Et si la Chine avait déjà gagné la guerre (cognitive) ?

Et si la Chine avait déjà gagné la guerre (cognitive) ?

La croissance des usages militaires de l’IA pourrait bien signer la victoire de la Chine dans cette nouvelle guerre qui s’annonce : la guerre cognitive.

Ce qu’est la guerre cognitive

C’est devenu un lieu commun pour une certaine presse mainstream de dénoncer les campagnes de désinformation et l’ère des Fake news. Non pas qu’il faille s’en accommoder, mais, en-dehors des publications universitaires, rares sont les commentateurs qui prennent le temps de replacer cette nouvelle ère dans le contexte plus global de la bataille de l’information et de la propagande qui, elle, n’a rien de nouveau.

Ruse, manipulation, intox ont toujours existé et si certains régimes autoritaires, à l’image de la Russie, disposent au cours des XXe et XXIe siècles de stratégies particulièrement offensives en la matière (la maskirovka soviétique notamment), c’est souvent du côté des démocraties libérales qu’il faut se tourner pour trouver les recherches les plus innovantes en la matière.

Les pères de la propagande politique, mais également économique, telle que nous la connaissons ne sont pas nés du côté de l’Oural mais bien outre-Atlantique. Dès la fin de la Première Guerre Mondiale, les journalistes Edward Bernays et Walter Lippman et l’universitaire Harold Lasswell théorisent l’idée que la communication vise avant tout à lutter contre l’ignorance et la superstition des masses au nom des intérêts des élites technocratiques. « La tâche de maintenir l’ascendant d’une élite donnée exige l’utilisation coordonnée des symboles, des biens et de la violence. La propagande peut être consacrée à étendre et défendre l’idéologie qui préserve les méthodes existantes pour gagner la richesse et la distinction.[1]»

Pourtant nous n’avons pas commencé à aborder le thème de la guerre de l’information qu’une autre guerre plus rude encore se présente à nous : la guerre cognitive.

Elle se distingue de la guerre de l’information en ce qu’elle vise à modifier directement la cognition des individus et leur prise de décision et non simplement à contrôler les flux d’informations. Une guerre que le neuroscientifique Giordano résume parfaitement quand il annonce que « le cerveau humain est devenu le champ de bataille du XXIe siècle »[2].  

Concrètement, elle est le résultat de la fusion entre guerre de l’information et neurosciences et se matérialise par des attaques se situant en « amont de la fabrique de la désinformation ». Ce que l’OTAN confirme dans un rapport affirmant que l’objectif des offensives cognitives est bien « d’attaquer, d’exploiter, de détériorer voire de détruire les représentations, le tissu de la confiance mentale, celui de la croyance en des logiques établies nécessaires au fonctionnement sain d’un groupe, d’une société, voire d’une nation »[3].

En somme, et comme le résume parfaitement Asma Mhalla, il s’agit de nous rapprocher de notre état grégaire. « Plus nos technologies duales, intelligence artificielle en tête, seront capables de reproduire nos schémas neuronaux, plus nous risquons de perdre le contrôle de nous-mêmes »[4].

Bien que le concept même de guerre cognitive reste relativement récent et ne fasse pas encore l’objet d’une littérature abondante[5] certains acteurs semblent d’ores et déjà mieux armés que d’autres dans la guerre qui s’annonce. Parmi ces acteurs, le géant chinois fait figure de grand favori.

Une possible domination qui s’explique en raison d’une culture stratégique particulièrement favorable à ce nouveau type de conflictualité mais également des avancées chinoises en matière d’intelligence artificielle.

Les avantages de la culture stratégique chinoise

Par ses influences philosophiques (confucianisme et taoïme) et guerrières (Sun Tzu), la culture stratégique propre à la Chine serait, selon certains universitaires, mieux adaptée à la guerre cognitive qui s’annonce. Une culture marquée également par la rupture de Pékin avec la pensée stratégique de Mao Zedong mais également de Deng Xiaoping.

Si les premières décennies de la République populaire de Chine se caractérisent par une stricte séparation des domaines civil et militaire et par la concentration des moyens économiques sur le second (tout à la fois en raison de l’objectif de « survie » du régime et de l’influence de l’URSS dans la vision économico-militaire du PCC à ses débuts) un tournant s’opère au début des années 2000.

