L’archipel souffre d’un sous-investissement en infrastructures et services publics, accentuant les crises. Dès lors, les différents gouvernements tentent, par petites annonces, de répondre au cas par cas aux demandes des élus locaux, sans pour autant définir un cap et une vision pour ce territoire. Les mahoraises et les mahorais sont, de fait, exclus de la communauté nationale. Se pose alors la question de l’intégration de ce territoire au sein de la République et de la réelle volonté de l’État d’en faire une partie intégrante de la communauté de destins de notre pays.
À cela s’ajoute le défi de l’immigration, dont est issue 50% de la population. Mayotte se situe à environ 70 km par la mer de l’île comorienne d’Anjouan, et ce court passage maritime est traversé par des embarcations de fortune. Ces traversées dangereuses sont fréquentes malgré les risques d’accidents et de naufrages. La moitié de la population totale de Mayotte est estimée être d’origine étrangère, principalement comorienne. Ces flux migratoires, combinés à une croissance démographique importante, mettent sous pression les infrastructures locales, notamment les services de santé et d’éducation, et posent des défis sociaux et économiques majeurs pour l’île.
Mayotte est le département le plus pauvre de France, avec un PIB par habitant bien inférieur à celui de la métropole ou même d’autres départements d’outre-mer. Le chômage, notamment chez les jeunes, y est très élevé (37% de la population active !), et 75% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, c’est cinq fois plus que dans l’Hexagone. Cette situation économique difficile renforce le sentiment d’exclusion et d’inégalité, car les Mahorais perçoivent un fossé entre leur niveau de vie et celui des autres départements français.
L’archipel est soumis à des régimes juridiques et sociaux particuliers qui diffèrent du droit français appliqué dans l’Hexagone. Les droits sociaux, comme les allocations familiales ou les retraites, sont moins élevés qu’en métropole et les lois françaises y sont appliquées progressivement, avec des retards. Par exemple, l’application du Code civil et du Code de la Sécurité sociale y est partielle, ce qui crée un sentiment d’inégalité. Le droit local, inspiré des coutumes religieuses parfois archaïques, persiste également, même s’il a été restreint pour s’aligner davantage avec le droit français.
Depuis 2016, Mayotte fait face à une grave pénurie en eau, l’île étant particulièrement soumise aux aléas climatiques, notamment aux pluies qui permettent de régénérer l’eau en surface. Mais l’île fait aussi face aux sous-investissements de son réseau de distribution en eau et à l’augmentation de la consommation qui accentue les difficultés. Par ailleurs, les infrastructures d’eau potable sont vieillissantes et ne couvrent pas tous les besoins de la population. Les installations de traitement de l’eau et les réservoirs de stockage sont souvent insuffisants. De plus, des pertes importantes d’eau sont causées par des fuites dans le réseau de distribution, aggravant la pénurie.
Face à la crise de l’eau, des mesures temporaires, comme la distribution de bouteilles d’eau ou la mise en place de points d’eau, ont été mises en place. Les autorités locales et nationales envisagent des projets à long terme, tels que le renforcement des infrastructures de distribution, l’augmentation des capacités de stockage et le développement de solutions de dessalement de l’eau de mer. Cependant, ces solutions nécessitent des investissements conséquents – que le gouvernement français ne semble pas réaliser, qui ne pourront pas résoudre immédiatement la situation actuelle.
Cette crise ne s’arrête pas à la problématique de l’eau potable. Tous les services publics souffrent. Les écoles sont saturées, les hôpitaux sont sous-équipés et le réseau de transport est quasi inexistant. Cela ne fait que renforcer le sentiment d’exclusion ressenti par les Mahorais, qui se considèrent comme des citoyens de seconde zone.
L’éducation est l’immense défi pour l’avenir de Mayotte. Le sous-effectif d’enseignants est un problème majeur. Mayotte a du mal à recruter et à retenir des enseignants qualifiés, en partie en raison de l’éloignement et des conditions de travail difficiles. Les enseignants affectés à Mayotte viennent souvent en mission temporaire et repartent au bout de quelques années, ce qui entraîne une forte rotation du personnel. Cette instabilité ne permet pas d’assurer un suivi pédagogique stable pour les élèves.
A cette situation s’ajoute l’état catastrophique des infrastructures scolaires. Beaucoup d’écoles manquent d’aménagements indispensables : certaines salles de classe sont des bâtiments précaires, souvent insalubres, sans climatisation, et mal adaptées aux besoins des élèves et des enseignants. Les écoles manquent aussi d’équipements pédagogiques essentiels, comme des manuels scolaires, des équipements informatiques et du matériel pour les activités sportives et culturelles.
Le manque d’infrastructures pousse également certaines écoles à pratiquer le système de rotation, où les élèves alternent entre le matin et l’après-midi pour permettre à tous d’accéder aux cours. Cette situation est une rupture d’égalité inadmissible avec les écoliers de l’Hexagone. Améliorer la situation des écoles à Mayotte est crucial pour le développement de l’île et pour offrir aux jeunes Mahorais les mêmes chances de réussite que les autres enfants français. Des actions fortes et une réelle volonté politique de la part de l’État sont indispensables pour améliorer les infrastructures, recruter et stabiliser les enseignants.
L’accès à la santé – droit fondamental et pilier essentiel de notre République – est lui aussi mis à mal à Mayotte. Le département qui ne dispose que d’un seul hôpital public, le CHM de Mamoudzou, manque de services spécialisés. Le personnel hospitalier est très insuffisant. Beaucoup de praticiens sont à Mayotte en contrat temporaire – situation qui met à mal la continuité des soins pour les Mahorais. Les patients doivent parfois être transportés vers la Réunion ou l’Hexagone, déclenchant un coût considérable pour les familles.
Avec un taux de natalité parmi les plus élevés de France, la demande en soins maternels et pédiatriques est considérable. Le CHM doit gérer un grand nombre d’accouchements avec un effectif souvent limité, et les suivis postnataux sont parfois inadéquats. Les services de néonatologie sont régulièrement débordés, mettant en danger la santé des nouveau-nés.
Mayotte est dans une situation sanitaire et sociale catastrophique et l’État regarde ailleurs. Où est la promesse républicaine d’égalité ? Accepterions-nous une telle situation au sein d’un autre département ?