Le mot « Populaire » en étendard : un piège politique ? Oui.

Le mot « Populaire » en étendard : un piège politique ? Oui.

Entre flou sémantique et déconnexion, le mot « populaire » sonne faux. Voici pourquoi ce terme est devenu un piège politique. La politique est mise à l’épreuve des mots : il est temps de penser à nouveau le langage politique et notamment à gauche, pour reconquérir l’engagement et la confiance.

La majorité des Français se voit chaque jour classer dans la case “populaire” pour en sortir le lendemain et y entrer à nouveau le jour d’après. Ce mot, comme la société française a changé. Il sonne faux.

Les « classes populaires », le « Nouveau Front populaire », le « Front populaire » ou encore le « Nouveau Populaire »… Bien qu’ancien, le mot « populaire » refait surface en France comme le porte-drapeau d’une bataille sociale et politique qui tend la main à cette frange de plus en plus floue de la population. Pour les partis, conquérir cet électorat est devenu le Graal, la promesse d’une victoire électorale, un objectif que se disputent de nombreux camps. Ce mot, à lui seul, est devenu l’épicentre de la bataille culturelle en cours. Pourtant, je suis convaincu que la gauche française devrait repenser l’usage de ce terme, et ce, avant l’élection présidentielle de 2027.

Premièrement, un flou entoure ce mot et sa représentation concrète dans la société. Récemment, je lisais ce titre dans Libération : « Les classes populaires possèdent-elles un savoir-faire alimentaire que les classes aisées n’ont pas ? ». De qui parle-t-on exactement ? Cette question révèle, sinon une confusion, du moins une fracture de représentation entre les villes et les campagnes, les urbains et les périurbains. Cette catégorisation imprécise crée une confusion, surtout dans les pays occidentaux où de nombreuses problématiques sociétales transcendent désormais les catégories traditionnelles, que l’on soit ouvrier ou cadre supérieur : difficultés d’accès aux services publics, inquiétudes face à l’éducation des enfants, inflation, etc.

Deuxièmement, le mot « populaire » s’est immiscé dans le discours des responsables politiques et des journalistes, souvent parisiens. Servi à toutes les sauces, il relève peut-être les plats des commentateurs mais ne semble pas trouver le même écho chez les premiers concernés, c’est-à-dire une très large majorité de Français. Employer à tout-va un terme pour désigner des personnes qui ne l’utilisent pas, voire jamais, pour se définir est, à mon sens, contre-productif, sinon dangereux. Cette rupture de confiance avec le monde politique se nourrit d’un sentiment de mépris, qui n’est plus seulement un mépris de classe, mais un mépris de pouvoir. Selon moi, le mot « populaire » contribue à cette perte de confiance et accentue le sentiment d’une classe politique et médiatique déconnectée, représentante d’une « mégalopolitique » (association de mégalopole et de politique, dont la sonorité avec « mégalo » me semble pertinente). Cette pensée est souvent façonnée dans des bulles éducatives comme Sciences Po et nourrie par les biais, volontaires ou non, des métropoles, plus perméables au libéralisme qu’aux aspirations réelles de la société. Ainsi, l’angle « populaire » mine toute tentative d’identification et creuse un fossé entre ceux qui pensent maîtriser le mot et ceux qui le subissent.

Troisièmement, on assiste à un glissement de sens du mot « populaire ». Autrefois associé à un combat noble faisant référence au Front populaire de 1936 et à ses avancées sociales (congés payés, semaine de 40h), puis au progrès des Trente Glorieuses, il semble aujourd’hui désigner une majorité au quotidien moins désirable et à l’avenir incertain, voire figé (l’ascenseur social en panne). Son sens le moins glorieux prend le dessus, dévalorisant l’ordinaire, soulignant un aspect vulgaire, commun. Ironiquement, cette dévalorisation du « populaire » (le commun) survient dans une société qui nous incite chaque jour à devenir plus « populaire » (célèbre et singulier), notamment via l’accumulation de vues et de likes, pour échapper à notre déterminisme social. Pour le dire autrement, nous appartenons à des générations plus caméléons, mobiles, créatives, voire transfuges, capables de se réinventer, notamment sur les réseaux sociaux et cela ne transpire pas dans l’utilisation du mot “populaire”.

Pour terminer, je crois que l’utilisation du mot « populaire » ignore la grande porosité qui existe désormais entre les différentes classes sociales face aux difficultés et aux combats du quotidien. La véritable fracture est celle entre les ultra-riches et le reste de la population. Sur 68 millions d’habitants, seulement 10 % des salariés dépassent les 4 000 euros nets mensuels. Le corps social français ne peut se satisfaire d’un mot fourre-tout qui nous force à nous jauger mutuellement : « Es-tu plus ou moins “populaire” que moi ? ».

Il ne s’agit pas ici de censurer ce mot, mais de rouvrir le dialogue, notamment à gauche. C’est l’ambition de cette réflexion : envisager d’autres manières de nommer les Français et de porter les combats à venir. Cela pourrait passer par la réhabilitation de la notion de « peuple » pour désigner le corps de la nation, par l’affirmation simple de « la gauche » et de son héritage, ou encore en plaçant la « justice », la «fraternité» et l’« équité » au cœur du projet, pour faire face à un monde devenu aussi insaisissable que le mot « populaire ».

Mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde

— Albert Camus

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Ce que le parlementarisme de la IIIème République peut nous enseigner

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En publiant l’ouvrage « Le Foyer des Aïeux, figures oubliées de la IIIème République », nous souhaitons éclairer l’action politique au présent à la lumière de personnages passés. Il en va ainsi du parlementarisme, délaissé depuis l’avènement de la Vème République, qui constitue pourtant le fondement de notre tradition républicaine.

