L'État et les grandes transitions
Fin de vie : quitte à légiférer, ne le faisons pas à moitié
« Nous sommes tous concernés, par essence, par la fin de vie. »
Emmanuel Macron, le 3 avril 2023 lors de la remise du rapport de la convention citoyenne sur la fin de vie.(1)
Voilà. C’est avec cette idée, ancrée en chacun d’entre nous, qu’Emmanuel Macron a mis (pour de bon) la fin de vie à l’agenda politique. Si le sujet est maintenant au cœur du débat public, il faut souligner que ce n’est pas la première fois qu’il anime notre vie politique. Depuis 2016 et la loi « Claeys-Leonetti »(2), qui régit la prise en charge de la fin de vie en France, les propositions de loi et rapports sur le sujet vont bon train. Rien qu’au cours de la dernière législature, c’est ni plus ni moins que 4 propositions de loi (3)(4)(5)(6) qui ont été déposées afin de légaliser l’aide active à mourir (3 à l’Assemblée nationale et 1 au Sénat). De l’autre côté, les sondages soulignent depuis plusieurs années que les Français et Françaises souhaitent que l’aide active à mourir soit mise en place dans notre pays. En février 2022, ils étaient 94% à être favorable à la légalisation de l’euthanasie(7). 89% en ce qui concerne l’assistance au suicide(7). Ce soutien massif des Français et des Françaises à la mise en place de l’aide active à mourir ne date, par ailleurs, pas d’hier. Depuis 2010, l’ensemble des enquêtes de l’IFOP sur la fin de vie ont toujours obtenu plus de 90% de réponse favorable à la légalisation de l’euthanasie(7). Seul le dernier sondage de l’institut sur le sujet, datant d’avril 2023, a donné des résultats plus mesurés, avec 70% des sondés en faveur de l’instauration de l’aide active à mourir(8). Quoi qu’il en soit, on ne peut que constater qu’à minima deux tiers des Français et Françaises souhaitent que la loi évolue en la matière.
C’est donc très logiquement que nous sommes désormais passés à une nouvelle étape. Celle de l’action. Notre législation concernant la fin de vie va évoluer dans les prochains mois. Tout le monde, citoyens, professionnels de santé et responsables politiques, sait que l’heure est venue que nous passions un cap sur le sujet. Emmanuel Macron lui-même, malgré ses réticences personnelles, a compris qu’il était vain de garder plus longtemps ce sujet sous le tapis. Sous la houlette de Claire Thoury(9), la Convention citoyenne pour la fin de vie a tenu ses promesses. Par la délibération, l’échange et l’écoute, cette dernière a rendu un avis clair et précis qui guide dorénavant tous les débats sur le sujet : oui, il faut mettre en place une aide active à mourir. Comprenant que « cette production citoyenne n’est pas un énième rapport »(9) sur la fin de vie, le Président de la République a annoncé qu’un projet de loi allait être proposé à la « fin de l’été 2023 »(1). Ce dernier a pour objectif de construire le « modèle français » de la fin de vie(1), un modèle qui serait encadré par « des lignes rouges » à ne pas franchir(1).
C’est dans ce contexte particulier que cette note se positionne. Il est inutile de débattre à nouveau du bien-fondé ou non, de l’aspect éthique ou immoral de la légalisation de l’aide active à mourir. Ce débat a déjà eu lieu, à de multiples reprises, et a été tranché de longue date dans les consciences de nos concitoyens. L’idée n’est pas « de dire que certains ont tort et que d’autres ont raison »(10) ou qu’ « un consensus absolu »(10) existe sur le sujet. Simplement, il apparaît important de rappeler qu’un avis plus que majoritaire existe dans notre société sur ce point et qu’il doit être respecté.
