Goodfellas (Les Affranchis), Martin Scorsese (1990)

Chronique

Goodfellas (Les Affranchis), Martin Scorsese (1990)

La programmation de Goodfellas (1990) de Martin Scorsese par la Cinémathèque royale de Belgique m’a offert l’occasion de combiner le plaisir de voir un classique sur grand écran à la joie de découvrir une nouvelle salle. Tant le visionnage que la visite sont chaudement recommandés !

« As far back as I can remember, I always wanted to be a gangster ».

Après m’avoir permis de rendre hommage à feu Jean-Luc Godard, je me réjouis d’entamer cette chronique cinématographique pour Le Temps des Ruptures en convoquant l’un de ses fervents admirateurs(1), le non moins célèbre Martin Scorsese.

La présente référence à Godard n’est d’ailleurs pas anodine, esthétique ou un tour solennel donné à cette introduction. Non, en réalité un trait constant du célèbre Goodfellas m’a rapidement fait penser au cinéaste français, à savoir son allure documentaire. « Tous les grands films de fiction tendent au documentaire, comme tous les grands documentaires tendent à la fiction. […] Et qui opte à fond pour l’un trouve nécessairement l’autre au bout du chemin(2) » avait-il déclaré. Alors certes, le film est l’adaptation du livre Wiseguy de Nicholas Pieleggi, publié en 1986 et tirée précisément d’une histoire vraie. Le caractère documentaire pourrait-on dire, découle donc naturellement du choix même de transposer une œuvre basée sur des faits réels. Pour ce qui me concerne toutefois, ce n’est qu’à l’issue des près de deux heures et demie du film que j’ai appris la réalité de l’existence de Henry Hill, protagoniste interprété par le jeune Ray Liotta dont l’éclatante carrière de canaille l’élèvera de la rue au pinacle avant de le jeter sur l’inexorable et prévisible chemin de la décadence.

Aussi, si Les Affranchis tient d’une certaine façon du documentaire à mes yeux, c’est que la montée en puissance de Hill du gamin de Brooklyn vers le malfrat par excellence, ne m’a semblé qu’un prétexte saisi par Scorsese pour décortiquer le microcosme mafieux, son organisation, sa hiérarchie, ses normes, ses activités, ses habitudes, bref, sa façon d’exister. La tournure didactique du récit n’est que renforcée par le choix de faire de Hill le narrateur de sa propre histoire. Du plus loin qu’il se souvienne, il a toujours voulu devenir un gangster – nous déclare-t-il dans les premières minutes du film, par une formule restée célèbre et qui résonne tout au long de celui-ci. Jeune adolescent, il n’aspire donc qu’à intégrer cette coterie d’hors-la-loi rassemblés dans un bistrot qu’il observe avec envie depuis sa fenêtre. À première vue, ce monde qui défile sous ses yeux à tout pour plaire : là-bas, avec eux, il suffit de vouloir pour avoir, de prendre pour posséder et ce évidemment, sans n’être jamais dérangé par rien ni par personne. Prêt à tout pour en être, il gagne progressivement la confiance de Paul Cicero – le ponte du groupe – au fil des tâches qu’on accepte de lui confier. Viennent les premiers trafics, les premiers vols et la première condamnation, l’occasion pour lui d’apprendre de son mentor James Conway interprété par l’inimitable Robert De Niro les deux choses fondamentales dans la vie : ne jamais dénoncer ses amis et toujours fermer sa bouche. Plus qu’une leçon de vie, cette condamnation émancipatrice le fait entrer dans l’âge adulte avec la bénédiction de ses prochains qui l’accueillent à la sortie de l’audience à grand renfort d’applaudissements, de félicitations et de tapes amicales. C’est l’aube d’un beau parcours de truand au sein d’un trio sauvage formé avec ledit James et le fou furieux Tommy de Vitto, joué par le usual suspect Joe Pesci.

Aux explications de Henry Hill s’ajouteront bientôt celles de son épouse Karen Hill, interprétée avec brio par Lorraine Bracco. Intégrant cahin-caha ce qu’elle désigne comme la « deuxième famille » de son mari elle livre un regard à la fois étranger et féminin sur ce beau monde, une perspective doublement didactique qui permet à Scorsese, là encore, d’exposer généreusement les mœurs du milieu. De l’état d’émerveillement devant la notoriété et les innombrables passe-droits de son petit ami – travaillant prétendument dans le bâtiment – on assiste à sa lente prise de conscience du bourbier implacable dans lequel elle s’est mise.