Le 10e plan quinquennal (2001-2005) autorise la participation des entreprises privées au secteur militaire. Une directive de 2007 leur permet même de travailler sur le développement de technologies duales. La même année, Hu Jintao (secrétaire général du PCC de 2002 à 2012), dans son rapport sur le XVIIe Congrès du PCC déclare que le trop grand cloisonnement de l’industrie de défense est un désavantage pour Pékin et empêche l’armée populaire de libération de bénéficier des développements technologiques civils. Apparaît alors le concept « d’intégration civilo-militaire » (ICM) qui est toujours en vigueur aujourd’hui.

Il faut néanmoins attendre 2016 et l’application du 13e plan quinquennal (2016-2020) pour que soit mentionnés des objectifs clairs et chiffrés. D’après le Centre de recherche économique de l’Université de défense nationale, 40% des projets compris dans le plan concerne alors l’ICM.

Défense et développement économique deviennent les deux faces d’une même pièce. Dans les documents du Comité central du PCC et du Conseil d’Etat, les dirigeants chinois évoquent désormais le développement coordonné de l’économie et de la défense nationale.

Dans le cadre de la stratégie de « développement national basée sur l’innovation » des mesures visant à renforcer l’ICM sont mises en valeur : (1) créer un mécanisme de coordination et de planification générale, (2) accroitre « l’innovation collaborative », (3) accroitre l’intégration des capacités S&T du secteur civil et du secteur militaire, (4) et promouvoir les transferts de technologies dans les deux sens.  « L’objectif à terme n’est donc pas seulement une plus grande coordination entre les bases industrielles et technologiques de défense et civile, mais la création d’une base industrielle et technologique nationale unifiée et d’un système d’innovation national unifié.[6] »

Le continuum entre monde civil et militaire ne se matérialise pas uniquement dans l’ICM et la stratégie d’innovation de Pékin mais également dans sa façon de penser la chose militaire. A la fin des années 1990, deux colonels de l’armée populaire de libération élaborent le concept « d’Unrestricted warfare ». A contrario de la logique binaire occidentale de la guerre et de la paix, le PCC ne conçoit aucune différence de nature entre les deux termes, plutôt une différence d’intensité dans le conflit.

C’est dans ce contexte que voit également le jour l’idée de « Sanzhàn », les « Trois Guerres : la guerre de l’opinion publique, la guerre psychologique et la guerre juridique.

La guerre de l’opinion publique vise l’utilisation des médias et réseaux sociaux afin de diffuser des informations (y compris des fake news) auprès d’une cible précise. La guerre psychologique cherche à influencer les comportements et façons de penser de l’adversaire, à renforcer le soutien des alliés et partenaires et à maintenir la neutralité des indécis. La guerre juridique quant à elle est un outil de condamnation juridique de l’adversaire voire d’imposition de ses propres lois (l’extra-territorialité du droit n’est plus une prérogative proprement américaine, la Chine avance peu à peu sur ce sujet).

Chacune de ces guerres est complémentaire des deux autres. Mieux, elles se renforcent mutuellement. « La propagation du discours comprend le récit stratégique visant à convaincre les populations nationales et étrangères par les vecteurs de transmission (« guerre d’opinion «) en créant un environnement mental favorable (guerre psychologique) qui rend le message conforme aux idées reçues, tout en se protégeant derrière la logique de la souveraineté cybernétique, que la Chine tente d’imposer juridiquement au niveau international (« guerre juridique ») »[7].

Avec ces trois guerres s’estompent l’idée d’une stricte séparation entre militaires et populations civiles. Les secondes deviennent également des cibles de choix et des « technologies de l’esprit », à l’image de Tik Tok, leurs sont spécialement consacrées.


TIK TOk, incarnation de la stratégie chinoise de guerre cognitive

Peut-on parler de Tik Tok comme d’une plateforme numérique comme les autres ? A cette question, le rapport de la Commission d’enquête menée par les sénateurs Claude Malhuret et Mickaël Vallet répond par la négative[8]. Deux aspects essentiels la différencient : son algorithme hyper addictif et ses liens avec les autorités chinoises.

Si l’opacité qui entoure l’algorithme de Tik Tok persiste, ses effets sur ses utilisateurs sont de mieux en mieux documentés. Captation extrême de l’attention, sédentarité excessive et dépression, notamment chez les plus jeunes, les risques liés à son usage sont nombreux.

Dans leur rapport, Claude Malhuret et Mickaël Vallet mentionnent même des psychologues pour qui Tik Tok ne doit plus être évalué sous le prisme de l’addiction mais bien de « l’abrutissement ». Un constat partagé par le congrès américain selon qui Tik Tok représenterait un instrument d’ingérence et une arme biotechnologique dont l’objectif serait d’altérer durablement les capacités cognitives des populations occidentales.

