La Cité
Splendeurs et misères de l’antiracisme, entretien avec Florian Gulli
Le Temps des Ruptures : Si le titre de votre livre parle d’antiracisme au singulier, vous prenez le temps de théoriquement et politiquement définir trois antiracismes distincts : l’antiracisme libéral, l’antiracisme politique et l’antiracisme socialiste. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette classification, et comment elle se transpose dans le champ politique, social et médiatique de nos jours ?
Florian GULLI :
Avant tout, je veux rappeler le contexte de ce livre. La montée de l’extrême-droite en France et ailleurs ; mais aussi le sentiment que les discours antiracistes institutionnels et une partie des discours antiracistes militants (pas tous) peuvent jouer un rôle contre-productif pour enrayer cette montée.
Mon point de départ est un discours aujourd’hui très présent, notamment chez les jeunes militants, affirmant qu’il y aurait deux antiracismes. Un antiracisme qui aurait failli, celui de SOS Racisme, et un nouvel antiracisme qui aurait pris la relève, antiracisme porteur de la radicalité nécessaire pour faire reculer le racisme (il se désigne parfois en France au moyen de l’étiquette « antiracisme politique »). Ce nouvel antiracisme (issu des années 1960 états-uniennes) fait table rase du passé. L’antiracisme qui le précède est abusivement réduit aux années 1980 et à SOS Racisme ; les organisations historiques comme le MRAP, la LICRA et la LDH par exemple semblent n’avoir jamais existé. Cet antiracisme aurait repris l’idée de « race » à l’adversaire raciste pour la transformer en concept émancipateur. Il faudrait appréhender nos sociétés comme des hiérarchies raciales, avec des oppresseurs et des privilégiés (les « Blancs ») et des opprimés (les « Non-Blancs »). L’émancipation passerait par l’organisation autonome des « racisés » et la critique radicale de la « modernité blanche ».
La critique de l’instrumentalisation du combat antiraciste par la gauche socialiste est bien sûr légitime. Mais elle s’est transformée en critique monolithique de toute la gauche politique et syndicale considérée comme « blanche » alors même que milite en son sein quantité de personnes visées par la rhétorique raciste. La volonté de rompre avec le paternalisme et la condescendance, dont le slogan « touche pas à mon pote » a pu être le symbole, était là encore parfaitement nécessaire. Mais cette volonté de voir les victimes du racisme prendre une place plus grande dans le combat et dans les directions des organisations menant ce combat s’est transformée en autre chose : le projet de construire des organisations autonomes, c’est-à-dire non-mixte d’un point de vue « racial ». Il était nécessaire enfin d’en finir avec le discours consensuel, les appels à la fraternité des hommes en général. Il était nécessaire de retrouver un discours offensif, en phase avec la conflictualité et la violence du monde social. Mais la radicalité des discours s’est structurée autour de la division « blanc / non-blanc », obscurcissant des dynamiques politiques nationales et internationales autrement plus complexes et n’aidant jamais à faire descendre les tensions entre fractions des classes populaires.
Enfin, cette cartographie des antiracismes a le désavantage d’occulter complètement une tradition, celle du mouvement ouvrier, à laquelle on peut adresser des reproches mais qui ne mérite en aucun cas le refoulement dont elle est l’objet depuis des décennies. C’est cette tradition que la dernière partie de l’ouvrage essaie de réactiver. Non pas parce qu’elle aurait tout dit, mais parce qu’elle manque cruellement au débat.
LTR : Vous émettez une critique vive des deux premiers (libéral et politique), dont vous pointez d’ailleurs de très intéressantes convergences, bien qu’ils se renvoient dos à dos.
F.G :
L’antiracisme libéral et l’antiracisme dit « politique », malgré leur opposition tonitruante, se rejoignent en effet bien souvent.
