Crise du logement : les classes populaires en première ligne

Face à la crise du logement qui touche notre pays, Maxence Pigrée dénonce l’inaction d’Emmanuel Macron depuis 2017 pour résorber cette crise. Par manque de volonté politique, le gouvernement a laissé sombrer le logement – et notamment le logement social – dans une situation catastrophique qui n’a fait que multiplier les inégalités sociales et territoriales de notre pays.

Les chiffres sont sans appel : 2,4 millions de ménages sont en attente d’un logement social et 330 000 personnes sont sans domicile fixe selon les données de la Fondation Abbé Pierre[1]. Depuis 2017, le président de la République et les différents gouvernements se sont désengagés de ce combat.  Dès l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron et de sa majorité, le ton était donné : 6,5 millions des français bénéficiaires de l’aide personnalisée au logement (APL) se voyaient retirer 5€ de leur allocation. Les coupes budgétaires se sont ensuite multipliées avec notamment le gel du barème des allocations-logement ou encore la baisse du budget total du logement : 42 milliards en 2017 contre 37,6 milliards en 2022 alors même que la crise n’a fait que s’accentuer. Dans cette situation, ce sont les classes populaires qui ont subi de plein fouet ces mesures.

Depuis près de 7 ans, la crise du logement s’aggrave et le gouvernement regarde ailleurs. Malgré des promesses de construction, le nombre de logements sociaux n’a pas suivi la demande croissante. Cela a aggravé la précarité des ménages les plus modestes, pour qui l’accès à un logement abordable est de plus en plus difficile.  Des mesures comme la loi de 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan) visaient à faciliter la construction de logements, mais celles-ci ont finalement trop favorisé la libéralisation du secteur immobilier, au détriment du logement social. En outre, ces réformes n’ont pas permis de réduire significativement les délais de construction ou les coûts du logement.

Le logement est la matrice des inégalités sociales et territoriales dans notre pays. La part du revenu des classes populaires qui lui est consacrée est toujours plus élevée. En 2021, selon l’INSEE, toute catégorie sociale confondue, 26,7 % du budget des ménages est consacré au logement et 25 % des ménages les plus modestes consacrent 32% de leurs revenus à leurs dépenses en logement, contre 14,1 % pour les ménages les plus aisés. Par ailleurs, les inégalités territoriales se manifestent par des écarts importants entre les zones urbaines attractives, où les activités et opportunités économiques et culturelles sont nombreuses, et les zones rurales ou périphériques, souvent moins bien desservies en termes d’emplois, d’infrastructures et de services publics. Les ménages qui n’ont pas les moyens de se loger dans les centres-villes ou les quartiers proches des pôles économiques sont contraints de s’installer en périphérie, ce qui renforce la ségrégation spatiale. Cette situation oblige les classes populaires à s’installer dans des lieux d’où il leur sera quasiment impossible d’en sortir, les assignant inévitablement à résidence avec toutes les conséquences que cela leur imposera : manque de transport, difficultés à accéder à un emploi, à des activités culturelles ou sportives.

Dans de nombreuses villes, les quartiers autrefois populaires subissent des phénomènes de gentrification. Sous l’effet de l’arrivée de populations plus aisées, cette gentrification entraîne une hausse des prix de l’immobilier et des loyers, rendant l’accès au logement de plus en plus difficile pour ces classes populaires qui y vivaient historiquement. Ces familles, souvent déjà fragilisées économiquement, sont contraintes de quitter leurs quartiers, repoussées vers des zones périphériques. Cette gentrification – loin de n’être qu’un simple renouveau urbain – exacerbe les inégalités sociales en déplaçant les habitants les plus vulnérables. Cette dynamique accroît les inégalités territoriales et favorise une polarisation sociale : les centres-villes deviennent des espaces pour les classes plus aisées tandis que les classes populaires sont reléguées en périphérie.

Face à ce constat, les dernières annonces en matière de logement sont celles de l’ancien Premier ministre Gabriel Attal en février 2024 et restent très insuffisantes au regard de l’immense crise que les gouvernements successifs ont laissé prospérer. La construction de 30 000 nouveaux logements paraît dérisoire au regard des 4,1  millions français mal-logés. Si gouverner, c’est prévoir, alors que le gouvernement ne prévoit aucune politique du logement social depuis 2017. Pire, Emmanuel Macron a guidé son action en faveur du logement en pensant que les acteurs privés seraient  en capacité de résorber une grande partie de la crise du logement. Force est de constater qu’en 2023, les chantiers ont chuté de près de 22% selon la Fondation AP.

Le nouveau gouvernement de Michel Barnier ne semble pas prendre la mesure de cette crise au regard des annonces très insuffisantes qui ont été faites ces derniers jours, notamment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 : aucune impulsion budgétaire majeure pour le logement. Pire, la politique de rénovation énergétique est rabotée de près d’un milliard d’euros dans ce projet de loi de finances, passant 1,2 milliard sur 3 ans à 350 millions d’euros sur 2 ans.

Ces données alarmantes devraient créer un véritable électrochoc face à cette crise sociale. La politique du logement a trop souvent manqué de coordination entre les différentes échelles locales et nationales. Les zones tendues, comme Paris, Lyon, Marseille ou Toulouse, nécessitent des politiques spécifiques, mais les réponses apportées ont souvent été jugées trop générales ou mal adaptées aux réalités locales. L’accès au logement détermine en grande partie l’accès à d’autres droits fondamentaux, comme l’éducation, la santé, et l’emploi, et contribue ainsi à perpétuer ou à renforcer les inégalités sociales et économiques dans le pays. Réduire ces inégalités nécessite des politiques publiques ambitieuses et ciblées, tant en matière de construction de logements accessibles que de lutte contre la ségrégation spatiale et les discriminations.

Certains chiffres de cet article sont issus de la Fondation Abbé Pierre dans un climat où celle-ci a annoncé réfléchir à un changement de nom suite aux dernières révélations sur les agressions sexuelles commises par l’Abbé Pierre. Cela ne change en rien la qualité et l’immense travail de cette Fondation, dont l’engagement des salariés pour éclairer sur l’ampleur de cette crise est plus que jamais nécessaire.

Références

[1] 29ème rapport sur l’état du mal-logement en France 2024, p12.

 

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