Emmanuel Macron a annoncé le 8 mars, à l’occasion de la journée des droits des femmes, qu’il allait préparer dans les mois qui viennent un projet de loi visant à inscrire dans la constitution « la liberté pour les femmes de recourir à l’avortement ».
Cette annonce n’est pas un scoop.
Au lendemain de l’arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis d’Amérique, le 24 juin 2022, dans l’affaire « Dobbs vs. Jackson Women’s Health Organization », la présidente du groupe parlementaire Renaissance, Aurore Bergé, soutenue par la Première ministre Élisabeth Borne, avait annoncé qu’elle proposerait d’inscrire le droit à l’avortement dans notre constitution. Bien sûr, elle ne le faisait pas sans avoir reçu l’approbation préalable du Président de la République. On remarquera qu’il ne s’est rien passé depuis. Une annonce de plus sans lendemain, comme il y en a tant.
Mais arrêtons-nous un instant sur le sujet. Pourquoi une décision de la Cour suprême américaine rendait-elle nécessaire et urgente une modification de la Constitution française ?
Par l’arrêt en question, la Cour suprême américaine renversa sa jurisprudence précédente relative au droit à l’avortement aux États-Unis. Depuis 1973, elle considérait qu’il était garanti par la constitution fédérale des États-Unis, en conséquence de quoi il ne pouvait pas être remis en cause par une loi dans l’un des états fédérés (arrêt Roe vs. Wade). Quarante-neuf ans après, suivant les conclusions du juge Samuel Alito, elle prit un arrêt contraire et décida que la Constitution ne disait rien sur le droit à l’avortement, qu’elle était neutre sur ce sujet et qu’il revenait à chaque État américain de définir sa législation dans ce domaine. Cette décision de la Cour suprême donnait raison à l’État du Mississippi qui avait adopté une loi très restrictive sur l’avortement, dont la constitutionnalité était contestée par une clinique de Jackson qui pratiquait l’avortement. La décision de la Cour suprême n’interdit donc pas l’avortement aux États-Unis mais laisse aux cinquante États fédérés le droit de le faire.
Même si les liens entre la France et les États-Unis sont très forts depuis La Fayette et la guerre d’indépendance américaine, les décisions de la Cour suprême de ce pays n’ont jusqu’à présent aucune conséquence sur l’état de notre droit national, déjà très largement soumis au droit européen.
En France, le droit à l’avortement n’est menacé ni par nos lois ni par notre constitution. L’avortement est autorisé pour les femmes majeures ou mineures. Ce droit a été renforcé par une loi récente, promulguée le 2 mars 2022, qui porta de 12 à 14 semaines de grossesse le délai pendant lequel il est possible de recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Cette même loi a étendu aux sage-femmes la compétence de pratiquer des IVG chirurgicales. Elle a pérennisé l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse (sept semaines contre cinq semaines jusqu’en 2020). Enfin, un répertoire recensant les professionnels et structures pratiquant l’IVG, librement accessible, doit être publié par les agences régionales de santé.
La seule vraie menace qui pèse sur le droit à l’avortement en France, c’est le délabrement de notre système de santé, le manque de médecins, de sage-femmes, d’infirmiers, d’aides-soignants dans les hôpitaux, le manque de soutien dont bénéficie le planning familial.
Si Emmanuel Macron veut vraiment préserver « la liberté de recourir à l’avortement » (c’est l’expression qu’il a employée le 8 mars), qu’il donne aux hôpitaux les moyens financiers et humains dont ils ont besoin et que son gouvernement leur refuse. Qu’il augmente les salaires des aides-soignants, des infirmiers et des médecins pour arrêter l’hémorragie de personnel qui entraine la fermeture de nombreux services d’urgence la nuit ou une partie de la semaine. Qu’il donne aux universités les moyens de former les personnels soignants dont la pays a besoin.
Au lieu de cela, il agite un projet de réforme constitutionnelle qui ne manquera pas de diviser la société française, il le sait, sur un sujet qui pour le moment ne pose aucun problème. Son but est de piéger la gauche, qui devra se rallier à cette proposition pour être fidèle à sa réputation progressiste. La NUPES demandera sans doute à remplacer l’expression « liberté de recourir à l’avortement » par celle de « droit à l’avortement » et finira par soutenir ce qu’elle considèrera tout de même comme un progrès. E. Macron veut aussi embarrasser la droite, Les Républicains et le Rassemblement national, qui devraient s’opposer à cette proposition et ainsi démasquer leur conservatisme viscéral, bien que Marine Le Pen se soit déclarée à titre personnel favorable au droit à l’avortement et à sa constitutionnalisation.