Les questions de classes sont minorées quand elles ne sont pas purement et simplement absentes des discours et des argumentaires, alors que les populations visées par le racisme sont pourtant surreprésentées dans les classes populaires : on parle de « diversité », d’ « identité », de « race », de « racisés », mais les considérations relatives aux rapports de classes peinent à surgir. Ce travers n’est pas nouveau ; il accompagne comme son ombre l’histoire des luttes pour l’émancipation. Aux États-Unis, cette tendance à ce qu’Adolph Reed Jr nomme « réductionnisme racial » a toujours été accompagnée de vives critiques. Martin Luther King considérait que l’une des « faiblesses du Black Power » avait été de « donner une priorité au problème racial au moment précis où l’avènement de l’automation et d’autres progrès techniques mettent au premier plan les problèmes économiques ». L’auteur de Racism and the Class Struggle (1970), James Boggs, afro-américain, ouvrier automobile et dirigeant syndical, regrettait lui aussi cette focalisation sur la question de la « race » (Boggs, 2010, p. 367). Ce reproche ne visait en aucun cas à négliger la question du racisme, seulement à empêcher de dissoudre intégralement la vie des Afro-américains dans cette question.
Autre point réunissant les deux antiracismes : leur allergie à la majorité. Côté libéralisme, c’est le vieux thème de la tyrannie de la majorité, mais adapté pour le XXIème siècle. Les masses ne sont plus à craindre parce qu’elles se voudraient piller la richesse de l’élite. Elles seraient à craindre, désormais, parce qu’elles menaceraient la démocratie et la civilisation, leurs instincts racistes, misogynes et homophobes, les rendant aisément manipulables par les démagogues d’extrême-droite. Dans le second antiracisme, la majorité (blanche) ne s’en sort guère mieux ; elle est raciste par définition. Produit par un « système raciste », dit-on, l’individu ne saurait être que raciste. Son inconscient (colonial) organiserait et animerait toute sa vie psychique. Ses pratiques les plus ordinaires, le repas a-t-on soutenu récemment, seraient des expressions de sa « blanchité ».
Il serait utile que les intellectuels soutenant ce genre de propos interrogent leur propre relation à la majorité et au populaire. En effet, il ne faut pas perdre de vue que cette majorité « blanche », dont ils parlent, est majoritairement populaire et que par voie de conséquence le jugement qu’ils portent sur elle est biaisé par des considérations de classe inavouée. Il faut relire sur ce point l’article lumineux de Pierre Bourdieu écrit en 1978 : « Le racisme de l’intelligence ». Les intellectuels antiracistes ne sont pas toujours les plus prompts à traquer en eux le racisme de l’intelligence, ce « racisme propre à des « élites » qui ont partie liée avec l’élection scolaire », qui les conduit à tenir des propos méprisants et caricaturaux sur les classes populaires. Comme tout racisme, ce racisme-là infériorise un groupe stigmatisé, ici la majorité, et légitime le groupe du « stigmatiseur », c’est-à-dire celui des purs produits de l’élection scolaire.
Il ne s’agit pas d’opposer à cette représentation négative de la majorité une vision naïvement optimiste. Il s’agit de rompre avec les représentations unilatérales et de se donner pour horizon stratégique la conquête de cette majorité. Ce qui suppose de ne pas la considérer a priori comme fautive et d’écouter ce qu’elle a à dire.
LTR : Dans votre ouvrage, vous consacrez un passage à la notion de privilège blanc, et au danger de son usage, par une double erreur conceptuelle et politique. Pouvez-vous nous en dire plus ?
F.G :
Le concept de « privilège blanc » confond « privilège » et « droit ». Le fait qu’il y ait des discriminations n’implique absolument pas qu’il y ait des privilèges. Le fait de n’être pas contrôlé par la police en raison de son faciès n’est pas un privilège mais un droit. La lutte contre les discriminations est une lutte pour l’application du droit et en aucun cas une lutte pour abolir un privilège. Ce qui reviendrait dans le cas évoqué précédemment à accroître l’arbitraire policier. Ce que personne ne désire, je présume. Même Peggy McIntosh, qui popularise le concept en 1988 dans un texte intitulé White Privilege and Male Privilege (on remarquera l’absence significative de toute référence à la classe sociale), reconnaît que le mot « privilège » est inapproprié, même si elle le conserve.