Au-delà du goût artistique pour la violence, le motif scorsesien de la famille est en honneur et décliné tout au long du film. Le sens aigu de Scorsese pour la famille est tel, qu’il fait jouer ses propres parents dans le rôle de deux anciens – sa mère en spécialiste de spaghettis maison, son père en as du steak. C’est toutefois dans le choix et le travail musicales que le réalisateur se distingue merveilleusement, accompagnant morceau après morceau l’ascension de son golden boy, du charmeur coquet et apprécié sur fond de Soul et Pop des Marvelettes et Dean Martin, au cocaïnomane en déroute et en panique mis en musique par les Stones ou encore Cream. Une bande originale parfaite en son genre.

Après avoir fait ses premières armes dans la catégorie du gangstérisme avec Mean Streets (1973), Scorsese passe à la vitesse supérieure cinq ans avant de signer Casino (1995). Multipliant les procédés de narration pour mieux démonter la figure du gangster, d’apparence généreuse mais en réalité profondément cruelle, il fait une entrée magistrale au panthéon du genre aux côtés mais sur un registre différent de celui du Parrain de Francis Ford Coppola.

Références

(1) Au décès de J-L. Godard, M. Scorsese avait eu ces mots justes : « It’s difficult to think that he’s gone. But if any artist can be said to have left traces of his own presence in his art, it’s Godard. And I must say right now, when so many people have gotten used to seeing themselves defined as passive consumers, his movies feel more necessary and alive than ever », v. https://www.theguardian.com/film/2022/sep/14/godard-shattered-cinema-martin-scorsese-mike-leigh-abel-ferrara-luca-guadagnino-and-more-pay-tribute.

(2) Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, Paris, Éditions de l’Étoile/Les Cahiers du cinéma, 1985, p. 144.

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Recension de l’ouvrage Eurafrique. Aux origines coloniales de l’UE, de Peo Hansen et Stefan Jonsson

Culture

Recension de l’ouvrage Eurafrique. Aux origines coloniales de l’UE, de Peo Hansen et Stefan Jonsson

Pour Le Temps des Ruptures, Adrien Félix a lu le livre Eurafrique. Aux origines coloniales de l’UE, des professeurs Peo Hansen et Stefan Jonsson, publié en 2014 et traduit en français en 2022 aux éditions La Découverte.
Introduction

L’entreprise des professeurs Hansen et Jonsson apparaît de prime abord comme une gageure. Avec leur ouvrage, publié en 2014 en anglais, ils n’entendent rien de moins que dévoiler –littéralement – les origines coloniales de l’Union européenne. Le pari semble hasardeux, tant il est vrai que dans un certain imaginaire commun, dont on peut se risquer à croire qu’il est assez largement partagé, l’Union européenne est avant tout synonyme de paix, d’égalité et de modernité. Aux yeux de générations de citoyennes et citoyens européens, la construction européenne s’est sans doute réalisée bien loin des affres de la colonisation, voire à l’encontre de celles-ci. Que le lecteur soit d’emblée averti : il ne s’agit pas là de l’opinion des auteurs de l’ouvrage étudié.Précisément, les deux professeurs de l’Université suédoise de Linköping, respectivement spécialistes de sciences politiques et d’ethnic studies, s’ingénient à démontrer qu’au rebours des représentations dominantes, des questions coloniales et géopolitiques ont joué un rôle de premier plan dans la création de l’Union européenne. À cette fin, ils font le détail minutieux des tractations et négociations politiques ayant mené à la signature, le 25 mars 1957, du traité de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE), matrice de l’actuelle Union. Cette analyse approfondie s’inscrit dans le cadre d’un examen plus vaste, déployé tout au long de la première moitié du XXe siècle, des perceptions nationales de certains pays européens et de leurs élites intellectuelles et économiques, quant à la place et à l’avenir de l’Europe. C’est à l’endroit de cette introspection existentielle et angoissée que l’Afrique entre en scène, devenant la planche de salut d’un vieux continent en déroute.