La plateforme chinoise est marquée également par son inefficacité (volontaire ?) en matière de lutte contre la désinformation. Selon NewsGuard et la commission d’enquête sénatoriale, 40 minutes d’utilisation suffisent pour que soit proposées des vidéos contenant de fausses informations. Le Global Witness va dans le même sens : 90% des contenus de désinformation créés dans le cadre de leur étude ont été approuvés par Tik Tok (contre 20% pour Facebook).

Au-delà du contenu, ce sont également les liens qui existent avec les autorités chinoises qui posent problème. A l’instar d’autres entreprises de l’économie numérique, le Parti communiste chinois pratique un contrôle étroit sur la plateforme à travers notamment la société ByteDance. Une situation qui pousse les sénateurs Claude Malhuret et Mickaël Vallet à parler explicitement de stratégie de guerre cognitive à propos de Tik Tok.

Une stratégie dont l’objectif n’est plus de soumettre « l’Occident » sur le champ de bataille mais bien d’affaiblir suffisamment les démocraties libérales pour qu’elles ne soient plus capables ou désireuses de répondre à une agression. Ce que note dès 2012 un rapport de l’INSERM sur l’influence chinoise : « l’enjeu n’est pas tant de savoir quelle force armée va gagner mais quel récit, quelle version des faits va l’emporter auprès de l’opinion publique. Concrètement, la guerre de l’opinion publique telle que pensée par les Chinois consiste à faire de l’ « orientation cognitive » des masses, d’exciter leurs émotions et de « contraindre leur comportement »[9].

Cela étant, comme le rappelle à juste titre Asma Mhalla, les démocraties libérales ne sont pas toujours exemplaires en matière de manipulation de l’information et d’offensives cognitives, y compris vis-à-vis de leurs propres populations. Le scandale de Cambridge Analytica et la campagne américaine de 2016 en sont des preuves suffisantes.

Reste que le développement de l’intelligence artificielle et des neurosciences bouleverse les moyens de la manipulation de masse et donne un nouveau souffle au techno-nationalisme chinois.


Le techno-nationalisme : L’IA au cœur de la stratégie militaire chinoise

Avec le développement de technologies comme la robotique, les nanotechnologies, la biotechnologie, la technologie quantique, l’intelligence artificielle, la modernisation de l’armée chinoise s’effectue à un rythme suffisamment intense pour que soit sanctuarisé dans un livre blanc le passage de la guerre informatisée à la guerre « intelligentized ».

Dans cette guerre, l’intelligence artificielle occupe une position centrale : elle relie les domaines terrestre, maritime, aérien, spatial, électromagnétique, cybernétique et cognitif (conçu désormais par l’Armée Populaire de Libération comme un domaine à part).

Une nouvelle donne confirmée, selon les universitaires Tanguy Struye de Swielande, Kimberly Orinx et Simon Peiffer[10], par la création par le gouvernement chinois d’une Force de soutien pour l’information de l’Armée populaire de libération le 19 avril 2024.

La cérémonie d’inauguration de cette force a d’ailleurs été l’occasion pour Xi Jinping d’affirmer qu’il était « nécessaire de soutenir efficacement les opérations, d’adhérer à la victoire conjointe basée sur l’information, de fluidifier les liens d’information, d’intégrer les ressources d’information, de renforcer la protection de l’information, de s’intégrer profondément dans le système d’opérations militaires conjointes, de mettre en œuvre de manière précise et efficace le soutien à l’information, et de servir à soutenir les luttes militaires dans toutes les directions et dans tous les domaines.[11]»

D’où l’importance donnée par Pékin aux avancées en matière d’outils neurologiques dont l’objectif est double : permettre à l’armée et à la population chinoises d’atteindre la « supériorité cognitive » via le développement des interfaces cerveau-ordinateur (BCI : brain-computer inferfaces) ; développer des armes neurologiques visant à affaiblir les fonctions cognitives des adversaires.

Loin d’être anodines, les interfaces cerveaux-ordinateurs sont d’ores et déjà identifiées parmi les industriels de défense et les différentes armées nationales comme des technologies aux conséquences importantes sur la tenue d’un conflit. « Cette technologie fera progresser la vitesse de calcul, la prise de décision cognitive, l’échange d’informations et l’amélioration de la puissance de calcul, ce qui améliorera considérablement les performances humaines ».[12]

Ce sont d’ailleurs les Etats-Unis qui avancent les premiers sur ce chantier. En 2013 est lancé la Brain initiative par la Defense Advenced Research Projects Agency (DARPA) sous l’administration Obama afin de déterminer les potentielles applications des neurosciences dans les domaines médical et militaire. Concomitamment, la IARPA (agence gouvernementale de recherche dédiée aux agences de renseignement fédérales américaines) inaugure d’autres projets visant à augmenter les capacités cognitives des soldats. En 2023 l’agence amorce un nouveau projet (Rescind) dont l’intention est de déceler les failles cognitives des adversaires afin d’améliorer la neutralisation des cyberattaquants.