Par ailleurs, l’expression pourrait conduire à se donner une représentation complètement fantaisiste de la hiérarchie sociale. Le cariste « blanc » de Lens ou l’ASH « blanche » de Sochaux sont-ils privilégiés par comparaison avec l’universitaire ou le journaliste « racisé » (sic) parisien ? De quel côté se situent le capital économique, le capital culturel et le capital social ? Les avantages ou désavantages doivent être pensés « toutes choses égales par ailleurs ». Et il faut bien avouer qu’il est rare de lire cette précision.
Mais il faut aller au-delà des confusions théoriques et penser ce concept en tant qu’outil politique. Quels effets attendre de l’usage d’une telle expression ? Sans doute, pourra-t-elle susciter la culpabilité de quelques uns. Le concept trouvera peut être un écho auprès de ceux qui vivent très confortablement (c’est le cas de Peggy McIntosh). Ils préféreront sans doute que leur privilège social soit décrit en terme de « race », plutôt qu’en terme de classe. Mais surtout, cette invitation à reconnaître publiquement son privilège sera une manière pour eux de se donner bonne conscience à peu de frais. En dénonçant leur privilège, ils percevront un « salaire psychologique », ils feront la démonstration de leur appartenance à une élite blanche très distinguée, consciente et toute dévouée à la justice.
En revanche, il y a fort à parier que dans les classes populaires, où l’on ne part pas en vacances, où l’on a du mal à se chauffer, la rhétorique du « privilège blanc » risque de n’avoir aucun effet positif. Elle va au contraire attiser la haine et le ressentiment, accroître les tensions entre fractions des classes populaires. L’incapacité à entrevoir ces conséquences tout à fait prévisibles en dit long sur la distance que les partisans du concept de « privilège blanc » entretiennent avec le populaire et sur leur irresponsabilité sociale.
LTR : Il y a quelques années en arrière, la notion de race était fortement prohibé, car son usage validait en creux l’idée d’une division de l’humanité en groupes hermétiques. Or, comme vous le montrez, son utilisation dans le champ politique est revenue en force, et avec une légitimité nouvelle. Quel regard portez-vous sur ce nouveau racialisme ?
F.G :
Bien sûr, il ne faut pas s’imaginer naïvement que le refus d’employer la catégorie de « race » mettra fin au racisme. Mais n’ayons pas la naïveté symétrique consistant à croire que son emploi permettra de faire reculer le racisme. Si l’utilisation de la catégorie de « race » avait une quelconque vertu antiraciste, alors le racisme aurait dû disparaître depuis longtemps aux États-Unis, tant le discours public y est saturé de référence à la « race » (on y vend même des médicaments « Black only ») .
La catégorie de « race » ne semble en réalité guère utile. Nous disposons d’autres mots pour penser le réel : « racisme » et « racialisation » en particulier. Qu’apporte la catégorie de « race » ? Rien. Ou alors de la confusion. « On lui a refusé un emploi par racisme » est une formule absolument claire, la formule « On lui a refusé un emploi en raison de sa race » ne l’est pas. On reprendra ici l’analyse de Barbara J. Fields et Karen E. Fields dans Racecraft ou l’esprit de l’inégalité aux États-Unis. Le passage de la première formule à la seconde correspond à ce qu’elles qualifient de « manœuvre race-racisme » : « déguisé en race, le racisme devient quelque chose que les Afro-américains sont, plutôt que quelque chose que les racistes font. Cette imposture, cela fait longtemps que les racistes et les apologistes du racisme ont su en tirer parti » (2021, p. 141). Par ailleurs, aucune précaution savante, ni les guillemets autour du mot « race », ni l’ajout de la formule « construction sociale », n’empêchera que ce terme soit entendu en un sens biologisant ou lourdement déterministe, hors des cercles académiques.
Mais le problème essentiel est politique : la promotion de la catégorie de « race » va souvent avec la promotion de la division « blancs / non-blancs » comme principe de division du monde social que devrait adopter la lutte contre le racisme. Envisager le racisme de la sorte, c’est se mettre en bien mauvaise posture. En effet, cette ligne de division du social est déjà mobilisée par d’autres forces politiques.