Au cœur de l’étude menée par les auteurs se trouve un mot – Eurafrique – dont on peine au premier abord à saisir les contours et les significations. S’agit-il d’une notion historique, d’un terme géographique, d’un projet politique ou bien d’une entreprise économique ? Peut-être tout cela à la fois ? L’ouvrage tente d’élucider cette véritable nébuleuse qui surgit et resurgit au fil des décennies sous diverses formes et ambitions. Cette tentative découle du double constat d’un déficit d’investigation historique au sein des études européennes et d’une construction réciproque d’une histoire officielle de l’Union européenne, basé sur un récit fondateur tenant plus du mythe que de la scientificité. Or « la substitution du mythe à l’histoire est dangereuse » nous avertissent les auteurs qui, se faisant historiens, entreprennent d’établir – ou plus justement de rétablir – une vision plus exacte du passé.  Ils le font avec l’exigence et la rigueur d’une « discipline scientifiquement conduite », pour reprendre les mots de Marc Bloch(1), et l’on ne peut qu’imaginer les innombrables heures passées à explorer, entre autres, les fonds des Archives historiques de l’Union européenne à Florence. Confrontant l’historiographie consacrée de l’intégration européenne à l’épreuve des faits, le livre révèle progressivement une relation entre celle-ci et le colonialisme. Parallèlement aux premières tentatives d’unification de l’Europe qui se manifestent à l’aube du XXe siècle et durant les décennies qui suivent, l’on observe comme en regard, des efforts accomplis pour maintenir ou plutôt réinventer le système colonial en Afrique. Ces deux mouvements conjoints émergent après la Première Guerre mondiale, dans une Europe fracturée et instable qui ne tarde pas à se sentir à l’étroit entre deux superpuissances émergentes. Dans ce contexte, les regards se tournent peu à peu vers le sud, et nombre de responsables politiques et intellectuels européens commencent à considérer l’Afrique, ses territoires et ses ressources, comme un potentiel « remède aux maux européens ». Aussi, la perspective de l’exploitation et du développement mutuels du continent africain apparaît progressivement comme un élément fédérateur, un projet suffisamment « attractif et bénéfique […] pour que les États européens acceptent de faire cause commune ».

Cette vision géopolitique qui se révèlera d’une fertilité d’idées et d’imagination inouïe porte, selon les auteurs, le nom d’Eurafrique. Faut-il donc voir entre le processus d’intégration européenne – tel qu’il se concrétisera par la création de la CEE – et le prolongement de la mainmise occidentale en Afrique plus qu’une simple relation ? S’agirait-il bien davantage d’une corrélation, et partant, d’un rapport dont les deux termes ne vont pas l’un sans l’autre, où l’un implique l’autre et réciproquement ? Telle est la question à laquelle l’ouvrage d’Hansen et Jonsson tente de répondre dans une démarche intellectuellement salutaire, consistant à mettre les pieds dans le plat et à regarder l’histoire, notre histoire, en face. 

Une histoire oubliée

De l’aveu des auteurs eux-mêmes, leurs travaux sont nés d’une curiosité à l’égard de la relation qu’entretient l’Union européenne avec les outre-mer, classés entre les régions ultrapériphériques (RUP) et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM). Plus précisément, c’est l’indifférence de la littérature consacrée à l’intégration européenne à l’endroit de ces derniers qui les a intrigués, alors même que les enjeux économiques et géopolitiques dont ils sont porteurs ne sont plus à démontrer. Or ce désintérêt – scientifique mais aussi institutionnel – serait plus largement symptomatique d’une réticence de l’Union européenne à aborder l’histoire et l’héritage du colonialisme. Réticence qui proviendrait d’un récit originel lui-même sciemment détourné d’une histoire internationale, dissocié des processus de colonialisme et de décolonisation pourtant à l’œuvre dans le même temps. Loin des affaires internationales, l’histoire de l’intégration européenne est alors assez naturellement une histoire européenne, celle d’une conquête de la paix et de la prospérité, guidée par des idées progressistes. Cet eurocentrisme est identifié comme l’une des causes ayant conduit à une interprétation sélective de l’histoire, à vocation principalement mythique et fondatrice d’une identité européenne naïve et idéalisée. Entretemps, il sera sans doute clair que l’ouvrage s’inscrit en faux contre cette conception originelle et réfute explicitement le récit dominant de l’histoire de l’Union européenne. Avec certainement l’ambition de se défaire du tropisme européen auquel ils sont eux-mêmes exposés, les auteurs déplacent le champ d’analyse prévalant jusqu’alors pour mieux replacer le rôle de la construction européenne dans les affaires internationales, et plus précisément dans sa relation avec l’Afrique. Ce faisant, ils mettent en lumière l’histoire oubliée de l’Eurafrique.

L’Eurafrique, un « psychodrame historique et géopolitique »

C’est en trois étapes, considérées comme décisives, que les auteurs décident de retracer l’histoire de ce qu’ils appellent le projet eurafricain. Leur analyse fait remonter les origines de l’Eurafrique aux débats d’entre-deux-guerres sur la « crise de l’Europe », dont certaines idées seront progressivement mises à exécution après la Seconde Guerre mondiale avant que le régime d’association de l’outre-mer prévu par le traité de Rome de 1957 en constitue le point d’orgue. Sur plus de 350 pages, mentalités, discours, rapports techniques, correspondances, presse sont scrutés avec attention, afin de mettre en exergue l’importance historique et géopolitique du thème eurafricain. « Thème », voilà peut-être le mot le plus éclairant parmi tous ceux employés dans l’ouvrage ! En termes de musique, il désigne une phrase musicale sur laquelle on fait des variations. Il faut bien voir la difficulté de définir un objet évoluant sur près d’un demi-siècle, en des lieux et par des protagonistes divers et variés. Mais l’ouvrage s’attache justement à démontrer, au-delà de contextes nationaux et internationaux parfois bien différents, au-delà des contingences et des variations, la continuité de ce thème. Pour bien le saisir, un effort de définition s’impose, à tout le moins un effort de délimitation, qui parfois manque au lecteur pris dans un tourbillon d’informations, d’acronymes et de dates.