Je ne prétends pas qu’il y ait consensus en France sur le droit à l’avortement. Les représentants de différents cultes religieux y sont opposés, mais pour le moment, dans notre République laïque, ils ne font pas la loi. Souhaitons que cela dure. Mais aujourd’hui, ni du côté des partis politiques ni du côté de l’opinion publique française il n’existe de risques réels de remise en cause du droit à l’avortement, consacré par la loi du 17 janvier 1975 défendue par Simone Veil.
Au nom d’un risque imaginaire, il s’agit de faire diversion et de détourner le théâtre médiatique des périls et des problèmes bien réels auxquels les Françaises, puisqu’il s’agit d’elles en premier lieu, sont particulièrement confrontées.
Le problème bien réel et non virtuel auquel les femmes sont confrontées, elles l’ont dit dans la rue le 7 mars, c’est la réforme du régime des retraites que veulent imposer E. Macron et son gouvernement.
Des centaines de milliers de femmes ont manifesté dans toute la France contre le projet de loi du gouvernement réformant le régime des retraites dont l’application retarderait de deux ans l’âge légal de départ à la retraite. Les femmes étaient nombreuses dans la rue parce qu’elles sont plus durement frappées encore que les hommes par ce projet de loi. Leurs retraites sont déjà inférieures en moyenne de 20% à celles des hommes, à la fois parce que leurs salaires sont en moyenne inférieurs à ceux des hommes et parce que leurs carrières sont souvent interrompues, notamment par les maternités. Il existe aujourd’hui des correctifs visant à limiter partiellement cette inégalité par le biais de bonifications liées au nombre de leurs enfants. C’est ce qui permet à la très grande majorité des femmes de prendre leur retraite à taux plein à 62 ans. Le report de l’âge légal à 64 ans annulerait le bénéfice de ces bonifications. Le Sénat s’en est aperçu, d’ailleurs, et a tenté de corriger en partie cet effet délétère, parmi beaucoup d’autres, de la réforme Macron / Borne.
Il faut refuser la manœuvre politicienne du président de la République qui fera perdre du temps et de l’énergie au pays dans un débat inutile sur la Constitution, et travailler vraiment à l’amélioration de la situation des femmes, en leur permettant de partir à la retraite avec une pension suffisante à 62 ans, en augmentant leur salaire pour les porter au niveau de celui des hommes, en assurant l’égalité entre les femmes et les hommes au travail et dans leur vie.
N’inventons pas des menaces virtuelles sur le droit à l’avortement et préoccupons-nous des conditions concrètes de son exercice dans les hôpitaux et des conditions de vie et de travail des femmes.
La constitution d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale en vue d’établir les raisons de la perte de notre souveraineté énergétique témoigne de la même virtualité du débat politique français. Cette commission devait s’intéresser à la « souveraineté énergétique de la France », d’après son intitulé, mais en réalité son travail n’a porté que sur l’électricité et plus spécifiquement sur l’énergie nucléaire.
Il faut rappeler que l’électricité ne représente qu’environ 20% de la consommation finale d’énergie des Français, tandis que 80% de celle-ci sont satisfaits par des énergies fossiles, principalement du gaz et du pétrole.
La vraie question qui se pose sur notre souveraineté énergétique est donc de savoir comment nous allons répondre à 80 % de nos besoins énergétiques par d’autres ressources que des hydrocarbures ou du charbon importés, et non de savoir si le nucléaire doit représenter plus ou moins de 50% de la production d’électricité.
Un esprit malicieux rappellerait également que nous importons la totalité de l’uranium utilisé dans nos réacteurs nucléaires et que la technologie utilisée pour développer le parc nucléaire français depuis 1974 est une technologie américaine. EDF a acheté la licence des réacteurs à eau pressurisée mis au point par Westinghouse et le gouvernement français de l’époque a arbitré en faveur de cette technologie, au détriment de la filière mise au point par le CEA, dite « uranium naturel graphite gaz » (UNGG), qui était nettement moins performante. En matière de souveraineté, on fait mieux.
