Depuis plus de dix ans, nous contemplons la lente décomposition du corps médiatique. Les figures du pigiste, du reporter et de l’éditorialiste sont devenues les facettes interchangeables d’un même spectacle. L’opinion, grimée en vérité dévore les faits, et l’information s’engouffre dans le ressac infini du commentaire.
La grande braderie sauvage à laquelle se livre l’information n’est que l’aboutissement d’un système de collusion qui ne se cache plus, entre techno-capitalistes, dirigeants politiques et influenceurs. Celui-là même que dénonçait Serge Halimi en 1997 dans Les Nouveaux chiens de garde. Nous voilà donc réduits à scroller parmi des flux interminables, pris au piège d’un marché qui étouffe sous son propre poids, dans lequel les intérêts s’assument haut et fort.
Sous l’empire numérique, certaines rédactions tentent encore de résister aux nouvelles injonctions, tandis que les derniers représentants du journalisme de Cour, s’accrochent farouchement à leurs privilèges.
Ce qui n’était autrefois qu’une inquiétude diffuse — la défiance du public — est désormais intégré, presque cyniquement, au modèle économique bien huilé de l’information. Cette nouvelle réalité n’en reste pas moins qu’une injonction à se prendre au spectacle.