Une méthode au service d’une nécessité

Quatre aspects sont structurants dans la création de l’Eurafrique en tant qu’entité historique et projet politique. Le premier est celui du sentiment de supériorité raciale de l’Europe vis-à-vis de l’Afrique. La chose est incontestable au sortir de la Première Guerre mondiale, où la présence de troupes coloniales – composées de soldats non blancs – sur le territoire européen pour occuper les provinces rhénanes d’Allemagne, révèle un racisme exacerbé qui fait pendant à la tentative de « reconnaissance de la race européenne comme nation occidentale ».(2) Le deuxième aspect concerne les premières tentatives d’unification européenne qui émergent, là aussi, à l’issue du conflit. Dans ce contexte, le mouvement pour une Union Paneuropéenne incarné en la très influente personne du comte autrichien Richard Coudenhove-Kalergi – lui-même hanté par le déclin de l’Europe face aux grandes puissances émergentes – jouera un rôle de premier plan dans la théorisation de l’Eurafrique. Le troisième aspect, proche du premier, renvoie à un regain d’intérêt pour la géopolitique lié aux velléités de compensation des pertes coloniales subies par certains pays, en particulier l’Allemagne. Enfin, le quatrième aspect qui structure l’idée eurafricaine selon les auteurs, est la contradiction entre l’affirmation du principe d’autonomie nationale observable en Europe et les réalités de la domination coloniale qui perdurent en Afrique. Dans ce cadre, l’Eurafrique apparaît à la fois comme une nécessité et une méthode. Une nécessité, puisque l’Europe est fragilisée et que le redressement économique et politique auquel elle aspire exige ressources et matières premières dont l’Afrique dispose. Une méthode, car seule l’exploitation conjointe de ces ressources semble suffisamment prometteuse pour faire advenir le redressement espéré – raison suffisante pour considérer l’unification européenne. « L’Afrique ne sera à notre porté que si l’Europe s’unit » résume Coudenhove-Kalergi.

De l’utopie eurafricaine à l’ancrage institutionnel

Les premiers temps de l’Eurafrique, ceux de l’entre-deux-guerres, sont marqués par un ensemble de travaux intellectuels utopistes, tous imprégnés par l’idée d’une prétendue « mission civilisatrice » dont serait investie l’Europe et ses nations. Cette vertueuse vocation sert en réalité de paravent pour des projets visant essentiellement à solutionner des problèmes européens. Devant la surpopulation inquiétante de l’Europe, des eurafricanistes convaincus tels que le français Eugène Guernier ou l’italien Paolo Orsini di Camerota élaborent des plans d’immigration de masse de résidents européens vers l’Afrique, promettant de résoudre du même coup le problème de chômage des premiers et celui du développement qu’ils pointent chez le second. D’autres penseurs de l’Eurafrique à l’image de l’architecte allemand Herman Sörgel proposent des projets technologiques plus chimériques encore, visant ultimement à opérer l’union naturelle entre les continents européen et africain. Ainsi de son projet « Atlantropa » consistant à bâtir un immense barrage sur le détroit de Gibraltar et censé offrir à l’Europe une production d’énergie abondante est à terme, un passage à sec entre les deux continents. À chaque fois, la réussite de ces projets est présentée comme dépendant d’une indispensable coopération européenne et, là encore, la doctrine de Coudenhove-Kalergi est éloquente de l’air du temps : « Sauver l’Afrique pour l’Europe, c’est sauver l’Europe par l’Afrique ».

