Les sociétés à mission, avatar du capitalisme ou outil de transformation de la société ?

Intro :

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam at consequat justo. Donec sit amet dui id libero varius suscipit iaculis in enim. Vestibulum in gravida est. Praesent sed nunc condimentum, pharetra ligula non, fermentum eros. In erat dui, vulputate a risus sed, vehicula elementum augue. Aliquam semper augue ipsum, eu blandit neque tincidunt ac. Fusce magna nisi, vehicula at velit eu, placerat dapibus arcu. Aliquam tempor ultricies arcu, ut malesuada ex. Donec sit amet cursus purus. Suspendisse vitae est nunc. Aenean dictum, arcu vitae vulputate auctor, nunc ante laoreet velit, id interdum ligula nisi eget risus. Ut risus risus, lacinia in ornare sed, porttitor in erat. Vestibulum facilisis ex eros, quis vulputate quam ultrices et. Donec nec tortor ullamcorper, faucibus massa sed, ornare lectus. Aliquam pretium nibh quam, a tincidunt orci mollis nec. Orci varius natoque penatibus et magnis dis parturient montes, nascetur ridiculus mus.

La création des “sociétés à mission” par la Loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019 a renforcé la “confusion des genres”[1] entre les entreprises capitalistes et les structures de l’économie sociale et solidaire. Plus loin que la RSE (responsabilité sociétale des entreprises), les sociétés à mission ont pour objet de “redéfinir la raison d’être des entreprises”, avec une entreprise qui ne serait plus guidée par ses intérêts économiques mais perçue comme un lieu de création et de partage de sa valeur.

Alors que des modèles alternatifs existent depuis le XIXe siècle, en réaction aux dégâts engendrés par le capitalisme et la révolution industrielle, qu’est ce qui a donné naissance aux “sociétés à mission” ? Est-ce un modèle transitoire vers un fonctionnement plus vertueux, écologique et social ?

Les sociétés à mission, héritières du social business

Face aux défaillances engendrées par l’économie de marché, le capitalisme, acculé d’être sa propre perte, a dû se reformuler afin de repousser le risque d’intervention étatique.

Ainsi, la perspective du « capitalisme à but social » est née pour répondre d’une certaine manière au darwinisme de marché, marché qui n’a ni conscience, ni miséricorde. Herbert Spencer (1820-1903), précurseur de la doctrine sociopolitique du darwinisme social au XIXe siècle estime que la sélection naturelle pensée par Darwin serait applicable au corps social. D’après le Darwinisme social, l’exploitation humaine (colonisation, capitalisme, ..) serait légitime car considérée comme « naturelle » et par voie de conséquence, ce qui est naturel est acceptable. Cette idéologie contemporaine de Darwin est au fondement de l’ultralibéralisme qui lutte contre toute forme d’Etat-Providence et pour la réduction des services de l’Etat qui ne peuvent-être privatisés qu’au strict minimum (santé, éducation).

Le néo-libéralisme et l’ultralibéralisme créent donc des inégalités importantes en raison de la concentration des richesses et des moyens de production qu’ils opèrent, et cela ne pose pas de problème fondamental puisque cette accumulation est légitimée au nom du mérite. Pourtant, des auteurs, tel que John Rawls, élaborent une philosophie de justice sociale découlant d’une pensée libérale. En effet, selon Rawls, l’égalité parfaite ne peut exister mais il ne peut être toléré que certains soient toujours dans la pauvreté. Il reste à distinguer les inégalités inacceptables qui doivent être corrigées par l’Etat, des inégalités acceptables qui sont le fruit du mérite des individus.

D’autres sensibilités émergent pour tenter de corriger les défaillances du marché. La sensibilité sociale libérale développée par la gauche modérée va s’approprier l’idée que régulation sociale et libéralisme, que liberté et redistribution sont compatibles tandis que la gauche révolutionnaire considère que les exigences d’égalité et de justice sociale sont au sommet des priorités et ne peuvent faire l’objet d’une concurrence avec le marché.

C’est ainsi qu’est développée l’idée du social business par Muhammad Yunus[2], dans une approche découlant à la fois du néo-libéralisme et de la recherche d’une justice sociale.

Mais la notion reste ancrée dans une philosophie utilitariste et individualiste du monde social. Le bonheur individuel prime sur les exigences collectives, dans l’idée que la société accomplie est le résultat de l’agrégat des bonheurs individuels. Hayek développe ainsi « un homme ne peut se soucier que d’une fraction infinitésimale des besoins de l’humanité. La philosophie individualiste ne part pas du principe que l’homme est égoïste ou devrait l’être. Elle part simplement du fait incontestable que les limites de notre pouvoir d’imagination ne permettent pas d’inclure dans notre échelle de valeurs plus d’un secteur des besoins de la société tout entière ».

Social et greenwashing ?

La crise des subprimes en 2008 fait ressortir le concept de social-business comme une réponse aux défauts du capitalisme. Il est désormais urgent de répondre aux problématiques sociales. En France, la crise financière a fait plonger plus de 1 million de personnes dans la pauvreté. Partout les inégalités ne cessent de se creuser[3], renforcées dans ces dernières années par la crise du COVID-19. Dès lors, les aspirations à l’ascension sociale deviennent de l’ordre du rêve. Les pauvres restent pauvres tandis que les riches continuent d’accumuler des richesses.

En ce sens, le développement de la RSE dans les années 2000 a été une première étape pour faire reconnaître la conciliation d’une utilité sociale avec la recherche d’un intérêt économique. Mais cette RSE est loin d’être normative, et vise davantage à la mise en avant de quelques actions bénéfiques qu’à un réel bilan global des externalités de l’entreprise et à son rôle dans la société.

La RSE qui couvre les matières sociales et environnementales n’est pas séparée de la stratégie et des opérations commerciales : il s’agit d’intégrer ces préoccupations sociales et environnementales dans les stratégies, mais nombreuses sont celles qui tombent dans le socialwashing ou le greenwashing.

Par exemple, Carrefour pour qui la RSE détaille dans sa politique « Act for people » une « rémunération et des salaires décents pour nos collaborateurs », précisant « respecter les législations et des réglementations locales ou régionales en matière de rémunération dans l’ensemble des pays Carrefour et franchisés ». Finalement, il ne s’agit ici que de respecter le minimum légal imposé par la loi et la réglementation en vigueur ; et omet de préciser les centaines de licenciements qu’elle a opérées alors que le bénéfice de l’entreprise était en hausse.

Cela se rapproche de stratégies de social-washing que des sociétés comme Adidas pratiquent. Pendant que la firme participe au travail forcé des Ouïghours en Chine, elle indiquait sur son site « Bien que l’ensemble des droits humains et des libertés fondamentales doivent être respectées et doivent se maintenir, une attention particulière est donnée aux groupes les plus vulnérables, minorités ou ceux qui dans d’autres circonstances sont exploitées ou dont les droits sont abusés. C’est la raison pour laquelle nous avons développé un programme spécifique et des initiatives qui traitent du travail des enfants, du travail des migrants, du trafic ou du travail forcé, et des droits des femmes ».

Les sociétés à mission ne sont soumises à aucune contrainte juridique. La loi n’impose que des obligations de moyens et non de résultats. La RSE, au même titre que les “sociétés à mission”, sont pour beaucoup un pur outil de communication et de marketing, notamment à l’heure où 71% des consommateurs affirment être davantage fidèles aux marques dont ils épousent les valeurs, telles la solidarité, l’ouverture d’esprit ou la protection de l’environnement[4].

De nouveaux modes de management pour le bien-être des travailleurs ?

Dans l’ouvrage collectif, Entreprises à mission et raison d’être, les auteurs montrent que la recomposition des pratiques visant à faire participer les salariés ou les parties prenantes sont nées de la faillite managériale[5]. Or, ainsi que l’exprime Gary Hamel[6], la condition à l’innovation d’une entreprise est la conséquence de son innovation managériale propre.

Pour innover, il faut se réinventer, et cela passe par de nouvelles pratiques managériales, dont la “marque employeur” en est d’ailleurs le symptôme.. La participation et la collaboration ne sont alors que des modalités d’innovations dans l’entreprise, alors qu’elles sont des conditions essentielles dans les structures de l’ESS. « L’essor des start-ups a montré de nouvelles organisations plus transversales et agiles davantage propices à l’innovation et aux aspirations sociétales des jeunes générations »[7]. En ce sens, 3 niveaux de transformations sont élaborés : les ateliers collaboratifs qui permettent de faire participer les parties prenantes à un sujet, les techniques participatives notamment issues de l’éducation populaire (design thinking, hackaton, réseau apprenant, co-développement, ..) et enfin, le dernier niveau et le plus abouti, une modification des formes organisationnelles.

L’innovation managériale concurrence la démocratie en usant de ses outils participatifs. Les
moyens à l’usage pour les entreprises, sont les finalités dans l’ESS. Donc, les sociétés à missions restent des sociétés dont la gestion ne vise pas la répartition du pouvoir mais l’innovation.

Et le changement du modèle de gouvernance ?

Les sociétés à mission décident pour la plupart, selon l’Observatoire des Sociétés à Mission, de se doter d’un Comité de mission avec un nouvel équilibre des parties prenantes pour ne plus prendre en compte uniquement les désirs des actionnaires dans les politiques de l’entreprise. La question de la gouvernance est primordiale, tout comme celle de la propriété, car elle induit des stratégies qui répondent à des intérêts. L’entreprise appartient-elle à ses salariés ou à ses consommateurs ? L’entreprise appartient-elle à des actionnaires ? Selon la réponse, la poursuite des intérêts recherchés diffère, et les stratégies de développement également.

C’est parce que les structures de l’économie sociale et solidaire ont pour fondement deux règles inhérentes, qu’elles sont considérées comme profitables à la société : gouvernance partagée et répartition des richesses. Selon Jean-Louis Laville, “[les] statuts légaux [des mutuelles, associations et coopératives] se traduisent par une forme particulière de capitalisation qui n’offre d’avantage individuel ni sur le plan des décisions, ni sur celui de la redistribution des surplus »[8]. Les statuts sont donc le garde-fou des décisions des structures qui ne peuvent être guidées par des intérêts individuels.

C’est pourquoi, le statut de la société à mission ne fonctionnera que si elle amène à remettre en cause un modèle de fonctionnement capitaliste et libéral pour encourager les entreprises à changer leur modèle de gouvernance et de répartition des richesses. La sincérité de la démarche n’est rien si elle ne débouche pas sur une transformation profonde du modèle de l’entreprise et de la sphère capitaliste.

Références

[1] Jérôme Saddier, Président d’ESS France, Appel à tous ceux qui font l’Economie Sociale et Solidaire : “pour que les jours d’après soient les jours heureux”, 4 mai 2020.

[2] Muhammad Yunus, Pour une économie plus humaine. Construire le social–business, 2011.

[3] Article Alternatives Economiques “Entre riches et pauvres français, l’écart s’est crausé en vingt ans”, juin 2020.

[4] Enquête OpinionWay

[5] François Dupuy, La faillite de la pensée managériale, Seuil, 2015.

[6] Hamel Gary, The future of Management, Haward Business Press, 2007.

[7] David Autissier, Entreprises à mission et raison d’être, Dunod, 2020

[8] Jean-Louis Laville, L’économie sociale et solidaire. Pratiques, théories et débats, Seuil, page 286.

 

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

Au Venezuela, Maduro contre le chavisme

Intro :

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam at consequat justo. Donec sit amet dui id libero varius suscipit iaculis in enim. Vestibulum in gravida est. Praesent sed nunc condimentum, pharetra ligula non, fermentum eros. In erat dui, vulputate a risus sed, vehicula elementum augue. Aliquam semper augue ipsum, eu blandit neque tincidunt ac. Fusce magna nisi, vehicula at velit eu, placerat dapibus arcu. Aliquam tempor ultricies arcu, ut malesuada ex. Donec sit amet cursus purus. Suspendisse vitae est nunc. Aenean dictum, arcu vitae vulputate auctor, nunc ante laoreet velit, id interdum ligula nisi eget risus. Ut risus risus, lacinia in ornare sed, porttitor in erat. Vestibulum facilisis ex eros, quis vulputate quam ultrices et. Donec nec tortor ullamcorper, faucibus massa sed, ornare lectus. Aliquam pretium nibh quam, a tincidunt orci mollis nec. Orci varius natoque penatibus et magnis dis parturient montes, nascetur ridiculus mus.

« Le Parti populaire européen a décidé de construire un accord sur le Venezuela avec Orban, Meloni et Le Pen ». C’est en ces termes que le groupe social-démocrate (S&D) du Parlement européen dénonce l’adoption, le 19 septembre dernier, d’un texte visant à reconnaître Edmundo Gonzalez – principal opposant au président vénézuélien sortant Nicolas Maduro à l’occasion du dernier scrutin controversé -, comme dirigeant légitime du pays latino-américain. Un vote inédit car, si cette résolution a été conjointement présentée par les groupes des Conservateurs et réformistes européens (CRE), ainsi que des Patriotes pour l’Europe – au sein desquels siègent respectivement Mario Maréchal Le Pen et Jordan Bardella -, la droite européenne traditionnelle l’a sans réserve soutenu dans l’hémicycle, assumant par là-même ouvertement de briser tout cordon sanitaire la séparant de l’extrême droite. Si le groupe S&D tient ainsi à marquer ses distances vis-à-vis d’une telle entreprise de normalisation de partis nationalistes, cela ne l’empêche pas par ailleurs de qualifier l’actuel gouvernement vénézuélien d’autoritaire, une position confirmée par l’octroi, par les autorités espagnoles, de l’asile politique à l’opposant en exil. Une décision ayant suscité le renvoi de l’Ambassadeur d’Espagne à Caracas, le gouvernement maduriste arguant à son tour du caractère profondément putschiste de l’opposition dominante. Face à cette crise politique exacerbée, face à cet empressement des puissances internationales à reconnaître la légitimité de l’un ou l’autre, comment tirer le vrai du faux entre deux représentants autoproclamés de la souveraineté du peuple vénézuélien ?

 

Défendre la souveraineté populaire face aux ingérences

« Le principe fondamental de la souveraineté populaire doit être respecté par le biais de la vérification impartiale des résultats ». Voilà l’objectif prioritaire établi au sein du communiqué publié le 1er août dernier par les diplomaties brésilienne, colombienne et mexicaine en vue de trouver une issue pacifique à la crise politique qui fracture le Venezuela. Si celle-ci ne cesse de s’aggraver depuis que Nicolas Maduro a succédé, en 2013, à Hugo Chavez à la tête de l’État vénézuélien, elle a récemment été exacerbée par les auto-proclamations successives, au soir du dernier scrutin présidentiel qui s’est tenu le 28 juillet, de Maduro ainsi que de son principal opposant Edmundo Gonzalez, avant même la publication des procès-verbaux de l’intégralité des bureaux de vote par le Conseil National Électoral (CNE).

 Ce dernier prétend avoir été victime d’un piratage informatique l’empêchant, jusqu’à ce jour, de rendre publics l’ensemble des votes qui sont, au Venezuela, réalisés par voie électronique. Or, cette publication est particulièrement attendue en raison du fossé béant qui sépare les premiers sondages de sortie des urnes – qui plaçaient l’opposition largement en tête – des résultats nationaux proclamés par le CNE selon lesquels le président sortant aurait été réélu dès le premier tour avec 52% des voix. 

Un score définitivement validé le 22 août par le Tribunal suprême de justice (TSJ) qui ne vient pas pour autant apaiser les tensions, de nombreuses voix s’élevant – y compris en provenance de secteurs de la gauche vénézuélienne – en vue de dénoncer le manque de transparence de cette décision. Et ce, d’autant plus que cette instance est notamment dirigée depuis le mois de janvier par Caryslia Rodriguez, une avocate issue du Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV) au pouvoir. 

Si le manque d’indépendance politique du TSJ questionne le bon fonctionnement des institutions démocratiques vénézuéliennes, il serait incorrect de percevoir l’ensemble de l’opposition comme une simple victime passive d’un système façonné par un chavisme tout puissant dans la mesure où sa frange la plus radicale – encore prédominante au sein de la principale coalition d’opposition au gouvernement – a elle-même pesé de manière décisive sur l’orientation prise par cette cour suprême au cours de ces dernières années. 