La Vème République nous a déshabitués à faire du Parlement l’organe principal de notre démocratie. Le présidentialisme propre à notre système constitutionnel, initialement fondé sur la légitimité charismatique du général de Gaulle, ne s’est pas essoufflé à la mort de ce dernier.

En ce sens, les élections législatives de l’été 2024 ont constitué un bouleversement politique et culturel dans une France qui avait pris pour habitude de tenir en hostilité toute forme d’instabilité, marquée par le souvenir malheureux de la IVème République et des « coups d’épingle permanents » du Parlement (c’est à cette idée, en somme, que Michel Debré, présentant son projet de Constitution devant le Conseil d’Etat, réduisait la fonction du pouvoir législatif).

Pourtant, la situation post-2024 nous offre l’occasion de croire à nouveau dans la force gouvernante du Parlement. Elle nous donne l’opportunité, également, de rappeler à quel point ce dernier joua un rôle déterminant dans l’affermissement de la République en France. Sous la IIIème République, il était le cœur battant de la Nation, d’où se faisaient et se défaisaient les collations, les alliances et les oppositions. Organe vital de notre démocratie, le Parlement fut à l’origine de progrès sociaux majeurs et parvint, de multiples fois, à endiguer les dangers qui menaçaient le régime républicain.

Après la crise de 1877, qui mit fin à toute velléité présidentielle de dissoudre l’Assemblée, les gouvernements ne tenaient que par la confiance des deux Chambres. Le président du Conseil n’existait qu’à travers sa majorité ; il pouvait tomber sur un amendement mal négocié ou un discours bien ajusté. La vie politique se jouait dans l’hémicycle, pas dans les couloirs feutrés de l’Élysée, où désormais la coulisse pèse davantage que l’estrade. Les décisions étaient le fruit de discussions, de compromis parfois, mais elles reposaient sur l’interaction de représentants de la Nation aux poids politiques immenses, soit qu’ils étaient chefs de partis, rédacteurs en chef de grands journaux, avocats ou syndicalistes. Par comparaison, le centre de gravité des institutions, sous la Vème République, a fait basculé le poids politique en dehors de l’enceinte parlementaire.

Sans l’idéaliser, ce régime avait ses grandeurs. Les figures politiques y gagnaient leur autorité au contact direct des débats, sans majorité assurée : Gambetta façonnant un opportunisme républicain capable de concilier idéaux et réalisme ; Léon Bourgeois plaçant le solidarisme au cœur de la philosophie sociale ; Émile Combes, par la loi, affranchissant l’école de la tutelle cléricale… La plupart des grandes réformes qui, aujourd’hui, irriguent notre contrat social, furent arrachées dans ce creuset parlementaire.

Les pessimistes, de bonne foi sûrement, rappelleront l’échec final de la IIIème en 1940, alors que sourdait le péril de la guerre. Mais comme l’indique Benjamin Morel dans son dernier ouvrage « Le Nouveau Régime, ou l’impossible parlementarisme », cet échec est sûrement davantage dû au contexte international qu’aux failles intrinsèques du régime – la Vème République n’a pas eu à « gérer » de conflits géopolitiques touchant aussi directement l’intérêt vital de la France. Ce rappel n’exonère pas la IIIème République de ses responsabilités, mais il empêche de réduire son histoire à un récit téléologique où l’instabilité parlementaire mènerait naturellement et par nécessité à la défaite. D’ailleurs, c’est ce même régime qui avait permis à la France de gagner la Première Guerre mondiale…

En somme, notre vie politique contemporaine ne s’écrit pas sur une page blanche. De ce constat, nous déplorons l’habitude qu’ont prise certains acteurs, institutionnels, politiques ou intellectuels, de porter un regard favorable sur le passé, sur notre passé. Sortons du complexe d’Orphée qui nous frappe et nous empêche d’apprécier tout le génie de la IIIème République. Car, comme l’indiquait si bien Jaurès, le culte du passé n’a pas à être réactionnaire, ni même conservateur. A Barrès, qui considérait que seul le passéisme faisait honneur au passé, il répondait dans la Chambre des députés : « Oui, nous avons, nous aussi, le culte du passé. Ce n’est pas en vain que tous les foyers des générations humaines ont flambé, ont rayonné ; mais c’est nous, parce que nous marchons, parce que nous luttons pour un idéal nouveau, c’est nous qui sommes les vrais héritiers du foyer des aïeux ; nous en avons pris la flamme, vous n’en avez gardé que la cendre ».

 

A travers notre ouvrage, Le foyer des aïeux, figures oubliées de la IIIème République, publié aux éditions du Bord de l’Eau avec le soutien de la Fondation Jean Jaurès, nous avons souhaité mettre en valeur certains de ces personnages, trop souvent méconnus, qui peuvent encore inspirer une pratique parlementaire aujourd’hui. Retrouvez cet ouvrage dans les librairies dès le 22 août !

 

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Vue du perchoir – Et ainsi finit la session parlementaire extraordinaire

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Depuis juin 2024 et la dissolution prononcée par Emmanuel Macron il était annoncé que l’Assemblée nationale devait redevenir le centre du pouvoir politique en France. Las la fragmentation politique et l’échéance présidentielle de 2027 ont créé plus d’irresponsabilité politique qu’elles n’ont fait émerger une « culture du compromis » à la française. Chaque semaine, Romain Troussel-Lamoureux chronique cette actualité parlementaire et politique pour Le Temps des ruptures.

Quand les toits de plomb semblent comme fondre sur les murs du Palais Bourbon, les députés ont eux bien pris la clef des champs. Les premiers jours de juillet n’auront agi que comme un révélateur de l’expérience de cette Assemblée qui reste, un an après sa dissolution, largement introuvable.