De cela, il ne fut pas question devant la commission d’enquête parlementaire qui se passionna pour un tout autre sujet. Elle chercha à établir que François Hollande et le parti socialiste avaient porté atteinte à la souveraineté énergétique de la France en signant avec les écologistes, le 15 novembre 2011, un « contrat de mandature » en vue d’une victoire éventuelle de la Gauche aux élections présidentielle et législatives de 2012. Cet accord prévoyait notamment la « réduction de la part du nucléaire dans la production électrique de 75 % aujourd’hui à 50 % en 2025 ».
Plusieurs personnalités auditionnées par la commission, dont Manuel Valls, ont déclaré que cet accord ne s’appuyait sur aucune évaluation technique préalable. Les députés du parti du président de la République ont considéré qu’il s’agissait d’une nouvelle preuve de l’irresponsabilité incurable de la Gauche. Les autres partis de Droite, tous favorable au développement de l’énergie nucléaire, leur ont emboité le pas. La plupart des médias ont partagé leur jugement. Pas de doute, c’est à cause de cet accord entre les Verts et le PS en 2011 qu’EDF n’a pas produit assez d’électricité en 2022, qu’elle a dû importer massivement de l’électricité en 2022 et 2023 et que sa situation financière est catastrophique.
Pour ma part, je ne vois rien de scandaleux à l’absence d’évaluation technique par des experts d’une proposition d’un programme politique. Cette manie de vouloir soumettre les programmes politiques à une évaluation d’experts est un dévoiement de la politique et explique en partie pourquoi les partis politiques ont subi une telle déconfiture. Les experts considéraient que la réduction de la journée de travail des enfants à 12 heures provoquerait une catastrophe économique lorsque cette mesure a été prise ; ils pensaient que les congés payés étaient inenvisageables, tout comme la semaine de travail de 40 heures.
De plus, il est faux de dire qu’il n’existait aucune évaluation des conséquences des différents choix possibles au début du mandat de François Hollande. L’administration française, malgré son tropisme nucléaire très fort, et de nombreux instituts publics et privés disposaient de différents scénarios d’évolution de notre mix électrique.
L’ADEME, l’agence pour la maîtrise de l’énergie, un établissement public placé sous la tutelle de l’État, présente depuis longtemps des scénarios alternatifs à une production électrique reposant pour les 3/4 sur l’énergie nucléaire.
Le Parlement français a adopté en 2015 une « loi relative à la transition écologique et à la croissance verte » dont l’un des 215 articles prévoyait le plafonnement de la part du nucléaire dans la production électrique française à 50% en 2025. Quoi que l’on puisse penser de cette loi, il ne s’agit pas d’un accord politique signé sur un coin de table. Elle a donné lieu à des débats très longs au Parlement avant d’être adoptée et elle était accompagnée, comme tout projet de loi, d’une étude d’impact.
Le niveau très élevé des importations françaises d’électricité depuis l’automne 2022 n’a rien à voir avec l’accord politique conclu par François Hollande avec les écologistes.
La raison réside tout simplement dans la mise à l’arrêt de la moitié du parc nucléaire pendant une bonne partie de l’année en raison de graves dysfonctionnements des réacteurs nucléaires mettant en cause la sûreté de leur fonctionnement. Au cours de l’année passée ce sont des fissures apparues sur des tuyaux et des soudures de circuits essentiels au fonctionnement des réacteurs, dont la rupture serait dramatique pour le personnel travaillant dans ces centrales et la population, qui ont conduit l’autorité de sûreté nucléaire et l’exploitant EDF à décider de la mise à l’arrêt des centrales concernées.
Le gouvernement de François Hollande, auquel je fais personnellement beaucoup de reproches, n’est en rien responsable de cette situation.
Les réacteurs de 900 mégawatts construits entre 1974 et le milieu des années 80 ont été conçus pour fonctionner quarante ans. C’est en tout cas ce que disait le président d’EDF de l’époque, Marcel Boiteux, qui passe pour l’un des plus grands présidents que cette entreprise ait connus. Ces réacteurs atteignent maintenant cet âge, mais EDF souhaite prolonger leur exploitation jusqu’à 50 ans et maintenant jusqu’à 60 ans.
La décision du maintien en exploitation est prise par l’exploitant, après autorisation de l’autorité de sûreté nucléaire, sous réserve de travaux de rénovation très importants permettant de garantir le bon fonctionnement des réacteurs pour la décennie suivante.