En effet, les membres du TSJ sont désignés par l’Assemblée nationale vénézuélienne, aujourd’hui largement dominée par les partisans de Maduro à la suite du boycott, par une part significative de l’opposition, des dernières élections législatives qui se sont tenues en 2020. Alors divisée et créditée d’à peine 20% des suffrages au terme d’un processus électoral notamment avalisé – à la différence du dernier scrutin présidentiel – par la mission d’experts internationaux de l’ONU, l’opposition s’est ainsi privée de l’un des principaux leviers sur lesquels elle pourrait aujourd’hui s’appuyer en vue d’espérer reprendre en mains les institutions du pays. 

L’intransigeance des plus radicaux opposants au madurisme a ainsi paradoxalement contribué à restreindre encore un peu plus leurs marges de manœuvre institutionnelles.    

Toujours est-il qu’en plus d’approfondir la crise politique interne, cette décision du TSJ génère plus largement des divergences au sein même du bloc progressiste latino-américain. En effet, tandis que le président chilien Gabriel Boric réitère son opposition – déjà manifestée à de nombreuses reprises depuis son arrivée au pouvoir – à ce qu’il qualifie de « dictature qui falsifie les élections »[1], son homologue mexicaine Claudia Sheinbaum – élue au mois de juin dernier avec l’objectif de consolider les orientations politiques de son prédécesseur, parmi lesquelles la promotion d’une forme de coopération régionale susceptible de représenter un contrepoids aux intérêts défendus par les Etats-Unis au sein du continent – finit par reconnaître la validité de ces résultats. 

Ce faisant, elle se distancie des gouvernements colombien et brésilien qui restent convaincus de la nécessité d’assurer une médiation entre les différentes forces en présence en vue d’aboutir à un audit public des votes, seule manière à leurs yeux de garantir la souveraineté du peuple vénézuélien. Et au vu de l’empressement d’un certain nombre de grandes puissances à reconnaître la victoire du camp le plus susceptible de sécuriser leurs intérêts stratégiques au sein de cet État pétrolier (à l’image de la Chine et de la Russie favorables à Maduro, mais également des Etats-Unis partisans de Gonzalez), difficile de leur donner tort.

Ces gouvernements prennent ainsi ouvertement leurs distances vis-à-vis d’un certain nombre de dirigeants conservateurs de la région qui, alignés diplomatiquement sur Washington, ont rapidement apporté leur soutien à Edmundo Gonzalez. 

C’est notamment le cas du président équatorien Daniel Noboa ou de son homologue argentin Javier Milei, qui ne sont par ailleurs pas particulièrement réputés pour leurs préoccupations démocratiques. Cependant, le Brésil et la Colombie s’éloignent tout autant du président vénézuélien, comme en témoigne la récente opposition de Lula à l’entrée du Venezuela dans les BRICS  – fait particulièrement notable au vu de la proximité entre les rhétoriques anti-impérialistes de figures telles que le président brésilien Lula et celle du gouvernement maduriste.

 

Le madurisme face aux limites du « capitalisme dépendant »

Cette prise de position peut notamment s’expliquer par le fait qu’au-delà des suspicions de fraude lors du dépouillement, ce scrutin a été biaisé dès le départ par l’invalidation, sur la base de motifs plus ou moins fondés, de plusieurs candidatures d’opposition. 

Le cas le plus médiatisé est celui de Maria Corina Machado, figure conservatrice ayant largement remporté les primaires organisées au mois d’octobre 2023 par la Table de l’unité démocratique, principale coalition d’opposition au madurisme. Or, celle-ci est déclarée inéligible par la justice vénézuélienne pour avoir appuyé et tiré profit du gel d’un certain nombre d’actifs nationaux placés dans les institutions bancaires de plusieurs États reconnaissant la légitimité de Juan Guaido, l’un des fers de lance de l’opposition qui s’est autoproclamé président du pays entre 2019 et 2023. 

Si l’utilisation de ces actifs par un dirigeant dont la légitimité démocratique est plus que contestable s’inscrit effectivement dans une forme d’ingérence n’ayant fait qu’aggraver le délitement de l’économie, ainsi que de la société vénézuélienne, il ne s’agit que d’un argument parmi d’autres utilisés pour marginaliser du scrutin un certain nombre d’autres partis d’opposition bien moins suspects d’être à la botte de velléités impérialistes. 

C’est le cas des oppositions de gauche au madurisme, comme le démontre notamment le reportage réalisé par la politiste Yoletty Bracho pour la revue de critique communiste Contretemps[2]. L’un des représentants de la gauche vénézuélienne lui confie notamment : « Il est impressionnant de voir que la droite a pu avoir son candidat, mais que c’est nous à gauche qui n’avons pas le droit d’avoir de candidat. Nous n’avons pas de représentation lors de ces élections »[3]. Sous-entendu, le madurisme s’est détourné de la gauche du paysage politique. Un virage à droite confirmé par le fait que le Parti Communiste Vénézuélien (PCV) est récemment entré dans l’opposition, dénonçant la crise d’un « modèle de capitalisme dépendant (…) en contradiction avec les intérêts des travailleurs »[4].

 Ce modèle de capitalisme dépendant repose quasi exclusivement, depuis le début du XXe siècle, sur les revenus générés par les abondantes réserves pétrolières dont dispose le pays. Les données publiées par la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL) mettent en lumière le quasi-monopole occupé par les ressources pétrolières dans les exportations vénézuéliennes dans la mesure où elles représentent environ 85% des produits vendus par le pays sur la scène internationale[5]

Si cette structure économique n’est pas fondamentalement remise en cause par l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez en 1999, celui-ci modifie en revanche radicalement les modalités d’allocation de ces ressources. En réaffirmant la prédominance de la puissance publique dans la gestion de l’intégralité du processus d’exploitation et de commercialisation des ressources pétrolières, il redirige une majorité des revenus issus de ces activités vers l’État qui est alors en mesure de développer un certain nombre de programmes de redistribution sociale. Cela conduit notamment à une diminution significative de l’extrême-pauvreté qui passe de 22,6% à 8,2% de la population entre 2002 et 2012.

Cependant, le fait que ce modèle social repose quasi exclusivement sur les revenus générés par les exportations pétrolières le rend particulièrement dépendant aux variations du prix du baril à l’échelle internationale. Et s’il augmente globalement de manière continue au cours des années 2010, il chute subitement de 100 à 80€ entre 2013 et 2014, ce qui expose l’économie vénézuélienne à une dégradation des termes de l’échange. 

En effet, si la hausse considérable des exportations de ressources pétrolières provoque un afflux massif de devises en dollars, celles-ci doivent être converties en bolivar, la monnaie nationale vénézuélienne. Or, la contrepartie de la spécialisation dans la production pétrolière est que le Venezuela doit importer de nombreux biens manufacturés nécessaires à la satisfaction de la demande interne, de même que l’ensemble des équipements nécessaires à son industrialisation qui ne sont pas produits sur place. Il se trouve que les importateurs doivent directement régler ces importations en dollars, et non en devises nationales. 

Lorsque les importations deviennent plus importantes que les exportations, la demande de dollars sur le marché des changes devient plus importante, ce qui déprécie le prix de la monnaie nationale en comparaison du dollar. Le prix de toutes les importations augmente alors puisqu’il faut plus de devises nationales pour se procurer un dollar. 

C’est pour faire face à cette hémorragie de devises que, tout en conservant officiellement une rhétorique radicalement anti-impérialiste, le gouvernement vénézuélien laisse libre cours à la dollarisation officieuse de son économie. Or, la manière dont s’opère cette dollarisation ne fait qu’accroître la précarisation d’une part significative de la population. En effet, si la plupart des emplois restent rémunérés en bolivar – c’est notamment le cas de l’intégralité des travailleurs de la fonction publique -, la majorité des prix se calent désormais sur le cours du dollar. C’est ainsi que le prix moyen d’un déjeuner classique oscille autour de 10 dollars dans un pays dans lequel le salaire minimum équivaut à peine à 50 dollars par mois à l’heure actuelle.

 

Entre « Thatcher vénézuélienne » et démocratie sanctionnée

Mettre l’accent sur la part de responsabilité du gouvernement dans cette crise économique ne doit pas pour autant conduire à occulter le poids tout aussi important des différentes sanctions internationales imposées depuis 2013, en particulier par les Etats-Unis. 

A titre d’exemple, le gel du paiement des ressources exportées aux Etats-Unis par l’entreprise pétrolière publique PDVSA en 2019 la prive de 7 milliards de dollars, ce qui ne fait qu’aggraver l’hémorragie de devises qui frappe le pays sud-américain. 

Plus globalement, les pertes générées, au sein de l’industrie pétrolière vénézuélienne, par l’ensemble des mesures visant à restreindre ses échanges en dollars – les acteurs ayant recours à cette monnaie étant soumis à l’extraterritorialité du droit étasunien et, par conséquent, à d’éventuelles sanctions en cas de non-respect des restrictions imposées par Washington au pays sud-américain – s’élèveraient à près de 232 milliards de dollars[6]. Ces sanctions ont récemment été allégées à la faveur du conflit russo-ukrainien – un certain nombre de pays étant désireux de diversifier leurs sources d’approvisionnement en ressources pétrolières en vue de faire face à l’arrêt des importations de pétrole russe – mais comme en Iran, comme à Cuba, elles produisent toujours les mêmes effets : elles ne frappent que les populations civiles, tout en renforçant le virage autoritaire du gouvernement (justifié officiellement par la nécessité de lutter contre un impérialisme étasunien dont on peut, tout en condamnant les dérives du madurisme, difficilement nier l’existence). 

C’est ainsi qu’outre leurs conséquences significatives sur l’économie vénézuélienne, ces sanctions ne sont par ailleurs pas étrangères au dysfonctionnement du système démocratique du pays. A ce sujet, le Centre de Recherche Économique et Politique (CEPR) affirme notamment que de telles mesures sont susceptibles de : « convaincre les gens de voter comme le souhaitent les Etats-Unis ou de se débarrasser du gouvernement par d’autres moyens »[7]. Une entrave supplémentaire à la garantie d’élections réellement libres et transparentes au Venezuela.

C’est pour cette raison qu’au-delà de l’indéniable dérive autoritaire de l’administration maduriste, l’opposition officielle, qui plébiscite ouvertement le renforcement de ces sanctions, semble tout autant incapable de répondre aux aspirations démocratiques exprimées par les mobilisations en cours. 

Sachant que les oppositions de gauche et / ou centristes au madurisme ont été marginalisées en amont du scrutin, le président sortant faisait en effet face à la frange la plus conservatrice lors de ce scrutin. Si Gonzalez semble relativement mesuré sur certains sujets tels que l’éducation publique qu’il affirme vouloir préserver, celui-ci ne cesse de s’afficher en compagnie de Maria Corina Machado qui incarne un courant politique dont l’objectif est de revenir purement et simplement au néolibéralisme radical en vigueur avant l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez. 

Thomas Posado, maître de conférences en civilisation latino-américaine, met notamment l’accent sur le fort dogmatisme libéral de Machado qui se traduit par sa volonté affichée, et répétée à de nombreuses reprises, de privatiser PDVSA[8]

Dans un pays dans lequel cette société est vue comme un joyau de l’État, une telle proposition est particulièrement iconoclaste, y compris au sein de l’opposition au madurisme. Preuve que l’opposition semble à l’heure actuelle noyautée par sa frange la plus radicale. Et ce, d’autant plus que celle qui se voit régulièrement attribuer le sobriquet de « Thatcher vénézuélienne » a par ailleurs ouvertement fait appel à de nombreuses reprises à une intervention armée des Etats-Unis en vue de renverser le chavisme.

En somme, le drame de la situation vénézuélienne, c’est que ni Maduro, ni l’opposition majoritaire ultra conservatrice ne semblent à même de préserver les premiers acquis sociaux du chavisme « première génération » – qui se distingue du madurisme en de nombreux points. 

Si Chavez inaugure en effet sa première présidence par l’adoption d’une nouvelle Constitution destinée à démocratiser la société vénézuélienne, parallèlement à la réaffirmation de la prédominance du pouvoir politique sur l’armée – le défilé militaire accompagnant traditionnellement la mise en place d’une nouvelle Assemblée constituante n’ayant exceptionnellement pas eu lieu à cette occasion -, son successeur semble à l’inverse assumer de plus en plus ouvertement ses similarités avec les militaires ayant dirigé à plusieurs reprises le pays. En témoigne l’ouverture de centres pénitentiaires de haute sécurité dans lesquels les opposants seront soumis au travail forcé « comme à l’époque »[9] … 

Vincent Arpoulet

Références

1 BRACHO Yoletty, «  « Tout le monde

[1] https://x.com/GabrielBoric/status/1826703332268015733

[2] BRACHO Yoletty, «  « Tout le monde sait ce qu’il s’est passé. » Pour une approche de gauche des élections vénézuéliennes », Contretemps. Revue de critique communiste, 6 août 2024 ;  https://www.contretemps.eu/gauche-internationaliste-elections-venezuela/

[3] Ibid

[4] BENOIT Cyril, « Venezuela : les communistes pour une alternative populaire à la crise », PCF, Secteur International ; https://www.pcf.fr/venezuela_les_communistes_pour_une_alternative_populaire_la_crise

[5] https://statistics.cepal.org/portal/cepalstat/national-profile.html?theme=2&country=ven&lang=en

[6]  VENTURA Christophe, « Au Venezuela, une crise sans fin », Le Monde diplomatique, octobre 2024.

[7]  CEPR, « Venezuela’s disputed election and the pathforward”, 12 août 2024.

[8]  POSADO Thomas, « Venezuela : Maria Corina Machado, nouvelle figure du radicalisme de droite », France Culture, 26 octobre 2023 ; https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/venezuela-maria-corina-machado-nouvelle-figure-du-radicalisme-de-droite-7868137

[9] BRACHO Yoletty, « « Tout le monde …, op. cit.

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

Crise du logement : les classes populaires en première ligne

Intro :

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam at consequat justo. Donec sit amet dui id libero varius suscipit iaculis in enim. Vestibulum in gravida est. Praesent sed nunc condimentum, pharetra ligula non, fermentum eros. In erat dui, vulputate a risus sed, vehicula elementum augue. Aliquam semper augue ipsum, eu blandit neque tincidunt ac. Fusce magna nisi, vehicula at velit eu, placerat dapibus arcu. Aliquam tempor ultricies arcu, ut malesuada ex. Donec sit amet cursus purus. Suspendisse vitae est nunc. Aenean dictum, arcu vitae vulputate auctor, nunc ante laoreet velit, id interdum ligula nisi eget risus. Ut risus risus, lacinia in ornare sed, porttitor in erat. Vestibulum facilisis ex eros, quis vulputate quam ultrices et. Donec nec tortor ullamcorper, faucibus massa sed, ornare lectus. Aliquam pretium nibh quam, a tincidunt orci mollis nec. Orci varius natoque penatibus et magnis dis parturient montes, nascetur ridiculus mus.

Les chiffres sont sans appel : 2,4 millions de ménages sont en attente d’un logement social et 330 000 personnes sont sans domicile fixe selon les données de la Fondation Abbé Pierre[1]. Depuis 2017, le président de la République et les différents gouvernements se sont désengagés de ce combat.  Dès l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron et de sa majorité, le ton était donné : 6,5 millions des français bénéficiaires de l’aide personnalisée au logement (APL) se voyaient retirer 5€ de leur allocation. Les coupes budgétaires se sont ensuite multipliées avec notamment le gel du barème des allocations-logement ou encore la baisse du budget total du logement : 42 milliards en 2017 contre 37,6 milliards en 2022 alors même que la crise n’a fait que s’accentuer. Dans cette situation, ce sont les classes populaires qui ont subi de plein fouet ces mesures.

Depuis près de 7 ans, la crise du logement s’aggrave et le gouvernement regarde ailleurs. Malgré des promesses de construction, le nombre de logements sociaux n’a pas suivi la demande croissante. Cela a aggravé la précarité des ménages les plus modestes, pour qui l’accès à un logement abordable est de plus en plus difficile.  Des mesures comme la loi de 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan) visaient à faciliter la construction de logements, mais celles-ci ont finalement trop favorisé la libéralisation du secteur immobilier, au détriment du logement social. En outre, ces réformes n’ont pas permis de réduire significativement les délais de construction ou les coûts du logement.