De quoi pousser Pékin à lancer en 2016 le China Brain Project. Lors de la programmation quinquennal 2016-2020, le projet aurait reçu l’équivalent de 3,1 milliards de yuans (un peu plus de 400 millions d’euros). S’il sert également au financement de traitements médicaux (et notamment des troubles cérébraux) et implique aussi bien des organes de recherches militaires, des universités et des entreprises privées, le China Brain project est majoritairement tourné vers les usages militaires potentiels de l’intelligence artificielle. Un projet en matière d’IA qui sert le techno-nationalisme de Pékin et incarne parfaitement la stratégie d’intégration civilo-militaire chinoise.

Au-delà de l’usage de médias sociaux comme Tik Tok ou d’interfaces cerveaux-ordinateurs, la guerre cognitive telle que la conçoit Pékin (mais pas uniquement) dispose également d’un versant neurologique. Il s’agit alors d’infliger des lésions neurocognitives permanentes par l’utilisation de technologies de radiofréquence, d’acoustique, d’électromagnétisme ou encore de nanotechnologies.

L’individu ciblé est alors rendu à son état grégaire par des attaques visant directement son cerveau. Autant dire que nous touchons-là à des enjeux qui ne peuvent faire l’économie de discussions éthiques, politiques mais également juridiques.

De quoi s’interroger sur les capacités de résistance des démocraties libérales face à de telles offensives cognitives.


La mort culturelle des démocraties libérales ?

En 2023, le ministère français des Armées et l’université Paris Sciences et Lettres se sont associés afin de lancer un projet de prospection novateur : la Red Team. Composé d’analystes et de chercheurs, l’objectif de ce groupe est de réfléchir aux nouvelles formes de la guerre à l’horizon 2030-2060.

Dans une de leurs publications, Chronique d’une mort culturelle annoncée, les auteurs imaginent une Europe incapable de développer ses propres géants numériques, la rendant totalement dépendante des technologies étrangères (principalement américaines et chinoises) et soumise à des cyberattaques à répétition. A un point tel qu’il devient impossible pour les Etats européens d’assurer le fonctionnement des services publics mais également l’intégrité cognitive de leurs populations.

Si bien que les citoyens finissent par se regrouper dans des sphères de réalité alternative (des « safe spheres ») par affinité religieuse, classe sociale, quartiers. Un mouvement largement aidé par des puissances étrangères désireuses de fracturer définitivement les nations européennes.

Dans ce scénario où le séparatisme devient également territorial la seule issue est l’intervention de l’armée pour couper les infrastructures numériques à l’origine des « safe spheres » et « désintoxiquer » des pans entiers de la population.

Si nous n’en sommes pas encore là, les signes annonciateurs ne manquent pas : montée des populismes, défiance grandissante des populations vis-à-vis des institutions, affaiblissement du rôle de l’Etat notamment dans la sphère économique, polarisation des opinions. Autant de points d’appui pour des stratégies de déstabilisation de la part d’acteurs étrangers et contre-élites nationales.

Rien ne nous dit en revanche que les régimes autoritaires, celui de Pékin comme celui de Moscou, résisteraient mieux à l’émergence de conflits cognitifs dopés à l’intelligence artificielle. Dans le scénario de la Red Team l’un des premiers pays à s’effondrer n’est autre que….la Chine.


Références

[1] H.D Lasswell, « The Study and Practice of Propaganda” in H.D. Lasswell, Ralph D. Casey, Bruce Lannes Smith, Propaganda and Promotional Activities. An annoted Bibliography, University of Minnesota Press, 1935, p.1628

[2] GIORDANO J., WURZMAN R., “Neurotechnologies as weapons in national intelligence and defense – An

overview”, Synesis, pp.T:55-T:71, 2011.

[3] Cité par Asma Mhalla,Technopolitique, comment la technologie fait de nous des soldats, Seuil, 2024, p.123

[4] Idem, p.127

[5] Du moins dans le champ civil, les publications des organismes de recherches militaires étant beaucoup plus nombreuses.