Inutile également de revenir sur le sujet (pourtant ô combien important) des investissements massifs que nous devons réaliser en matière de soins palliatifs pour que la France dispose d’un système palliatif digne de ce nom. Pour comprendre la gravité de la situation, un simple rappel des chiffres suffit. Fin 2021, 21 départements français ne disposaient toujours pas du moindre service de soins palliatifs(11). A la même période, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFASP) estimait que, faute de moyens, seulement 30% des patients qui en avaient besoin ont effectivement eu accès à des soins palliatifs(12). Nous ne parlons même pas des lacunes abyssales qui existent en matière de culture et de recherche médicale sur le sujet ou en matière de déploiement des soins palliatifs hors de l’hôpital, en EHPAD ou à domicile. Alors que 82% des Français et Françaises souhaitent mourir chez eux(13), ces divers points ne pourront être indéfiniment ignorés sur l’autel de la sainte rigueur budgétaire de Bercy. Si le Président a annoncé la mise en place prochaine d’« un plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et le développement des soins palliatifs, avec les investissements qui s’imposent »(1), il est plus qu’incertain que ce dernier advienne demain. Alors que le Gouvernement souhaite réaliser 15 Milliards d’euros d’économies sur le prochain budget(14), le moins que l’on puisse dire, c’est que le doute est permis. Dans ce monde novlanguien où la macronie dit tout et son contraire, nous sommes loin de voir advenir le modèle de soins palliatifs que nous appelons de nos vœux.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, le débat public sur la fin de vie se cristallise autour des conditions, critères et principes sur lesquels va se construire ce fameux « modèle français » de la fin de vie. Plusieurs points cruciaux, pour les personnes prises en charge comme pour les soignants, n’ont aujourd’hui pas été tranchés. Afin d’éviter de reproduire les erreurs du passé et permettre qu’advienne une loi qui fasse (autant que possible) consensus, nous avons besoin d’un modèle cohérent et global. Ce dernier doit permettre à chacun d’imaginer de manière apaisée sa fin de vie, sans pour autant que les soins qui y sont associés soient sources de mal-être pour les professionnels de santé. Face aux craintes multiples et légitimes qui existent sur ce sujet, ce texte souhaite proposer un modèle fondé avant tout sur l’humain et répond clairement aux interrogations concrètes concernant le futur modèle de l’aide active à mourir à la française. Car, quitte à légiférer, autant le faire vraiment et correctement.
Partir de l’existant et élargir le public concerné
Pour imaginer un nouveau modèle, mieux vaut connaître l’actuel. En l’occurrence, l’actuel « modèle français » de la fin de vie, c’est celui des lois Leonetti(15) et Claeys-Leonetti(2). Adoptées en 2005 et 2016, ces deux lois ont permis l’instauration des principaux mécanismes en vigueur en matière de fin de vie dans notre pays. Création des directives anticipées (DA)(16) et de la personne de confiance(17), clarification des conditions de l’arrêt des traitements au titre du refus de l’obstination déraisonnable(18), mise en place d’une procédure de « sédation profonde et continue jusqu’au décès »(19) (SPCJD) accessible à toute personne dont le pronostic vital est engagé à court terme… Indéniablement, ces lois ont représenté de véritables avancées pour une fin de vie plus digne, apaisée et accompagnée en France. Reconnaître l’importance de ces lois est primordial. Demain, l’expérience et la pratique de ce modèle ne devra pas être reniée. C’est en partant de l’existant que pourra advenir une prise en charge équilibrée qui ne reproduit pas les problèmes actuels sur le sujet.
Car oui, s’il ne faut pas jeter l’opprobre sur les lois Leonetti et Claeys-Leonetti, il est nécessaire de constater les limites de ces deux textes. La première de ces limites, qui en induit d’autres, est qu’elles sont méconnues par la plupart de nos concitoyens. Puisque ces deux lois sont inconnues du grand public, les mécanismes qu’elles instaurent le sont également. Ainsi, selon une enquête d’octobre 2022 du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV)(20), seuls 18% des Français et des Françaises es connaissent les DA (33 % pour les plus de 65 ans) et moins de 8 % de nos compatriotes les ont rédigées ! Problème, les DA sont un élément central de notre modèle actuel. Dans les cas où le patient est inconscient (donc incapable de stipuler lui-même sa volonté concernant la prise en charge de sa fin de vie), ce sont les DA qui font autorité, ces dernières ayant un caractère contraignant pour le corps médical. Or, en l’absence de DA, les soignants et les proches du patient se retrouvent dans une situation délicate où les opinions de chacun peuvent s’affronter, au détriment de l’intérêt du patient. Le cas de Vincent Lambert en est l’exemple parfait(21). N’ayant pas écrit ses DA ou désigné de personne de confiance, il s’est retrouvé au milieu d’une terrible querelle entre ses proches et a vu ses jours être éternisés plus que de raison. Devant le cas de l’ancien infirmier, resté près de 11 ans dans un état végétatif, il est évident que la méconnaissance de l’existence des DA par les Français et les Françaises représente un défaut majeur du modèle actuel.
Pour remédier à ce problème, et face aux échecs des différentes campagnes de communication qui ont été impulsées sur le sujet, il est nécessaire que soit instauré une dynamique d’échanges obligatoire sur le sujet entre soignants et patients. D’abord à caractère incitatif avant 18 ans, ces échanges sur les DA deviendraient, selon le modèle ici proposé, obligatoire après 18 ans pour tous les professionnels de santé si aucunes DA n’ont été rédigé par le patient pris en charge. Afin que les soignants sachent facilement si une personne a rédigé ses DA, un système de poinçonnage sur la carte vitale serait instauré. Ce poinçonnage serait réalisé par l’Assurance maladie pour toute nouvelle carte vitale transmise après la rédaction des DA ou par le soignant au moment du recueil par ce dernier de la DA (avec un outil de poinçonnage transmis là aussi par l’Assurance maladie).