Le logement est la matrice des inégalités sociales et territoriales dans notre pays. La part du revenu des classes populaires qui lui est consacrée est toujours plus élevée. En 2021, selon l’INSEE, toute catégorie sociale confondue, 26,7 % du budget des ménages est consacré au logement et 25 % des ménages les plus modestes consacrent 32% de leurs revenus à leurs dépenses en logement, contre 14,1 % pour les ménages les plus aisés. Par ailleurs, les inégalités territoriales se manifestent par des écarts importants entre les zones urbaines attractives, où les activités et opportunités économiques et culturelles sont nombreuses, et les zones rurales ou périphériques, souvent moins bien desservies en termes d’emplois, d’infrastructures et de services publics. Les ménages qui n’ont pas les moyens de se loger dans les centres-villes ou les quartiers proches des pôles économiques sont contraints de s’installer en périphérie, ce qui renforce la ségrégation spatiale. Cette situation oblige les classes populaires à s’installer dans des lieux d’où il leur sera quasiment impossible d’en sortir, les assignant inévitablement à résidence avec toutes les conséquences que cela leur imposera : manque de transport, difficultés à accéder à un emploi, à des activités culturelles ou sportives.

Dans de nombreuses villes, les quartiers autrefois populaires subissent des phénomènes de gentrification. Sous l’effet de l’arrivée de populations plus aisées, cette gentrification entraîne une hausse des prix de l’immobilier et des loyers, rendant l’accès au logement de plus en plus difficile pour ces classes populaires qui y vivaient historiquement. Ces familles, souvent déjà fragilisées économiquement, sont contraintes de quitter leurs quartiers, repoussées vers des zones périphériques. Cette gentrification – loin de n’être qu’un simple renouveau urbain – exacerbe les inégalités sociales en déplaçant les habitants les plus vulnérables. Cette dynamique accroît les inégalités territoriales et favorise une polarisation sociale : les centres-villes deviennent des espaces pour les classes plus aisées tandis que les classes populaires sont reléguées en périphérie.

Face à ce constat, les dernières annonces en matière de logement sont celles de l’ancien Premier ministre Gabriel Attal en février 2024 et restent très insuffisantes au regard de l’immense crise que les gouvernements successifs ont laissé prospérer. La construction de 30 000 nouveaux logements paraît dérisoire au regard des 4,1  millions français mal-logés. Si gouverner, c’est prévoir, alors que le gouvernement ne prévoit aucune politique du logement social depuis 2017. Pire, Emmanuel Macron a guidé son action en faveur du logement en pensant que les acteurs privés seraient  en capacité de résorber une grande partie de la crise du logement. Force est de constater qu’en 2023, les chantiers ont chuté de près de 22% selon la Fondation AP.

Le nouveau gouvernement de Michel Barnier ne semble pas prendre la mesure de cette crise au regard des annonces très insuffisantes qui ont été faites ces derniers jours, notamment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 : aucune impulsion budgétaire majeure pour le logement. Pire, la politique de rénovation énergétique est rabotée de près d’un milliard d’euros dans ce projet de loi de finances, passant 1,2 milliard sur 3 ans à 350 millions d’euros sur 2 ans.

Ces données alarmantes devraient créer un véritable électrochoc face à cette crise sociale. La politique du logement a trop souvent manqué de coordination entre les différentes échelles locales et nationales. Les zones tendues, comme Paris, Lyon, Marseille ou Toulouse, nécessitent des politiques spécifiques, mais les réponses apportées ont souvent été jugées trop générales ou mal adaptées aux réalités locales. L’accès au logement détermine en grande partie l’accès à d’autres droits fondamentaux, comme l’éducation, la santé, et l’emploi, et contribue ainsi à perpétuer ou à renforcer les inégalités sociales et économiques dans le pays. Réduire ces inégalités nécessite des politiques publiques ambitieuses et ciblées, tant en matière de construction de logements accessibles que de lutte contre la ségrégation spatiale et les discriminations.

Certains chiffres de cet article sont issus de la Fondation Abbé Pierre dans un climat où celle-ci a annoncé réfléchir à un changement de nom suite aux dernières révélations sur les agressions sexuelles commises par l’Abbé Pierre. Cela ne change en rien la qualité et l’immense travail de cette Fondation, dont l’engagement des salariés pour éclairer sur l’ampleur de cette crise est plus que jamais nécessaire.

Références

[1] 29ème rapport sur l’état du mal-logement en France 2024, p12.

 

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

RSA, quand le gouvernement expérimente le travail gratuit

Intro :

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam at consequat justo. Donec sit amet dui id libero varius suscipit iaculis in enim. Vestibulum in gravida est. Praesent sed nunc condimentum, pharetra ligula non, fermentum eros. In erat dui, vulputate a risus sed, vehicula elementum augue. Aliquam semper augue ipsum, eu blandit neque tincidunt ac. Fusce magna nisi, vehicula at velit eu, placerat dapibus arcu. Aliquam tempor ultricies arcu, ut malesuada ex. Donec sit amet cursus purus. Suspendisse vitae est nunc. Aenean dictum, arcu vitae vulputate auctor, nunc ante laoreet velit, id interdum ligula nisi eget risus. Ut risus risus, lacinia in ornare sed, porttitor in erat. Vestibulum facilisis ex eros, quis vulputate quam ultrices et. Donec nec tortor ullamcorper, faucibus massa sed, ornare lectus. Aliquam pretium nibh quam, a tincidunt orci mollis nec. Orci varius natoque penatibus et magnis dis parturient montes, nascetur ridiculus mus.

La loi plein emploi ou la légitimation du travail gratuit

Présenté comme l’un des grands projets du gouvernement au cours du second quinquennat d’Emmanuel Macron, la loi Plein emploi du 18 décembre 2023 est à l’origine de la création de France Travail et poursuit l’objectif de réduire le chômage en France autour de 5% d’ici 2027.

Parmi les mesures phares se trouvent la réforme de l’accompagnement des demandeurs d’emploi handicapés, l’inscription généralisée auprès de France Travail (y compris les allocataires du RSA, les jeunes en missions locales, les demandeurs d’emploi handicapés) mais également la mise en œuvre d’un nouveau contrat d’engagement.

Désormais tous les demandeurs d’emploi devront signer un contrat d’engagement commun à la suite de la réalisation d’un diagnostic global de leurs situations. Ce contrat a vocation à remplacer les dispositifs existants : projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) pour France Travail, contrat d’engagement réciproque (CER) pour certains allocataires du RSA, contrat d’engagement jeune (CEJ).

Il s’accompagne néanmoins d’une autre obligation pour les allocataires du RSA : celle d’effectuer obligatoirement 15h à 20h d’activités par semaine (la non-réalisation de ces heures entraînant une suspension du versement de l’allocation). Expérimentées tout d’abord dans 18 départements pilotes, les 15h-20h d’activités concernent désormais 47 d’entre eux et seront généralisées à l’ensemble du territoire national au 1er janvier 2025.

Engagés dès les premières discussions sur la loi Plein Emploi en 2023,le Secours Catholique, ATD Quart Monde et AequitaZ publient ce 14 octobre 2025 un rapport[1] particulièrement critique sur l’expérimentation des 15h-20h d’activités pour les allocataires du RSA. Les effets de la réforme risquent selon eux d’être particulièrement délétères, suffisamment en tout cas pour en appeler à sa suspension.

Construit autour d’entretiens réalisés auprès d’allocataires, de professionnels de l’insertion et sur la base de données quantitatives collectées par France Travail, le rapport formule quatre alertes :

    1. Le risque de glissement vers le travail gratuit réalisé par des allocataires du RSA ;
    2. L’accompagnement renforcé qui met en cause le pouvoir d’agir des allocataires ;
    3. L’aggravation possible de la mécanique des radiations ;
    4. Les réalités contrastées du retour à l’emploi.

Des allocataires bénévoles

Comme cela avait été pressenti dès les discussions sur la loi Plein emploi, ce que recouvre effectivement les 15h à 20h d’activités obligatoires des allocataires du RSA est particulièrement vague : heures d’activité dans des structures d’insertion, heures d’accompagnement… ? Le Conseil constitutionnel lui-même a semblé embarrassé par ce flou. Par une réserve d’interprétation, il a jugé que « cette durée devra être adaptée à la situation personnelle et familiale de l’intéressé et limitée au temps nécessaire à l’accompagnement requis, sans pouvoir excéder la durée légale du travail en cas d’activité salariée ».

Le flou qui accompagne cette obligation de 15h à 20h d’activités concerne également les hypothèses à l’origine de la mesure : aucune étude scientifique ne démontre que l’obligation de travail accélère la reprise d’emploi des allocataires du RSA, d’autant qu’il s’agit dans de nombreux cas de personnes particulièrement éloignées du marché du travail. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un caprice de sénateurs LR qui, lors de la discussion sur la loi Plein emploi, souhaitaient passer pour plus inflexibles que le gouvernement (la mesure ne figurait pas dans le texte initial).

L’un des risques qui entoure également une telle obligation est celui d’empêcher la création de véritables emplois au motif qu’il faut trouver des heures d’activités pour les allocataires du RSA. Le rapport mentionne par exemple la commune de Villers-en-Vexin dans l’Eure, dont le maire a décidé de faire travailler les allocataires du RSA sur la végétalisation du cimetière au motif qu’il n’a « qu’un agent communal à 15h par semaine et [qu’il n’a] pas les moyens d’embaucher du personnel ».

Une situation pareille est possible et même généralisée puisqu’elle s’inscrit dans le cadre d’un appel à projet du département de l’Eure qui invite les communes et les EPCI à contacter leurs services sociaux si elles ont « besoin de bras pour une mission ponctuelle ». Appelées « missions d’intérêts collectifs », elles rappellent, comme le souligne le Secours catholique, les « travaux d’intérêt général », soit une peine sanctionnant une infraction et qui concerne les personnes sous main de justice.

Le poids des algorithmes

Si quelques départements n’ont pas souhaité recourir à un tel mécanisme, la majorité des territoires expérimentaux s’appuie sur un algorithme de traitement des informations fournies par les allocataires. Sur la base de ces données est réalisé un pré-diagnostic visant à orienter la personne vers l’organisme (France Travail, le département, la mission locale, Cap emploi…) et le parcours les plus adéquats.

Sans même mentionner le peu de place qui est laissé à l’allocataire dans le choix du parcours, un tel traitement algorithmique soulève de nombreuses questions : quels sont les critères d’orientation sur lesquels s’appuie l’algorithme, comment ont-ils été définis, qui est à l’origine de cet algorithme ?

Comme le mentionne le rapport, la Quadrature du Net a d’ores et déjà enquêté sur le poids des algorithmes dans le traitement des données d’organismes tels que la CNAF ou encore France Travail. Un poids croissant qui favorise le tri, le classement et le contrôle des usagers et « participe d’une déshumanisation de l’accompagnement social ».

Le risque d’une mauvaise orientation existe d’ailleurs bel et bien. Les données du dossier d’inscription au RSA sur lesquelles se base l’algorithme ne couvrent pas l’ensemble de la situation de l’allocataire (données de santé physique et psychologique notamment). Les premiers chiffres de l’expérimentation confirment d’ailleurs cette hypothèse : 30% des personnes orientées dans le parcours emploi (il s’agit du parcours mis en place pour les personnes les plus proches de l’emploi) déclarent présenter au moins deux freins à l’emploi (mobilité, santé, etc…). Le risque est grand pour elles de se retrouver sanctionnées, et de perdre une partie de leur allocation, puisqu’elles n’auront pas la capacité de réaliser les 15h à 20h d’activités. De quoi alimenter une véritable trappe à pauvreté.

La radiation et le non-recours au bout du chemin

De nombreux économistes ont déjà exprimé leurs craintes quant aux conséquences matérielles mais également psychologiques de cette obligation de travail pour les allocataires du RSA. Le rapport mentionne notamment Audrey Rain qui pointe le risque accru d’une augmentation du non-recours[2] en raison d’une « défiance plus grande de certains bénéficiaires vis-à-vis des institutions, ou une augmentation des radiations ». Le son de cloche est sensiblement le même du côté de Mickaël Zemmour qui condamne « le discours de la carotte et du bâton qui a des conséquences psychologiques fortes sur les allocataires du RSA et peut générer du non-recours ».

Une nouvelle fois ces craintes sont confirmées par les chiffres. Dans les départements qui expérimentent les 15h à 20h d’activités, une hausse de 10,8% du non-recours au RSA est enregistrée depuis le début de l’expérimentation (alors même que le taux de non-recours était déjà supérieur à 30% avant l’entrée en vigueur de la loi Plein emploi). A l’inverse, dans les autres départements, ce taux recule de 0,8% sur la même période.

Pire…la France semble être en retard sur les études internationales menées sur le sujet : le chercheur Markus Wolf de l’Institute for Employment Research de Nuremberg a été auditionné le 4 juillet 2023 par le groupe de travail du CNLE (Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale) au sujet des sanctions. Selon lui « plusieurs études ont démontré que les sanctions ont un effet négatif sur les revenus les plus bas et ont un impact négatif à long terme sur la qualité de l’emploi. Certaines études démontrent sans surprise que les bénéficiaires sanctionnés de manière répétée connaissent une détérioration de leur situation matérielle. Dans certains cas, les sanctions peuvent avoir des conséquences très dures, allant jusqu’à l’insécurité alimentaire ou la perte de logement, mais aussi une dégradation du bien-être mental. Tous ces effets constituent eux-mêmes des obstacles à l’intégration sur le marché du travail »[3].

Le rapport alerte également sur un autre point : l’austérité budgétaire souhaitée par le gouvernement (et qui se concrétise par des baisses effectives et potentielles de plusieurs milliards pour le budget Emploi-Travail) favorise un objectif sous-jacent de la loi Plein Emploi : la réalisation d’économies par la baisse des effectifs des allocataires du RSA et des demandeurs d’emploi et l’augmentation des contrôles et des radiations.

En effet, France Travail souhaite augmenter drastiquement les contrôles : « En 2023, les 520 000 contrôles réalisés ont abouti à 90 000 radiations. A l’avenir, les équipes dédiées au contrôle devront en assurer 600 000 en 2025 et 1,5 million en 2027 »[4].

Dans le même temps, certains départements à l’instar de l’Eure, annoncent vouloir baisser de 3000 le nombre d’allocataires du RSA d’ici 2028. De quoi s’interroger quant aux motivations poursuivies tant par les exécutifs départementaux que par le ministère du Travail : est-ce l’amélioration de l’accompagnement des allocataires ou la simple poursuite d’économies budgétaires ?

La généralisation de la précarité

Si les données relatives au taux de retour à l’emploi durable des allocataires du RSA concernés par l’expérimentation sont rares, rien ne présage pour autant d’une embellie. Au contraire : la conjugaison de la loi Plein emploi et de la réforme de l’assurance chômage de 2019 risque d’être profondément délétère pour le marché du travail.

Parmi les allocataires qui retrouvent un emploi, la majorité d’entre eux dispose de contrats de moins de 6 mois. Or, comme s’interroge le rapport : que peut bien faire une personne après un CDD de moins de 6 mois ? Sans indemnité chômage en raison de l’augmentation de la durée d’affiliation requise (passant de 4 à 6 mois), elle n’aura pas d’autre choix que de se réinscrire au RSA (faute de pouvoir rebondir sur un autre emploi).

Bien que spécifique, le cas du département de la Réunion n’en reste pas moins éclairant. En mai 2023, les élus du conseil départemental ont voté en commission permanente une motion dans laquelle ils se disent « défavorables à toute évolution du régime des sanctions qui serait inadaptée à la situation réunionnaise » et soulignent que « la levée des freins sociaux relève d’une logique d’accompagnement renforcé et d’encouragement et non d’une logique de sanctions ».

