’exprime également par l’essentialisation des genres, considérés comme naturels et définitifs et leur conférant des rôles bien définis. Une femme doit donc naturellement faire couple avec un homme. Cette essentialisation renvoie les femmes à leurs capacités reproductives, et insiste sur la division des rôles. Les genres sont alors considérés comme complémentaires. C’est pourquoi la « théorie du genre »(4) est rejetée par une frange du féminisme, souvent rattachée à la droite et l’extrême droite. 

Et si l’on questionnait l’origine de l’exclusion des LBT des luttes féministes ?

Revenons un instant sur la notion d’hétérosexualité. Dans les années 1970, l’hétérosexualité commence à être discutée, d’abord comme une question de préférence sexuelle, renvoyée alors à la sphère privée(5). Les identités sexuelles sont alors principalement envisagées comme une question relevant de la sphère de la sexualité et donc du privé, ceci n’ayant rien à faire dans la sphère publique. On considère également les identités ainsi que les orientations sexuelles comme naturelles et innées, poussant à produire des statistiques reléguant l’homosexualité au second plan car minoritaire. Ainsi, les luttes LBT n’ont pas été considérées comme essentielles ou prioritaires. Mais les identités sexuelles sont-elles réellement privées ?

L’hétérosexualité se présente également comme un système de pensée qui a permis l’organisation de nos sociétés. Ce système s’est appuyé sur l’essentialisation des rôles femme/homme, les rendant complémentaires au sein de la famille. Monique Wittig(6) fait un parallèle avec le Contrat Social de Rousseau, estimant que le système de la famille hétérosexuelle en est une expression. Cela a pris tout son sens lors des manifestations contre la loi autorisant les mariages homosexuels. La Manif pour tous avançait des arguments allant en faveur de la défense de la famille nucléaire traditionnelle (formée d’un couple hétérosexuel avec un ou des enfants). Autant dire que le couple homosexuel, et encore plus lesbien, vient bousculer cet équilibre.

L’hétérosexualité comme système social, voire politique, sert donc de support à des discours patriarcaux en assignant des rôles (inégaux) aux genres. Le patriarcat, qui peut être défini comme un système dans lequel le père est au centre (le « chef de famille »), est fondé par essence sur le couple hétérosexuel, dans lequel l’homme domine la femme (et les enfants) dont il a la propriété. Ce système est combattu par les féministes aujourd’hui, mais ce sont plutôt ses expressions qui sont dénoncées. On peut tirer comme exemples le droit de vote (entrée des femmes comme sujets politiques), le droit à la contraception et à l’avortement (restitution de la propriété de leur corps aux femmes) ou encore le droit de travailler sans l’autorisation du mari (les femmes deviennent des sujets économiques). L’acquisition de ces droits ne vient que contrarier l’expression du patriarcat sans pour autant arriver à le remettre fondamentalement en cause. C’est ainsi que Kathleen Barry(7) parle de l’identification masculine comme acte par lequel les femmes elles-mêmes placent les hommes au-dessus des femmes en leur accordant plus de crédibilité. Ainsi, les interactions entre femmes sont considérées comme inférieures, à tous les niveaux, y compris donc en couple. Les femmes ont intégré la supériorité masculine comme naturelle, et peinent à s’en extraire, ce qui explique également la difficulté de penser les points communs entre luttes féministes et luttes LBT. Par exemple, les lesbiennes et bisexuelles en couple avec des femmes, sont très souvent accusées de « choisir » des femmes par haine des hommes. A. Rich dénonce l’ironie de ce postulat en rappelant que les sociétés patriarcales sont basées sur la haine des femmes, et que cette haine se perpétue jusque dans les discours féministes voire mêmes lesbiens (souvent de manière inconsciente), ce qui témoigne ainsi de son ancrage(8).

Pourquoi marginaliser les LBT questionne les principes du féminisme ?

Dans nos sociétés, l’hétérosexualité est considérée comme une condition naturelle (en sortir nécessite un coming out, donc une déclaration formelle). En témoigne la très récente dépénalisation de l’homosexualité(9). Dans les faits, les discriminations à l’égard des homosexuels sont encore très présentes, que ce soit dans la sphère publique (discriminations à l’embauche, agressions), ou privée (rejet par la famille(10)). Mais alors, quelles sont les revendications des LBT et quel rapport avec le féminisme ? Certaines de ces revendications se retrouvent également chez les hommes homosexuels. La première d’entre elle est naturellement celle de vivre sans peur d’être victimes de discriminations Mais ce qui distingue les lesbiennes des hommes gays, c’est que les premières cumulent les discriminations liées à leur orientation sexuelle ainsi qu’à leur genre. Ce qui est vécu comme une double peine.