La Seconde Guerre mondiale marquera un point d’arrêt à l’engouement eurafricain déjà mis en difficulté par la montée des luttes anticoloniales dont l’ONU devient progressivement la caisse de résonance. Si les projets eurafricains de la première moitié du XXe siècle restent lettre morte, l’intérêt européen pour l’Afrique reste inchangé au sortir de la guerre. Bien plus, le constat renouvelé et empiré de la décadence européenne ainsi que de la domination américaine et soviétique conduit à la résurgence du courant eurafricain qui prétend alors pouvoir mettre sur pied « une troisième force mondiale », ou plus lyriquement « ce bloc colossal qui [s’étend] de Lille à Brazzaville et d’Abéché à Dakar » pour reprendre les mots de François Mitterrand.(3)Aux utopies des premiers temps, succèdent des projets bien plus réalistes qui trouveront un cadre favorable dans les premières organisations et institutions engagées dans le processus d’intégration européenne. En ce sens, tant l’Organisation européenne de coopération économique (OECE, 1948) que le Conseil de l’Europe (1949) feront de la coopération coloniale en Afrique l’une de leurs priorités. Même l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN, 1949) revêtira une certaine dimension eurafricaine – sous une forme cette fois-ci stratégique et militaire – puisque le gouvernement français présentera lors des négociations l’inclusion de l’Algérie comme une condition sine qua non de la signature du traité. Ces nombreuses initiatives sont appréhendées par les auteurs comme autant de tentatives de maintenir les bénéfices d’un système colonial sérieusement ébranlé par la Seconde Guerre mondiale. En contradiction totale avec la Charte des Nations Unies énonçant dès 1945 le « principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes », cette entreprise doit peu à peu faire face au vent de l’indépendance qui se lève sur les territoires colonisés. Les termes du problème, tel qu’il se pose alors dans l’esprit de nombreux dirigeants européens, sont contenus tout entier dans l’expression suivante tirée des archives du Comité national du patronat français : « Comment faire pour partir en restant ? ».(4) Un exemple topique à cet égard, est à trouver dans la reconversion dans les années 1960 des administrateurs coloniaux dans le développement, ces derniers devenant ainsi les premiers coopérants.

L’Eurafrique opérationnelle

Après l’analyse des premiers pas de l’intégration européenne dans les années 1945-1954 – dont le principal succès sera par ailleurs la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) par la signature du traité de Paris le 18 avril 1951 – les auteurs en arrivent au cœur de leur démonstration : les négociations du traité de Rome (1955-1957). Alors qu’est discutée la mise en place d’un marché commun dans ce qui deviendra la CEE, la France fait d’entrée de jeu de l’intégration des PTOM audit marché, une condition de sa participation. Elle « ne peut sacrifier sa vocation africaine à sa vocation européenne » écrit Gaston Defferre en mai 1956, alors ministre des Affaires étrangères, au président du Conseil Guy Mollet. L’injonction française reçoit d’abord un accueil réservé des partenaires de négociations, hormis des Belges qui menés par Paul-Henri Spaak contribuent à reformuler la demande française en une proposition d’association de l’outre-mer au marché commun. L’argument franco-belge reprend d’ailleurs l’antienne bien connue du principe eurafricain : un marché commun européen intégrant les colonies offrirait à l’Europe la chance de retrouver sa position géopolitique d’antan. Dans ce contexte, la crise du canal de Suez – énième rappel du rôle secondaire des puissances européennes sur l’échiquier international – constituera un tournant décisif et proprement catalytique des négociations. Au fil de leur récit, se dessine un consensus des élites au pouvoir dans les pays d’Europe occidentale en faveur d’un lien entre la CEE et l’Eurafrique, et l’on découvre avec intérêt que les plus fervents promoteurs de la construction européenne sont aussi ceux qui œuvrent le plus ardemment à l’établissement de ce lien. Robert Schuman en France, Paul-Henri Spaak en Belgique, Konrad Adenauer en Allemagne de l’Ouest, ces « pères fondateurs » – pour ne citer qu’eux – approuvaient à la fois l’idée d’une mission civilisatrice en Afrique et l’association au projet d’intégration européenne d’un projet impérial renouvelé.(5) Aussi, si l’Eurafrique est toujours présentée comme la promesse d’un meilleur destin pour l’Afrique, « une chance de bénéficier des opportunités de l’Europe » selon Guy Mollet, il est symptomatique de noter que les représentants africains n’auront pas voix au chapitre tout au long du processus de négociation, ce que ne manquera pas de dénoncer Léopold Sédar Senghor devant l’Assemblée nationale.

Finalement, le moment décisif de ce que les auteurs appellent sans ambages « l’accord colonial de la CEE », sera la réunion des Premiers ministres des six États fondateurs les 19 et 20 février 1957, à l’Hôtel Matignon, à Paris, sous la présidence de Guy Mollet. La question de l’association des PTOM au marché commun et celle du financement d’un fonds d’investissement destiné à ces territoires étaient devenues, à ce stade, le nœud de l’affaire. L’accord, enfin trouvé à cette occasion, sera codifié dans la quatrième partie du traité de Rome aux articles 131 et 136 et prévoira la création, par étapes, d’un marché commun eurafricain. À en croire l’article 131, §3, cette association « doit en premier lieu permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et territoires et leur prospérité́ ». Voilà qui contraste singulièrement avec les révélations qui se dégagent de l’ouvrage de Peo Hansen et de Stefan Jonsson. Ces derniers envisagent en effet l’association des PTOM à la CEE non pas comme une entreprise de « promotion du développement économique et social » des premiers – comme le laisse entendre le traité – mais bien plus, comme la réalisation, l’institutionnalisation d’un projet latent et servant essentiellement les intérêts européens nommé Eurafrique. Leur enquête prétend ainsi donner raison au constat dressé par l’un des nombreux promoteurs de l’Eurafrique dans l’entre-deux-guerres selon lequel « une économie européenne sans base coloniale est une chimère ».(6)

Une histoire contemporaine ?