Concernant l’échange à proprement parler, ce dernier suivrait la logique suivante :
- Après chaque prise en charge et demande de la carte vitale, les démarches suivantes doivent être entreprises :
- Si l’absence de DA est constatée par le médecin traitant du patient, alors ce dernier est dans l’obligation de démarrer une discussion avec la personne concernée afin qu’elle exprime ses DA. Une fois exprimée, le médecin inscrit ces dernières dans le Dossier Médical Partagé (correspond à Mon espace Santé) du patient avec ce dernier. Dans ces cas de figure, il serait possible que l’inscription dans le Dossier Médical Partagé soit déléguée à un personnel administratif après l’échange(22)
- Si l’absence de DA est constatée par un autre professionnel de santé ou un médecin généraliste qui n’est pas le médecin traitant du patient, alors il n’est pas obligé de récolter ses DA mais peut le faire s’il le souhaite. Cependant, si le soignant concerné ne souhaite pas réaliser cette procédure de dialogue, il est dans l’obligation de référer au médecin traitant du patient l’absence de DA pour ce dernier afin qu’il sache qu’il s’agit d’un sujet devant être aborder lors de leur prochain rendez-vous.
- Si le patient en question ne dispose pas de médecin traitant, alors tout médecin généraliste qui le prend en charge se voit dans l’obligation de récolter ses DA. Les autres professionnels de santé, quant à eux, ne sont soumis à aucune obligation dans ce type de situation.
- À la suite de la rédaction des DA, une procédure de rappel est lancée par l’Assurance maladie dans chaque CPAM. Sur un modèle très similaire à celui de l’Etablissement français du sang(23), les personnes concernées sont ainsi recontactées tous les 5 ans par les services de l’Etat pour s’assurer que ces dernières ont toujours les mêmes volontés concernant leurs DA.
- Enfin, si un individu n’a toujours pas de DA après ses 25 ans (ce qui serait exceptionnel vu le dispositif ici imaginé), alors la plateforme de rappel de l’Assurance maladie que nous venons de présenter a pour mission de contacter ce dernier, à intervalles réguliers, afin de récolter ses DA.
Par le biais de cette procédure simple, opérationnelle et obligatoire, nous nous donnons les moyens d’atteindre un objectif ambitieux mais nécessaire : s’approcher des 100% de Français et de Françaises ayant rédigé leurs DA.
Outre cette importante limite concernant les DA, un autre point sensible pose problème. Il s’agit du public concerné par la législation actuelle. Aujourd’hui, la loi autorise la SPCJD uniquement pour les personnes touchées par « une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme »(2) lorsque ces dernières « présente[nt] une souffrance réfractaire aux traitements »(2) ou lorsque la dégradation rapide de leurs états de santé provoque ou va provoquer « une souffrance insupportable »(2). S’il est louable d’avoir inscrit dans la loi l’idée de préserver les individus d’une « souffrance insupportable »(2), il apparaît immoral de limiter cette volonté aux seules personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme. Aujourd’hui, notre pays fait face à une situation où des personnes souffrant de maladies incurables et qui vont connaître une forte dégradation de leurs états de santé ne peuvent avoir accès à une SPCJD. Les personnes souffrant de maladies invalidantes et incurables de type neurodégénératives ou cancéreuses(24) sont ainsi mises de côté par notre législation. Presque cyniquement, elles sont ainsi obligées d’endurer, pendant plusieurs mois ou années, des douleurs toujours plus insupportables ; de subir la dégradation constante de leur état de santé pour que, finalement, à la toute fin, la puissance publique accepte de bien vouloir les soulager. Laisser ces personnes dans ces situations et leur refuser d’éviter ces souffrances est anormal. Chacun est libre de choisir, une fois la maladie incurable constatée, s’il souhaite continuer à vivre ou si, au contraire, il souhaite partir et s’épargner des souffrances futures.
Pour cette raison, il est indispensable que la prochaine législation en la matière supprime l’obligation du pronostic vital engagé à court terme. Les personnes dont le pronostic vital est engagé à moyen terme ont le droit d’accéder à une fin de vie digne et accompagnée. Rien ne justifie de soulager les uns et de ne pas soulager les autres. Quand la maladie conduit inéluctablement à la mort, rien ne justifie d’attendre le dernier moment pour répondre aux désirs des personnes concernées. Quand la maladie fait souffrir et que l’on ne peut la soigner, répondre aux demandes des malades est la seule chose qui compte véritablement. Car, quitte à légiférer, autant le faire pour répondre aux désirs des personnes dont les jours sont comptés.
