De quoi la naïveté d’EDF envers Amazon est-elle le nom ?

De quoi la naïveté d’EDF envers Amazon est-elle le nom ?

Dans le Canard Enchaîné de ce mercredi 14 février, on apprend que le premier producteur et fournisseur d’électricité de France vient de confier, à travers un contrat global de 860 millions d’euros, la planification de la maintenance de ses centrales nucléaires au géant américain Amazon.

A l’heure où les sénateurs, en séance plénière, et les députés, en commission des Finances, adoptent la proposition de loi visant à éviter tout démembrement d’EDF et à rétablir les tarifs réglementés de l’électricité, l’on pourrait se réjouir de voir la souveraineté énergétique française enfin protégée et assurée. C’est sans compter sur la coupable naïveté numérique des dirigeants de l’entreprise.

Dans le Canard Enchaîné de ce mercredi 14 février, on apprend que le premier producteur et fournisseur d’électricité de France vient de confier, à travers un contrat de 860 millions d’euros, la planification de la maintenance de ses centrales nucléaires au géant américain Amazon. Or si EDF n’est pas une administration, elle est, et c’est tout aussi stratégique, un opérateur d’importance vitale.

Par l’intermédiaire de sa filiale Amazon Web Service (AWS), le GAFAM sera effectivement chargé de procéder au référencement et à la numérisation des millions de pièces que contiennent les centrales nucléaires. S’il est compréhensible que l’entreprise publique se soucie de l’amélioration de la maintenance du parc nucléaire français, la décision de confier la planification à une multinationale américaine laisse pantois pour ne pas dire en colère. 

On ne peut qu’être effaré à l’idée que des données aussi sensibles soient hébergées par une société américaine quand on sait l’usage extensif que font la Chine ou les Etats-Unis de la notion d’extraterritorialité de leur droit national. Toutes les conditions se trouvent ainsi réunies pour qu’EDF rejoigne la longue liste des entreprises françaises pillées ou espionnées par un État étranger qui sait au besoin se parer des atours d’allié historique. Les dirigeants d’Alstom ou de la BNP pourraient doctement l’expliquer à leurs homologues d’EDF.  

Faire appel à un ou des acteurs tricolores de l’infonuagique (cloud) dûment labellisés par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) aurait été le minimum. Le Canard Enchaîné nous apprend par exemple qu’Outscale, filiale de Dassault, correspondant à ces exigences, aurait été disposée à répondre.

EDF aura beau jeu d’arguer de la difficulté de trouver un prestataire offrant les garanties nécessaires à la protection de ces données dans la mesure où la CNIL en ce début d’année 2024 a fait elle-même, de guerre lasse, le constat de l’absence de tels prestataires sur le marché européen.

Après sept ans de start-up nation et de discours angélique sur la souveraineté européenne, le tableau est bien sombre. C’est celui d’une incapacité des autorités publiques à faire émerger un écosystème numérique qui n’ait pas de souverain que le nom. Espérons qu’il ne soit pas trop tard pour éradiquer cette naïveté. Et ce mouvement salutaire et rationnel peut et doit venir de la gauche française et européenne qui se donnerait à nouveau les moyens de penser la souveraineté.

Hugo Guiraudou, Directeur de publication du Temps des Ruptures

Mickaël Vallet, Sénateur de la Charente-Maritime

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