[6] https://www.frstrategie.org/publications/recherches-et-documents/tournant-integration-civilo-militaire-chine-2017

[7] La guerre cognitive au cœur de la stratégie chinoise de socialisation, Tanguy Struye de Swielande, Kimberly Orinx et Simon Peiffer

[8] https://www.senat.fr/salle-de-presse/dernieres-conferences-de-presse/page-de-detail/commission-denquete-influence-tiktok-1268.html

[9] https://www.inserm.fr/rapport.html

[10] La guerre cognitive au cœur de la stratégie chinoise de socialisation, Tanguy Struye de Swielande, Kimberly Orinx et Simon Peiffer

[11] Cité par Tanguy Struye de Swielande, Kimberly Orinx et Simon Peiffer

[12] MOORE B., “The Brain Computer Interface Future: Time for a Strategy”, Semantic Scholar, Air War College Air University Maxwell AFB United States, 2013.

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Suite à l’annonce par la Commission européenne le 24 janvier dernier de mesures visant à renforcer la protection du tissu économique européen, Pékin condamne « l’unilatéralisme protectionniste de l’UE »

Fin janvier les commissaires européens à la Concurrence et au Commerce, Margrethe Vestager et Valdis Dombrovskis ont annoncé la mise en œuvre des plans relatifs au renforcement de la sécurité économique de l’UE face à l’influence grandissante de la Chine dans les économies des Etats membres.

Parmi les mesures énumérées par les deux commissaires européens se trouve le renforcement des mécanismes de contrôle des investissements directs étrangers (IDE). Si l’Union ne dispose pas de compétence propre sur le filtrage des IDE, elle entend inciter les Etats-Membres à se doter d’un arsenal législatif en la matière.

Principal concerné par ces mesures, Pékin, par l’intermédiaire du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a affirmé que « L’image de l’UE dans les secteurs de l’économie et du commerce international est en jeu ». Toujours selon le porte-parole, cité dans la Tribune[1], « La communauté internationale est très inquiète de l’unilatéralisme protectionniste de l’UE dans les secteurs économique et commercial, […] les tendances actuelles ne vont faire qu’intensifier ces inquiétudes. Nous espérons que l’UE respectera le libre-échange, la libre-concurrence et la coopération ouverte, qui sont des normes fondamentales de l’économie de marché ».  

Les annonces de Margrethe Vestager et Valdis Dombrovskis font écho aux préoccupations déjà affichées par certains parlementaires européens qui dénonçaient, dans un rapport publié en décembre 2023, l’influence croissante de la Chine sur un certain nombre d’infrastructures critiques au sein de l’Union (transports, ports, réseaux télécoms, métaux rares, câbles sous-marins…).

Références

[1] https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/commerce-apres-l-annonce-de-nouvelles-mesures-de-protection-europeennes-la-chine-augmente-la-pression-sur-l-ue-988741.html

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Ce mercredi 24 janvier, la Commission européenne a officiellement publié ses plans relatifs au renforcement de la sécurité économique de l’UE face à l’influence grandissante de la Chine dans les économies des Etats membres.

Cette publication s’inscrit dans le cadre de la réduction des risques diplomatiques et économiques encourus par l’UE dans sa relation avec la Chine annoncée dès mars 2023 par Ursula Von Der Leyen avant sa visite à Pékin avec Emmanuel Macron.

L’une des principales mesures concerne le renforcement du contrôle des investissements directs étrangers (IDE) dans l’UE. La Commission européenne souhaite effectivement établir des critères minimaux de contrôle que chaque Etat-membre devrait mettre en œuvre afin de disposer d’un cadre commun de filtrage.

Si certains Etats-membres ne disposent pas pour le moment de tels mécanismes de contrôle, la France, avec le décret Montebourg entré en vigueur en 2014, a su mettre en place des mesures de protection de ses intérêts stratégiques non pas seulement dans l’industrie de défense mais également dans les domaines de l’eau, de la santé, de l’énergie, des transports et des télécommunications.

Fin 2023, le ministre de l’Économie Bruno le Maire a par ailleurs confirmé la baisse annuelle du seuil de contrôle des IDE de 25% à 10% et l’élargissement du contrôle aux activités d’extraction et de transformation des matières premières critiques.

Au-delà des IDE, le paquet sur la sécurité économique vise également à un contrôle plus efficace de l’UE sur les exportations de biens à « double usage » (usage civil et usage militaire) et à un renforcement de la sécurité économique en matière de recherche. Certaines technologies sont particulièrement ciblées par la Commission : les semi-conducteurs, l’industrie quantique, les biotechnologies ainsi que l’intelligence artificielle.