Quitte à légiférer, autant aller jusqu’au bout : l’euthanasie plutôt que l’assistance au suicide
Comme nous l’avons dit, la mise en place d’une aide active à mourir va avoir lieu en France. Si débat il n’y a pas sur ce point, cela est loin d’être le cas concernant la nature de cette aide. 2 possibilités existent aujourd’hui : l’assistance au suicide et l’euthanasie. L’assistance au suicide consiste en une prise en charge médical de la fin de vie du patient mais, dans ce cas de figure, l’administration de la solution létale est réalisée par le patient lui-même. C’est donc le patient qui met fin à ses jours. L’euthanasie consiste, elle, en la même chose à la seule différence que l’administration de la solution létale est faite par une personne tierce, en l’occurrence un soignant. Le patient consent donc à sa mort mais n’est pas celui qui se la donne. Entre assistance au suicide et euthanasie, ce sont donc deux approches de la fin de vie qui s’affrontent : faut-il aller au bout de la logique d’assistance et permettre aux personnes de « déléguer » leur suicide à une autre personne ou bien faut-il que l’individu conserve une part de responsabilité et soit donc celui qui se tue.
Face à ce dilemme, le présent modèle fait le choix de l’euthanasie.
Pourquoi ?
D’abord parce que l’euthanasie permet de répondre à toutes les situations dans lesquelles un droit à la fin de vie peut être invoqué. En effet, les personnes inconscientes, paralysées ou en incapacité de s’administrer elles-mêmes un produit létal ne peuvent pratiquer une assistance au suicide. De facto, ces cas conduisent à la mise en place de procédures d’exception autorisant l’euthanasie pour les personnes concernées(25). Faire le choix de l’assistance au suicide, c’est décidé d’instaurer une législation où du flou peut apparaître concernant le fait de savoir si tel ou tel cas est sujet à une assistance au suicide ou à une euthanasie. Face à cela, nous préférons un modèle simple et lisible de tous : l’euthanasie.
Ensuite car l’euthanasie est ce qui se rapproche le plus de la logique de SPCJD. Si le recours à la SPCJD est aujourd’hui très rare, la légalisation de l’euthanasie s’inscrit dans la continuité du cadre actuel. En effet, pour la SPCJD comme pour l’euthanasie, ce sont les soignants qui administrent la solution qui provoquent le décès(26). Cette continuité permettra au nouveau « modèle français » de la fin de vie de s’appuyer sur les apprentissages et pratiques déjà emmagasinés avec la SPCJD. Les connaissances et la formation en soins palliatifs accusant un fort retard dans notre pays, il est primordial que le futur modèle de la fin de vie ne conduise pas à une approche trop différente de celle actuelle.
Faire le choix de l’euthanasie, c’est donc faire le choix de la continuité des savoir-être et des savoir-faire qui se sont développé ces dernières années dans notre pays. Faire le choix de l’assistance au suicide c’est, au contraire, prendre le risque de lancer les soignants dans un tout nouveau type de procédure. Faire ce choix, c’est prendre le risque que des erreurs, des mauvaises pratiques émergent au début du nouveau « modèle français » de la fin de vie. Pour éviter cela, la légalisation de l’euthanasie nous semble préférable. La légalisation de l’euthanasie est également le meilleur moyen de répondre à une crainte majeur des soignants : celle d’outrepasser le cadre défini par la loi(11). C’est ce qui se passe aujourd’hui avec la loi Claeys-Leonetti et qui explique, en partie, la faible utilisation de la SPCJD. La frontière entre la SPCJD et l’euthanasie étant perçue comme floue, les soignants ont aujourd’hui une vraie crainte de dépasser le cadre légal et donc de faire l’objet de poursuites judiciaires. Avec l’euthanasie, les soins terminaux dispensés par les professionnels de santé deviennent lisibles et ne peuvent être sujet à interprétation. Conséquence, les soignants seront mieux protégés et pourront soulager efficacement les patients.
Enfin (et surtout), si nous prônons l’euthanasie plutôt que l’assistance au suicide, c’est pour une idée simple : quitte à mettre en place une aide active à mourir, autant aller jusqu’au bout de la démarche. Sur ce point, une explication s’impose.