Disposant de 40 000 postes disponibles pour 150 000 demandeurs d’emploi et allocataires du RSA, la Réunion est tout simplement en incapacité d’appliquer les obligations d’activités comprises dans la loi Plein emploi. Ce que résume parfaitement le président du Conseil départemental : « Il y a des conditions économiques, sociales qui doivent être réunies. […] Vous voulez sanctionner les personnes alors qu’il est impossible de leur proposer ce que propose la loi. [5]»

On ne peut, à la lecture de ce rapport, qu’être d’accord avec sa conclusion « Pousser les personnes à enchaîner des petits boulots de subsistance qui ne respectent ni le métier, ni le projet professionnel, ni le temps de travail souhaité, ni le niveau de qualification de la personne est un immense gâchis humain en plus d’être inefficace en matière de lutte contre la pauvreté. »

Références

[1] https://www.secours-catholique.org/m-informer/nos-positions/reforme-du-rsa-nos-inquietudes

[2] Le fait de ne pas demander ses droits, notamment les allocations.

[3] Citation tirée du rapport du Secours catholique, Avis du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) : “sanctions : le point de vue du vécu”, mars 2024. Consultable ici : https://solidarites.gouv.fr/sites/solidarite/files/2024-04/CNLE-Avis-sanctions-27-03-2024.pdf

[4] https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/04/26/des-demandeurs-d-emploi-toujours-plus-controles_6230067_1698637.html

[5] https://www.clicanoo.re/article/societe/2024/05/07/video-le-departement-contre-les-sanctions-envers-les-beneficiaires-du-rsa

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

Apple, Google et la transformation du droit de la concurrence par l’UE

Intro :

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam at consequat justo. Donec sit amet dui id libero varius suscipit iaculis in enim. Vestibulum in gravida est. Praesent sed nunc condimentum, pharetra ligula non, fermentum eros. In erat dui, vulputate a risus sed, vehicula elementum augue. Aliquam semper augue ipsum, eu blandit neque tincidunt ac. Fusce magna nisi, vehicula at velit eu, placerat dapibus arcu. Aliquam tempor ultricies arcu, ut malesuada ex. Donec sit amet cursus purus. Suspendisse vitae est nunc. Aenean dictum, arcu vitae vulputate auctor, nunc ante laoreet velit, id interdum ligula nisi eget risus. Ut risus risus, lacinia in ornare sed, porttitor in erat. Vestibulum facilisis ex eros, quis vulputate quam ultrices et. Donec nec tortor ullamcorper, faucibus massa sed, ornare lectus. Aliquam pretium nibh quam, a tincidunt orci mollis nec. Orci varius natoque penatibus et magnis dis parturient montes, nascetur ridiculus mus.

Le 10 septembre dernier, après une longue procédure judiciaire qui avait d’abord conduit la Commission européenne à condamner Apple à une amende de 13 milliards d’euros en 2016, puis le Tribunal de l’UE à annuler cette décision en 2020, la Cour de justice de l’UE (CJUE) jugeait finalement que les exonérations fiscales accordées à Apple par le gouvernement irlandais constituaient bien des aides d’État et devaient donc être remboursées. Autrement dit, Apple devra régler 13 milliards d’euros d’amende à l’État irlandais qui n’en demandait pas tant.

S’il n’en demandait pas tant, c’est parce que l’Irlande mène, depuis la fin des années 1980, une politique agressive de baisse de la fiscalité des entreprises. L’objectif est d’attirer sur son territoire les investissements industriels et productifs au détriment de ses partenaires européens.

Moins de 1 % des bénéfices comme impôt

Tout le monde connaît le faible taux d’imposition sur les sociétés de 12,5 % que demande l’Irlande aux entreprises installées sur son sol. Ce qu’on sait moins et que l’affaire Apple a révélé, c’est que le géant des smartphones n’a même pas payé l’impôt officiel. Pendant plus de deux décennies, Apple s’est acquitté d’un impôt qui représentait moins de 1 % de ses bénéfices. La Commission, dans son enquête, a même calculé que le montant versé par Apple au fisc irlandais a représenté en 2014 à peine 0,005 % de ses bénéfices. Elle a ainsi estimé que l’immense écart entre l’impôt théorique et l’impôt effectivement versé constituait une aide d’État qui faussait la concurrence et a condamné Apple à rembourser cette somme.

Comment une telle manœuvre a-t-elle été rendue possible ? En fait, depuis le début des années 1990, Apple négociait directement avec le fisc irlandais. Pour ce faire, elle constituait un montage grossier, diminuant artificiellement ses bénéfices, qu’elle faisait ensuite valider en demandant un rescrit fiscal à l’administration irlandaise. Un rescrit constitue une réponse administrative à la suite d’une demande de clarification de la part d’un administré. Cela permet, en théorie, d’éviter les erreurs puisque la réponse du fisc vaut validation. Dans le cas d’Apple, les rescrits ont servi à faire valider des montages parfaitement illégaux mais que la réponse du fisc rendait légaux.

Le fléau de la concurrence fiscale

En rendant sa décision, la CJUE a donc condamné Apple, mais elle a aussi condamné le gouvernement irlandais qui s’était livré à ce genre de pratique. Pour le gouvernement irlandais, la condamnation est paradoxale, car elle lui permet d’encaisser de l’argent. De fait, depuis quelques années, les pays européens et l’OCDE tentent d’uniformiser leurs règles fiscales et d’imposer un taux minimal d’impôt sur les sociétés à 15 %.

La concurrence fiscale à laquelle se livrent les États est un fléau. Elle risque d’aboutir à la disparition de toute fiscalité sur les entreprises, ce qui pourrait entraîner à terme une hausse de la pression fiscale qui pèse sur les ménages. Mais comment contraindre un pays comme l’Irlande à renoncer à sa stratégie fiscale ? Comment obliger un pays souverain à collecter l’impôt ? La réponse de la Commission a été d’utiliser le droit de la concurrence. La décision de la CJUE valide donc cette stratégie et enfonce un coin important dans l’un des principes de l’UE, à savoir la liberté fiscale des États membres.


2,4 milliards d’euros d’amende pour Google

Le droit de la concurrence a trouvé une nouvelle fonction qui n’était pas prévue à l’origine, celle de lutter contre le dumping fiscal que se livrent les États membres de l’UE. Mais cela peut aller encore plus loin. Dans une autre affaire, également tranchée le 10 septembre, la CJUE a confirmé la condamnation de Google à payer 2,4 milliards d’euros au titre d’un abus de position dominante. Là aussi, l’affaire remonte à plusieurs années. En 2017, Google est condamné par l’autorité européenne de la concurrence pour avoir avantagé ses propres services dans son moteur de recherche. L’année suivante, l’entreprise est condamnée à 4,34 milliards d’euros d’amende pour avoir imposé l’usage de ce même moteur dans le système d’exploitation Android qui est massivement utilisé dans les smartphones.

Dans ces deux cas, la Commission s’attaque à une stratégie qui est au cœur de l’industrie du numérique et qui consiste à exploiter une plate-forme de mise en relation pour centraliser les services et contrôler ce qu’en font les utilisateurs. En contrôlant le système d’exploitation et le moteur de recherche favori des internautes, Google peut, en quelque sorte, manipuler les comportements de ses usagers et ainsi pousser les internautes à aller vers des sites commerciaux qu’elle contrôle, ou passer des accords avec d’autres entreprises pour les faire bénéficier de ses consommateurs captifs.

Un problème de concurrence. Vraiment ?

À l’évidence, ces pratiques ne constituent pas qu’un problème de concurrence. Certes, Google profite de sa situation dominante pour tordre le marché à son avantage, et c’est ce qui lui est reproché. Mais le véritable danger de ces pratiques est plutôt que ses propres utilisateurs n’ont aucune conscience d’être manipulés puisque tout le processus passe par des algorithmes qui sont le plus souvent invisibles. Les pratiques de Google illustrent donc un problème plus général de l’économie numérique, celui de l’opacité des plates-formes et de la manière dont elles manipulent nos comportements pour gagner de l’argent.

Dans un ouvrage très remarqué, la sociologue Shoshana Zubof dénonçait déjà la manipulation comportementale qu’exerce Google sur les individus. Plus largement, le fonctionnement des réseaux sociaux tels Twitter ou TikTok sont accusés de créer une addiction et d’enfermer leurs utilisateurs dans des bulles informationnelles qui favorisent les idées complotistes ou d’extrême droite. Enfin, des entreprises comme Uber, Airbnb ou Amazon, pour ne prendre que ces exemples, parviennent à contrôler la mise en relation des offreurs et des demandeurs qui sont chacun leurs clients. C’est ce qu’on appelle un marché biface. Ce contrôle à la fois de l’offre et de la demande leur permet de détourner les ressources et le travail de leurs utilisateurs en les mettant en relation.

Plus d’algorithmes, moins de marchés

Pour éviter les abus et le développement de rapports de force inégaux qui apparaissent avec la croissance de l’économie numérique, l’Union européenne essaie d’agir de deux manières. D’une part, elle entend réglementer davantage les pratiques en améliorant l’information et la transparence des usagers. C’est ce que permettent des législations telles que le RGPD (Règlement général de protection des données) instauré en 2018 ou le DSA (Digital service act), en vigueur depuis 2023. Mais, comme on le voit, le droit de la concurrence est aussi largement mis à contribution et permet de défendre des droits et des principes qui dépassent la simple question de la concurrence.

Il reste néanmoins un problème. La plupart des plates-formes numériques qui mettent en relation les services des uns et la demande des autres ne font rien d’autre que de se substituer aux marchés. Ainsi, au lieu de se retrouver sur une place publique pour effectuer des transactions de manière autonome, les agents de l’économie numérique évoluent de plus en plus au sein d’espaces privés dans lesquels les transactions sont gérées par des algorithmes et où ils n’ont pratiquement plus de capacité de négociation.

Autrement dit, le développement de l’économie numérique tend à faire disparaître les marchés pour les remplacer par des systèmes d’échanges dirigés et contrôlés par quelques acteurs dominants. Or, le droit de la concurrence ne peut se déployer, par définition, que s’il existe réellement un marché. Si on n’a pas de marché, on ne peut pas avoir de concurrence et donc le droit de la concurrence n’a plus lieu de s’appliquer. Aussi, l’effacement progressif des marchés et l’apparition de ces plates-formes suggère qu’il faudra peut-être inventer autre chose, à terme, si l’on veut éviter les abus qui, sinon, risquent de se multiplier au sein de l’espace numérique.

Cet article a été tout d’abord publié par l’auteur sur le site du média The Conversation : Apple, Google et la transformation du droit de la concurrence par l’UE (theconversation.com)

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

Kracauer, penseur oublié de la propagande de masse

Intro :

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam at consequat justo. Donec sit amet dui id libero varius suscipit iaculis in enim. Vestibulum in gravida est. Praesent sed nunc condimentum, pharetra ligula non, fermentum eros. In erat dui, vulputate a risus sed, vehicula elementum augue. Aliquam semper augue ipsum, eu blandit neque tincidunt ac. Fusce magna nisi, vehicula at velit eu, placerat dapibus arcu. Aliquam tempor ultricies arcu, ut malesuada ex. Donec sit amet cursus purus. Suspendisse vitae est nunc. Aenean dictum, arcu vitae vulputate auctor, nunc ante laoreet velit, id interdum ligula nisi eget risus. Ut risus risus, lacinia in ornare sed, porttitor in erat. Vestibulum facilisis ex eros, quis vulputate quam ultrices et. Donec nec tortor ullamcorper, faucibus massa sed, ornare lectus. Aliquam pretium nibh quam, a tincidunt orci mollis nec. Orci varius natoque penatibus et magnis dis parturient montes, nascetur ridiculus mus.

Kracauer, critique du quotidien moderne

Dans un article brillant[1] sur l’œuvre de Kracauer, Thomas Schmidt-Lux et Barbara Thériault demandent au lecteur de se prêter à un exercice original : entrer dans une librairie, qu’importe que celle-ci se trouve à Montréal, Berlin ou Paris, et demander où se trouvent les ouvrages de Siegfried Kracauer. Quasi-systématiquement c’est vers les rayons de la section cinéma qu’on le dirigera. Parmi les centaines d’articles rédigés par ce philosophe juif allemand quelque peu oublié ce sont bien ses analyses de ce médium qui ont le plus retenu l’attention.

Un lecteur à la curiosité plus aiguisée, ou à l’entêtement plus caractérisé, pourra en revanche découvrir avec plaisir des ouvrages trop longtemps passés sous silence tel que Les Employés. Aperçus de l’Allemagne nouvelle ou encore L’Ornement de la masse, Essai sur la modernité weimarienne.  Dans l’un et l’autre essais, quoique selon des styles et des sujets différents, Kracauer développe une critique acerbe de la modernité et de l’un de ses symboles : la grande ville industrielle.

Le feuilleton des Employés, découpé en 12 parties et d’abord publié sous forme d’articles en 1929, est l’occasion pour Kracauer de fournir une analyse du quotidien d’anonymes dans le Berlin de l’entre-deux guerres. Adepte d’une grande proximité avec les sujets de son étude, le sociologue suit les femmes et les hommes qu’il rencontre dans les bureaux d’entreprises, les grandes magasins, les halles et les accompagne jusque dans leurs échanges avec leurs supérieurs et leurs familles.

Loin de ramener ces employés à leurs catégories socio-professionnelles, ou plus prosaïquement à leurs classes, Kracauer les définit avant tout par le souci existentiel qui les anime : « un désir d’ascension sociale combiné avec la peur de sombrer dans le prolétariat qu’ils méprisent »[2]. Un souci que le sociologue conçoit comme une conséquence logique de l’appauvrissement spirituel de la vie moderne. « Dans la société moderne, les individus tentent de combler ce vide en formant des groupes dont l’unité est purement mécanique, motivée par la recherche du bien-être individuel et la consommation matérielle. »

C’est en tout cas l’un des sujets qui revient également dans le second feuilleton, celui de L’Ornement de la masse (publié tout au long des années 1920-1930). Etudiant les revues populaires des Tillers girls, Kracauer croit y déceler une analogie du monde moderne, des employés qui le peuplent et de l’anonymisation qui y règne. « Bras, cuisses et autres sections de corps » n’apparaissent que pour former une grande figure ornementale, à la manière des mains des ouvriers lors du travail à la chaîne ou, plus tard, des bras levés des soldats dans le film de propagande nazi Le triomphe de la volonté.

C’est ici que se fait la jonction avec les écrits que Kracauer consacre à la propagande publicitaire d’abord, politique ensuite. Son analyse de la communication de masse est fondamentalement reliée à ses réflexions sur la culture du divertissement.

 

Les écrits sur la propagande : la période française

Si les écrits de Siegfried Kracauer sur la propagande ont été passés sous silence c’est aussi en raison de leur manque d’accessibilité. Avant 2012, date de publication du volume 2 de ses œuvres complètes, la majeure partie de ces textes n’existait que sous forme manuscrite ou tapuscrite dans les archives de Marbach. Son traité sur la propagande nazie de 1937-1938 est d’ailleurs considéré comme perdu (dans sa version dactylographiée). Seul un manuscrit peu lisible subsiste.

Loin de marquer une rupture, les écrits sur la propagande forment un trait d’union entre les feuilletons des années 1920 et les écrits américains plus résolument tournés vers le cinéma : From Caligari to Hitler (1947), Theory of film (1960), History the last things before the last (1969). Si l’on suit les analyses d’Olivier Agard, deux moments existent néanmoins dans la réflexion de Kracauer : la période française (avant 1941) et la période américaine (après 1941).  

La période française de l’auteur de L’Ornement de la masse affiche un moindre souci du détails et du contenu de la propagande. Comme beaucoup de juifs allemands des années 1930, Kracauer dans sa condition d’exilé à Paris puis Marseille est fortement dépendant des commandes d’articles qu’on lui passe. N’ayant pas accès aux matériaux bruts de la propagande nazie, sa connaissance des différentes productions culturelles reste parcellaire. Reste que ces écrits « malgré leurs lacunes évidentes, contiennent des intuitions qui restent stimulantes »[3].

Fruit d’une rencontre entre Adorno et Kracauer en octobre 1936, La Propagande totalitaire est un ouvrage qui ne trouve pourtant pas grâce aux yeux du premier : certaines des thèses les plus structurantes de l’école de Francfort y sont, à demi-mots, remises en cause. A l’instar de la continuité évidente qui existerait entre capitalisme et fascisme, comme le pensent Horkheimer et Marcuse. L’arrivée au pouvoir d’Hitler ne relève, selon Kracauer, d’aucune fatalité mais bien d’alliances de circonstances entre la bourgeoisie allemande et le NSDAP afin de maintenir un statu quo et endiguer la menace communiste.