Cette publication du 24 janvier fait écho aux préoccupations déjà affichées par certains parlementaires européens qui dénonçaient dans un rapport publié en décembre 2023, l’influence croissante de la Chine sur un certain nombre d’infrastructures critiques au sein de l’Union (transports, ports, réseaux télécoms, métaux rares, câbles sous-marins…).

Si la Chine est particulièrement visée par ces récentes décisions de la Commission européenne en raison de sa stratégie de fusion militaro-civile (c’est-à-dire d’alignement des intérêts commerciaux des entreprises privées chinoises sur les intérêts politico-militaires du PCC), elle n’est pas le seul pays déployant des techniques d’ingérence au sein de l’UE. Loin de là.

Les Etats-Unis, au-delà de l’exemple emblématique Alstom, ont également fait pression sur les Pays-Bas en 2023 pour que ces derniers réduisent leurs ventes de semi-conducteurs avancés à Pékin, forçant Amsterdam à se positionner dans la guerre commerciale qui oppose les deux empires.

 

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La Chine interdit l’exportation des technologies relatives aux métaux stratégiques

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Annoncée au début du mois de janvier 2024, l’interdiction de l’exportation de technologies d’extraction et de séparation des métaux stratégiques représente une nouvelle étape dans la guerre commerciale sino-américaine pour la suprématie économique.

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Si l’administration Biden a considérablement durci les conditions d’accès des entreprises chinoises aux technologies américaines avancées, la Chine n’a pas tardé à lui répondre. Après avoir fortement conditionnée l’exportation de deux métaux stratégiques (gallium et germanium) à l’autorisation du pouvoir central, Pékin a franchi un cap supplémentaire dans la guerre commerciale qui l’oppose aux Etats-Unis en stoppant l’exportation de technologies permettant l’extraction et la séparation des terres rares.

Loin d’être anodines, ces deux annonces vont avoir des répercussions importantes sur le marché mondial. Le gallium (dont les ressources sont détenues à 94% par la Chine) est un élément indispensable pour le développement des technologies LED, des panneaux photovoltaïques et des circuits intégrés. Le germanium (dont 83% de la production mondiale est assurée par la Chine), est incontournable pour les fibres optiques et l’infrarouge. Quant aux technologies d’extraction et de séparation des terres rares, l’interdiction de leur exportation vise surtout à retarder le développement des Etats-Unis dans ce secteur.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande mondiale en technologies à faible émission carbone pourrait être multipliée par 7 d’ici 2040 en raison notamment de la croissance de la production de véhicules électriques et d’éoliennes offshore (soit 2 millions de tonnes par an contre 280 000 tonnes en 2022).

En signe de protestation, l’Union européenne envisage de mener des actions dans le cadre de l’OMC. Mais, selon Sylvain Bersinger du cabinet Astérès cité par la Tribune « l’OMC est une coquille vide car les Etats-Unis et la Chine prennent des décisions en dehors de cette institution depuis plusieurs années ». Les Etats-Unis, plus offensifs, préparent selon le Wall Street Journal la restriction de l’accès au cloud de Microsoft et Amazon aux entreprises chinoises.  

Les métaux stratégiques, nouvel enjeu de souveraineté

La haute intensité technologique de nos sociétés contemporaines (et leur transition vers des économies décarbonées) fait des métaux précieux et terres rares un enjeu de souveraineté à part entière. « Tous les pans les plus stratégiques des économies du futur, toutes les technologies qui décupleront nos capacités de calcul et moderniseront notre façon de consommer de l’énergie, le moindre de nos gestes quotidiens et même nos grands choix collectifs vont se révéler tributaires des métaux rares(1) ».

Deux difficultés apparaissent dans ce secteur : d’une part, la demande mondiale en métaux stratégiques ou critiques connaît une forte augmentation en raison de la croissance démographique et du développement économique des pays émergents (mais également du développement de nouvelles filières industrielles liées à la transition numérique et écologique). D’autre part, le marché, par les hasards de la géographie, est fortement oligopolistique. Afrique du Sud, Australie, Brésil, Canada, Chine, Etats-Unis, Kazakhstan, Russie, Chili et Pérou concentrent la majorité des ressources connues. La République démocratique du Congo dispose quant à elle de 50% des réserves de cobalt, 80% des réserves de coltan.