L’aide active à mourir répond à un idéal moral, celui de soulager les personnes en fin de vie de toutes leurs souffrances afin qu’ils puissent partir de façon apaisée. Or, si l’assistance au suicide permet d’abréger les souffrances physiques de la personne concernée, il ne répond en rien à celles psychologiques qui peuvent naître lors d’une telle épreuve. En obligeant les personnes à s’administrer elle-même une solution létale, l’assistance au suicide fait le choix de ne pas les accompagner jusqu’au bout et les laissent seules face à leurs souffrances morales autour du fait « de se donner la mort ». Pour le dire crument, les personnes souffrant de maladies incurables et qui souhaitent user de l’aide active à mourir plutôt que des formes « classiques » du suicide le font justement pour ne pas avoir à se retrouver, psychologiquement et moralement, devant les souffrances importantes liés au fait de mettre fin à ses jours. Sauter dans le vide de « la vie après la mort » est vertigineux, effrayant et angoissant. C’est l’inconnu qui nous attend, l’endroit d’où l’on ne revient pas. Toutes et tous nous savons combien l’arrivée de la mort peut être éprouvante et combien être apaisé moralement à la fin de son existence est un objectif hardi auquel il n’est pas facile d’avoir accès. C’est pour cette raison que nous ne pouvons-nous satisfaire d’une solution qui ne soulage pas psychologiquement les personnes prises en charge(27), surtout que 77% des Français et des Françaises souhaitent être soulagés sur ce point lors de leurs fins de vie(20). Au contraire, l’euthanasie, en déléguant l’administration de la solution létale à un soignant qualifié, permet aux personnes concernées de ne plus avoir à porter (totalement du moins) le poids de se donner la mort. Avec l’euthanasie, nous allons au bout des choses en réduisant, autant que possible, les souffrances psychologiques des patients qui vivent leurs derniers souffles. Avec l’euthanasie, nous cherchons à soulager les personnes qui vont mourir sur tous les plans.
Mais si nous cherchons à épargner les patients en fin de vie de leurs souffrances, il est également nécessaire de ne pas créer des souffrances et du mal-être chez les soignants. Aujourd’hui, l’aide active à mourir fait consensus dans le corps médical. Problème, elle fait consensus contre elle. Ce rejet est particulièrement fort au sein de la famille des soins palliatifs. Selon une étude d’opinion commandée par la SFASP en septembre 2022, 85% des acteurs français du soins palliatifs déclarent être défavorables à l’idée de provoquer intentionnellement la mort d’un patient(28). Dans le cadre de cette enquête, 34% des soignants énonçaient également qu’ils démissionneraient s’ils devaient demain réaliser une injection létale à un patient et 35% qu’ils feraient usage de la clause de conscience pour ne pas avoir à pratiquer un tel soin(28),(29). Il existe donc un réel risque que l’évolution de la loi en la matière provoque une cassure profonde entre les citoyens et les professionnels de santé. Alors qu’il nous faut redoubler d’efforts pour doter notre pays d’un système de soins palliatifs dignes de ce nom, cette menace ne doit pas être ignorée. Quand seul 6% des médecins et infirmiers se disent prêt à réaliser l’euthanasie d’un patient(28), il est nécessaire de réfléchir à une solution qui évite que soignants et personnes en fin de vie aient des aspirations contradictoires. Ce n’est pas en construisant sur de la discorde que nous pourrons faire advenir le modèle de la fin de vie apaisée que nous appelons de nos vœux. L’identité du soignant en charge de ces soins ultimes est donc primordiale.
Le soignant qui nous accompagne jusqu’à la fin, c’est celui dont on est le plus proche : la place centrale du médecin traitant
Face à cette question, une réponse s’impose : une fin de vie apaisée allant de pair avec la présence de ses proches, il faut que le soignant administrant la solution létale soit également proche du patient. C’est pour cette raison que le médecin traitant est le soignant le plus à même de réaliser ce soin ultime.
Le modèle ici présenté fait du médecin traitant sa pierre angulaire. C’est lui qui, idéalement, aborde le sujet de la fin de vie et récolte les DA de la personne concernée. C’est lui qui, du fait de la régularité de ses échanges avec le patient, a la capacité de bien le connaître, notamment concernant ses convictions et aspirations autour de la fin de vie. Enfin, c’est lui qui, du fait de sa connaissance de la personne concernée et de ses souffrances, est le plus capable de le comprendre et donc, comme le souhaite les proches d’un patient faisant face à des « souffrances insupportables », de souhaiter abréger ses souffrances. Il est donc raisonnable de penser qu’il s’agit de la personne la mieux placée pour pratiquer, avec humanité et apaisement, le dernier soin de son patient.
