Hors-série

Que faire pour être au rendez-vous de l’histoire ?

9ème partie - l'histoire n'attendra pas
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Un système financier en surfusion au bord de l’implosion, une stagnation économique structurelle aggravée par la pandémie de Covid-19 et dont on n’entrevoit pas la fin, une crise sociale se transformant progressivement en sécession civique, un système politique bloqué, totalement incapable d’apporter le début d’une réponse à cet ensemble de défis, telle est la situation française et de la plupart des pays de l’empire américain.

Faute de réponse politique il faut craindre, à moyen terme, une explosion aux effets incalculables déclenchée par un évènement imprévisible. Le système est si instable que tout est possible. Si la crise reste rampante, vu l’état de la Gauche de gouvernement, largement déconsidérée et sans projet crédible, le plus probable est le remplacement de la « démocratie néolibérale » centriste par des régimes mercantilistes plus ou moins nationalistes et agressifs à l’extérieur, portés par des régimes autoritaires, résultant de coalitions de libéraux et de populistes de droite plus ou moins extrême. Une solution instable aussi dans la mesure où l’action socialement dissolvante du néolibéralisme serait toujours là, avec en plus l’ombre d’un autoritarisme qu’on pensait disparu.

Que faire ?

Vu de Sirius, la réponse est simple : le contraire de ce qui a été fait ces cinquante dernières années, autrement dit reconstruire ce que la Grande transformation néolibérale a détruit, qu’il s’agisse du système financier et de ses finalités, de l’équilibre social, de l’Etat providence interventionniste.

Le hic, c’est qu’un tel programme, même par étapes graduées n’a aucune chance de recevoir le moindre commencement d’application en l’absence d’une crise majeure.

A ce jour en effet, et pas plus dans un avenir proche, aucune majorité politique, aucun gouvernement libéral n’aura même l’idée de le faire. Quand bien même l’aurait-il dans un pays – à l’exception peut-être, des USA – les intérêts et les forces politiques sont trop imbriqués pour que le projet puisse prospérer. Le piège s’est refermé. L’oligopole financier mondial aux commandes contrôle par ses obligés nationaux des pans suffisamment importants de l’économie pour neutraliser toute tentative un peu sérieuse de réforme, comme il en fut de celles adoptées pourtant par le G20 après la crise de 2008. Il faut se rappeler aussi la manière dont Bruxelles et Francfort ont réduit la Grèce – berceau de la civilisation qui porte le nom d’une de ses princesses mythologiques – à la misère uniquement pour l’exemple et le salut des banques allemandes et françaises.

Le filet des engagements réciproques consignés dans des traités trompeurs, les intérêts croisés sont tels que la réussite de la plus petite réforme de rupture est devenue impossible. Alors les réformes substantielles !

Adam Tooze, au terme d’une analyse fouillée de la dernière décennie va plus loin. Pour lui les crises multiformes qui se succèdent depuis 2008 sont les multiples épisodes et facettes d’une seule et même crise : celle de l’empire américain. Pour être le plus voyant, le krach financier et ses suites ne sont que des pièces de ce vaste ensemble politique, économique et géostratégique. Il n’y a pas d’un côté le système financier dont on peut décortiquer la mécanique, les ratés responsables de la crise, suivies de réformes pour en éviter la répétition, et de l’autre la sphère économique, sociale et politique subissant un processus qui la domine. Il n’y a pas le krach financier, ses conséquences et comment faire pour qu’il ne se reproduise pas, mais des mécaniques financière, économique, géopolitique, sociale et politique qui, ensemble, font système. C’est à ce niveau qu’il faut penser l’évolution de la situation puisque, encore une fois, le système financier néolibéral et ses excès, la stagnation économique, le chômage de masse, l’explosion des inégalités sociales, la dérive oligarchique des organisations sociale et politique, la sécession des citoyens, qu’elle qu’en soit la forme – absentéisme électorale ou « populisme » – ne sont pas séparables. Penser pouvoir traiter un symptôme sans modifier la mécanique qui l’a produit est une illusion.

On aimerait donner raison au lucide Jean-Michel Naulot pour qui « La seule question valable ne consiste pas à se demander : que ferait-on en cas de nouvelle crise ? Mais bien comment l’anticiper pour la prévenir ? » Sauf que les forces politiques susceptibles de soutenir un tel programme, à ce jour, restent introuvables. Tant que la crise ne sera qu’une probabilité, même très forte, et tant qu’existera un espoir de sauver le nouveau Titanic néolibéral, parmi ses armateurs, ses assureurs, ses officiers, les passagers de première classe, sans parler de la masse des fatalistes, l’attentisme primera. L’urgence n’est pas de rédiger une illusoire ordonnance de prescriptions permettant de sortir du piège mais de réveiller et de rassembler les forces susceptibles de soutenir un tel programme.

Le problème n’est pas technique, il est politique.

« Les fondements du système monétaire moderne sont politiques, on ne peut y échapper, rappelle Adam Tooze (…) L’argent et le crédit tout comme la structure du secteur financier qui les chapeaute, sont créées par le pouvoir politique, des conventions sociales et les règles juridiques, contrairement aux chaussures de sport au Smartphone et au baril de pétrole. La monnaie fiduciaire est au sommet de la pyramide monétaire moderne. Créée et sanctionnée par les Etats, elle ne repose sur rien si ce n’est son cours légal ».

Le système bloqué actuellement en place n’est pas le produit du destin mais d’une politique. Les transformations permettant de le débloquer seront celles issues d’une autre politique. Qu’aucun programme de changement ne puisse aujourd’hui aboutir, faute de forces politiques suffisantes pour le soutenir, n’est pas une invitation à attendre passivement mais à se préparer au naufrage inéluctable. S’y préparer pour limiter les dégâts et ménager l’avenir.

Le mode de traitement calamiteux du krach de 2008 est une invitation à ne pas répéter l’erreur de croire que quelques bricolages du système financier dispenseraient d’une réforme complète du système néolibéral global.

Au niveau d’un pays comme la France, s’y préparer appelle à la fois la révision des modalités de fonctionnement du système financier et du financement de l’économie réelle ; une politique de relance économique et le déblocage des institutions politiques qui les conditionne ainsi que de faire face démocratiquement aux conséquences de la crise et conduire les révisions institutionnelles appelées par la situation.

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