Édito

Retraites : le 49.3 de trop ? et après …. le référendum ?

Au terme d’un examen chaotique qui aura nécessité l’emploi de la force parlementaire et le recours à toutes les armes constitutionnelles que la Ve République offre à l’exécutif pour contraindre le Parlement, le Gouvernement a déclenché l’emploi de l’article 49§3 de notre Constitution. Se trouve de fait adopté le projet de réforme des retraites sans vote de l’Assemblée nationale.

Emmanuel Macron et Elisabeth Borne. Photo Sipa/Jacques WITT

Au terme d’un examen chaotique qui aura nécessité l’emploi de la force parlementaire et le recours à toutes les armes constitutionnelles que la Ve République offre à l’exécutif pour contraindre le Parlement, le Gouvernement a déclenché l’emploi de l’article 49§3 de notre Constitution. Se trouve de fait adopté le projet de réforme des retraites sans vote de l’Assemblée nationale.

Les groupes parlementaires ont eu vingt-quatre heures pour déposer une motion de censure. Deux motions ont été déposées, par les groupes Liberté Indépendant Outre-Mer et Territoires (LIOT) et RN. Si chaque motion recueille les signatures d’un dixième au moins des députés (soit 57), elles seront soumises au vote de l’Assemblée la semaine prochaine.

Dans les conditions actuelles il y a toutefois peu de chances de voir ces motions adoptées, même si rien n’est à exclure tant la situation parlementaire semble se déliter d’heure en heure.

Motion de censure ou non, cela n’effacera pas l’affront fait par le Président de la République au peuple français.

Élu par défaut et sans autre projet que d’empêcher l’accession de l’extrême droite au pouvoir, le Président n’a pas pris la mesure de l’étroitesse de sa majorité. Convaincu de pouvoir faire pression sur les députés LR pour faire adopter son texte, il a sous-estimé la force du mouvement social soudé et déterminé, massivement soutenu par les Français. Si la majorité sénatoriale a prolongé l’attente, les députés LR, élus au suffrage universel direct, s’y sont refusés.

Rarement le pays n’a été aussi unanime dans son refus d’une réforme jugée injuste et inéquitable, menée sans aucune concertation, sans aucune volonté de négocier et de transiger, alors que l’exécutif s’était déjà heurté au mur de la rue en 2019 : Emmanuel Macron n’a pas appris de la crise des gilets jaunes et continue à vouloir imposer des réformes sans passer par le dialogue.

Le Président a fait le choix politique d’une épreuve de force dont le principal objectif était d’affermir son autorité durant ce second mandat, qui sera également le dernier.

Si le mouvement social dégénère, le Président ne pourra s’en prendre qu’à lui-même. Et si le calme demain revient, la blessure infligée par cet énième 49§3, auquel les Français refusent de s’habituer, sera si profonde que nous pouvons légitimement nous demander ce qu’il restera à faire de ce quinquennat mort-né. Les choses pourraient aller plus loin encore, à savoir, une remise en cause globale de la Vème république et de ses institutions.

Que faire maintenant ? Faire sauter la Première ministre comme un fusible institutionnel ? Dissoudre l’Assemblée nationale pour rebattre les cartes ? Aucune de ces solutions n’est de nature à apaiser les tensions, et une dissolution aujourd’hui aboutirait, presque mécaniquement, à renforcer la dynamique électorale de l’extrême droite. Il faudra attendre la mobilisation du 23 pour voir quelle direction prendra le mouvement social.

Une solution toutefois permettrait au pays de sortir de ce face-à-face dangereux entre le pouvoir et la rue : le référendum. La nature du projet de loi entre dans les critères de l’article 11 de notre Constitution et permettrait d’enclencher un débat public dans le cadre d’une campagne électorale sur le sujet capital des retraites.

Plus qu’une simple réforme comptable, l’enjeu des retraites est celui du modèle de société que nous voulons, d’une conception collective des différents temps de la vie et du légitime droit au repos de ceux qui ont pris leur part. Dans un monde qui exalte volontiers les vertus individuelles, et notamment l’épargne individuelle, notre système de retraites fondé sur la solidarité intergénérationnelle fait figure d’exception. Une exception qui illustre avec éclat l’idéal de fraternité inscrit dans notre devise.

Peu de chances pourtant que le Président accepte de prendre un tel risque alors que l’opposition au texte se double désormais d’une colère sociale contre un exécutif qui escamote le débat parlementaire pour imposer sa volonté.

Notre système de retraites, pierre angulaire du pacte social de notre pays, mérite pourtant mieux qu’une guérilla juridique et constitutionnelle dont rien, ni personne ne sortira vainqueur et qui contribue à affaiblir encore davantage nos institutions.

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