La fin de vie est un moment particulier dans lequel l’entourage compte grandement. Pour le patient, savoir qu’un professionnel de santé qu’il connaît de longues dates s’occupent de sa mort est un élément d’une grande importance. Pour le médecin traitant, sans pour autant penser qu’il s’agit d’un acte « facile » ou « banal », il est le professionnel de santé pour lequel ce type de lien sera le moins douloureux. En connaissant son patient et la souffrance qu’il endure, le médecin traitant est le professionnel de santé le plus en capacité de comprendre, au plus profond de son être, qu’il ne tue pas quelqu’un mais qu’il le libère. C’est par ce lien de proximité entre soignants et patients que le présent modèle créer de l’apaisement autour des actes d’euthanasie. C’est également grâce à ce lien que les médecins traitants pourront demain avoir une bonne perception de l’environnement familial et humain qui entoure le patient afin d’éviter des « dérives »(30).
Dans le détail, la prise en charge des soins terminaux serait donc réalisée par le médecin traitant de la personne concernée. Ces actes médicaux pourront être réalisés au domicile du patient (particulièrement pour les pronostics vitaux engagés à moyen terme) mais également en soin palliatif (particulièrement pour les pronostics vitaux engagés à court terme). Afin de respecter les convictions de chacun, une clause de conscience sera à la disposition des médecins généralistes qui ne souhaitent pas pratiquer l’euthanasie. Sur un modèle similaire à l’IVG, l’application de cette clause serait conditionnée à l’information préalable du patient par le médecin lui-même de l’activation de cette clause de conscience par ce dernier(31). À la suite de cette information, le médecin traitant aura également l’obligation de référer à l’Assurance Maladie qu’il fait valoir sa clause de conscience. Cela conduit à l’ouverture d’une procédure par la CPAM du département en question. Cette dernière vise à ce que la puissance publique (par le biais du système de rappel téléphonique et de mailing dont nous avons parlé précédemment) puisse proposer un autre professionnel de santé au patient concernée. Cette démarche doit permettre à ce dernier de choisir qui lui donne la mort et d’entreprendre, s’il le souhaite, des démarches afin de mieux connaître le soignant en question.
Cependant, si le médecin traitant est, par principe, le professionnel de santé privilégié pour réaliser l’euthanasie des patients qui le souhaitent, il n’est pas le seul que la nouvelle législation autoriserait à pratiquer ce type de soins. Dans notre modèle, l’ensemble des soignants disposant d’un statut de médecin (qu’il soit généraliste ou spécialisé) ont également la possibilité de pratiquer l’euthanasie, tout comme les infirmières en pratique avancée (IPA) lorsqu’un suivi régulier existe entre elles et le patient(32). Ainsi, les patients qui le souhaitent peuvent, à tout moment, écrire un courrier à leur CPAM ou réaliser une démarche en ligne (sur Mon espace santé) pour demander que le soignant en charge de leur décès ne soit pas leur médecin généraliste. Dans ces cas de figure, après étude de la compatibilité statutaire du soignant concerné par cette demande, une demande de confirmation d’acceptation de la demande est envoyée au professionnel de santé afin que ce dernier confirme qu’il accepte cette tâche. C’est uniquement une fois la confirmation transmise par le soignant à sa CPAM (par courrier) ou à l’Assurance maladie (sur Mon espace santé) que le professionnel de santé référent pour la fin de vie de la personne concernée change.
Enfin, afin de compléter ce dispositif, le présent modèle prévoit une procédure d’urgence. Cette dernière doit permettre, dans les cas où le pronostic vital est engagé à court terme et qu’un imprévu dans la prise en charge de l’euthanasie du patient est constatée(33), alors le patient ou sa personne de confiance (si le patient est inconscient) dispose de la possibilité de désigner rapidement un nouveau soignant en charge de l’euthanasie de la personne concernée. Cette désignation d’urgence est matérialisée par un accord signé par le professionnel de santé et le patient (ou son représentant) et se fait alors sans validation de la part de l’Assurance maladie(34). Dans ce type de situation, on peut notamment imaginer que c’est le médecin chargé du service palliatif où la personne est accueillie qui s’occupe de l’administration des soins terminaux de l’individu en question.
Massification des directives anticipées ; élargissement du public pouvant accéder à des solutions létales en cas de pronostic vital engagé ; euthanasie plutôt que l’assistance au suicide ; administration de l’aide active à mourir par un soignant proche du patient… Voici les principales lignes que ce modèle propose afin qu’émerge, demain, une vraie logique de fin de vie apaisée et accompagnée dans notre pays.