C’est d’abord évidemment la division mise en avant par le RN et avant lui le FN. L’extrême-droite nationaliste pose que le monde social est divisé en « français et arabes », voire en « français et musulmans ». Sur cette division, le RN a un double avantage : il en parle depuis 50 ans et il peut se prévaloir de la majorité. Un antiracisme dénonçant la majorité blanche a perdu d’avance. Adopter cette division, c’est donc incontestablement se situer sur le terrain le plus favorable à l’adversaire.
Ce principe de division est aussi celui de l’extrême-droite musulmane, qui oppose l’Occident matérialiste à la spiritualité de la communauté religieuse. Le discours antiraciste peut alors aisément servir de paravent à des menées théologico-politiques. En témoigne le média qatari en ligne AJ+ (Al Jazeera) qui fait le procès permanent des pays occidentaux en adoptant le discours des militants antiracistes, intersectionnels et féministes (alors même qu’au Qatar, l’homosexualité est illégale et punie de mort, que les travailleurs migrants sont traités comme des esclaves et que les femmes demeurent sous l’autorité d’un tuteur masculin pour les décisions essentielles de leur vie). Mais surtout, un tel discours antiraciste se condamne à une position acritique à l’égard de cette extrême-droite musulmane puisque critiquer ces Non-blancs serait tirer contre son camp. L’antiracisme prête alors le flan à une accusation facile : il pratiquerait un « deux poids, deux mesures », critiquant l’extrême-droite seulement lorsqu’elle est nationaliste et s’abstenant de toute critique dès lors qu’elle est musulmane.
LTR : Le marxiste que vous êtes revient souvent à la mise en concurrence conceptuelle de la « classe » vis-à-vis de la « race ». Pourquoi cette lecture est-elle importante ?
F. G :
C’est une question difficile et pleine de malentendus. La tradition marxiste a beaucoup été critiquée pour avoir avancé « la primauté de la question des classes ».
Il y a une manière irrecevable d’interpréter cette affirmation (et il est certain que des organisations se réclamant du marxisme et du socialisme ont pu avoir une telle lecture). Celle consistant à faire des mots « race » et « classe » le nom de groupes sociaux distincts, le mot « race » désignerait un groupe social (les Noirs, les Non-Blancs, etc.), tandis que le mot « classe » en désignerait un autre (les travailleurs blancs). S’il fallait entendre les mots en ce sens-là, la thèse de la primauté de la classe ne serait rien d’autre qu’un racisme déguisée.
L’idée de primauté a plusieurs sens. Elle peut vouloir dire que l’idéologie raciale, aux États-Unis par exemple, est née dans le contexte d’un rapport de classe. C’est ce que rappelle Barbara et Karen Fields, et avant elles, Theodore W. Allen ou Eric Williams. L’idéologie raciste n’apparaît que bien après les débuts de l’esclavage. Il faut des décennies pour que l’idéologie raciste se constitue. Pour Théodore W. Allen, l’invention de la « race » eut des motivations politiques : prévenir l’alliance des travailleurs blancs et noirs qui avaient menacé le pouvoir des planteurs lors de la révolte de Bacon en 1676 en Virginie. Il faut donc bien partir du contexte de classe pour comprendre l’idéologie raciste, en ajoutant bien sûr que l’idéologie peut ensuite rétroagir sur le contexte.
C.L.R. James, dans les Jacobins noirs, avance lui aussi l’idée de la primauté de classe pour expliquer que les solidarités entre groupes sociaux lors de la révolution de Saint-Domingue ont, d’abord et avant tout, été des solidarités de classe, et marginalement des solidarités raciales. Pour James, « race » et classe ne renvoient donc pas à des groupes sociaux, mais aux motivations qui poussent des groupes à agir. Ainsi, les hommes de couleur propriétaires d’esclaves, en s’opposant à l’abolition de l’esclavage, ont agi en tant que propriétaires, donc en suivant leur intérêt de classe, et non en tant qu’hommes de couleur, suivant leur « affinité raciale » avec les esclaves.
Si l’on se fixe pour horizon le socialisme, ce que fait James, alors il faut agir en tant que classe. Et de cette primauté de la classe bien comprise découle une conséquence nécessaire : la lutte contre le racisme est centrale puisque le racisme divise la classe et empêche une fraction des travailleurs d’agir en tant que travailleur.