Entamons une petite revue des troupes pour clarifier le propos. Les têtes chercheuses, Rassemblent national et La France insoumise, jouent leur partition. Présence impressionnante pour les premiers, à croire que dès 2024, le scrutin était entièrement proportionnel et que les circonscriptions et leur lot d’engagements, ont disparu. Présence forte pour les seconds et utilisation constante de l’Assemblée nationale comme d’une caisse de résonnance politique visant les réseaux sociaux. Viennent ensuite, dans un peloton resserré, les autres groupes d’opposition : écologistes, socialistes et ciottistes. Oscillation entre censure et sérieux d’un côté, agit-prop d’extrême-droite de l’autre, chacun joue sa partition sans savoir très bien dans quelle symphonie il se trouve. Il n’y a, dans les cas de ces partis, ni ligne limpide pour la présidentielle, ni programme politique qui puisse tenir lieu de colonne vertébrale.

Clôturons par là où nous aurions peut-être dû la commencer : où est donc la majorité ? On l’appellera comme l’on voudra : bloc central, socle commun, LIOT-MODEM-EPR-Hor-LR, partis du bloc central, majorité enfin. Ou plutôt non vu la mobilisation. En effet, ceux qui jouent habituellement de teneur de séance sont les grands déserteurs de cette législature. Les résultats : des textes de loi absolument orthogonaux avec les principes du macronisme originel sont adoptés avec l’aval des macronistes, voire à leur initiative : loi Duplomb sur les protections écologiques et loi Gremillet sur la programmation énergétique, loi Attal sur la justice des mineurs et loi Darmanin sur la sécurité et l’immigration. On est loin du quinquennat écologique et la fin des assignations à résidence. Mais, au-delà de la fuite en avant politique, cette absence crée un vide institutionnel troublant.

Une institution pluri-centenaire comme l’est l’Assemblée nationale est largement tenue par ses us et coutumes. Et comme le dit le poète, un être vous manque et tout est dépeuplé. Et en matière parlementaire aujourd’hui force est de constater qu’il manque bien une majorité. Le Parlement, entendu comme l’association de l’Assemblée et du Sénat, ne peut pas fonctionner correctement sans majorité à l’Assemblée nationale. Et l’on ne parle même pas ici du périmètre des alliances, conjoncturelles ou durables, qui ont défrayé la chronique depuis juin dernier. C’est bien de la vie de l’institution dont il s’agit. L’Assemblée nationale n’est pas la présidence de la République. Elle ne peut pas se soumettre ou se démettre. Cette alternative n’existe pas. Il serait donc temps que les députés, du camp macroniste en premier lieu, se retroussent les manches pour tenir les murs, pour colmater les brèches d’un hémicycle qui prend de plus en plus l’eau.

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Vue du perchoir – Mais où va le Premier ministre ?

Vue du perchoir – Mais où va le Premier ministre ?

Depuis juin 2024 et la dissolution prononcée par Emmanuel Macron, il était annoncé que l’Assemblée nationale devait redevenir le centre du pouvoir politique en France. Las, la fragmentation politique et l’échéance présidentielle de 2027 ont créé plus d’irresponsabilité politique qu’elles n’ont fait émerger une « culture du compromis » à la française. Chaque semaine, Romain Troussel-Lamoureux chronique cette actualité parlementaire et politique pour Le Temps des ruptures.

Que se passe-t-il donc dans la tête de François Bayrou ? Certaines mauvaises langues, y compris dans le socle commun, ont depuis longtemps jasé sur les faiblesses et les carences du Premier ministre : des journées de travail aussi légères que sa connaissance des dossiers, une confusion patente dans ses propos. Renversons un instant la focale et attribuons à notre Béarnais de Premier ministre le mérite de son incompétence.

Qui s’étonne désormais des bafouillements à la tribune, des incohérences entre deux phrases. Les députés de la commission d’enquête sur les violences en milieu scolaire qu’il y avait de la mauvaise graine à redresser et des menaces très éducatives. Les partenaires sociaux ont dû être ravis d’apprendre mardi dernier le retour du paritarisme d’après-guerre et du succès du conclave sur les retraites dans la bouche de François Bayrou dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Il n’y avait qu’un pas à faire jusqu’à l’annonce que la maquette budgétaire était achevée et que le naufrage de nos finances publiques allait être colmatée. Comparaison n’est pas raison et il ne faut pas abuser des maximalismes mais il y a néanmoins quelque chose de trumpien dans la manière qu’à ce monsieur de considérer la réalité. Les échecs sont des succès, les erreurs des coups de génie et la prise en défaut relève de la gageure pour les opposants ou les journalistes.

Au-delà de l’instinct de survie politique, il y a quelque chose de plus remarquable qui semble relever d’une théorie du vide politique. La sanction en général, et la motion de censure en particulier, ne peuvent pas être des actions. Elles ne peuvent être des réactions à des faits significatifs. Or rien, absolument rien n’est significatif dans ce qu’a fait François Bayrou depuis six mois. Les socialistes l’ont appris à leurs dépens depuis leur choix de la non-censure en décembre. Pensant entrer dans une logique de compromis, ils ont négocié avec un marchand qui n’avait rien à vendre. Et qui a eu beau jeu, par deux fois, de moquer vertement des motions de censure par la suite vide de sens, car elle n’avait rien à censurer. Le budget était couvert par le conclave, le conclave doit désormais être couvert par le prochain budget.