Du point de vue historique, l’étude du thème de l’Eurafrique s’arrête donc dans l’ouvrage avec la conclusion du traité de Rome en 1957. Pour autant, la prétention des auteurs n’est pas seulement de faire la lumière sur une histoire largement tombée dans l’oubli. Ils entendent bien davantage avertir le lecteur, en dépit des apparences, de l’influence contemporaine du projet eurafricain dans la politique de l’Union européenne et dans les conceptions d’une partie de la classe dirigeante. Exhumer cette histoire est à leurs yeux « la seule façon de comprendre les structures profondes des relations UE-Afrique actuelles ». C’est aussi, sans nul doute, une façon d’éclairer les relations qu’entretient la France avec l’Afrique, la première ayant joué un rôle de premier plan dans ce long récit. À celles et ceux qui seraient tentés de croire que l’Eurafrique est de l’histoire ancienne, l’on pourrait se contenter d’évoquer ce passage d’un discours du Président Sarkozy prononcé à Dakar en 2007 : « ce que veut faire la France avec l’Afrique, c’est préparer l’avènement de l’Eurafrique, ce grand destin commun qui attend l’Europe et l’Afrique ».(7) Aussi, si l’on peut regretter que le livre ne pousse pas davantage  l’analyse de l’actualité du sujet, il nous fournit tout au moins – en nous dessillant les yeux sur les origines de la construction européenne – les clefs pour le faire.

À l’ère de la montée en puissance de l’ultracrépidarianisme, de la cancel culture ou du grand malaise des mémoires, confronter nos représentations aux réalités historiques est l’exigence du moment. L’insécurité historique que diagnostique l’historien Patrick Weil(8) en France – pointant les lacunes dans la connaissance de la propre histoire nationale – est révélée avec force par les professeurs Hansen et Jonsson pour ce qui concerne les citoyens européens. À cet égard, et pour rassurer ceux que le passé effraie, il ne s’agit pas là d’un acte de culpabilité de plus, mais d’un acte de clairvoyance. Reconnaître la réalité historique d’une idéologie impériale raciste fait partie du nécessaire rééquilibrage des relations entre l’Union européenne et l’Afrique.(9) En dénonçant pour faire changer cette absence de reconnaissance, l’ouvrage étudié participe de ce rééquilibrage. Démythifiant et désacralisant l’Union européenne, il fait écho à l’incitation du philosophe Souleymane Bachir Diagne d’interroger le regard européen et d’affirmer enfin un universalisme, qui ne soit pas un « universalisme de surplomb » mais un universalisme qui prenne en compte la pluralité des mondes.(10)

Références

(1)Cité in Johann Chapoutot, Les 100 mots de l’histoire, Que-sais-je, 2021, p. 69.

(2)Richard Coudenhove-Kalergi, cité p. 67. Ce dernier, initiateur du mouvement pour une Union Paneuropéenne – dont le manifeste Paneuropa est publié en 1923 – est communément présenté comme la figure tutélaire des pères fondateurs de l’UE.

(3)Cité p. 158.

(4) Voir Philippe Marchesin dans l’émission « Europe/Afrique, histoire d’une amitié intéressée » du podcast France Culture, Le Cours de l’histoire.

(5)Voir Peo Hansen et Stefan Jonsson dans Afrique XXI, L’Eurafrique, un « rêve » venu du passé colonial, 16 février 2022.

(6)Wladimir Woytinsky, cité p. 91.

(7)Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur sa conception de l’Afrique et de son développement, à Dakar le 26 juillet 2007.

(8)Entretien de Patrick Weil dans Le 1 hebdo, Que faire de notre passé colonial ? n°381, 26 janvier 2022.

(9)Écouter en ce sens Nick Westcott, directeur de la Royal African Society à Londres et qui fut le premier directeur général pour l’Afrique au sein du Service européen d’action extérieure de l’UE, dans le podcast EU Scream, Eurafrique (EUobserver, 16 février 2022).

(10)Voir Souleymane Bachir Diagne et Jean-Loup Amselle, En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale, 2018.

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For Ever Godard

Culture

For Ever Godard

Pour Le Temps des Ruptures, Adrien Félix a vu et revu quelques-uns des innombrables films de Jean-Luc Godard qui est et restera l’honneur du cinéma. Droits d’auteurs portrait : Giancarlo BOTTI/GAMMA RAPHO.

