Giorgia Meloni, cheffe de Fratelli d’Italia, entourée de ses partenaires Silvio Berlusconi et Matteo Salvini. Crédits photo © Roberto Monaldo / LaPresse
C’est en constatant la nette victoire de la néofasciste Giorgia Meloni, désormais nouvelle femme forte de la coalition de « centre-droit », que l’Italie s’est réveillée le lundi 26 septembre 2022. Bien que cette victoire fût présagée plusieurs semaines auparavant, elle n’en constitue pas moins un fait politique inédit. Si l’Italie est en effet désormais gouvernée par une femme pour la première fois de son histoire, elle l’est également par un parti idéologiquement issu du fascisme pour la première fois depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. La percée du parti de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia, au rang de première force politique du pays s’est vue confirmée avec un score de 26%, loin devant le populiste Mouvement 5 Étoiles et le Parti Démocrate de « centre-gauche ». Avec ses alliés du parti Forza Italia de Silvio Berlusconi et de la Lega menée par Matteo Salvini, la coalition conduite par Giorgia Meloni a rassemblé un total de 43,9% des suffrages et dispose d’une majorité absolue de sièges à la Chambre des Députés comme au Sénat de la République, avec 237 députés et 115 sénateurs.
Loin de voler en éclats en dépit de son caractère hétérogène et des divergences d’opinion de ses membres sur des sujets internationaux comme la guerre ukrainienne, la coalition de droite de Giorgia Meloni s’est non seulement installée au pouvoir, mais la Présidente du Conseil a même aligné un « sans fautes » politique pour ses cent premiers jours, couronnés d’une double victoire le 13 février aux élections régionales de Lombardie et du Latium. En effet, alors qu’Attilio Fontana, Président sortant de Lombardie issu de la Lega de Matteo Salvini s’est vu reconduit à plus de 54%, le Latium a basculé aux mains du candidat de Fratelli d’Italia Francesco Rocca, ayant battu le président sortant de « centre-gauche » Nicola Zingaretti avec un score de 52%. La Présidente du Conseil a troqué la virulence et la radicalité des discours de sa campagne électorale au profit d’une image plus apaisée et régalienne sur la forme, sans renoncer à sa ligne politique sur le fond. Meloni a ainsi rappelé l’attachement de l’Italie au camp atlantiste et s’est présentée comme un soutien sans faille de Volodymyr Zelensky dans le contexte de la guerre ukrainienne – là où ses partenaires Silvio Berlusconi et Matteo Salvini ont pris le parti de Vladimir Poutine –, tout en campant dans le même temps sur une ligne ferme concernant l’immigration, durcissant la législation italienne contre les migrants via une série de décrets ciblant notamment les ONG et les navires humanitaires.
Les Italiens, ayant connu plus de vingt années de régime fasciste avant la fondation du régime républicain en 1946, n’auraient-ils aucune mémoire ? Antonio Gramsci écrivait pourtant en 1917 qu’il haïssait les indifférents et que « vivre [signifiait] être partisan », ajoutant que « celui qui vit vraiment ne peut qu’être citoyen, et prendre parti » et que « l’indifférence, c’est l’aboulie, le parasitisme, la lâcheté, ce n’est pas la vie. »
Comment expliquer la victoire d’un parti issu d’une famille politique pourtant si longtemps ostracisée et quelles perspectives s’offrent aujourd’hui à la gauche italienne ?
« Io sono Giorgia! Sono una donna! Sono una madre! Sono italiana! Sono cristiana!(1) » C’est en scandant ce slogan désormais bien connu des électeurs italiens que Giorgia Meloni harangue les foules lors de ses déplacements de campagne. La quadragénaire originaire de Milan assume ainsi son identité féminine dans un pays méditerranéen traditionnellement machiste au sein duquel demeurent ancrées des conceptions conservatrices et masculines de l’incarnation en politique. La première femme à accéder à la Présidence du Conseil de l’histoire de l’Italie a en effet bien compris l’avantage qu’elle pouvait tirer de son genre en reliant celui-ci à une conception de la famille en phase avec une société italienne encore aujourd’hui très attachée à la famille traditionnelle.