Le pilote est dans la cabine avec les passagers et attend sereinement l’atterrissage. Cela peut cependant légitimement nous inquiéter pour deux raisons. La première tient à la réalité de nos comptes publics. Les quarante milliards d’euros d’économies ne sont, eux, pas vides de sens. Et il est à craindre que pour sauver son siège le Premier ministre s’en remette à l’expédient le plus facile : l’année blanche et le sacrifice des plus précaires avec l’assentiment gourmand du Rassemblement national. La seconde raison est plus profonde et en cela plus grave. Sondeurs, chercheurs, commentateurs s’unissent, comme rarement pour le dire : on observe une autonomisation croissante de la vie d’un peuple et d’une nation de sa sphère politique. Les champs s’autonomisent, on fait avec, ou plutôt sans politique. Les précédents sont délétères et la démocratie n’en est jamais sortie grandie.

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La grande farce des responsabilités

La grande farce des responsabilités

Dans le calme de la fin de semaine, je me suis interrogé : quelque observateur attentif du train-train politique français aurait-il fait le compte, du nombre de fois ces derniers jours, que le mot responsabilité a été prononcé, revendiqué, rejeté ? Bafoué en réalité, ce mot plein de sens, en a été vidé.

Rappelons clairement de quoi on parle. La responsabilité, du latin respondere : répondre, est l’obligation qu’a une personne de répondre de ses actes, de les assumer, d’en supporter les conséquences du fait de sa charge, de sa position. Au risque d’insister : la responsabilité n’est donc pas une faculté, il s’agit d’une obligation. Quelle qu’en soit la nature, juridique, morale voire politique, la responsabilité engage ceux qui décident de l’endosser, elle les oblige. C’est une évidence sans doute. Mais ça va mieux en le disant.

Aussi, ce début de mois décembre m’est apparu comme une grande farce. La grande farce des responsabilités, telle une mauvaise pièce de théâtre mettant en scène une compagnie en déroute, inconsciente de ce que les gradins se sont progressivement, et impitoyablement vidés. Si seulement ce n’était qu’une farce. La réalité, c’est que cette mauvaise pièce n’est rien d’autre que l’actualité politique française. Que la compagnie en déroute représente l’essentiel du personnel politique de ce pays. Que c’est nous enfin, spectateurs effarés et égarés, qui avons quitté la salle.

Pour la deuxième fois dans l’histoire de la Ve République, un gouvernement a été censuré. Un évènement historique qui aura essentiellement, à mes yeux, cristallisé et révélé un très fort climat d’irresponsabilité. Celle je crois du Premier ministre Barnier qui, malgré sa volonté sans doute authentique de servir, s’est doublement fourvoyé. D’abord en croyant pouvoir négocier avec l’extrême droite, indifférente à toute autre considération que sa seule ascension vers le pouvoir, et en contradiction flagrante avec la logique du front républicain ayant présidé aux dernières élections législatives. Ensuite, en participant à la mascarade démocratique consistant à ostraciser le Nouveau Front populaire et l’ensemble de ses revendications, bloc politique pourtant arrivé en tête de ces élections – faut-il le rappeler ?

Celle de la droite plus largement, dénaturée par un courant dont l’égarement idéologique n’est un secret pour personne. Pour cette droite, s’il est désormais de bon ton de légiférer sous la tutelle du Rassemblement national, la perspective de s’exercer au compromis avec ne serait-ce que le Parti socialiste est une « ligne rouge ». Comprenez, c’est une question de responsabilité. Et que dire de La France insoumise qui, non contente de refuser elle aussi tout compromis – alors même qu’après avoir fait tomber le gouvernement Barnier, désormais, tout l’y oblige – défend encore son projet absurde de destitution du président de la République[1].

Si la France n’a aucun intérêt à voir son président destitué, Emmanuel Macron pour sa part, a tout intérêt à faire un sérieux examen de conscience. Dans sa dernière allocution télévisée, le président constatait lucidement que « certains sont tentés de [le] rendre responsable de cette situation ». Drôle d’idée ! Il semblerait surtout que nombreux sont ceux qui n’ont pas oublié sa responsabilité dans une décision en particulier, « cette décision [qui] n’a pas été comprise » selon sa formule, teintée soit dit en passant d’un paternalisme insolent. Depuis le 9 juin 2024 au soir et la dissolution de l’Assemblée nationale décidée dans une solitude absolument vertigineuse, il se trouve que l’endettement s’est envolé et le Parlement divisé comme jamais. Le tout dans un contexte européen et international dans lequel la France ne peut d’aucune façon se payer le luxe de rester à l’écart.

Aussi, le jeu dangereux, ayant consisté ces derniers temps pour les dirigeants et élus de ce pays, dans le rejet et renvoi systématique de leurs responsabilités n’a que trop duré. Cette grande farce doit désormais cesser. Le président de la République, au premier chef comptable à la Nation de la crise majeure que nous traversons, doit donner l’exemple. Or un début judicieux, serait d’enfin se plier aux principes démocratiques en tenant compte des derniers suffrages exprimés. Ceux-ci commandent le compromis. Non pas en postures et discours, mais en actes. L’amorce d’un changement pourrait se dégager des actuelles rencontres entre l’Élysée et les partis de gauche ayant accepté de s’y présenter.

Du moins, on doit l’espérer, car il y va de leur responsabilité.

Références

[1] Sur le détail de cette procédure voir : https://www.leclubdesjuristes.com/politique/article-68-la-procedure-de-destitution-du-president-de-la-republique-comment-ca-marche-6800/.

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Le curieux renoncement économique de Manuel Bompard

Le curieux renoncement économique de Manuel Bompard

Au lieu de ne parler que de redistribution comme l’a fait Manuel Bompard dans l’émission Questions politiques on est en droit de se demander si la gauche ne devrait pas avoir pour ambition prioritaire d’agir sur les structures de l’économie, en particulier dans la production des biens essentiels ou stratégiques.