Godard… Ce nom résonne d’images et d’énigmes, même aux oreilles de celles et ceux qui n’auraient vu aucun de ses films. Celui qui affirmait que « le cinéma est fait pour penser », nous a quittés le 13 septembre dernier à l’âge de 91 ans. Avec la disparition de Jean-Luc Godard, c’est précisément un penseur qui s’en va, l’un des plus illustres du septième art. Rendons hommage au cinéaste franco-suisse, joyau rebelle de notre patrimoine artistique dont la liberté et la lumière continueront, on l’espère, à inspirer et briller.

Au début des années 1950, Jean-Luc Godard fait ses débuts dans la critique et s’affirme rapidement, aux côtés de François Truffaut et d’Éric Rohmer, comme l’un des fleurons des Cahiers du cinéma. Portée par l’ambition créatrice et réformatrice d’un petit cénacle, cette décennie voit l’émergence de l’un des mouvements cinématographiques sans doute les plus célèbres de l’histoire du cinéma, la Nouvelle Vague. Dans cet élan d’affranchissement de l’emprise des forces économiques et politiques sur le cinéma, Godard est peut-être le plus radical de cette poignée de cinéphiles bouleversant le cinéma français, ses convenances et principes établis. Si de l’aveu de Truffaut, il ne peut être question pour la Nouvelle Vague d’un programme esthétique commun, son déferlement n’en provoque pas moins, selon l’expression du sociologue Philippe Mary(1), l’une des révolutions artistiques par lesquelles « l’art des XIXe et XXe siècles s’est engagé dans la modernité ». Au rang des œuvres fondatrices, l’on trouve évidemment Les Quatre Cents Coups de François Truffaut (1959), ou encore le chef-d’œuvre d’Agnès Varda Cléo de 5 à 7 (1962) qui, seule fille au sein d’une bande de garçons, saura mieux que quiconque apporter une perspective féminine nécessaire. En 1960, Godard signe À bout de souffle, son premier long-métrage qui rencontre un succès considérable faisant de lui le chef de fil, le maître à penser d’une nouvelle façon de faire du cinéma, marquée au coin de la liberté. Préférant les décors naturels aux couteux studios, le jeune cinéaste investit la rue et la campagne, les appartements et les cafés avec un équipement réduit à la portion congrue, sans éclairage additionnel, et multipliant les innovations techniques. Le fameux plan séquence des Champs-Élysées, où déambulent Jean Seberg et un Jean-Paul Belmondo au seuil de sa carrière, n’est donc pas filmé à l’aide d’un traditionnel rail de traveling, trop cher et par ailleurs indiscret. Non, la scène devenue culte est tournée depuis un tricycle de postier, poussé par le chef opérateur Raoul Coutard au beau milieu des vrais passants, pendant que Godard souffle à ses acteurs des dialogues fraîchement rédigés. Jean Seberg écrira cette phrase éclairante : « pas de spots, pas de maquillage, pas de son ! (…) C’est tellement contraire aux manières de Hollywood que je deviens totalement naturelle ». Conjuguant son impécuniosité à sa verve créatrice, Godard dévoile un cinéma résolument moderne, plus proche de la vie et de ses personnages. Véritable révolution technique et artistique, À bout de souffle est le manifeste d’une ambition nouvelle qui, pulvérisant l’académisme du cinéma français, tentera à l’image de la célèbre « réforme de l’opéra » mené par Gluck au XVIIIe siècle, d’atteindre à la simplicité, au naturel, à l’expressivité et parler le « langage venu du cœur ».