LTR : Que peut proposer de nos jours l’antiracisme socialiste que vous appelez de vos vœux, et qui dispose déjà d’une forte tradition historique ?
F.G :
La tradition du mouvement ouvrier semble offrir des perspectives intéressantes. A condition, bien sûr, qu’elle fasse l’objet d’une réflexion autocritique pour se débarrasser de certaines tendances. Par exemple, la tendance à surestimer l’homogénéité de la classe des travailleurs, à sous-estimer ses luttes internes. La tendance parfois, aussi, à se donner une image idéalisée des travailleurs qui seraient imperméable au racisme.
Ce que cette tradition propose d’abord, c’est un cadre d’analyse matérialiste du racisme. Le racisme est pensé à partir des inégalités mondiales et des rapports centre / périphérie à l’échelle mondiale ou régionale. On peut dégager deux contextes du racisme. Contexte 1 : lorsque le centre investit les périphéries (colonialisme, dépendance, néocolonialisme, etc.). Contexte 2 : lorsque les périphéries migrent vers le centre (migrations postcoloniales, mais pas seulement). Dans ce deuxième cas, les populations concernées par la migration s’intègrent souvent d’abord aux échelons les plus bas de la structure de classe nationale si bien que leur destin devient indissociablement, dans des proportions variables, une affaire de classe et une affaire de racisme.
Point important : la relation entre le contexte 1 et le contexte 2 n’est pas mécanique, le racisme 2, s’il peut entretenir un certain rapport avec le racisme 1, ne s’en déduit pas. Il se nourrit d’autres causes. Celles qui conduisent au racisme dans le contexte 1 ne sont pas les mêmes que celles qui agissent dans le contexte 2.
L’intellectuel marxiste Alex Callinicos le disait en ces termes : « Le racisme est […] la créature de l’esclavage et du colonialisme. […] Mais le racisme d’aujourd’hui ? Arrêter l’analyse à ce stade signifierait considérer le racisme contemporain comme une sorte de vestige du passé, qui aurait réussi à survivre à l’abolition de l’esclavage et à l’effondrement des empires coloniaux » (« Racisme et lutte de classes »). Le racisme présent se nourrit des divisions liées aux migrations de forces de travail et aux ségrégations urbaines imposées à cette fraction de la classe des travailleurs.
Bref, cette analyse est matérialiste jusqu’au bout. Quand d’autres le sont seulement pour expliquer l’avènement du racisme, avant de postuler de façon idéaliste sa reproduction automatique tout au long de l’histoire, sans qu’aucune cause nouvelle ne vienne nourrir l’idéologie.
LTR : Dans une époque morcelée entre un fascisme de moins en moins discret, et un racialisme fragmentaire, que doit faire la gauche pour recréer un bloc populaire unifié, et porter à la fois un discours antiraciste crédible, et des promesses sociales universelles ?
F.G :
La tâche est difficile. Il faut proposer un discours antiraciste qui prenne ses distances résolument avec la division « blancs / non-blancs ». Il faut faire en sorte que les mots et les concepts de l’antiracisme n’avivent pas les tensions entre fraction des classes populaires. Sans cependant mettre sous le tapis ces mêmes tensions. C’est là où les concepts de classe et de fractions de classe peuvent être utiles. Ils permettent de dire ce qui est commun sans nier les différences.
Il faut aussi tenter de retirer à l’extrême droite son pouvoir d’attraction dans les classes populaires. Non pas en diabolisant, en criant au fascisme, mais en prenant connaissance des discours de ceux qui votent pour l’extrême-droite ou ceux qui se sentiraient prêts à le faire. Un seul exemple la question de l’insécurité. C’est une question posée par les classes populaire, y compris dans les quartiers populaires. Qui peut imaginer sérieusement que des parents ne soient pas inquiets pour eux mêmes ou pour leurs enfants lorsqu’il y a du trafic dans le quartier ou à proximité de l’école ? Plutôt que de contester l’interprétation raciste, la gauche a trop souvent préféré nier ou minimiser le problème, allant jusqu’à considérer que ce thème était un thème de droite.
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