Questionné dimanche dernier dans l’émission Questions politiques sur l’image qu’il retenait de la semaine passée, Manuel Bompard a choisi de montrer une file d’étudiants faisant la queue pour bénéficier d’une aide alimentaire. L’image décrit bien la précarité que vivent beaucoup d’étudiants, en particulier dans les grandes villes où le coût du logement a explosé. En la montrant, le coordinateur de la France insoumise entendait rappeler les mesures du programme du NFP : la généralisation du repas étudiant à 1 euro et une garantie d’autonomie pour la jeunesse.

On doit évidemment s’inquiéter de la situation difficile que vivent les étudiants. Mais était-ce la question à mettre en avant dans une émission de grande écoute, au moment où les déficits publics dérapent ? Dépenser plus, et dépenser en allocations sociales, est-ce l’essence d’un programme de gauche ? C’est ce que semble penser les dirigeants de la France insoumise. À les écouter, la radicalité serait d’accroitre la redistribution, de taxer davantage les riches pour redistribuer davantage aux pauvres. Mais augmenter l’aide sociale de l’État relève-t-il d’une rupture ou est-ce une manière de rendre plus acceptable le système actuel ?

Quelques jours avant cette émission, on apprenait que Sanofi s’apprête à vendre la marque Doliprane à des fonds d’investissements étrangers. Alors que la crise Covid a montré que la France a perdu une partie de sa souveraineté pharmaceutique et que, depuis plusieurs années, elle est confrontée à des pénuries de médicaments, il est étrange que Manuel Bompard n’ait pas jugé bon de rebondir sur cette actualité. La raison de ce silence est que, sur cette question, le programme du NFP est étrangement léger. Tout au plus prévoit-il de créer un pôle public du médicament et de renforcer les obligations de stocks. Pourtant, l’échec de la stratégie industrielle de Sanofi, ses délocalisations multiples et la vente de certains de ses fleurons devraient au minimum nous questionner. Et que dire de Servier, condamné pour tromperie aggravée dans l’affaire du Mediator ? L’état catastrophique de notre industrie pharmaceutique ne démontre-t-il pas l’échec de la politique industrielle dans ce domaine ? Ne milite-t-il pas pour engager une rupture plus ambitieuse, quitte à nationaliser ces entreprises incapables de fournir les médicaments dont la population a besoin ?

Finalement, on doit se demander si la gauche ne devrait pas avoir pour ambition prioritaire d’agir sur les structures de l’économie, en particulier dans la production des biens essentiels ou stratégiques. Car il est clair qu’on ne remet pas en cause le capitalisme néolibéral en laissant les riches faire fortune et en se contentant de les taxer en chemin. L’abandon, dans le programme du NFP, de tout projet de nationalisation donne une étrange impression de renoncement. La gauche, qui se disait encore il y a peu « socialiste », et qui entendait reprendre le contrôle du système productif donne l’impression avoir abandonné l’idée de combattre le néolibéralisme en renonçant à créer de nouveaux systèmes de production et d’échange. Il semble donc qu’entre le projet économique de Bernard Cazeneuve et celui Jean-Luc Mélenchon il y ait davantage une différence de degré que de nature ; tous deux ont fini par adhérer à l’idée que la gauche doit redistribuer socialement sans agir économiquement.

David Cayla a récemment publié son dernier ouvrage « La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme » aux éditions du Bord de l’eau, dans la collection Le Temps des Ruptures : https://www.editionsbdl.com/produit/la-gauche-peut-elle-combattre-le-neoliberalisme/

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Célébrer la pride

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“Qui fait l’homme et qui fait la femme” ? Cette question, d’un ton plutôt daté, la plupart des couples queer l’ont entendue. Bien que la tolérance sexuelle ait gagné du terrain ces dernières années, dans la loi comme dans les médias , l’équilibre de ces couples questionne encore beaucoup. L’indiscrétion des personnes osant cette question est-elle plus à blâmer que l’origine de cette idée ? Si l’idée d’une répartition genrée dans le couple est si répandue, c’est bien parce qu’elle est socialement actée.

“Qui fait l’homme et qui fait la femme” ? Cette question, d’un ton plutôt daté, la plupart des couples queer l’ont entendue. Bien que la tolérance sexuelle ait gagné du terrain ces dernières années, dans la loi comme dans les médias(1), l’équilibre de ces couples questionne encore beaucoup. L’indiscrétion des personnes osant cette question est-elle plus à blâmer que l’origine de cette idée ? Si l’idée d’une répartition genrée dans le couple est si répandue, c’est bien parce qu’elle est socialement actée. L’attribution de rôles genrés aux femmes et aux hommes est intrinsèquement liée aux dynamiques en place dans la société patriarcale. Et ce constat s’étend également aux couples homosexuels, qui bien qu’hors de l’hétérosexualité, n’en subissent pas moins les injonctions hétéronormées.

Alors qui fait l’homme et qui fait la femme ?

Dans l’esprit de celui ou celle qui pose cette question, existe une version assez précise d’un couple homosexuel, tout d’abord visuellement. L’apparence est en effet le premier trait donné aux injonctions de genre, qui attribue certains traits physiques au domaine du féminin et du masculin. Cette caractérisation ne s’arrête pas aux portes de l’hétérosexualité, elle intervient également dans les milieux queer, catégorisant des personnes comme masculines ou féminines. La classification genrée qui est appliquée aux personnes queer est directement issue de la vision hétérosexuelle que nous avons de la société et plus précisément du couple. Une femme doit faire couple avec un homme et si ce n’est pas le cas alors il faut que cette dichotomie soit représentée dans le couple de femmes, avec l’une jouant le rôle de l’homme et l’autre jouant le rôle de la femme. Ces rôles ne se limitent pas à l’expression physique du genre, ils s’expriment également dans les attentes qui peuvent apparaître au sein du couple, qui bien que queer, n’est pas pour autant immunisé face aux exigences hétéronormées de la société. L’intériorisation de normes sociales genrées peut ainsi faire peser sur les épaules des membres du couple des attentes propres à leur expression de genre, qui se résume vulgairement aux personnes féminines à la cuisine et masculines au bricolage.