EDF a pris beaucoup de retard dans la mise en œuvre de ce programme dit de « grand carénage », parce que les travaux se sont avérés plus compliqués à réaliser que prévu, parce que EDF dépend d’entreprises sous-traitantes très nombreuses qui ne sont pas toujours mobilisables au moment où elle le souhaite ; parce que le Covid a perturbé les conditions de travail et d’approvisionnement en matériaux et pièces détachées ; et peut-être aussi parce que l’entreprise n’avait pas suffisamment anticipé l’importance des travaux à réaliser et des problèmes qu’elle allait rencontrer.
Il faut souligner que les réacteurs les plus récents ne sont pas épargnés par ces problèmes de fissures. L’autorité de sûreté nucléaire vient de communiquer, en ce début de mois de mars, sur de nouvelles fissures découvertes sur un réacteur situé à Penly, mis en service en 1992 (quatre réacteurs seulement sur 56 ont été mis en service après 1992). L’Autorité de Sûreté Nucléaire précise que la fissure s’étend sur 155 millimètres, soit environ le quart de la circonférence de la tuyauterie, et que sa profondeur maximale est de 23 millimètres, pour une épaisseur de tuyauterie de 27 millimètres. En clair, cela signifie que nous n’étions pas loin de la rupture de cette tuyauterie qui aurait eu des conséquences très graves. Il y a donc de sérieuses raisons de s’inquiéter, d’autant que des fissures de même nature sont apparues en même temps sur deux autres réacteurs exploités par EDF.
Comme EDF construit les réacteurs nucléaires par séries, afin de bénéficier d’économies d’échelle, les défauts constatés sur l’un des réacteurs risquent fort de l’être sur les autres réacteurs de la même série. C’est ce qui explique la mise à l’arrêt de la moitié du parc nucléaire pendant plusieurs mois de l’année 2022 et non un complot ourdi en 2011 pour nuire à l’efficacité de la production d’électricité d’origine nucléaire.
La seconde raison expliquant ce déficit de production d’EDF en 2022, c’est le retard pris par l’entreprise pour achever la construction du réacteur de nouvelles générations de type EPR à Flamanville. La décision de construire ce réacteur a été prise en 2004 par le Conseil d’administration d’EDF. Son président François Roussely était pressé de prendre cette décision par Nicolas Sarkozy qui souhaitait, déjà, un nouveau développement de l’énergie nucléaire en France. La construction de ce réacteur a débuté en 2007 pour une livraison prévue en 2011. En 2023 la construction du réacteur de Flamanville 3 n’est toujours pas achevée et sa date de mise en service est repoussée de semestre en semestre. Sa construction devait coûter moins de 4 milliards d’euros ; la facture finale sera de l’ordre de 20 milliards.
La production d’électricité par ce réacteur, encore virtuel lui aussi, d’une puissance de 1600 mégawatts, faisait partie des prévisions de production d’EDF en 2022 et 2023. Son incapacité à livrer dans les délais prévus cet outil de production pèse lourdement dans le bilan global d’EDF.
Cette succession de défaillances de l’électricien national l’a obligé à importer massivement de l’électricité en provenance de l’Union européenne, au moment où l’invasion de l’Ukraine par la Russie provoquait une flambée des prix de l’énergie, notamment du prix de l’électricité. EDF achetait à prix d’or de l’électricité sur les marchés étrangers qu’elle devait revendre à bas prix sur le marché français en raison de la réglementation du marché de l’électricité acceptée par Nicolas Sarkozy et François Fillon en 2010. Pour satisfaire la commission de l’Union européenne et faire comme s’il existait une vraie concurrence sur ce marché en France, le mécanisme de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH), créé par une loi du 7 décembre 2010, oblige EDF à vendre le quart de sa production environ, soit 100 térawattheures (portés à 120 TWh en 2022 par le gouvernement), à des distributeurs privés qui ne produisent rien mais font du commerce en s’interposant entre le producteur d’électricité et le consommateur.
Ce système parfaitement aberrant est la conséquence de la libéralisation du marché de l’énergie que les gouvernements français successifs ont accepté et voté dans les instances européennes. Il est aussi la conséquence de l’incapacité du gouvernement français à défendre les spécificités de l’organisation de la production électrique en France.