Délaissant, peut-être un peu trop, le contenu de l’idéologie national-socialiste (l’historien Johann Chapoutot démontrera plus tard que le nazisme est certes une esthétique mais également une éthique, et qu’à ce titre il dispose d’une idéologie qui lui est propre) Kracauer interprète le NSDAP uniquement comme une volonté de pouvoir débridée ne disposant d’aucune consistance. La force du parti, comme de l’ensemble des forces fascisantes de l’époque, tient à son talent indéniable pour produire, à travers une multitude de discours, films, rassemblements, émissions radiophoniques, une « pseudo-réalité » : celle d’une communauté du peuple (Volksgemeinschaft) dépassant les antagonismes sociaux.

Il y n’y aurait par conséquent aucune rupture nette entre la culture du divertissement propre au marketing, à la publicité et films promotionnels et la propagande nazie. L’une et l’autre tentent par tous les moyens de dissimuler les antagonismes sociaux et de combattre l’ennui, résultat du vide moderne dont nous parlions plus haut. Seul le contexte change, la grande crise économique de 1929, et l’immense paupérisation qui en découle, réduisent à néant l’effet anesthésiant de cette culture du divertissement. Laissant le champ libre à une propagande national-socialiste plus dangereuse et transformant « les nouvelles masses [celles-là même que les productions publicitaires formaient peu à peu] en masse totalitaire[4].

L’analyse faite de la « pseudo-intégration des masses artistiquement préparées par la propagande » au sein d’une communauté du peuple fictive est à cet égard particulièrement proche des écrits de Walter Benjamin sur l’esthétisation de la politique et sera par la suite confirmée par les historiens spécialistes du totalitarisme que sont Peter Reichel (La fascination du nazisme) et Didier Musiedlak (L’Espace totalitaire d’Adolf Hitler)

Pas de rupture nette donc entre la culture du divertissement qui s’épanouit sous Weimar et la culture national-socialiste mais deux différences qui restent fondamentales pour Kracauer. Certes, la première cherche elle-aussi à mettre sous le tapis les antagonismes sociaux, à créer une pseudo-réalité, mais elle n’y arrive jamais totalement. « Les démocraties de masse ont recours à la propagande mais cette propagande ne leur est pas consubstantielle : leur existence ne dépend pas de la production de cette apparence.[5] » Par ailleurs, le divertissement et les technologies modernes de l’image (photographie, cinéma…) sont fondamentalement ambivalentes et peuvent se retourner contre le bonne morale bourgeoise, devenir des instruments de la critique.

Un brin plus optimiste que Walter Benjamin, résolument plus qu’Adorno et Horkheimer, Kracauer considère que les productions culturelles qui accompagnent la modernité permettent une « expérience subjective réelle au monde ». Loin de lui l’idée de rejeter les formes modernes de la musique comme le font Adorno et Horkheimer à propos du jazz.

Son rejet des constructions théoriques fondamentalement rigides d’Adorno est explicite : « Chez toi le fascisme apparaît comme une chose achevée, qu’on peut à 100% ranger dans des catégories »[6].

C’est en revanche dans sa période américaine que ses réflexions, notamment sur la place du cinéma dans l’appareil de propagande ou dans ses fonctions « libératrices », prennent toute leur ampleur.

 

Les écrits sur la propagande : la période américaine

Comme de nombreux émigrés allemands aux Etats-Unis, Kracauer participe dès son arrivée en 1941 aux divers projets de recherches financés par la fondation Rockefeller et la New School for Social Research. L’objectif de ces travaux est de décrypter les mécanismes de la propagande nazie et d’établir les fondements de ce que serait une communication démocratique de masse.

Ces projets de recherche marquent d’ailleurs un tournant dans l’étude de la propagande : face aux théories relativement abstraites d’un Gustave Le Bon (Le viol des foules) ou d’un Ortega y Gasset est affirmé le primat d’une approche empirique reposant sur l’analyse des matériaux de la propagande. Un homme joue un rôle fondamental dans l’avènement de cette nouvelle ère de la communication et de son étude : Harold Lasswell. A tel point que David Colon (Propagande, La manipulation dans le monde contemporain[7]) verra en lui l’un des trois pionniers de la communication de masse[8].

Un pionner dont on enseigne encore les travaux partout dans le monde et qui, avec Edouard Bernays et Walter Lippman, théorise l’idée que la communication vise avant tout à lutter contre l’ignorance et la superstition des masses au nom des intérêts des élites technocratiques. « La tâche de maintenir l’ascendant d’une élite donnée exige l’utilisation coordonnée des symboles, des biens et de la violence. La propagande peut être consacrée à étendre et défendre l’idéologie qui préserve les méthodes existantes pour gagner la richesse et la distinction »[9].

C’est donc sous le signe de cette ambiguïté idéologique que Kracauer, critique du marxisme orthodoxe certes mais critique du capitalisme tout de même, commence ses travaux pour Harold Lasswell. C’est sur une commande de ce dernier qu’il rédige notamment The Conquest of Europe on the screen. The Nazi Newsreel 1939-1940.

Disposant désormais d’un accès direct aux matériaux de la propagande nazie, Kracauer se plonge dans l’analyse des films hitlériens tout en conservant les idées forces qu’il avait déjà énoncées lors de sa période française : la communication, qu’elle soit totalitaire ou démocratique, repose toujours selon lui sur la construction d’une « pseudo-réalité » à travers son esthétisation.

Une esthétisation qui, dans les actualités cinématographiques, se manifeste par le sentiment de maîtrise du temps et de l’espace que créent la mobilité de la caméra et la succession de plans panoramiques. Et si, contrairement à de nombreux théoriciens du 7e art, il ne considère pas le montage comme l’élément principiel de la production cinématographique, il conçoit en revanche tout le potentiel de manipulation qu’abrite cette technique.

Comme l’énonce Olivier Agard : « Chez les nazis, le montage est mis au service de l’ellipse qui contribue à l’effacement de la réalité »[10]. L’annonce d’opérations militaires sur le grand écran est aussitôt suivie d’images victorieuses, effaçant toute trace de la résistance face au nazisme.

Bien que conscient de l’instrumentalisation réelle du cinéma à des fins de manipulation, Kracauer n’en démord pas : le cinéma est aussi un médium qui permet un accès plus direct à la réalité.

Aussi soigné que puisse être un montage, l’image ou le film de propagande n’est jamais parfait. « Il y a toujours quelque chose qui échappe au contrôle et à l’intention esthétique »[11]. Kracauer prend l’exemple des images de la visite d’Hitler à Paris le 23 juin 1940. Le dictateur évolue dans une ville dont le vide absolu est censé représenté le contrôle total du Führer sur la capitale française. Pourtant c’est la mort et le néant qui accompagnent l’idéologie nazie qui frappent le spectateur : « La vision touchante de cette cité fantôme désertée qui autrefois vibrait de vie fiévreuse reflète le vide du propre noyau du système nazi. La propagande nazie avait construit une pseudo-réalité rayonnante de mille couleurs, mais en même temps, elle vidait Paris, sanctuaire de la civilisation »[12].

D’autre part, en « émoussant » la conscience du spectateur un film peut également le rendre plus perméable à des expériences de pensée[13]. La photographie comme le cinéma deviennent alors des outils pertinents pour le sociologue ou l’historien en rendant visible ce qui auparavant ne l’était pas.

Chez un historien comme Jacques Revel, les techniques et procédés narratifs du cinéma (cadrage, gros plan, etc…) favorisent les jeux d’échelle, la multiplicité des points de vue. Dans sa préface de Jeux d’échelle. La Micro-analyse à l’expérience, Revel prend l’exemple du film Blow up de Mickelangelo Antonioni où c’est bien l’attention à des détails auparavant invisibles qui participe à la découverte d’histoires inattendues. Le cinéma rend alors toute sa complexité au réel.

Loin des analyses parfois monolithiques des membres de l’école de Francfort, les écrits de Kracauer, tant sur le quotidien sous Weimar que sur la propagande et le cinéma, méritent toute notre attention. Sans sombrer dans des parallèles grossiers, peut-être éclaireraient-ils également d’un jour nouveau les débats actuels, et parfois un peu trop simplistes, sur la société de la désinformation et l’ère des Fake news.

 

Références

[1] Schmidt-Lux, Thomas et Barbara Thériault. « Siegfried Kracauer, sociologue de la culture. » Sociologie et sociétés, volume 49, numéro 1, printemps 2017, p. 275–281.

[2] Ibid.

[3] Olivier Agard, Les écrits de Kracauer sur la propagande, Éditions de l’Éclat, Paris, 2019

[4] Baumann, Stephanie. « Des nouvelles masses à l’ornement totalitaire ». Théorie critique de la propagande, édité par Pierre-François Noppen et Gérard Raulet, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2020

[5] Olivier Agard, Les écrits de Kracauer sur la propagande Éditions de l’Éclat, Paris, 2019

[6] Siegfried Kracauer, Lettre à Adorno du 20.8.1938.

[7] David Colon, Propagande, La manipulation de masse dans le monde contemporain, Champs histoire, Flamarion, 2019

[8] Les deux autres étant Edouard Bernays et Walter Lippman.

[9] H.D Lasswell, « The Study and Practice of Propaganda” in H.D. Lasswell, Ralph D. Casey, Bruce Lannes Smith, Propaganda and Promotional Activities. An annoted Bibliography, University of Minnesota Press, 1935, p.1628

[10] Olivier Agard, Les écrits de Kracauer sur la propagande, p.48

[11] Ibid, p.55

[12] Siegfried Kracauer, La propagande et le film de guerre nazi, p.351-352

[13] Pour reprendre l’expression de Nathalie Zemon Davis, Slave on Scree. Film and Historical Vision. Cambridge, Harvard University Press, 2000, p.14.

 

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

Le curieux renoncement économique de Manuel Bompard

Intro :

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam at consequat justo. Donec sit amet dui id libero varius suscipit iaculis in enim. Vestibulum in gravida est. Praesent sed nunc condimentum, pharetra ligula non, fermentum eros. In erat dui, vulputate a risus sed, vehicula elementum augue. Aliquam semper augue ipsum, eu blandit neque tincidunt ac. Fusce magna nisi, vehicula at velit eu, placerat dapibus arcu. Aliquam tempor ultricies arcu, ut malesuada ex. Donec sit amet cursus purus. Suspendisse vitae est nunc. Aenean dictum, arcu vitae vulputate auctor, nunc ante laoreet velit, id interdum ligula nisi eget risus. Ut risus risus, lacinia in ornare sed, porttitor in erat. Vestibulum facilisis ex eros, quis vulputate quam ultrices et. Donec nec tortor ullamcorper, faucibus massa sed, ornare lectus. Aliquam pretium nibh quam, a tincidunt orci mollis nec. Orci varius natoque penatibus et magnis dis parturient montes, nascetur ridiculus mus.

Questionné dimanche dernier dans l’émission Questions politiques sur l’image qu’il retenait de la semaine passée, Manuel Bompard a choisi de montrer une file d’étudiants faisant la queue pour bénéficier d’une aide alimentaire. L’image décrit bien la précarité que vivent beaucoup d’étudiants, en particulier dans les grandes villes où le coût du logement a explosé. En la montrant, le coordinateur de la France insoumise entendait rappeler les mesures du programme du NFP : la généralisation du repas étudiant à 1 euro et une garantie d’autonomie pour la jeunesse.

On doit évidemment s’inquiéter de la situation difficile que vivent les étudiants. Mais était-ce la question à mettre en avant dans une émission de grande écoute, au moment où les déficits publics dérapent ? Dépenser plus, et dépenser en allocations sociales, est-ce l’essence d’un programme de gauche ? C’est ce que semble penser les dirigeants de la France insoumise. À les écouter, la radicalité serait d’accroitre la redistribution, de taxer davantage les riches pour redistribuer davantage aux pauvres. Mais augmenter l’aide sociale de l’État relève-t-il d’une rupture ou est-ce une manière de rendre plus acceptable le système actuel ?

Quelques jours avant cette émission, on apprenait que Sanofi s’apprête à vendre la marque Doliprane à des fonds d’investissements étrangers. Alors que la crise Covid a montré que la France a perdu une partie de sa souveraineté pharmaceutique et que, depuis plusieurs années, elle est confrontée à des pénuries de médicaments, il est étrange que Manuel Bompard n’ait pas jugé bon de rebondir sur cette actualité. La raison de ce silence est que, sur cette question, le programme du NFP est étrangement léger. Tout au plus prévoit-il de créer un pôle public du médicament et de renforcer les obligations de stocks. Pourtant, l’échec de la stratégie industrielle de Sanofi, ses délocalisations multiples et la vente de certains de ses fleurons devraient au minimum nous questionner. Et que dire de Servier, condamné pour tromperie aggravée dans l’affaire du Mediator ? L’état catastrophique de notre industrie pharmaceutique ne démontre-t-il pas l’échec de la politique industrielle dans ce domaine ? Ne milite-t-il pas pour engager une rupture plus ambitieuse, quitte à nationaliser ces entreprises incapables de fournir les médicaments dont la population a besoin ?

Finalement, on doit se demander si la gauche ne devrait pas avoir pour ambition prioritaire d’agir sur les structures de l’économie, en particulier dans la production des biens essentiels ou stratégiques. Car il est clair qu’on ne remet pas en cause le capitalisme néolibéral en laissant les riches faire fortune et en se contentant de les taxer en chemin. L’abandon, dans le programme du NFP, de tout projet de nationalisation donne une étrange impression de renoncement. La gauche, qui se disait encore il y a peu « socialiste », et qui entendait reprendre le contrôle du système productif donne l’impression avoir abandonné l’idée de combattre le néolibéralisme en renonçant à créer de nouveaux systèmes de production et d’échange. Il semble donc qu’entre le projet économique de Bernard Cazeneuve et celui Jean-Luc Mélenchon il y ait davantage une différence de degré que de nature ; tous deux ont fini par adhérer à l’idée que la gauche doit redistribuer socialement sans agir économiquement.

David Cayla a récemment publié son dernier ouvrage « La gauche peut-elle combattre le néolibéralisme » aux éditions du Bord de l’eau, dans la collection Le Temps des Ruptures : https://www.editionsbdl.com/produit/la-gauche-peut-elle-combattre-le-neoliberalisme/

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

Impérialisme américain et désinhibition allemande : l’Union européenne en danger

Intro :

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam at consequat justo. Donec sit amet dui id libero varius suscipit iaculis in enim. Vestibulum in gravida est. Praesent sed nunc condimentum, pharetra ligula non, fermentum eros. In erat dui, vulputate a risus sed, vehicula elementum augue. Aliquam semper augue ipsum, eu blandit neque tincidunt ac. Fusce magna nisi, vehicula at velit eu, placerat dapibus arcu. Aliquam tempor ultricies arcu, ut malesuada ex. Donec sit amet cursus purus. Suspendisse vitae est nunc. Aenean dictum, arcu vitae vulputate auctor, nunc ante laoreet velit, id interdum ligula nisi eget risus. Ut risus risus, lacinia in ornare sed, porttitor in erat. Vestibulum facilisis ex eros, quis vulputate quam ultrices et. Donec nec tortor ullamcorper, faucibus massa sed, ornare lectus. Aliquam pretium nibh quam, a tincidunt orci mollis nec. Orci varius natoque penatibus et magnis dis parturient montes, nascetur ridiculus mus.

Quel que soit le substantif utilisé pour parler de la relation franco-allemande – couple, moteur, tandem -, chacun traduit la nécessité d’être deux pour avancer. Les grands présidents l’avaient compris. Le général de Gaulle prenant le risque de la main tendue à Adenauer quinze ans seulement après la fin du conflit, comme Mitterrand se donnant tous les moyens pour arrimer l’Allemagne de l’Ouest puis l’Allemagne réunifiée dans le camp européen, quel qu’en soit d’ailleurs le coût pour l’économie française. Mais côté allemand, il suffit d’échanger avec des parlementaires outre-Rhin pour constater que cette idée de moteur ou de couple sont des images absentes de l’imaginaire politique allemand.