Le féminisme a beaucoup à apporter également aux couples queer, puisque venant déconstruire la vision patriarcale que nous impose la société. Nombre de sociologues(2), philosophes(3), ou encore anthropologues(4) féministes viennent repenser les rôles genrés voire même le genre, et ainsi nourrir une vision radicalement différente de celle imposée par le patriarcat. Ces travaux nous permettent alors de remettre en question les rôles genrés, dans le couple hétérosexuel comme queer. S’affranchir de ces considérations binaires permet d’accueillir plus librement les expressions d’identités multiples, plus que de genre, et en particulier dans les couples queers, dans lesquels ces questions ne se limitent pas toujours à la binarité du genre.

Il y a donc une multitude de réponses à la question que nous avons tous entendue. Monique Wittig répondrait que les lesbiennes ne sont pas des femmes(5), coupant ainsi court à l’injonction des rôles genrés dans le couple lesbien. Chacun(e) est libre d’apporter la réponse qu’il ou elle souhaite, même si le mieux serait que cette question ne soit plus posée.

Références

(1)En France

(2) Christine Delphy

(3) Monique Wittig

(4) Véra Nikolski

(5) Monique Wittig, La pensée Straight, 1992

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En septembre 2023, les deux jeunes bretilliens Alexandre Crouzat et Dylan Garancher créent l’association « De l’Ille-et-Vilaine aux Grandes Écoles », inspirés par leur parcours respectif. L’objectif affiché est double : d’une part, agir en

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Front populaire contre Front national : les médias doivent choisir leur camp

Front populaire contre Front national : les médias doivent choisir leur camp

Depuis le dimanche 9 juin 2024, aux alentours de 21h, le monde politique est bouleversé par l’annonce présidentielle de la dissolution de l’Assemblée nationale. Entre alliance des gauches et explosion des partis de droite et d’extrême droite, ces journées politiques offrent un spectacle étonnant. Cet edito entend analyser un point saillant qui risque de déterminer en grande partie les résultats du 7 juillet : le cadrage médiatique.

Depuis le dimanche 9 juin 2024, aux alentours de 21h, le monde politique est bouleversé par l’annonce présidentielle de la dissolution de l’Assemblée nationale. Entre alliance des gauches et explosion des partis de droite et d’extrême droite, ces journées politiques offrent un spectacle étonnant. Le sujet de cet édito n’est pas de revenir sur ces tractations ou même de présenter une analyse globale des enjeux que recouvrent les prochaines élections législatives. Il entend simplement analyser un point saillant qui risque de déterminer en grande partie les résultats du 7 juillet : le cadrage médiatique.

Selon toute vraisemblance, et plus que jamais, les médias joueront un rôle crucial dans ces élections législatives. A chaque échéance électorale il en va de même, mais notre hypothèse est qu’ils seront, cette-fois ci, plus que jamais déterminants.

Selon Le Figaro(1), en se fondant sur les résultats des élections européennes du 9 juin, 536 (sur 577) circonscriptions pourraient voir un duel entre le Front populaire et le Rassemblement national au second tour. C’est évidemment une fourchette – très, très – haute, et on imagine mal les candidats de la majorité présidentielle ou de LR n’arriver au second tour que dans une quarantaine de circonscriptions. Toutefois ce qui ressort des différentes analyses, c’est qu’une majorité de duels se fera entre le RN et le Front populaire.

Dès lors, ce sont les suffrages des électeurs centristes, macronistes, qui détermineront le vainqueur d’un second tour. Plusieurs enquêtes menées en 2023 montrent que, désormais, Jean-Luc Mélenchon fait figure d’épouvantail pour la bourgeoisie centriste, bien plus que Marine Le Pen. Un sondage de mars 2023 indiquait que Marine Le Pen inquiétaient 39% des électeurs Renaissance ; Jean-Luc Mélenchon 44%. La situation s’est, du reste, empirée depuis le 7 octobre et l’attaque terroriste du Hamas : refus de qualifier le Hamas d’organisation terroriste, rupture de la NUPES par le Parti socialiste, sorties antisémites de Jean-Luc Mélenchon, attaques quotidiennes sur Raphaël Glucksmann, etc.

Un sondage IFOP du 8 février 2024 montre qu’en cas de second tour entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, 66% des sympathisants Renaissance voteraient pour la candidate du Rassemblement national. Insistons sur ce point : les deux tiers de l’électorat macroniste voteraient pour l’extrême droite en cas de duel face au chef de la France insoumise. Il faut avoir cet élément essentiel en tête à l’heure d’appréhender le rôle que jouent et joueront les médias dans la campagne législative en cours.

En partant donc de l’hypothèse selon laquelle beaucoup de seconds tours verront s’affronter candidats estampillés Front populaire et candidats d’extrême droite, l’électeur centriste est à convaincre. La modération dont a fait preuve Jean-Luc Mélenchon au JT de France 2, et les compromis sur le programme commun (construction européenne, reconnaissance des actes terroristes du Hamas, soutien à l’Ukraine, etc) témoignent de cette prise de conscience. Il faut rassurer le bourgeois.

Mais si les femmes et hommes de gauche ont pris leur responsabilité, il reste un élément qu’ils n’ont pas entièrement entre les mains – même si leurs prises de position peuvent l’influencer -, le traitement médiatique des futurs seconds tours. Car rappelons-nous qu’en avril 2022, au soir du premier tour de l’élection présidentielle, le président de la République Emmanuel Macron n’était crédité que de 53% des suffrages, contre 47% pour Marine Le Pen. Ici, c’étaient les électeurs de gauche qu’il fallait convaincre. Eux qui avaient déjà fait barrage à l’extrême droite en 2002, en 2017, étaient à nouveau appelés à voter pour le candidat de la casse sociale par excellence. Nombre d’entre eux souhaitaient s’abstenir.