Alors que son parti était encore marginal il y a cinq ans, Giorgia Meloni a remporté les élections de septembre 2022 avec 26% des voix, la coalition de « centre-droit » ayant atteint dans son ensemble plus de 40%. Les deux principaux partenaires de Meloni ont été cannibalisés par celle-ci. La Lega de Salvini, forte de 17% des suffrages en 2018 et de plus de 30% aux élections européennes de 2019, s’est en effet effondrée à moins de 9%, tandis que Forza Italia de Berlusconi, jadis grand parti de gouvernement de la droite italienne, a atteint un plancher historique de 8% des suffrages. Le Mouvement 5 Étoiles (M5S), grand vainqueur des élections générales de 2018 à plus de 30%, n’a pas non plus échappé pas au cyclone, en n’ayant totalisé plus que 15% des voix. Si le Parti Démocrate (PD) de « centre-gauche » a effectué une remontée symbolique à 19% après s’être effondré à 13% en 2018, la gauche a payé ses divisions et sa dispersion, éclatée entre le score du PD et celui de 6% d’Italia Viva (IV), le nouveau parti social-libéral de l’ancien Président du Conseil Matteo Renzi, scissionniste du PD en septembre 2019. La carte électorale de l’Italie indique que Fratelli d’Italia est désormais le premier parti au nord et dans une bonne partie du centre du pays, tandis que le populiste Mouvement 5 Étoiles demeure le premier parti dans le sud de la botte. La coalition de « centre-droit », additionnant Fratelli d’Italia et ses deux alliés la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi, est quant à elle en tête dans toutes les régions, à l’exception de la Campanie où c’est le populiste Mouvement 5 Étoiles qui s’est hissé en tête.
Si la victoire de Giorgia Meloni et des « postfascistes » de son parti Fratelli d’Italia avait été prédite plusieurs semaines auparavant, les militants qui attendaient ce moment depuis parfois des décennies n’ont pour autant pas eu droit à la fête. C’est en effet en comité restreint, composé seulement d’une cinquantaine de membres de l’état-major de son parti, que Giorgia Meloni s’est présentée le lundi 26 septembre vers 2h du matin devant les journalistes dans un grand hôtel de Rome. La Présidente du Conseil a en effet demandé à ses troupes de faire profil bas, du fait de la crise terrible traversée par le pays. La réalité aurait en fait plutôt tenu à la volonté de ne pas répéter un fâcheux précédent survenu à Rome en 2008, lorsque la victoire du postfasciste Gianni Alemanno à l’élection municipale avait été accueillie par le salut romain fasciste des militants.
Qui est donc la nouvelle présidente du Conseil ? Née en 1977 à Rome, Giorgia Meloni n’a pas connu l’époque fasciste. C’est à l’âge de 15 ans qu’elle décide de se lancer en politique en adhérant au Mouvement Social Italien (MSI), héritier direct du parti fasciste mussolinien. Gravissant progressivement les échelons militants, elle devient en 2008 à l’âge de 31 ans la plus jeune ministre de l’histoire italienne au sein de la coalition de « centre-droit », à la faveur du retour de Silvio Berlusconi au pouvoir. Elle est chargée du portefeuille de la jeunesse.
Le MSI est à cette époque dissous depuis 1995, année où il s’est auto-sabordé à l’initiative de son président Gianfranco Fini pour se refonder en « Alliance Nationale », successeur d’extrême-droite se voulant « dédiabolisé », contrairement à son ancêtre. Le nouveau parti, toujours dirigé par Fini, continue de prôner l’intransigeance sur les thématiques migratoires et identitaires mais retire la flamme fasciste du MSI de son logo. Fini, quant à lui, va même jusqu’à reconnaitre officiellement, alors qu’il est en voyage en Israël à la fin des années 1990, que le fascisme a été un mal absolu au XXe siècle. Le parti s’associe à Forza Italia en 2008 pour former la coalition du Peuple de la Liberté en vue des élections générales, puis les deux formations fusionnent en 2009 sous ce même nom (PdL). Mais la crise ministérielle de 2011, aboutissant à la démission de Berlusconi de la Présidence du Conseil, et l’appui d’une partie du PdL – dont Fini lui-même – au gouvernement technique de Mario Monti en soutenant une ligne libérale et europhile laissent, au sein du PdL, esseulée la faction nationale-conservatrice héritière d’Alliance Nationale.