Il est dans l’ordre des choses que chaque État-membre agisse en faveur de ses intérêts propres. Les Etats, c’est bien connu et même au sein d’une union aussi intégrée, ont des intérêts avant d’avoir des amis. Mais ce rapport de forces n’est profitable à tous que si chaque parti parvient dans un subtil jeu à défendre sa part du gâteau tout en participant à accroître le gâteau européen. Quand le général de Gaulle défend une PAC résolument favorable aux intérêts des exploitants français, il a aussi en tête les avantages qu’une agriculture communautaire pourrait offrir à chacun des États-membres. Ce n’est pas seulement l’idée de l’Europe comme une France en grand qui n’est qu’au mieux un fantasme et au pire une manière d’habiller les renoncements à des pans entiers de souveraineté. C’est bien plutôt la poursuite de l’objectif d’un développement concerté et bénéfique au plus grand nombre dans un cadre juridique original et qui n’appartient qu’au continent européen. Mais nous sommes, dans les faits, bien loin de ce jeu coopératif.

Car l’Allemagne avance ses pions au sein des institutions européennes avec une tendance hégémonique et elle le fait au détriment de la place de la France. C’est la rencontre de cette force exprimée et de cette faiblesse constatée qui, loin de renforcer l’édifice général déstabilise l’ensemble du continent.

L’éviction de Thierry Breton[2] illustre parfaitement cette situation. C’est un camouflet infligé autant à la France qu’à l’autonomie européenne. L’exultation affichée par Elon Musk au lendemain de sa démission dit tout de cet échec. S’il reste un homme de droite, l’ancien commissaire a été un fer de lance de la lutte contre les GAFAM et leurs manquements à nos règles communes. Et il a toujours pris soin de le faire dans l’idée de défendre l’intérêt général de l’union dont la plupart des Etats, et pas seulement la France, ont considéré que cela servait tout autant leur intérêt national.

Surtout, son remplacement par Stéphane Séjourné signe cruellement la baisse d’influence de la France au sein de la future Commission européenne. Personne ne déniera à l’ancien ministre français des Affaires étrangères certaines capacités à gérer les relations du groupe Renew avec le reste de la droite européenne. Mais il ne fera pas grand-chose de cette expérience-là lorsqu’il aura à définir une stratégie à long-terme pour l’industrie européenne face aux rouleaux compresseurs américains et chinois. Le portefeuille élargi accordé à Thierry Breton en 2019 venait compenser la désignation d’une Allemande à la tête de la Commission européenne – une première depuis plus de soixante ans. Or sans cet équilibre, la France ne pèse plus grand-chose. Thierry Breton, dans son entretien au Monde, précise du reste qu’il pourrait n’y avoir qu’un ou deux chefs de cabinet français pour neuf ou dix allemands dans la future architecture de la Commission. Gross Malheur.

Il en va de même du sort réservé par la présidente de la commission européenne au rapport Draghi tout juste sorti des presses. L’ancien président du conseil italien a montré que l’Union européenne avait besoin d’un nouveau souffle si elle ne voulait pas poursuivre son décrochage économique vis-à-vis des États-Unis et de la Chine. Mais l’Allemagne se trouve dans une situation économique et politique délicate. En stagnation économique depuis 2019, avec un gouvernement baroque où chacun des partis de la coalition feu tricolore joue sa propre partition, elle ne parvient pas à s’extraire de la crise. Sa classe politique voit en majorité d’un très mauvais œil l’idée d’une solidarité européenne accrue par des investissements assumés solidairement par les Etats par le biais d’emprunts communs. Avis confirmé, si certains en doutaient, par le ministre des Finances allemand et surtout par Mme Von Der Leyen qui réagit clairement en représentante de son pays. D’où vient que les commissaires européens français trouvent aussi facilement le chemin de l’intérêt général européen en se mettant à l’abri de toutes accusations de chauvinisme ? Qui oserait accuser Pascal Lamy, Pierre Moscovici et même Jacques Delors de s’être comportés en français à Bruxelles frôlerait le ridicule. Et nous connaissons trop de camarades manquant sur ce sujet de sens du ridicule.

Alors que nous persistons à être les idiots utiles du village global et que notre dépendance sécuritaire aux États-Unis ne faiblit pas, Thierry Breton a su être un commissaire qui défendant les intérêts de l’Europe et des Européens si à propos qu’il a défendu se faisant ceux de son pays. Son éviction, en plus d’être un camouflet infligé à notre vieux pays, est un cadeau offert aux GAFAM.

L’Allemagne, fidèle à son histoire d’après 1945 (on ne saurait lui reprocher), ne tourne pas la page du béatlantisme. C’est donc à la France macroniste que le reproche fondamental doit être fait. La France a la chance, par son histoire (que méconnait tant la macronie), de trouver de quoi affirmer une véritable vision de ce que l’Europe peut et doit être. En sabordant son influence au sein de la Commission européenne, elle commet une double-faute, autant contre l’Europe que contre la France. Une de plus. 

Références

[1] Le Monde, 29 septembre

[2] L’ancien ministre a annoncé sa démission le 16 septembre car il savait que la présidente de la Commission von der Leyen avait mis la France devant un dilemme : le maintenir avec un portefeuille plus restreint, ou offrir un portefeuille plus large à la France mais avec un autre titulaire au poste.

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

Moi, Tituba sorcière

Intro :

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam at consequat justo. Donec sit amet dui id libero varius suscipit iaculis in enim. Vestibulum in gravida est. Praesent sed nunc condimentum, pharetra ligula non, fermentum eros. In erat dui, vulputate a risus sed, vehicula elementum augue. Aliquam semper augue ipsum, eu blandit neque tincidunt ac. Fusce magna nisi, vehicula at velit eu, placerat dapibus arcu. Aliquam tempor ultricies arcu, ut malesuada ex. Donec sit amet cursus purus. Suspendisse vitae est nunc. Aenean dictum, arcu vitae vulputate auctor, nunc ante laoreet velit, id interdum ligula nisi eget risus. Ut risus risus, lacinia in ornare sed, porttitor in erat. Vestibulum facilisis ex eros, quis vulputate quam ultrices et. Donec nec tortor ullamcorper, faucibus massa sed, ornare lectus. Aliquam pretium nibh quam, a tincidunt orci mollis nec. Orci varius natoque penatibus et magnis dis parturient montes, nascetur ridiculus mus.

Maryse Condé reçoit en 2018 le Prix Nobel alternatif de littérature, saluée par la Nouvelle Académie pour sa justesse et sa finesse dans la description des ravages du colonialisme et du chaos du post-colonialisme. Décédée en avril dernier, l’autrice guadeloupéenne nous laisse une œuvre magistrale qui traverse les frontières et valorise la littérature antillaise.                     

Née en Guadeloupe, Maryse Condé fait ses études à la Sorbonne où elle découvre Aimé Césaire et son discours sur le colonialisme, socle sur lequel l’autrice mènera ses engagements antiracistes et anticoloniaux, pour la mémoire de l’esclavage et l’indépendance de la Guadeloupe. Sa réflexion littéraire s’éloignera ensuite du mouvement de la négritude porté par Césaire et Léopold Sédar Senghor ainsi que du panafricanisme, convaincue que ces mouvements peuvent être sources de réduction des personne racisées à une identité unique. Elle se démarque également du mouvement littéraire de la créolité, préférant se décrire comme une écrivaine en errance, en quête de soi.

Riche d’une trentaine de romans, d’essais et de pièces de théâtre, l’œuvre de Maryse Condé est reconnue dans les milieux littéraires comme universitaires. Elle a été traduite dans de nombreuses langues et a connu un succès particulier dans les mondes anglophones. Partageant sa vie entre les Antilles, le continent africain et les États-Unis, l’autrice choisit de décrire les réalités diverses des peuples noirs, à travers des reconstitutions historiques empruntes d’imaginaires.

Pour découvrir Maryse Condé, j’ai choisi de lire Moi, Tituba sorcière noire de Salem, publié en 1986. Ce roman raconte l’histoire de la sorcière Tituba née aux Barbades, qui traverse l’esclavage dans les colonies du Nouveau Monde, le célèbre procès des sorcières de Salem de 1692, et les révoltes des esclaves marrons aux Antilles. Maryse Condé écrit le récit imaginé d’un personnage réel, mêlant ainsi faits historiques, inventés et éléments magiques. Elle redonne une place dans le canon littéraire francophone aux sorcières brûlées et aux esclaves violentées.

Le livre marque par sa représentation importante de la violence physique, morale et matérielle. La douleur et la souffrance de peuples réduits en esclavage sont brandies dans les paroles de Tituba : « Je hurlai et plus je hurlais, plus j’éprouvais le désir de hurler. De hurler ma souffrance, ma révolte, mon impuissante colère. Quel était ce monde qui avait fait de moi une esclave, une orpheline, une paria ? Quel était ce monde qui me séparait des miens ? Qui m’obligeait à vivre parmi des gens qui ne parlaient pas ma langue, qui ne partageaient pas ma religion, dans un pays malgracieux, peu avenant ? ». Les viols à répétition, la déshumanisation, les coups et les humiliations font de la vie une source de désespoir, « Pour une esclave, la maternité n’est pas un bonheur. Elle revient à expulser dans un monde de servitude et d’abjection, un petit innocent dont il lui sera impossible de changer la destinée. »

Le récit expose les paradoxes omniprésents de la société puritaine de Salem. La religion ultra rigoureuse, représentante de la loi et du dogme, dénonce la sorcellerie comme diablerie, alors qu’elle est elle-même source de souffrance et d’enfermement en perpétuant les atrocités de l’esclavage et en maintenant une peur aveugle de la damnation. « C’est peut-être parce qu’ils ont fait tout ce mal à leurs semblables, à ceux-là parce qu’ils ont la peau noire, à ceux-là parce qu’ils l’ont rouge, qu’ils ont si fort le sentiment d’être damnés ? ».

Moi, Tituba, sorcière noire de Salem comporte des sources et archives historiques qui renforcent l’aspect poignant de l’œuvre, en rapportant les discours de la vraie Tituba lors de son procès à Salem.  Il fait aussi référence à la littérature américaine, tels le roman La Lettre Écarlate, du romancier romantique Nathaniel Hawthorne, et de la pièce Les Sorcières de Salem du dramaturge Arthur Miller, qui rappellent le 17e siècle américain, l’apogée du puritanisme et la chasse aux sorcières.

Des références directes au livre La Lettre Écarlate sont présentes, à travers le personnage de Hester, faisant référence à l’héroïne de Hawthorne, enfermée pour cause d’adultère que Tituba rencontre en prison, « On ne lapide pas les femmes adultères. Je crois qu’elles portent sur la poitrine une lettre écarlate. » Maryse Condé créé une bibliothèque textuelle, car elle incorpore au sein de son œuvre un personnage provenant d’un autre, et elle développe ainsi un dialogue intertextuel avec l’histoire littéraire.

Pour finir, le livre présente certaines lueurs d’espoir et de joie, à travers l’amour que Tituba porte à ses amants, la rencontre avec Hester en prison et les révoltes des esclaves. Elle réussit à préserver son humanité au sein des sociétés assombries par la barbarie. « L’avenir appartient à ceux qui savent le façonner et crois-moi, […] ils y parviennent par des actes. ».

 

 

 

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...

Les femmes : grandes perdantes des législatives 2024 et de la montée de l’extrême-droite

Intro :

Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nullam at consequat justo. Donec sit amet dui id libero varius suscipit iaculis in enim. Vestibulum in gravida est. Praesent sed nunc condimentum, pharetra ligula non, fermentum eros. In erat dui, vulputate a risus sed, vehicula elementum augue. Aliquam semper augue ipsum, eu blandit neque tincidunt ac. Fusce magna nisi, vehicula at velit eu, placerat dapibus arcu. Aliquam tempor ultricies arcu, ut malesuada ex. Donec sit amet cursus purus. Suspendisse vitae est nunc. Aenean dictum, arcu vitae vulputate auctor, nunc ante laoreet velit, id interdum ligula nisi eget risus. Ut risus risus, lacinia in ornare sed, porttitor in erat. Vestibulum facilisis ex eros, quis vulputate quam ultrices et. Donec nec tortor ullamcorper, faucibus massa sed, ornare lectus. Aliquam pretium nibh quam, a tincidunt orci mollis nec. Orci varius natoque penatibus et magnis dis parturient montes, nascetur ridiculus mus.

Le 09 juin 2024, peu après la publication des résultats des élections européennes, Emmanuel Macron annonce la dissolution de l’Assemblée nationale. Le 1er tour des élections aura lieu le 30 juin, le 2 nd, le 07 juillet :  cette annonce suscite une vague de stupeur dans tout le pays. Les citoyens ont deux nouvelles à assimiler : l’extrême-droite est en tête du scrutin européen et ils iront revoter plus tôt que prévu.

C’est alors que, déjouant les sondages, les Français et Françaises placent le Nouveau Front Populaire (alliance de la gauche et des écologistes) en tête du scrutin avec 192 sièges (en ajoutant les candidats divers gauche), Ensemble en 2ème force avec 163 députés et le Rassemblement National en 3ème position avec 143 sièges. Ensemble parvient ainsi à se stabiliser et bien que le Rassemblement National soit déçu de son positionnement dans l’échiquier politique, il double quasiment son nombre de députés par rapport à la précédente législature (89 députés en 2022). L’échec n’en est pas vraiment un.

Et ce, d’autant plus que le NFP ne dispose pas d’une majorité suffisante. Cela étant dit, il est encourageant de voir que le projet politique qui est porté à gauche parle toujours aux citoyens et citoyennes.

Une partie de la population française sort cependant perdante de ces élections : les femmes. Leur nombre a baissé au sein des institutions, atteignant un niveau assez bas en 2024 après de nombreuses améliorations depuis le début des années 2000, et la percée de l’extrême-droite est un signal dangereux pour leurs droits.

  1. Les femmes moins nombreuses au sein des institutions politiques

Quel est le nombre de femmes dans les institutions politiques ? On compte désormais 208 femmes au sein de l’Assemblée, quand il y en avait 215 en 2022 et 224 en 2017. Le Sénat compte lui 126 sénatrices sur 348[1] (environ 36%). A titre de comparaison, en Andorre, 50% des sénateurs sont des femmes, 46,7% pour la Suède.

Au-delà de la régression observée, la parité n’a jamais été atteinte à l’Assemblée ni au Sénat depuis l’adoption de la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Cette loi oblige les partis politiques qui ne présentent pas à minima 50% de candidates lors des élections à s’acquitter de pénalités mais il n’y a pas d’obligation en termes de nombre de femmes élues.

Dans les différents partis présents à l’Assemblée, on compte 41,7% de femmes élues chez le NFP, 39,3% pour Ensemble, 32,2% pour le RN, 30,3% pour Les Républicains[2]. Pour une élection organisée aussi rapidement, les sortants ont bien évidemment un privilège et il s’agit en majorité d’hommes.

Afin d’être élues, les femmes doivent d’abord être candidates. En 2024, 41% des candidats étaient des femmes. Le NFP en a présenté 48%, le RN 49%, Ensemble 45%, LR 33%. Comment expliquer que le nombre d’élues soit sensiblement inférieur ? Nous pourrions évoquer des différences de configurations entre les territoires dans lesquels elles sont investies et ceux où candidatent les hommes, ou encore, une part de hasard. Mais ce n’est pas tout.

Une enquête du Monde[3] a analysé les candidatures aux législatives 2024 au regard des résultats des élections européennes sur l’ensemble des circonscriptions. Les conclusions révèlent que les femmes ont tendance à être investies dans des circonscriptions non-gagnables (41% d’entre elles). A titre d’exemple, dans les territoires ou le RN a surperformé aux européennes de 2024, les 2/3 des candidats sont des hommes.

La désignation des postes à l’Assemblée est davantage paritaire. D’abord, la présidente de l’Assemblée est une femme, même s’il faut mentionner que c’est la seule depuis le début de la Vème République. Sur les 21 membres du bureau de l’Assemblée (vice-présidents, questeurs, secrétaires), 13 sont des femmes. Les chiffres se compliquent pour la désignation des présidents des commissions permanentes : on ne retrouve que 2 femmes sur 8, à la tête des commissions des affaires culturelles / éducation et du développement durable et de l’aménagement durable. Les commissions dans les domaines « régaliens » tels que les affaires économiques, la défense, les finances sont confiées à des hommes.