Les deux semaines qui ont précédé le second tour ont vu, comme on pouvait s’y attendre, une campagne médiatique de front républicain se mettre en place. Progressivement, à mesure que le risque fasciste devenait réalité (les sondages inquiétants étaient dans les bouches de tous les chroniqueurs et journalistes politiques), à l’initial « ni-ni » était préféré un vote en faveur d’Emmanuel Macron. Finalement, l’on est passé de 6 points d’écart à 17.

La chose est dure à quantifier, mais je fais l’hypothèse que sur les électeurs centristes, les médias dits « traditionnels » ont encore une influence considérable. Que l’on pense aux millions d’auditeurs des matinales radio, ou aux millions de téléspectateurs du journal de 20h, l’audience touchée est grande et, surtout, c’est un audimat dont on peut fortement supposer qu’une grande partie aura voté pour un candidat de la majorité présidentielle au premier tour.

Ces médias ne vont pas appeler à voter pour tel ou tel camp, mais le cadrage médiatique qu’ils feront des sorties des uns et des autres sera décisif. Insidieusement, la diabolisation ou la dédiabolisation afférées au Front Populaire ou au Rassemblement national par la radio, la télévision ou les médias du « centre raisonnable » (qui, généralement, abhorre tout autant voire plus la France insoumise que le Rassemblement national) orienteront une partie non négligeable de l’électorat macroniste à se décider.

Car il ne s’agit pas de savoir si le RN aura 50 ou 100 députés. Il ne s’agit pas de savoir si LFI en aura 30, 50 ou 70. Il s’agit bel et bien de savoir si les électeurs centristes sont prêts à propulser l’extrême droite à la tête de la France.

Références

(1)Le Figaro, 12 juin 2024. 

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Les fausses bonnes idées en politique

Édito

Les fausses bonnes idées en politique

Il apparaît qu’en politique, comme sur un fleuve, il soit vain d’aller à contre-courant. Notre camp, celui de la gauche, celui du progrès, celui du mouvement, s’est longtemps attaché à l’Histoire, puisqu’elle était amenée, pensait-on, à prévoir les mondes nouveaux – matérialisme historique oblige. Aussi, certains combats paraissaient aller dans le sens de l’Histoire, et l’on opinait à leur bon sens sans vraiment réfléchir à leurs implications. Et voilà que, des années plus tard, ces fausses bonnes idées se révèlent avoir produit de bien fâcheuses conséquences.

Il apparaît qu’en politique, comme sur un fleuve, il soit vain d’aller à contre-courant. Notre camp, celui de la gauche, celui du progrès, celui du mouvement, s’est longtemps attaché à l’Histoire, puisqu’elle était amenée, pensait-on, à prévoir les mondes nouveaux – matérialisme historique oblige. Aussi, certains combats paraissaient aller dans le sens de l’Histoire, et l’on opinait à leur bon sens sans vraiment réfléchir à leurs implications. Et voilà que, des années plus tard, ces fausses bonnes idées se révèlent avoir produit de bien fâcheuses conséquences.

Ce n’est pas de ce qu’on appelle communément les « questions de mœurs » ou les « questions sociétales » qu’il s’agit ici. En l’espèce, il y a un progrès indéniable sur ces enjeux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et on ne peut que s’en féliciter. La chape de plomb morale qui subsistait sur les têtes de nos concitoyens est progressivement mais sûrement écartée au profit de libertés émancipatrices.

Non, ce dont il s’agit véritablement, ce sont des idées qui semblent, en raison d’un contexte donné, aller de soi. Je souhaiterais donner deux exemples précis, qui à dire vrai n’ont aucun rapport entre eux, mais illustrent chacun à leur manière l’égarement d’une partie – sinon de la totalité – de la classe politique.

Le premier concerne la désindustrialisation. Cette notion, désormais honnie de la gauche radicale au RN en passant par la Macronie, fut il y a encore peu de temps l’alpha et l’oméga de la politique économique française. A la fin des années 90, la mondialisation « heureuse » permettait enfin aux nations occidentales de se décharger du lourd fardeau de la production industrielle. La tertiairisation offrait l’occasion de délocaliser les usines dans les pays en développement, notamment la Chine, et de supprimer la classe ouvrière au profit de salariés-individus éclatés. Rares étaient ceux qui, à l’époque, contestaient le mouvement en marche. Et le PDG d’Alcatel d’ajouter que la marque française devait « devenir une entreprise sans usines ». Du reste, la réflexion était cohérente, et il est évidemment plus simple de railler a posteriori un fourvoiement collectif aussi grave. Pourtant, aujourd’hui, il n’est pas un responsable politique qui ne se réclame de la relocalisation industrielle. La désindustrialisation ? Fausse bonne idée historique que plus personne ne défend aujourd’hui.

Autre objet de forfaiture républicaine, la fâcheuse tendance qu’ont eue gauche et droite confondues de croire la laïcité dépassée. En 1989, lors de la fameuse « affaire de Creil », des responsables politiques considéraient que la guerre des deux France (entre laïques et catholiques) étant terminée, la laïcité mérite assouplissement et accommodements raisonnables. Cela allait aussi dans le sens de l’histoire, avec la phraséologie différentialiste qui allait avec. Pour bon nombre de politiques de gauche, le progrès devait balayer les obscurantismes religieux et donc n’apparaissait plus la nécessité de lutter fermement contre ceux-ci. D’où le non-choix de Jospin, alors Premier ministre, qui aboutit à une politique d’atermoiement – « il est urgent de ne pas se presser » – laquelle ne se résoudra qu’en 2004 avec l’adoption de la loi prohibant le port de signes religieux ostensibles. Son vote est d’ailleurs quasiment unanime, à gauche comme à droite, montrant là que quinze années ont été perdues, quinze années durant lesquelles la laïcité a reculé. Assouplir la laïcité ? Fausse bonne idée historique que peu de gens défendent aujourd’hui.