Alors que le débat parlementaire sur le futur « modèle français » de la fin de vie approche, espérons que les solutions ici apportées servent de guide à toutes celles et ceux qui souhaitent qu’advienne un idéal humaniste, empathique et tendre de la prise en charge de la fin de vie en France. |
Notes et références :
(1)(2023, April 3). Fin de vie : ce qu’il faut retenir du discours d’Emmanuel Macron après les conclusions de la convention citoyenne. https://www.francetvinfo.fr/societe/euthanasie/fin-de-vie-ce-qu-il-faut-retenir-du-discours-d-emmanuel-macron-apres-les-conclusions-de-la-convention-citoyenne_5749568.html
(2)Loi N° 2016-87 DU 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (1). Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (1) – Légifrance. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000031970253
(3)Proposition de Loi N°3755. Assemblée nationale. (2021, January 21). https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3755_proposition-loi
(4)Proposition de Loi N°288. Assemblée nationale (2017, October 17). https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b0288_proposition-loi
(5)Proposition de Loi N°288. Assemblée nationale (2017, December 20). https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b0288_proposition-loi
(6)Droit à mourir dans la dignité. Sénat (2020, November 17). https://www.senat.fr/leg/ppl20-131.html
(7)Le regard des Français sur la fin de vie. Ifop (2022, October). https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2022/10/119480-Resultats-VF.pdf
(8)Les Français et la convention sur la fin de vie. Ifop (2023, April 3). https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-la-convention-citoyenne-sur-la-fin-de-vie-ifop-journal-du-dimanche/
(9)Claire Thoury est une grande spécialiste des questions d’engagement en France, spécialement en ce qui concerne l’engagement de la jeunesse. Ancienne déléguée générale d’Animafac (2017-2021), elle préside le Mouvement associatif depuis le mois d’avril 2021 et est membre du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE). C’est dans le cadre de ces fonctions au CESE qu’elle a présidé le Comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie.
(10)(2023, February 4). Convention Citoyenne pour la fin de vie : “pas un énième rapport avec une quête de consensus absolu”, selon La Présidente du comité de gouvernance.
(11)L’essentiel sur la mission d’évaluation de la loi du 2 février 2016… Assemblée nationale. (2023, March). https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/601078/5780872/version/1/file/Synth%C3%A8se+de+l%27%C3%A9valuation+de+la+loi+Claeys-Leonetti+vdef.pdf
(12)Rapport d’information pour des Soins Palliatifs accessibles … Sénat. (2021, September 29). https://www.senat.fr/rap/r20-866/r20-866-syn.pdf
(13)L’Obs. (2013, March 18). 81% des Français veulent mourir Chez Eux… https://www.nouvelobs.com/societe/20130318.OBS2277/81-des-francais-veulent-mourir-chez-eux.html#:~:text=SEL%20AHMET%2FSIPA)-,…,de%20la%20fin%20de%20vie.&text=S’il%20est%20encore%20impossible,moins%20en%20choisir%20le%20lieu
(14)Rioux, P. (2023, August 23). Bouclier tarifaire, niches fiscales, taxes, franchises médicales… Les pistes du gouvernement pour faire 15 milliards d’économies dans le budget 2024. La Dépêche. https://www.ladepeche.fr/2023/08/23/budget-2024-les-pistes-de-lexecutif-pour-faire-15-milliards-deconomies-11409323.php
(15)Loi n° 2005-370 DU 22 Avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (1). Legifrance. (2005, April 22). https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000446240/
(16)Les Directives Anticipées. Parlons Fin de Vie. (2023, July 21). https://www.parlons-fin-de-vie.fr/je-minteresse-a-la-fin-de-vie/les-directives-anticipees
(17)La personne de confiance. Parlons Fin de Vie. (2023a, July 21). https://www.parlons-fin-de-vie.fr/je-minteresse-a-la-fin-de-vie/personne-de-confiance/
(18)L’acharnement thérapeutique. Parlons Fin de Vie. (2023b, July 21). https://www.parlons-fin-de-vie.fr/je-minteresse-a-la-fin-de-vie/lobstination-deraisonnable/
(19)La sédation profonde. Parlons Fin de Vie. (2023b, July 21). https://www.parlons-fin-de-vie.fr/je-minteresse-a-la-fin-de-vie/la-sedation-profonde-et-continue-jusquau-deces/
(20)Les Français et la fin de vie : état des Connaissances et attentes des citoyens. Parlons Fin de Vie. (2023, July 21). https://www.parlons-fin-de-vie.fr/je-minteresse-a-la-fin-de-vie/les-francais-et-la-fin-de-vie/
(21)Favereau, E. (2019, July 11). L’affaire Vincent Lambert en Sept chapitres. Libération. https://www.liberation.fr/france/2019/07/11/l-affaire-vincent-lambert-en-sept-chapitres_1738587/