D’autres adaptations viendront encore après la nationalisation récente d’EDF que le gouvernement français devra faire avaliser par la commission de l’Union européenne qui lui imposera de nouvelles conditions.
Enfin, il faudra bien discuter sérieusement, un jour, de la question du coût de l’électricité nucléaire. La Commission de régulation de l’énergie vient d’ailleurs d’indiquer qu’elle allait réviser à la hausse son estimation du coût de production du mégawattheure d’électricité d’origine nucléaire.
Les réacteurs nucléaires construits aujourd’hui produisent une électricité beaucoup plus chère que celle produite par toutes les sources d’énergie renouvelables. C’est sans doute la raison pour laquelle aucun investisseur privé ne veut financer la construction de réacteurs nucléaires, le risque étant beaucoup trop grand lorsqu’il est comparé aux revenus qui peuvent être tirés de cette activité.
C’est pourquoi les pays qui construisent aujourd’hui des réacteurs nucléaires sont principalement des régimes autoritaires. La Chine et la Russie dominent cette industrie au niveau mondial et sont les seuls à construire des réacteurs nucléaires en dehors de leurs frontières, avec EDF qui rencontre dans cet exercice les plus grandes difficultés. En Finlande la construction du réacteur d’Olkiluoto ne s’est pas mieux déroulé que celle du réacteur de Flamanville 3. Ce naufrage industriel a entraîné la faillite d’Areva dont le coût a été supporté par l’État, c’est-à-dire les contribuables, et EDF, c’est-à-dire les consommateurs d’électricité. En effet, le gouvernement a contraint EDF à racheter Framatome qui était une filiale d’Areva. Aucun responsable de ce fiasco qui a couté plusieurs milliards n’a été inquiété.
EDF construit actuellement deux réacteurs de type EPR au Royaume-Uni, à Hinkley-Point. Le démarrage de ces réacteurs était prévu pour 2025 lors de la signature du contrat. Il a déjà été reporté à 2027. Il en résultera une augmentation de la facture d’au moins 3 milliards de livres sterling. Le contrat était fondé sur un prix garanti par le gouvernement britannique qui assurait théoriquement la rentabilité de l’investissement à EDF, sur la base des prévisions initiales de coûts de la construction de ces deux réacteurs. Le gouvernement du Royaume-Uni n’acceptera pas de renégocier ces conditions et les augmentations du coût de la construction diminueront d’autant la rentabilité de l’investissement pour l’électricien français.
Le prix garanti accordé par les Britanniques était d’environ 109€ par mégawatt en monnaie de 2022. Cela donne une indication sérieuse sur le coût réel de production de l’énergie nucléaire. Les coûts de production des énergies renouvelables sont inférieurs de plus de moitié au prix garanti de l’électricité nucléaire accepté par les Britanniques pour Hinkley Point.
Macron peut justifier son choix de développer l’énergie nucléaire par sa volonté de maintenir cette industrie en France, par la préservation des emplois du secteur, par la complémentarité entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire. Il faudra en tout cas qu’il explique pourquoi il choisit un moyen de produire de l’électricité à des coûts supérieurs à ceux des pays concurrents. Et il faut cesser d’expliquer aux Français qu’ils bénéficient de l’électricité la moins chère d’Europe car ce n’est plus vrai.
Dans le monde entier, on ferme plus de réacteurs nucléaires qu’on n’en construit et la part de l’électricité nucléaire dans l’électricité produite dans le monde ne cesse de diminuer. Elle était supérieure à 17% en 1996, elle est inférieure à 10% aujourd’hui. Faut-il en conclure que le monde entier fait preuve d’aveuglement quand la France seule a raison de confirmer, par la voix d’Emmanuel Macron et celle de cette commission d’enquête parlementaire, que l’avenir est dans le développement de l’électricité d’origine nucléaire ?
Je pense plutôt que nos débats politiques s’égarent loin de la réalité, dans un monde virtuel peuplé de chimères que les responsables politiques n’osent pas confronter à la réalité faute d’avoir prise sur elle.
La réalité finit toujours par se venger lorsqu’on l’ignore trop longtemps. C’est pourquoi il est important d’essayer d’y revenir sans cesse et d’essayer de la retrouver derrière le brouillard de la communication gouvernementale.
Jean-François Collin
9 mars 2023
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