La première période de l’œuvre de Godard du début des années 1960 est assurément la plus belle mais peut-être aussi la seule qui sera, au désespoir du cinéaste lui-même, consacrée par la postérité. Après À bout de souffle viendront ainsi deux autres films cultes, le faussement classique Le Mépris (1963) avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli, et l’explosif et inoubliable Pierrot le fou (1965) mettant en scène un couple pour l’éternité formé par Anna Karina et Jean-Paul Belmondo, dans lequel le cinéaste tente déjà de trouver un équilibre entre la fiction et le documentaire, une recherche qui parcourt toute son œuvre. N’en déplaise au maître, ces films sont à voir et à revoir. Pour autant, la disparition du cinéaste doit être une invitation à dépasser justement le début des années 1960, pour s’intéresser aux autres périodes godardiennes, notamment celle du cinéma politique et militant. Bien loin de l’artiste béat et coupé de la réalité, Godard entend « faire politiquement des films politiques » et scrute, à cette fin, la société française et ses mutations. Filmant les désarrois de la jeunesse dans Masculin Féminin (1966), dont un carton intitulé « Les enfants de Marx et de Coca-Cola » servira à désigner toute une génération, Godard devient « un militant actif et son cinéma un moyen de lutter contre la société »(2). Son film La Chinoise (1967) préfigure ainsi les évènements de mai 1968, à l’occasion desquels il provoquera d’ailleurs, avec quelques autres cinéastes, le célèbre arrêt forcé du festival de Cannes. Clamant haut et fort la solidarité du cinéma avec les mouvements étudiants et ouvriers, il condamne la défaillance de celui-ci à retranscrire les problèmes de son temps, illustrant sa réflexion fondamentale sur la place et le rôle du septième art. Son engagement révolté lui vaudra d’ailleurs d’affronter la censure, pour avoir abordé ouvertement la guerre d’Algérie dans Le Petit Soldat (1960) ou encore filmé des corps nus et évoquer l’adultère dans Une femme mariée (1964). Son tournant militant le conduit en outre à constituer le groupe Dziga Vertov, en référence au cinéaste soviétique, au sein duquel il produira des films très peu diffusés mais continuera, inlassablement, à remettre en question son art, réinventer ses formes et filmer le réel. En dépit du caractère austère et parfois confus de certains films, Godard poursuit obstinément « l’idée essentielle selon laquelle on ne saurait combattre l’ordre établi sans subvertir aussi ses modes de représentation, et la « vision du monde » qu’ils entretiennent »(3), une démarche éminemment politique.  Plus tard, au début des années 1980, s’ouvre l’ère de l’expérimentation vidéo qui permettra un double mouvement, là encore, d’innovations techniques mais aussi d’autonomisation par la constitution de son propre studio(4). Il fait également un retour à de plus grandes productions, collaborant avec de célèbres actrices et acteurs, à l’instar d’Isabelle Huppert et Nathalie Baye dans Sauve qui peut (la vie) (1980), d’Alain Delon dans Nouvelle Vague (1990) ou encore de Gérard Depardieu dans Hélas pour moi (1993). La fin du XXe siècle voit enfin la production de ses Histoire(s) du cinéma, œuvre monumentale faite d’extraits de films, de rapprochements, de découpages, de collages, et qui se voudra une « sorte de jugement dernier du cinéma »(5). Godard y annonce en effet la mort du cinéma qui aurait manqué son rendez-vous avec l’Histoire, tout en contribuant plus que jamais à lui restituer sa place dans l’histoire des arts.

Régulièrement taxée de pompe et d’ennui distingué par ses dénigreurs, l’œuvre de Jean-Luc Godard est colossale, d’une diversité inouïe, et d’une influence dont peu de cinéastes peuvent se prévaloir. Interrogeant sans cesse son art, sa production et sa raison d’être, le cinéaste n’était pas moins conscient de ce qu’il considérait être sa « dette » à l’égard du cinéma et des arts en général. Les références fusent ainsi de toutes parts dans son œuvre, qu’elles soient littéraires, musicales, picturales ou cinématographiques et sont toujours autant d’invitations à aller voir ailleurs, à découvrir et à réfléchir. Si tous ses films ne sont pas nécessairement à voir, et que son nom peut parfois intimider voire rebuter, l’on ne peut que chaudement recommander de profiter des nombreuses rétrospectives et retransmissions de ses films. À défaut de susciter chez le spectateur le sentiment impérissable d’un avant et d’un après Godard, le visionnage de ces-derniers brisera sans nul doute ce que les Allemands appellent les Sehgewohnheiten, c’est-à-dire les habitudes visuelles, invitant à tout le moins à s’interroger sur celles-ci et leur pertinence. Truffaut écrivait que « Godard a pulvérisé le système, a fichu la pagaille dans le cinéma, ainsi que l’a fait Picasso dans la peinture, et, comme lui, a tout rendu possible »(6). C’est peut-être là l’héritage essentiel de l’artiste, une voie des possibles au service d’une haute conception de l’art dans le monde des hommes.

Formons le vœu que l’esprit libre et créateur du cinéaste disparu continue à inspirer « les professionnels de la profession » et les générations à venir de visiteurs des salles obscures.

Références

(1)Philippe Mary, La Nouvelle Vague et le cinéma d’auteur. Socio‑analyse d’une révolution artistique, 2006.

(2)Xavier Lardoux, « Jean-Luc Godard » dans Petite encyclopédie de culture générale, 2019.

(3)Guy Scarpetta, Jean-Luc Godard, l’insurgé, dans Le Monde Diplomatique, août 2007.

(4)Cf. les propos du biographe de Jean-Luc Godard, Antoine de Becque, rapportés par Benoît Grossin dans son article publié sur le site internet de France Culture. 

(5)Ibidem.

(6)Ibidem.

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