En cette nouvelle année 2024 qui commence, de nouveaux combats politiques vont être menés, et des enjeux inédits apparaîtront dans le débat médiatique. Je pense par exemple à l’autonomie de la Corse, sur laquelle les partis semble-t-il ne parviennent pas à se prononcer. Qu’ils y soient opposés ou favorables, c’est un tout autre débat. Mais espérons, pour le bien de notre démocratie, et surtout pour ne pas le regretter dans vingt ans, qu’ils réfléchiront avant de suivre aveuglément le sens du vent. L’appartenance au camp du mouvement ne doit pas nous empêcher, parfois, d’orienter le gouvernail pour ne pas se laisser emporter.

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Quand E.Macron ouvre la boîte de pandore du régionalisme

Édito

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Longtemps, parler de décentralisation et de questions territoriales revenait à s’exprimer devant des salles vides, découragées par des considérations abstraites et techniques qu’il fallait beaucoup de courage pour s’évertuer à dire qu’elles étaient fondamentales. En quelques semaines, l’actualité les a rendus palpables.

Lorsque nous évoquions le régionalisme, notamment dans notre dernier livre « La France en miettes », on nous accusait de pessimisme. On prétendait que cela n’arriverait pas, que la France était un îlot de stabilité en la matière. Même en présentant des chiffres, en prouvant grâce à des études internationales ou des statistiques que ce qui se passait en Espagne nous guettait, peu de politiques étaient capables de se projeter au-delà du périphérique, encore moins vers des exemples étrangers… Il a fallu qu’un président de la République, qui aime à reprendre la rhétorique de ses interlocuteurs pour les séduire, parle comme un nationaliste Corse à Ajaccio pour que tous les régionalismes de France s’embrasent. Le jeu de surenchère entre régions a commencé ce jour-là avec la région Bretagne qui a remis un rapport sur l’autonomie à Élisabeth Borne. La boîte de Pandore est donc ouverte. Ce n’est que le début. D’autres collectivités et élus se sont levés pour dire que leur région n’avait pas moins de dignité que la Corse et avait le droit de réclamer la même chose. Le Président de la République souhaite également inscrire la Corse comme « communauté culturelle ». L’universalisme de la République repose sur l’idée qu’elle ne reconnaît aucune communauté, seulement des citoyens. Si nous reconnaissons une communauté, il faut reconnaître les autres. Si les jeunes de nos banlieues demandent la reconnaissance de leur communauté, leur répondrons-nous positivement, car elle n’est pas moins digne que la communauté corse ? Si c’est le cas, nous devons accepter de basculer vers un État communautariste à l’anglo-saxonne. Si nous leur répondons que leur communauté ne mérite pas d’être reconnue, alors nous hiérarchisons les communautés. Cela s’appelle du racisme. Si nous ne mettons pas un frein à cette idée présidentielle, nous devrons bientôt choisir entre communautarisme ou racisme ; il n’y aura plus de troisième voie.

Pire encore que le régionalisme, il fallait aimer être une voix dans le désert jusqu’à présent pour parler de différenciation territoriale… La loi 3Ds, illisible et technique, n’intéressait personne. Même les élus locaux se montraient indifférents. Pourtant, sur la base de cette loi, Valérie Pécresse et la Région Île-de-France viennent de faire 40 propositions. Premier exemple, un SMIC régional. Il serait plus élevé en Île-de-France, cela peut paraître sympathique. Sauf que, cela impliquerait une baisse relative ou réelle du SMIC dans les régions plus pauvres. Oublions la loi SRU et le logement social. Valérie Pécresse n’est pas une grande fan du logement social, pas plus que de l’Éducation nationale. Elle propose donc des écoles privées avec une totale liberté pédagogique à l’anglo-saxonne pour former des agents économiques. Ces écoles seraient choisies par la région mais, il ne faut pas rigoler, financées par l’État. Voilà ce qu’est la différenciation : une notion technique qui permet de démanteler le service public et les protections sociales. Si nous ne nous mobilisons pas contre cela, nous devrons assumer de vivre dans un pays où l’éducation aura été privatisée et l’inégalité légalisée. Pour l’instant, Valérie Pécresse doit demander l’autorisation. Emmanuel Macron propose cependant d’inscrire dans la Constitution un « droit à la différenciation ». Les collectivités y gagneraient également le droit de « déroger » à la loi. Aucun pays n’a adopté le principe de pouvoir « déroger » à la loi. Imaginez que vous décidiez, au nom de votre singularité, de ne pas vous arrêter à un feu rouge. La différenciation selon Emmanuel Macron, c’est cela. Quand Laurent Wauquiez refuse d’appliquer le zéro artificialisation nette (ZAN), il anticipe sur la réforme voulue par le président. Les partisans de la différenciation ne devraient plus parler et promettre la transition écologique, car cet exemple montre que celle-ci sera impossible.

Il est grand temps de s’alarmer des projets territoriaux du Président. Ces principes peuvent sembler ennuyeux aux rédacteurs de slogans de manif, mais si nous les ignorons, nous devrons vivre dans un pays dénué de politique publique ambitieuse, sans service public, sans véritable protection sociale… encore faudrait-il qu’il y ait encore alors un pays.

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