Culture

Faux départ, un roman de Marion Messina

Une histoire d’amour tragique, où les rêves d’ascension sociale et artistique d’Aurélie, jeune étudiante issue des classes populaires, et d’Alejandro, dandy colombien se rêvant en nouveau Garcia Marquez, se retrouvent brisés dans le glacis d’une société française empêtrée dans le consumérisme, le conformisme et la précarité.

Une histoire d’amour tragique, où les rêves d’ascension sociale et artistique d’Aurélie, jeune étudiante issue des classes populaires, et d’Alejandro, dandy colombien se rêvant en nouveau Garcia Marquez, se retrouvent brisés dans le glacis d’une société française empêtrée dans le consumérisme, le conformisme et la précarité. Les deux amants, malgré leurs origines sociales opposées, trouveront dans leur passion impossible un moyen de se réfugier de leurs propres échecs personnels et affectifs. Ils la vivront comme une armure contre la toxicité des relations sociales régies par l’aiguillon de la jouissance immédiate et du désir de posséder. Inévitablement, cette société liquide, pour reprendre l’expression de Zygmunt Bauman, finit par dissoudre leur relation fusionnelle, confrontés à la peur de s’engager et à construire un lien solide et définitif.

Ce roman d’initiation moderne, dans l’ambiance Houellebecquienne de la France du XXIe siècle est un hymne à l’amour sonnant comme un puissant cri de révolte contre un monde où règne mépris, exclusion et un individualisme qui cache une profonde aversion à l’idée de prendre le risque de s’accomplir dans la vertu et la grandeur. Marion Messina parvient ainsi à toucher le lecteur au cœur, en trempant froidement sa plume dans les plaies des existences contemporaines, non sans une certaine candeur romantique.

Ce livre, le premier espérons-le d’une longue série, fait ainsi violemment écho à la détresse contemporaine d’une jeunesse plongée dans l’incertitude du confinement. Il est en effet difficile de ne pas se reconnaître dans les mines blafardes, défigurée par l’anxiété, la fatigue et le mauvais mascara de personnages décidément très attachant : nous ne serions tous pas un peu des Aurélie et Alejandro ?

Mais l’auteur n’oublie pas d’égratigner une minorité de profiteurs de la crise, à travers le portrait au vitriol d’une jeunesse bourgeoise, traînant sa vulgarité et son ignorance dans ses appartements recouverts de moulures et des écoles de commerces de seconde zone où s’enseigne la bêtise. Inégalités, violence au travail, difficulté de se loger et appât du gain : le romantisme espéré de Marion Messina se mèle d’un naturalisme impitoyable qui offre une description puissante de la crise économique et sociale que subit la population française.

Marion Messina, avec Édouard Louis et Tom Connan s’inscrit ainsi dans une nouvelle génération d’écrivains français qui osent enfin délaisser l’esthétique et le sentimentalisme pour se réapproprier le réel, dans la veine de la tradition littéraire française la plus prolifique. Une renaissance salutaire qui laisse espérer un retour des écrivains et des artistes du côté des gens ordinaires.

La rédaction

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