Mais au-delà des hasards de la géographie, la situation oligopolistique du marché des métaux stratégiques et critiques tient également à la stratégie bien rodée d’un acteur désormais incontournable : la Chine. A travers une diplomatie minière parfaitement structurée sur l’ensemble des continents depuis plus de vingt ans, des géants miniers et un marché intérieur en pleine croissance, l’empire du Milieu est pleinement hégémonique. Il détient 95% des opérations sur les terres rares, 60% pour le cobalt et le lithium, 40% pour le cuivre. « De ce fait, la Chine est en capacité de fixer les prix du marché sur les terres rares et de nombreux métaux : elle représente par exemple 58% de la production mondiale d’acier.(2)»

L’Union européenne et la France : le risque de décrochage technologique

En août 2022, Joe Biden signe le Chips and Science Act permettant le soutien de l’industrie américaine de la tech à hauteur de 280 milliards de dollars (52,7 milliards pour les semi-conducteurs). La réplique américaine à l’ascension chinoise en matière de nouvelles technologies est donc sans appel.

Pour ce qui est de l’Europe et de la France, le retard pris est important : « l’Union européenne investit cinq fois moins que les Etats-Unis dans la R&D privée, elle y consacre 40 milliards d’euros par an, contre 200 milliards outre-Atlantique et 64 milliards dans l’empire du Milieu où ce montant croît de 15% chaque année. Quant aux start-ups du Vieux Continent, elles ont attiré trois fois moins de financements que celles d’Amérique du Nord dans la période post-Covid ». Pas de « techno-puissance » pour l’Europe et un risque important de décrochage technologique qui acterait la dépendance à long terme du Vieux Continent aux deux géants.

Références

(1)Guillaume Pitron, La Guerre des métaux rares. La Face cachée de la transition énergétique et numérique, Les Liens qui Libèrent, janvier 2018.

(2) Pascal Lorot, le choc des souverainetés, Débats publics, 2023

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Le Parlement européen s’alarme de la dépendance de l’UE vis-à-vis de la Chine en matière d’infrastructures critiques

Le Parlement européen s’alarme de la dépendance de l’UE vis-à-vis de la Chine en matière d’infrastructures critiques

Le mercredi 17 janvier, les eurodéputés ont voté deux résolutions relatives à l’influence croissante de la Chine sur un certain nombre d’infrastructures critiques au sein de l’Union (transports, ports, réseaux télécoms, métaux rares, câbles sous-marins…)

Le mercredi 17 janvier, les eurodéputés ont voté deux résolutions relatives à l’influence croissante de la Chine sur un certain nombre d’infrastructures critiques au sein de l’Union (transports, ports, réseaux télécoms, métaux rares, câbles sous-marins…)

Le vote du parlement européen concernait notamment une résolution invitant la Commission européenne et les États membres à élaborer une stratégie portuaire. « En développant son influence dans les ports européens, la Chine a la possibilité d’avoir une influence sur nos politiques et d’avoir une influence également sur le commerce des matières rares (1)», indique son rapporteur.

Il concernait également le rapport du groupe Renew Europe déposé le 11 décembre 2023 relatif aux effets en matière de défense et de sécurité de l’influence de la Chine sur les infrastructures critiques des Etats de l’Union. Comme indiqué sur le portail de l’Intelligence économique « L’analyse de ce « rival systémique et concurrent » souligne comment la stratégie de fusion militaro-civile (MCF) mise en place par Pékin cible les technologies de pointe. La Chine cherche ainsi à éliminer les barrières entre la recherche civile et les secteurs commerciaux, industriels et de défense. Parmi les technologies ciblées, on retrouve l’informatique quantique, le big data, les semi-conducteurs, la 5G, les technologies nucléaire et aérospatiale avancées, ou encore l’intelligence artificielle. (2)»

La stratégie chinoise en matière de fusion militaro-civile

Le rapport du groupe Renew Europe souligne la nécessité de comprendre la stratégie chinoise de fusion militaro-civile (c’est-à-dire l’alignement des intérêts commerciaux des entreprises privées chinoises sur les intérêts économiques mais également politico-militaires du Parti communiste chinois) dans un contexte géopolitique plus large.

Cette stratégie est effectivement connectée à d’autres initiatives : les nouvelles routes de la soie bien sûr, mais également la route de la soie numérique (y compris « Made in China 2025 » et « China Standards 2035 »), l’initiative pour la sécurité mondiale et la stratégie de circulation duale.

Ainsi,le dessein final de cette stratégie de fusion militaro-civile est, selon les rapporteurs, de répondre à l’objectif stratégique de long terme du parti-Etat chinois : « faire de la Chine la première puissance mondiale sur les plans de l’influence politique, des capacités économiques, de la suprématie technologique et de la puissance militaire et déstabiliser l’ordre mondial ».