Au-delà de la représentation dans les institutions, aucune femme n’a été présente lors des débats télévisés sur les grandes chaînes durant les élections législatives. Marine Tondelier devait représenter le NFP lors du troisième débat, mais cela lui a été refusé, Jordan Bardella prétextant ne pas vouloir débattre avec elle, et les médias considérant qu’un débat avec Jean-Luc Mélenchon serait sans doute meilleur pour les audiences.

  1. La progression du vote des femmes pour le Rassemblement National

Depuis le début des années 2000, on observe une progression importante du vote des femmes en faveur du Rassemblement National.

Aux élections européennes de 2024, 30% des femmes ont voté pour Jordan Bardella contre 19% en 2019[4]. Aux dernières législatives, 32% des femmes ont voté pour le RN. A titre de comparaison, 11% des femmes ont voté pour Jean-Marie Le Pen aux élections présidentielles de 2002[5].  

Cette augmentation peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Elle peut partiellement être corrélée aux sujets qui influencent le plus le vote des Français : pour 43% d’entre eux, il s’agit de l’immigration, pour 45% du pouvoir d’achat, devant la protection de l’environnement (27%) et le système de santé (26%). En 2019, l’immigration comptait pour 32%[6]. L’augmentation de l’influence de ce sujet sur les intentions de votes a certainement eu un impact positif pour le RN.

Par ailleurs, est-ce la fin de ce qu’on appelle le radical right gender gap en France ? Théorisé par Terri E. Givens, chercheuse afro-américaine, cette notion désigne le fait que les femmes rejettent massivement l’extrême-droite dans les élections, en raison de l’influence religieuse, d’une socialisation différenciée, ou encore des valeurs extrêmes et violentes prônées par ce courant politique[7]. Pourtant ce « gap » entre le vote des hommes et celui des femmes s’effondre en France, de manière importante depuis les années 2010 et ce, toutes élections confondues.

Il faut nuancer en indiquant que la réduction de ce gap ne trouve pas une équivalence similaire dans d’autres pays européens : en Allemagne, uniquement 12% des femmes ont voté pour l’AfD aux dernières élections européennes, en Espagne 5,3% des femmes ont voté pour Vox lors du même scrutin[8]. Ces données peuvent signifier que certains facteurs expliquant la montée de l’extrême-droite en France sont spécifiques à son paysage politique et social, notamment les effets de la dédiabolisation du RN, ainsi que la présence à sa tête d’une femme, ce qui peut tromper le message.

  1. Quelles sont les raisons expliquant la progression du vote des femmes pour l’extrême-droite ?

Lors des débats télévisés et des passages médiatiques de ces élections législatives, la question des droits des femmes a été peu abordée. Toutefois, une vidéo postée par Jordan Bardella le 17 juin a fait bondir bon nombre d’organisations féministes. Dans celle-ci, il promet de « garantir de manière indéfectible à chaque fille et à chaque femme de France ses droits et ses libertés » en cas de victoire du Rassemblement National. 

Force est de constater que malgré les alertes des féministes sur le danger de que représente l’extrême-droite pour les droits des femmes, ces paroles arrivent à convaincre. Comment l’expliquer ?

En 1983, Andrea Dworkin, autrice américaine spécialiste des questions relatives au féminisme, s’intéressait déjà à ce sujet dans son ouvrage intitulé : Les femmes de droite.

Selon elle, l’extrême-droite, par son idéologie et son programme, ne propose aux femmes qu’une protection de façade. En effet, cette protection repose sur l’idée que, si ces dernières se conforment à des rôles traditionnels, elles ne seront pas confrontées à la violence, ou du moins, pas à la violence extérieure à celle du foyer : « De la maison du père à la maison du mari et jusqu’à la tombe qui risque encore de ne pas être la sienne, une femme acquiesce à l’autorité masculine dans l’espoir d’une certaine protection contre la violence masculine[9] ». Selon elle, les femmes de droite pensent que le statut conjugal va les protéger de toutes les violences : physiques, sexuelles, économiques. Faut-il rappeler que le foyer est l’endroit qui les concentrent ? Dans 45% des cas, les viols sont commis dans l’enceinte du foyer ou par un conjoint ou un ex-conjoint selon le ministère de l’Intérieur[10].

L’extrême droite amène ainsi certaines femmes à préférer la sécurité à leur liberté.

Ce premier élément de lecture pourrait expliquer l’essor important des mouvements dits « antiféministes », ou conservateurs, notamment sur les réseaux sociaux. Des personnalités comme Thais d’Escufon, future chroniqueuse pour Hanouna et anciennement porte-parole de Génération identitaire avant sa dissolution, font la promotion d’idées d’extrême-droite en matière de droits des femmes, notamment issues du mouvement des « tradwife », qui prône le retour de la femme au foyer. Sans surprise, elles militent également contre le droit à l’avortement. Les propos de certaines sont très polémiques et instrumentalisent la science afin de propager des idées masculinistes. Dans ses vidéos youtube, Thais d’Escufon a notamment pu déclarer : « les femmes sont programmées biologiquement à désirer des hommes qui leur sont supérieurs[11] », ou encore : « le plus grand mensonge du féminisme a été de faire croire aux femmes qu’avoir une carrière était plus important que d’être chez elle à s’occuper des enfants ». Elle rejette ici toute forme d’indépendance de la femme vis-à-vis de l’homme. Elle cumule près de 40 millions de vues sur sa chaîne, 200 000 abonnés, près de 70 000 followers sur X : cette audience, tout comme les propos véhiculés, sont évidemment très inquiétants.

Une autre explication du vote pour l’extrême-droite réside dans la formation progressive de ce qu’on pourrait appeler un prolétariat de services. La tertiarisation du travail ainsi que l’augmentation de la part des femmes dans les emplois ouvriers ont entraîné une augmentation du vote féminin pour l’extrême-droite. Les femmes occupent aujourd’hui majoritairement des emplois soit dans les services, soit dans le secteur du care : ils sont généralement assez mal payés, précaires, à temps partiel. Ces profils sont donc également une cible pour l’extrême-droite. Lors des élections législatives de 2024, c’est pour le RN que les employés (44%) et les ouvriers (57%) ont le plus voté[12].   

Autre argument régulièrement évoqué : l’arrivée d’une femme à la tête d’un parti d’extrême-droite le rend plus respectueux des droits des femmes. Angelina La Marca, candidate RN aux législatives 2024 proclamait « notre tête de parti, Marine Le Pen est une femme. Notre place est bien primordiale au niveau du RN ». De nombreux contre-exemples à cet argument peuvent être évoqués : d’abord Giorgia Meloni. Avec son parti nationaliste Fratelli d’Italia, elle représente un énorme danger pour les droits des femmes : il n’y a pour cela qu’à regarder ce qui est fait dans ce pays à ce sujet depuis son accession au pouvoir. Ces dernières années, plusieurs femmes en Europe ont pris la tête de partis d’extrême-droite : hormis Meloni et Le Pen, on peut aussi mentionner Alice Weidel en Allemagne (Alternative für Deutschland).

Pour le Rassemblement National, l’arrivée de Marine Le Pen à sa tête a contribué à sa dédiabolisation et à lisser ainsi son image, ce qui peut également expliquer l’augmentation des votes féminins. L’émergence de la stratégie de dédiabolisation du RN est en effet plus ou moins corrélée à l’arrivée de Marine Le Pen à sa tête. Il est intéressant de constater que pour le parti d’Eric Zemmour, dont les idées d’extrême-droite sont davantage affirmés publiquement, le right gender gap est toujours présent : lors de la présidentielle de 2022, 6% des femmes (le double pour les hommes) ont voté pour Reconquête selon l’IFOP.

De plus, dans un pays où l’immigration est un sujet qui influence de plus en plus le choix du vote (43% selon un sondage IFOP), une lecture des violences faites aux femmes sous le prisme de l’immigration permet d’entretenir la peur et de gagner des voix. Jordan Bardella indiquait d’ailleurs à ce titre « Nous reprendrons le contrôle de notre politique migratoire en expulsant les délinquants criminels étrangers, en instaurant des peines planchers, en renforçant sévèrement les sanctions contre les violences faites aux femmes ». Il donne ici l’illusion de se préoccuper des violences commises contre les femmes : pourtant, il semble lui aussi ignorer que le foyer concentre l’essentiel des violences, et que 87% des auteurs de viols étaient de nationalité française en 2023[13]. Le Rassemblement National exacerbe les souffrances, et les relie toujours, en jouant sur les peurs individuelles, à une seule explication : l’immigration.

Dernier facteur explicatif de l’augmentation du vote féminin (comme masculin) pour l’extrême-droite : la banalisation de certains médias qui prônent ces idéaux. Leur audience ne fait d’ailleurs qu’augmenter : celle de CNEWS a notamment enregistré, entre juin 2023 et juin 2024, une augmentation de 1,1 point. Il s’agit de la chaîne qui enregistre la progression la plus importante ces dernières années[14]. Certains records sont également battus par certaines émissions phares, comme celle de Pascal Praud, connu pour ses propos extrêmement polémiques et ouvertement d’extrême-droite. CNews n’est qu’un bloc qui compose l’empire médiatique de Bolloré (avec Europe 1, le groupe Canal+, etc.), proche des idées d’extrême-droite. Les chaînes du groupe sont régulièrement épinglées par l’Arcom : au total, on peut dénombrer environ 46 mises en garde, en demeure et amendes depuis près de 10 ans. Le régulateur a d’ailleurs pris la décision à l’été 2024 de ne pas renouveler à C8 sa fréquence TNT[15].

 Ils font la promotion des idées d’extrême-droite, racistes, homophobes, antiféministes. Ils s’appuient sur l’instrumentalisation de certains évènements pour désigner l’immigration comme responsable de tous les maux, notamment de la violence faites aux femmes : ce fut par exemple le cas des évènements commis en 2015 lors de la Saint-Sylvestre à Cologne en Allemagne. Si l’extrême-droite s’intéressait réellement aux femmes, elle approfondirait son analyse sur les violences à leur encontre avec des données disponibles très facilement qui prouvent que l’immigration n’est pas le sujet.

  1. Le RN à l’épreuve de ses actes et de son programme

Rien ne sera plus parlant qu’une analyse approfondie des mesures proposées par le Rassemblement National en matière de droits des femmes, ainsi que de ses votes à ses sujets dans les institutions au sein desquelles il siège (notamment l’Assemblée nationale et le Parlement européen).

D’abord, sur l’égalité professionnelle et salariale. Les femmes ont plus de difficultés que les hommes à atteindre certains postes à haute responsabilité. En 2015 dans la haute fonction publique d’Etat, 61,7% des postes de catégorie A étaient occupés par des femmes ; ce chiffre tombe à 32% pour les postes de direction[16].

Enfin, les revenus salariaux moyens des femmes sont inférieurs de près de 24% à ceux des hommes dans le secteur privé[17]. Les femmes accumulent certaines discriminations et handicaps, les empêchant d’accéder à certains postes, à certaines filières (par exemple le numérique et la science) et d’avoir un niveau de rémunération similaire. Le Rassemblement National s’oppose à la stratégie conduite par l’Union européenne en faveur de l’égalité femmes-hommes[18]. En 2020, ils se sont également opposés à une résolution sur l’écart de salaire entre les hommes et les femmes[19]. En juillet 2023, cette fois-ci à l’Assemblée, le RN a voté contre la loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique[20]. En 2021, les députés RN n’ont pas pris part au vote de la loi Rixain, visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle[21]. Supprimer les inégalités professionnelles et salariales n’est donc pas la priorité de ce parti.

Sur la santé des femmes, le RN propose de reconnaître l’endométriose comme une affection de longue durée. Il faut souligner qu’ils arrivent après la bataille, puisqu’une proposition de résolution sur cette maladie a été portée par des députés de gauche en 2021[22]. L’endométriose pèse sur la santé et la fertilité des femmes, mais ce n’est pas la seule : il faudrait pouvoir élargir le spectre et s’intéresser à l’ensemble des maladies et des violences médicales qui touchent les femmes, améliorer la sensibilisation et l’accompagnement tout au long de la vie notamment pour la ménopause, etc. L’endométriose et sa prise en compte ne constituent pas une politique de santé pour les femmes[23]. Il s’agit simplement ici pour le RN de surfer sur un sujet médiatisé ces dernières années.

Pour l’interruption volontaire de grossesse, le sujet est plus complexe. En effet, pour poursuivre sa dédiabolisation, le RN ne s’est pas opposé à sa constitutionnalisation : Marine Le Pen a voté pour, aux côtés de 46 des 88 députés que compte le parti (11 contre, 20 abstentions, 11 absents).

Si, en apparence, le RN ne semble ainsi pas s’opposer à l’IVG, certains actes indirects peuvent toutefois permettre à l’extrême-droite de réduire son accès et de dévoiler par là-même ses réelles intentions. Au-delà de la constitutionnalisation, les femmes doivent en effet disposer des moyens d’accès à cet acte médical. Or, des barrières telles que la clause de conscience, qui existe en Italie, peuvent entraîner certains médecins à refuser de le pratiquer et donc à obstruer indirectement son accès. La réduction du délai légal est également un moyen d’obstruction : en février 2022, des élus RN ont déposé au parlement un amendement contre l’allongement, de douze à quatorze semaines, du délai pour pratiquer une IVG[24].

De même, les votes du RN au Parlement européen, moins médiatisés au niveau national, traduisent son opposition à ce droit. En 2024, les eurodéputés RN se sont abstenus à de voter l’inscription du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ils se sont également opposés en 2021 au projet de rendre l’accès à l’IVG gratuit, ainsi qu’à la condamnation de l’interdiction du droit à l’avortement en Pologne.

Concernant la lutte contre les violences (physiques, sexuelles, psychologiques) faites aux femmes, le RN propose d’inscrire les harceleurs de rue au fichier des délinquants sexuels. Qu’est-ce que cela implique concrètement ?

L’association Stop au harcèlement de rue considère que la répression ne peut être l’unique moyen de lutter contre ces actes. Cette proposition est encore un prétexte pour s’en prendre aux étrangers, considérés par l’extrême-droite comme des harceleurs. Rien ne le prouve, l’harceleur n’a pas de visage prédéfini. De plus, les syndicats de police dénoncent une mesure qui transformerait le fichier des délinquants sexuels (le Fijais) en « fourre-tout », regroupant les personnes qui ont commis des viols, des agressions sexuelles, des actes de pédocriminalité et des actes de harcèlement[25].

Aucune autre mesure phare n’est proposée en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Le RN propose toutefois de « régler la promesse de l’immigration pour mieux protéger les femmes dans l’espace public ». Le problème reste encore et toujours l’immigration, la solution, la sanction.

Au Parlement européen, le RN a également refusé que la France ratifie la convention d’Istanbul[26], texte contraignant en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Dans un communiqué de 2020, le parti indique au sujet de cette convention que : « Celle-ci, sous couvert de prévention contre les violences faites aux femmes, entend imposer des politiques immigrationnistes et reconnait la théorie du genre. Les États ayant fait le choix souverain de ne pas la ratifier, ou souhaitant en sortir, sont vilipendés, en particulier la Hongrie et la Pologne, boucs émissaires récurrents de la Commission européenne pour leur refus de se voir dicter leurs politiques nationales, en particulier en matière d’immigration[27]. ». Le RN indique ainsi refuser de lutter contre les violences faites aux femmes au prétexte que cela favoriserait une politique d’immigration et félicite des pays comme la Hongrie et la Pologne, qui bafouent depuis plusieurs années les droits des femmes. Tout un programme.

Sur la parentalité, le RN propose de soutenir les familles « françaises » avec des réductions d’impôts à partir du 2ème enfant et la possibilité de prétendre à un prêt à taux zéro pour les couples qui ont un 3ème enfant. Cette mesure interroge non seulement par son caractère nataliste, mais surtout parce que ce qui se cache derrière « couple » n’est pas explicitement évoqué. Il s’agit certainement de couples dits traditionnels, schéma donc les parents célibataires et les couples homosexuels seraient probablement exclus. Ces mesures n’ont rien d’étonnant, l’extrême-droite a toujours défendu des valeurs familiales traditionnalistes et pris avec attention le sujet de la natalité. Rien n’est indiqué dans le programme sur l’accès aux moyens de garde, ni sur les congés parentaux.