L’hétérosexualité ne se limite cependant pas au couple, et forme un système produisant un socle au patriarcat. Wittig considère ainsi que « l’hétérosexualité est au patriarcat ce que la roue est à la bicyclette »(11).  En cause, la façon dont les rapports de genre sont enseignés, pas seulement à l’école et dans les familles, mais également dans la culture populaire, au cinéma, dans la publicité, la pornographie,etc… Malgré l’ancrage actuel du féminisme, les stéréotypes de genre ont la vie dure, les femmes étant encore très souvent dépeintes comme disponibles aux plaisirs masculins. Ce schéma est tellement ancré, qu’il n’est pas seulement défendu par des hommes, mais aussi par des femmes. C’est par exemple l’objet de la tribune publiée dans Le Monde(12), défendant la « Liberté d’importuner », signée par 100 femmes célèbres. Dans ce texte, ces femmes dénoncent la « haine des hommes » se dégageant, selon elle, d’une partie des discours féministes actuels et en particulier le mouvement « Balance don porc ».  

Repenser le modèle de société dans lequel nous vivons, ou du moins prendre conscience de ses socles, pourrait permettre de comprendre un peu mieux les discriminations auxquelles nous faisons face. Considérer l’hétérosexualité au-delà du couple et des choix individuels, c’est réfléchir au système dans lequel nous évoluons en faisant au passage concorder les luttes. Ce système tend à porter également préjudice aux couples s’y conformant car il représente l’absence de choix pour la plupart des individus et les inscrit dans une norme sociale plus que comme un choix conscient. Rich considère que « toute relation hétérosexuelle est vécue dans l’éclairage blafard de ce mensonge »(13) sous-entendu la norme hétérosexuelle. Elle ajoute qu’en « l’absence de choix, les femmes continueront de dépendre de la bonne chance ou de la malchance des relations individuelles ».

Comment et avec quels outils repenser ce système ?

Monique Wittig dans La pensée Straight (1992) développe une vision féministe matérialiste, directement inspirée du marxisme. Il s’agit selon elle de considérer la lutte féministe au prisme de la lutte des classes, les femmes étant comparables aux classes prolétaires, en étant exploitables, corvéables ou encore soumises financièrement. Leurs luttes pour acquérir l’autonomie ainsi que l’égalité renvoie en de nombreux points aux luttes ouvrières. Adrienne Rich, qui rejoint Wittig sur sa pensée matérialiste, considère que « l’incapacité de voir dans l’hétérosexualité une institution est du même ordre que l’incapacité d’admettre que le système économique nommé capitalisme est maintenu par un ensemble de forces »(14). Dans sa pensée matérialiste, Marx considérait la succession des évènements historiques sous le prisme des rapports sociaux, et en l’occurrence de la lutte des classes. Il s’oppose donc à une vision déterministe de la société qui supposerait une succession « naturelle » des étapes de l’histoire, une vision finalement assez proche de la religion. Cette opposition a donc lieu également dans la pensée féministe, l’essentialisme allant à l’encontre de la pensée matérialiste. Les féministes essentialistes considèrent qu’il existe des caractéristiques inhérentes aux hommes et aux femmes (comme l’empathie, la force ou encore la douceur), desquelles découle une complémentarité entre les genres.

Le féminisme matérialiste s’oppose donc à l’essentialisation des genres et à leur complémentarité, en considérant que si le genre est socialement affecté à un sexe, il n’est donc ni naturel ni nécessaire. En effet, les rôles assignés aux genres, dont notamment l’attirance pour le sexe opposé, est fondamentalement excluant d’une réalité beaucoup plus diverse. C’est en ce sens que Wittig affirme que « les lesbiennes ne sont pas des femmes ». Si l’on va au bout de la pensée essentialiste, les femmes sont définies par rapport aux hommes et à la famille hétérosexuelle dans laquelle elles jouent des rôles assignés par la société : ceux de mère et d’épouse (et accessoirement d’aide à domicile). Les lesbiennes par définition ne peuvent rentrer dans ce rôle puisqu’elles ne « complètent » pas un homme, et sortent alors de la définition essentialiste du genre femme. Selon les termes de Wittig, elles seraient des « échappées du patriarcat ».