Les agences de renseignement des différents Etats de l’Union ont par ailleurs alerté à de multiples reprises sur les risques de dépendance, d’espionnage et de sabotage inhérents à la présence d’entités chinoises (mais pas uniquement) dans les infrastructures et les secteurs stratégiques de l’UE.

Nombreuses sont les pressions politiques émises par le pouvoir chinois, et subies par les acteurs économiques et politiques européens, pour l’approbation d’investissements dans les infrastructures critiques. La participation de l’entité chinoise COSCO dans le port de Hambourg est à cet égard symptomatique.

Quelles sont les conséquences de la stratégie chinoise de fusion militaro-civile ?

A travers ces investissements dans des infrastructures critiques, la Chine vise à accroître la dépendance économique de l’Union. Les rédacteurs du rapport exhortent par conséquent le Parlement européen et la Commission à renforcer la surveillance réglementaire et à « introduire des vérifications spécifiques des antécédents des personnes physiques et morales ayant des liens directs avec le gouvernement chinois ».

La diversification des sources d’approvisionnement en minéraux bruts critiques et terres rares à travers des partenariats stratégiques avec des pays tiers autre que la Chine représente également une nécessité selon les rapporteurs.

Développer une « boîte à outils » européenne afin de répondre aux préoccupations en matière de sécurité et de défense

L’un des piliers de la stratégie d’autonomisation de l’UE vis-à-vis de la Chine en matière de technologies et infrastructures critiques n’est autre que le réseau d’instituts de recherches et d’installation de R&D. Ces instituts jouent effectivement un rôle de premier plan dans le respect des engagements pris en matière de transition écologique, numérique mais également en matière de défense spatiale.  

Lucides quant à la situation de leadership de la Chine dans un certains nombres de technologies critiques utilisées dans des secteurs comme la 5G, les batteries, les missiles hypersoniques, l’énergie solaire et éolienne, les rapporteurs demandent aux institutions européennes de procéder à un examen systématique des entreprises chinoises « bénéficiant directement ou indirectement de programmes européens d’importance stratégique pour l’UE et, le cas échéant, de mettre fin à leur participation. »

La dépendance de pays de l’UE sur certaines infrastructures est, à bien des égards, alarmante : 100 % du réseau RAN 5G de Chypre est composé d’équipements chinois, le chiffre est de 59 % pour l’Allemagne.

Le rapport souligne également les dangers inhérents à l’application TikTok, qui ne respecte pas le cadre européen de protection de la vie privée, et constitue un instrument redoutable de désinformation à grande échelle.

Si les récentes mesures législatives visant à renforcer l’autonomie d’entités critiques, comme les ports, de l’UE sont saluées, les eurodéputés souhaitent néanmoins que la Commission partage avec le Parlement (avant la fin de la législature) une analyse détaillée de l’ensemble des risques commerciaux liés aux technologies telles que « les semi-conducteurs, l’informatique quantique, les chaînes de blocs, l’espace, l’intelligence artificielle et les biotechnologies. »

Les risques d’ingérences dans les marchés publics relatifs aux équipements de sécurité ne font malheureusement pas l’objet d’un contrôle adéquat. Comme c’est le cas dans le cadre du contrat passé par l’aéroport de Strasbourg avec la filiale européenne de la société chinoise Nuctech (détenue en partie par le gouvernement chinois) pour l’installation de scanners et portiques de sécurité.

Les députés ont émis les demandes suivantes :

– la mise en place d’un mécanisme de réaction rapide de détection du double usage ou de l’usage abusif d’infrastructures dans l’UE « sous propriété, participation ou concession chinoise, qui pourrait être utilisé pour mettre fin aux droits de concession et/ou suspendre la capacité du domaine dans les cas de propriété et de participation »

– La mise en œuvre de nouvelles mesures en matière de sécurisation des chaînes de production et approvisionnement des infrastructures et matériaux critiques

– L’élaboration d’un nouveau cadre législatif visant à réduire les risques de sécurité relatifs aux fournisseurs de systèmes de câble sous-marins

Etendre les mesures européennes aux partenaires et aux voisins de l’UE

Les députés européens invitent enfin la Commission à étendre les mesures prises en faveur de l’autonomie stratégique de l’UE vis-à-vis de la Chine aux pays partenaires de l’UE et faisant partie de sa politique de voisinage.  

Références

(1) https://agenceurope.eu/fr/bulletin/article/13330/13

(2) https://www.portail-ie.fr/univers/influence-lobbying-et-guerre-de-linformation/2024/les-infrastructures-critiques-europeennes-gangrenees-par-la-strategie-de-fusion-militaro-civile-chinoise/

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