Enfin, en ce qui concerne l’éducation sexuelle des enfants, le RN souhaite la suppression des cours d’éducation sexuelle à l’école auxquels se substituerait une sensibilisation à la puberté et à la reproduction, tout en permettant aux parents de ne pas y inscrire leurs enfants. Selon le Haut Conseil à l’Egalité, une grande majorité des enfants scolarisés ne bénéficient déjà pas de ces enseignements. La sensibilisation par la puissance publique est importante « compte-tenu des enjeux posés en matière de citoyenneté, d’égalité femmes-hommes et de santé, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de répondre à tou.te.s les jeunes par des informations objectives, sans jugement ni stéréotype »[28]. Selon l’OMS, le port de préservatifs par les jeunes lors de rapports a fortement baissé ces dernières années : la réduction de la sensibilisation sur ces sujets augmentera encore ce chiffre, et donc le développement de maladies sexuellement transmissibles. 

  1. L’extrême-droite au pouvoir en Europe : quelles politiques pour les droits des femmes ?

L’extrême-droite en France n’a jamais été essayée : cet argument est revenu à plusieurs reprises lors des élections législatives de 2024. Pourtant, cette affirmation est fausse. Surtout, l’expérience des pays voisins nous permet de tirer un bilan peu reluisant des politiques adoptées par l’extrême-droite en matière de droits des femmes.

Les sujets qui ont cristallisé les actions des partis d’extrême-droite au pouvoir en Europe sont, sans surprise, l’accès à l’IVG, la défense de la natalité et des valeurs familiales traditionnelles.

Comme l’a déclaré en 2023 Eugenie Rocalla, ministre de la famille et de la natalité en Italie[29], « oui, l’avortement fait malheureusement partie du droit des femmes ». En Italie la loi sur l’IVG (loi 194) n’a pas été attaquée. Toutefois, les entraves à ce droit sont nombreuses. Certaines régions restent sur un délai maximum de 7 semaines pour pratiquer une IVG médicamenteuse, alors que ce dernier a été étendu à 9 semaines dans la loi[30]. Les subventions à destination des hôpitaux publics pratiquant l’IVG ont été réduites, quand celles des hôpitaux privés catholiques ont fortement augmenté. Ce phénomène est particulièrement remarquable dans les régions italiennes dirigées par des partis fascistes tel que le Piémont qui a également doté des associations pro-vie d’un million d’euros de subventions. Toujours dans cette région, les associations pro-vie accueillent et « conseillent » les femmes souhaitant avoir recours à une IVG.

Un autre type d’entrave est l’objection de conscience, permettant aux médecins de refuser de pratiquer une IVG. Ils sont de plus en plus nombreux en Italie : on touche ici à l’accès des femmes à l’IVG, sans pour autant officiellement l’obstruer. Toujours dans l’idée de défendre « la vie », une proposition d’initiative populaire a été lancée pour insérer un amendement dans la loi 194 obligeant les femmes à écouter le cœur de l’embryon avant d’avorter. Une telle pratique a d’ailleurs été adoptée en 2022 en Hongrie. Ce pays a également signé en 2020 la déclaration du consensus de Genève, sur la promotion de la santé de la femme et le renforcement de la famille, qui s’attaque directement à l’accès et au droit à l’IVG.  Elle a été signée par près de 35 États, et est la plus grosse coalition mondiale pro-vie[31].

Autre exemple, la Pologne : en 2021, la Cour constitutionnelle polonaise a interdit pratiquement intégralement l’accès à l’avortement en rendant impossible les IVG même si le fœtus est atteint d’une malformation grave, irréversible ou encore, d’une maladie menaçant sa vie. Des témoignages indiquent également que les femmes polonaises souhaitant recourir à une IVG sont harcelées, soumises à des fouilles arbitraires.

Loin de favoriser la santé des femmes et de réduire le nombre d’IVG, de telles pratiques et obstructions mettent en danger les femmes qui vont pratiquer des avortements dans des conditions risquées, pouvant aboutir à la mort. Il s’agit d’un bond en arrière dans le temps et d’un recul important des droits des femmes.

Au sujet des droits des LGBTQIA+, l’extrême-droite défend une vision conservatrice et traditionnelle de la famille, ce n’est donc pas étonnant qu’elle s’attaque à ces minorités. En Italie, dans la région de la Vénétie, 33 actes de naissances ont été contestés, au titre que seulement les mères biologiques pouvaient être reconnues : une manière donc d’attaquer les couples lesbiens. Meloni se présente elle-même comme une défenseuse de la famille traditionnelle, en opposition au « lobby » LGBT[32].

En Hongrie, la répression est importante contre les minorités de genre. Des lois ont également été adoptés en 2021 pour interdire aux mineurs l’accès à des contenus LGBTQIA+[33].

Ce qu’il faut retenir de toutes ces attaques de l’extrême-droite c’est le changement de vision et de discours : ces partis ne se disent plus anti-avortement mais pro-vie. Ils ne sont plus en défaveur du mariage homosexuel, ils veulent défendre le modèle de la famille traditionnelle. Ce changement de rhétorique suffit à en convaincre quelques-uns, même s’il ne s’agit que d’un écran de fumée.

  1. Que nous dit l’histoire sur l’extrême-droite ?

S’il faut continuer à convaincre du fait que l’extrême-droite et ses idées n’ont pas évolué et situer la réflexion en France, il n’est pas non plus inutile de regarder du côté des politiques mises en œuvre sous certains régimes comme Vichy en matière de droits des femmes.

La famille et le maintien de la natalité ont toujours été des valeurs prônées par l’extrême-droite : c’était bien le cas sous Vichy avec cette fameuse devise « travail, famille, patrie ». La femme est assujettie à une seule fonction, celle de mère de famille, en charge de la procréation : la propagande va bon train. La journée des mères est instaurée le 25 mai 1941.

Leur accès à l’emploi va être réduit, notamment avec la loi du 11 octobre 1940 qui interdit aux services de l’Etat et aux collectivités locales d’embaucher des femmes. De nombreuses femmes sont licenciées, notamment dans les PPT[34]. Les conditions d’accès au divorce sont également considérablement réduites, l’avortement qualifié comme un « crime ».

C’est en ce sens un retour en arrière par rapport à la vision portée par le Front Populaire sur les droits des femmes (sans que toutefois cela puisse déboucher sur des réformes concrètes) : « il appartient au Front populaire de réaliser l’émancipation de la femme[35] ». En effet le FP, et Léon Blum en personne, portaient une vision émancipatrice des femmes, bien éloignée de l’idéal de la femme comme n’étant qu’une génitrice. Lors du procès politique de Léon Blum en 1942 (qui se tient dans le cadre du procès de Riom), ce dernier sera accusé, avec d’autres, d’avoir mené la France à la ruine et à la défaite, non seulement à cause de son programme, mais également de sa vision des droits des femmes. Dans Du mariage, il prône notamment leur libération sexuelle, l’ouverture des mœurs.

Pour conclure, il est indéniable qu’en France, les femmes votent de plus en plus pour l’extrême-droite. Diverses raisons peuvent expliquer la réduction du radical gender gap : d’abord, la stratégie de dédiabolisation du RN, mettant en avant une figure féminine forte, un discours plus lisse, soutenu par des médias écoutés par de nombreux Français et Françaises. Ensuite, une peur croissante de l’insécurité et de l’augmentation des violences, que les médias associent fréquemment et malheureusement à l’immigration.

Il n’y a qu’à observer les votes des élus RN dans diverses institutions, et les politiques mises en œuvre dans d’autres pays d’Europe pour se rendre compte que, malgré la dédiabolisation et les discours médiatiques, les idées et les actes n’ont pas changés : l’étranger est toujours le responsable de tous les maux, l’idéologie reste la même.

Mais la raison de l’augmentation du vote féminin pour l’extrême-droite n’est-elle qu’une question de genre ? Ce vote ne peut être décrypté uniquement sous ce prisme. La sociologie compte pour beaucoup, avec notamment l’émergence d’un prolétariat de service, majoritairement féminin et l’augmentation de la précarité au travail. Lors des élections législatives de 2024 :

  • 57% des ouvriers, 40% des chômeurs, 44% des employés ont voté pour le RN ;
  • 61% des personnes qui ne se disent pas du tout satisfaites de leur vie ont voté pour le RN ;
  • 54% des personnes qui se considèrent comme défavorisées ont voté pour le RN ;
  • 41% de ceux qui disent boucler juste leur budget, 46% de ceux qui indiquent vivre sur leurs économies ou grâce à un ou plusieurs crédits, ont voté pour le RN[36].

Le constat est clair : le vote RN capte les Français et les Françaises des milieux populaires et ayant des difficultés à joindre les deux bouts. Au-delà de la question du genre, il faut croiser cet élément de lecture avec celle de la situation sociale et professionnelle. La question sociale et économique doit être posée, pour espérer réduire le nombre de votantes pour l’extrême-droite et leur donner un réel et concret espoir à gauche.

Références

[1] Observatoire des Inégalités (2023) : la parité ne progresse plus au Sénat et à l’Assemblée nationale : https://inegalites.fr/paritefemmeshommespolitique

[2] France Info (2024) : résultats des élections législatives 2024 : https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/infographies-resultats-des-elections-legislatives-2024-visualisez-la-part-de-femmes-qui-siegeront-dans-le-nouvel-hemicycle-en-legere-baisse-par-rapport-a-2022_6653433.html

[3] Le Monde (2024) : les femmes sont-elles investies dans les circonscriptions les moins favorables ? https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/06/26/legislatives-2024-les-femmes-sont-elles-investies-dans-les-circonscriptions-les-moins-favorables_6243813_4355770.html

[4] IPSOS (2024) : décryptage du scrutin des élections européennes : https://www.ipsos.com/fr-fr/europeennes-2024/sociologie-des-electorats-2024#:~:text=En%20termes%20de%20sexe%20et,%25%20%C3%A0%2026%25%20des%20voix

[5] Public Sénat (2024) : élections législatives 2024, le profil des électeurs en 7 points : https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/elections-legislatives-2024-le-profil-des-electeurs-en-7-points#:~:text=Le%20vote%20n’a%20plus%20vraiment%20de%20genre&text=Seuls%20les%20%C3%A9lecteurs%20du%20RN,droite%20contre%2032%20%25%20de%20femmes

[6] IPSOS (2024) : comprendre le vote des Français: https://www.ipsos.com/fr-fr/europeennes-2024/comprendre-le-vote-des-francais-2024

[7] CNRS, Mathieu Stricot (2023) : droite radicale, les femmes s’y mettent aussi (et surtout en France) https://lejournal.cnrs.fr/articles/droite-radicale-les-femmes-sy-mettent-aussi-surtout-en-france

[8] TV5 Monde (2024) : le vote féminin pour l’extrême-droite : une spécificité française en Europe https://information.tv5monde.com/terriennes/le-vote-feminin-pour-lextreme-droite-une-specificite-francaise-en-europe-2728124

[9] Andrea Dworkin (1983), Les femmes de droite

[10] Insee, sécurité et société : https://www.insee.fr/fr/statistiques/5763591?sommaire=5763633

[11] Chaîne youtube de Thais d’Escufon, « hypergamie le secret bien gardé des femmes » https://www.youtube.com/watch?v=l6PcVTHQxQw&t=149s

[12] IPSOS (2024) : sociologie des électorats et profil des abstentionnistes élections législatives 2024 : https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2024-06/ipsos-talan-sociologie-electorats-legislatives-30-juin-rapport-complet.pdf

[13] Insee, sécurité et société : https://www.insee.fr/fr/statistiques/5763591?sommaire=5763633

[14] Pure Medias (2024) : record historique pour CNews plus forte que BFMTV pour le 2ème mois d’affilée, LCI chute, FranceInfo revit : https://www.ozap.com/actu/audiences-juin-2024-record-historique-pour-cnews-plus-forte-que-bfmtv-pour-le-deuxieme-mois-d-affilee-lci-chute-franceinfo-revit/644688#:~:text=Cinqui%C3%A8me%20cha%C3%AEne%20de%20France%2C%20elle,et%20r%C3%A9p%C3%A9t%C3%A9%20en%20mai%202024.

[15] Le Monde (2024) : C8 perd sa fréquence sur la TNT, retrouvez toutes les sanctions de l’Arcom contre C8 et Cnews : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/07/25/c8-perd-sa-frequence-sur-la-tnt-retrouvez-toutes-les-sanctions-de-l-arcom-contre-c8-et-cnews_6223105_4355771.html

[16] Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes : repères statistiques https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/parite/reperes-statistiques/

[17] Insee (2024) : écart de salaire entre femmes et hommes en 2022 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7766515#:~:text=%C3%89cart%20de%20salaire%20entre%20femmes%20et%20hommes%20en%202022%20Dans,de%20travail%20et%20poste%20comparables&text=En%202022%2C%20le%20revenu%20salarial,hommes%20dans%20le%20secteur%20priv%C3%A9.

[18] Commission européenne : stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/policies/justice-and-fundamental-rights/gender-equality/gender-equality-strategy_fr

[19] Legislative observatory European Parliament : resolution sur l’écart entre hommes et femmes (2020) https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/popups/summary.do?id=1606927&t=e&l=fr

[20] Legifrance, loi n°2023-623 du 19 juillet 2023 visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047862217

[21] Legifrance, loi n°2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044559192/

[22] Assemblée nationale, proposition de résolution n°4766 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4766_proposition-resolution

[23] Voir les propos de Suzy Rotman sur le sujet

[24] Assemblée nationale, proposition de loi constitutionnelle n°293 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0293_proposition-loi#:~:text=Enfin%2C%20en%202022%2C%20le%20Parlement,%C3%A0%2014%20semaines%20de%20grossesse.

[25] 20Minutes, présidentielle 2022 : pourquoi l’inscription des harceleurs de rue au fichier des délinquants sexuels ne convainc pas https://www.20minutes.fr/politique/3250107-20220310-presidentielle-2022-pourquoi-inscription-harceleurs-rue-fichier-delinquants-sexuels-convainc

[26] Parlement européen : la convention d’Istanbul, un outil pour lutter contre les violences à l’encontre des femmes et des filles https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2020/659334/EPRS_ATA(2020)659334_FR.pdf

[27] Rassemblement national (2020) : droits des femmes et des LGBT, quels sont les vrais objectifs de la commission européenne ? https://rassemblementnational.fr/communiques/droits-des-femmes-et-des-lgbt-quels-sont-les-vrais-objectifs-de-la-commission-europeenne

[28] Haut Conseil à l’Egalité (2016) : rapport relatif à l’éducation à la sexualité : https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_rapport_sur_l_education_a_la_sexualite_synthese_et_fiches_pratiques.pdf

[29] L’existence d’un tel ministère pose question et en dit long sur l’importance porté par l’extrême-droite à la famille et à la natalité.

[30] Politis (2024) : Italie, dans les régiosn Giorgia Meloni et ses alliés mettent en danger l’IVG https://www.politis.fr/articles/2024/03/italie-dans-les-regions-giorgia-meloni-et-ses-allies-mettent-en-danger-livg/

[31] European centre for law & justice : la déclaration de consensus de Genève, une coalition internationale pro-vie sans précédent https://eclj.org/abortion/un/the-geneva-consensus-declaration-an-unprecedented-international-pro-life-coalition?lng=fr

[32] Union syndicale Solidaires (2024) : l’extrême droite est et sera toujours l’ennemie des femmes et des minorités de genre https://solidaires.org/sinformer-et-agir/brochures/argumentaires/lextreme-droite-est-et-sera-toujours-lennemie-des-femmes-et-des-minorites-de-genre/

[33] Ibid

[34] France Info (2016) : à Vichy, la femme était exclusivement une mère https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/histoires-d-info-a-vichy-la-femme-etait-exclusivement-une-mere_1836569.html

[35] Juin 1936, déclaration du communiste Jacques Duclos

[36] L’ensemble de ces données proviennent du sondage IFOS mentionné plus tôt

suivez-nous sur les réseaux

#LTR

A lire aussi…

Lire aussi...