Wittig se trouve être à l’origine d’une pensée ayant eu un écho important outre atlantique : le lesbianisme politique. Ce modèle vient mettre en lumière les aspirations féminines en les affranchissant de la vision masculine imprégnant notre société. Elle développe une conception des relations humaines permettant de valoriser les interactions entre femmes, non seulement sexuelles ou amoureuses, mais tous types de relations intimes comprenant l’entraide ou encore la sororité. Il s’agit ici de concevoir la société autrement que par le prisme du couple et de la famille, et de donner plus d’importance aux relations entre individus, et en l’occurrence entre femmes. Rich, également à l’origine de cette pensée, introduit le terme de « continuum lesbien »(15), permettant également d’élargir la notion de lesbianisme aux relations entre femmes dans l’histoire, marquées par leur intensité et leur intimité, sans systématiquement inclure du sexe. Il ne s’agit ainsi pas de dicter une orientation sexuelle lesbienne aux femmes, mais plutôt de leur donner une nouvelle lecture de leurs relations, en particulier avec les autres femmes, historiquement minimisées voire moquées, mais qui peuvent néanmoins comporter une réelle puissance y compris politique. Elle parle même de la force dégagée dans les différentes étapes de la lutte féministe, qu’elle appelle résistance (au patriarcat) et qu’elle inclue dans sa vision du lesbianisme.

Il est tout de même important de souligner que la pensée issue du lesbianisme politique a évolué et créé des variantes, notamment extrémistes. A titre d’exemple, les féministes séparatistes prônent la sécession des relations entre les hommes et les femmes. En ce qui concerne les relations de couple, les femmes bisexuelles sont invitées à ne relationner qu’avec des femmes, et les femmes hétérosexuelles à s’abstenir. Ainsi, l’hétérosexualité et la bisexualité sont vues par certaines de ces féministes radicales comme des formes de « complicité avec l’oppresseur »(16). Cette pensée issue du lesbianisme politique dénature le propos d’origine car elle en évacue la dimension matérialiste en essentialisant les genres et en réduisant le lesbianisme aux relations de couple.

Bien sûr, il a existé et existe encore des groupes fondés sur l’exclusion des hommes, qui, en raison des sociétés fondamentalement oppressives dans lesquelles elles prennent forme, peuvent s’avérer salvatrices. C’est le cas des Béguines en Europe du Nord (entre le XIIe et le XVe siècle), dont les combats ont permis à de nombreuses femmes de vivre en autonomie en s’extrayant du mariage et de la pression de l’Eglise. C’est le cas également aujourd’hui du village d’Umoja au Kenya, interdit aux hommes et dédié aux femmes en particulier victimes d’agressions sexuelles et de viol.

Les lesbiennes ne sont pas des femmes, du moins tant que l’on conserve une définition essentialiste et donc un peu datée des genres. La mise en place de la complémentarité femme/homme a permis d’organiser la société et de lui donner un cadre dont les limites excluent ceux qui n’y rentrent pas. Ce cadre c’est le patriarcat, qui permet l’oppression des femmes, et encore plus des lesbiennes, au même titre que le capitalisme qui permet celle des classes.

Références

(1)Podcast « Contraint.e.s à l’hétérosexualité », Camille, Binge Audio

(2) Adrienne Rich, « La contrainte à l’hétérosexualité et l‘existence lesbienne », Nouvelles Questions Féministes No. 1, 1981

(3) Ibid

(4) Théorie selon laquelle les rôles de genre sont socialement construits, comme par exemple le fait que les petites filles aiment naturellement plus jouer à la poupée qu’aux voitures

(5) Podcast « Contraint.e.s à l’hétérosexualité », Camille, Binge Audio

(6) Monique Wittig, La pensée Straight, 1992

(7) Kathleen Barry, Femal sexual slavery, 1979

(8) Adrienne Rich, « La contrainte à l’hétérosexualité et l‘existence lesbienne », Nouvelles Questions Féministes No. 1, 1981

(9) 1982 pour la France

(10) L’association le refuge, accueillant les jeunes LGBTQIA+ rejetés par leurs familles, annonce apporter son soutien à plus de 700 jeunes chaque année.

(11) Monique Wittig, La pensée Straight, 1992

(12) Le Monde, « Cent femmes pour une autre parole », 01 septembre 2018

(13) Adrienne Rich, « La contrainte à l’hétérosexualité et l‘existence lesbienne », Nouvelles Questions Féministes No. 1, 1981

(14) Adrienne Rich, « La contrainte à l’hétérosexualité et ‘existence lesbienne », Nouvelles Questions Féministes No. 1, 1981

(15) Adrienne Rich, « La contrainte à l’hétérosexualité et l‘existence lesbienne », Nouvelles Questions Féministes No. 1, 1981

(16) Sheila Jeffreys, Love your Enemy ? the debate between heterosexual feminism and political lesbianism, 1994

Nous soutenir

Si vous aimez notre travail, c’est par ici !

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

Nos autres éditos...

NOS REVUES

C’est encore mieux version papier.

Lire aussi...

La gauche à la pointe de la lutte contre le narcotrafic
Anticor : un nouvel agrément après une bataille judiciaire sans précédent
Penser l’alternative : entretien avec Jacques Rigaudiat
Le Nouveau Front Populaire doit devenir le camp de la concorde nationale

Retraites : le 49.3 de trop ? et après …. le référendum ?