(22)Afin d’éviter une surcharge de travail pour le médecin
(23)A ce titre, l’idée est ici de réaliser des opérations de mailing et d’appels téléphonique par des équipes spécifiquement missionnées pour réaliser cette activité
(24)Voici une liste non-exhaustives des principales maladies dont nous parlons ici : maladies d’Alzheimer, syndrome Parkinsonien, la démence à corps de Lewy, la Sclérose Latérale Amyotrophique (communément appelé maladie de Charcot), la sclérose en plaques, la neurofibromatose de type 2, le syndrome Cérébelleux, la chorée de Huntington, l’ataxie de Friedich, les cancers incurables, les paralysies partielles ou totales consécutives à un AVC, à des troubles neurovasculaires ou à un accident, les polypathologies du grand âge
(25)Les cas dont nous parlons ici, s’ils ne sont pas majoritaires, sont assez fréquents
(26)De manière directe pour l’euthanasie et indirecte pour la SPCJD
(27)L’exemple de l’Oregon est très intéressant sur ce point. Dans cet Etat américain où l’assistance au suicide est légale, on constate que le non-accompagnement des patients amène finalement un tiers des personnes concernés à renoncer, au dernier moment, à s’administrer la solution létale. Un autre tiers des patients disposant d’une autorisation de l’assistance au suicide font le choix de ne pas se procurer le produit létal auquel ils ont le droit. Ces chiffres peuvent conduire à plusieurs interprétations. Pour ma part, je considère que le tiers de personne reculant finalement à se tuer prouve bien la difficulté et souffrance qui existe chez les personnes concernées à devoir réaliser le geste ultime. Ils souhaitent mettre fin à leur jour, ne plus souffrir mais n’ont pas le « force » de se donner la mort. Concernant le tiers de personne n’allant pas récupérer le produit létal, ces cas montrent bien l’importance d’avoir une procédure qui s’étale dans le temps où les patients concernés doivent répéter à plusieurs reprises leurs volontés de mourir. La procédure aujourd’hui déjà en place pour la SPCJD inclue cette notion, elle devra être étendu en cas de légalisation de l’euthanasie.
Pour plus d’informations concernant les chiffres ici avancées : https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12768882_63ce90a63fd32.nouveaux-droits-en-faveur-des-malades-et-des-personnes-en-fin-de-vie–auditions-diverses-23-janvier-2023 et https://www.oregon.gov/oha/PH/PROVIDERPARTNERRESOURCES/EVALUATIONRESEARCH/DEATHWITHDIGNITYACT/Documents/year23.pdf
(28)Fin de vie : Soignants et bénévoles refusent d’être les acteurs de la mort administré Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP). (2022, July 13). https://sfap.org/actualite/fin-de-vie-soignants-et-benevoles-refusent-d-etre-les-acteurs-de-la-mort-administree
(29)Intéressant par ailleurs de souligner que les soignants interrogés dans le cadre de cette enquête réfutent à 83% l’idée que l’euthanasie soit un soin
(30)En parlant des dérives, on parle ici principalement des cas où les personnes expriment la volonté de mettre fin à leurs vies afin de ne pas être une charge pour leurs entourages ou bien car ils font le sujet d’une influence en ce sens par une ou plusieurs personnes de son entourage. Il ne faudrait pas non plus que la réalisation d’une aide active à mourir soit demandée par défaut de l’accès à une suivi et accompagnement médical de qualité. Les différentes dérives que le « futur modèle » français de la fin de vie devra éviter sont notamment mentionné dans l’avis de réserve exprimée par certains membres du CCNE dans le cadre de son rapport sur le sujet de la fin de vie.
Vous pouvez le consulter à l’aide du lien suivant : https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2022-09/Avis%20139%20Enjeux%20%C3%A9thiques%20relatifs%20aux%20situations%20de%20fin%20de%20vie%20-%20autonomie%20et%20solidarit%C3%A9.pdf
Cette mise en garde a également été présenté plus largement par Annabel Desgrées Du Loû lors d’une des auditions de la mission d’évaluation de la loi dite « Claeys-Leonetti ». Vous pouvez la visionner avec le lien suivant : https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12768882_63ce90a63fd32.nouveaux-droits-en-faveur-des-malades-et-des-personnes-en-fin-de-vie–auditions-diverses-23-janvier-2023
(31)Cette sensibilisation du patient serait attestée par la signature d’une décharge commune entre lui et son médecin
(32)Notamment dans le cas d’infirmiers à domicile
(33)En l’occurrence, l’idée est de prévoir les cas où les professionnels de santé prévus pour cet acte font défaut
(34)Il sert de protection juridique pour le médecin ayant accepté de prendre le relais.
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