Ce contexte aboutit à la scission de cette faction du PdL en 2012 pour fonder Fratelli d’Italia (Fd’I), dont Giorgia Meloni prend la tête en 2014. Si Meloni cultive tout comme Fini une image d’extrême-droite se voulant adoucie, elle ne renie pas contrairement à celui-ci le fascisme, réintroduisant dans le logo de son parti la flamme tricolore du MSI pour souligner sa parenté avec ce dernier. En lieu et place du mea culpa apparent auquel Gianfranco Fini et le parti Alliance Nationale avaient eu recours, Giorgia Meloni cultive avec Fratelli d’Italia une stratégie d’évitement. La présidente rappelle ainsi lorsqu’on la questionne sur le fascisme que celui-ci appartient au passé, qu’elle-même est née bien après celui-ci et préfère défendre son programme en parlant de sujets touchant les Italiens.
L’une des clefs de compréhension du phénomène Meloni se trouve dans le caractère droitier et décomplexé que cultive la présidente de Fd’I, s’incarnant tant dans son programme que dans son image. Dans un pays soumis de longue date à la problématique des migrants et resté globalement conservateur sur le plan sociétal, Giorgia Meloni a compris l’intérêt qu’elle pouvait paradoxalement tirer de la mise en avant de sa féminité. Avec son slogan « Famille, Religion, Patrie », la candidate se présente en mère de famille italienne conservatrice et chrétienne, soucieuse à cet effet des problématiques sécuritaires pouvant affecter ses enfants, comme par extension tout citoyen italien. Ainsi s’est-elle notamment fait remarquer au cours de sa campagne en diffusant la vidéo du viol d’une réfugiée ukrainienne par un migrant africain sur les réseaux sociaux.
Son discours sur l’avortement plaît également à un pays dont la société, conservatrice et chrétienne, demeure attachée à la famille traditionnelle et dont le taux de natalité constitue une préoccupation. Un phénomène de « dénatalité » est en effet observé en Italie depuis plusieurs années, le taux de fécondité ne s’élevant qu’à 1,24 enfants par femme. De plus, peu de services pour la petite enfance sont développés compte tenu de la conception traditionnelle de la famille et de son rôle prépondérant pour éduquer les enfants avec l’aide des grands-parents. Si la candidate ne condamne officiellement pas l’avortement, elle défend par un détournement des valeurs libérales et par une inversion de sa problématique le « droit de choisir » pour les femmes qui ne souhaiteraient pas avorter. Ce n’est pourtant pas dans ce sens que le problème de l’avortement se pose, de surcroît dans un pays où l’avortement est déjà compliqué, particulièrement dans le sud. À titre d’exemple, dans la région des Marches, bastion historique de la gauche dont la présidence a basculé aux élections régionales de 2020 pour Fratelli d’Italia, 42% des anesthésistes et 70% des gynécologues sont objecteurs de conscience. Ce taux dépasse pour les seconds 80% dans les régions des Abruzzes, des Pouilles, de la Basilicate et culmine même à 92% dans la région du Molise !
Ce discours séduit néanmoins compte tenu du déclin démographique de l’Italie, quand bien même ce dernier est d’abord imputable aux carences de services pour la petite enfance et à l’absence de perspectives économiques pour les jeunes actifs italiens plutôt qu’à l’avortement, dans un pays figurant aux côtés de l’Irlande ou de la Slovaquie parmi les États de l’Union européenne dans lesquels il est le moins pratiqué. Il n’empêche que le problème posé par la démographie italienne a engendré l’idée d’une « perte de patrimoine culturel », exploitée par Fratelli d’Italia. Le principe de cette idée est simple : pour maintenir une société italienne saine, le maintien d’une démographie équilibrée ne suffit pas. Cette démographie doit également être alimentée par les Italiens, de sorte que du sang italien circule dans les veines des générations futures. Le but est de perpétuer la conservation de valeurs occidentales et chrétiennes qui seraient menacées par des migrants plus enclins que les Italiens à faire des enfants et d’éviter ainsi la « substitution », thématique droitière italienne équivalente en France à celle du « grand remplacement » portée par Éric Zemmour. Giorgia Meloni s’est ainsi prononcée contre l’établissement d’un droit du sol – inexistant en Italie(2) –, figurant parmi les propositions du PD. Son positionnement hostile à l’avortement trouve en outre de l’écho au sein de la péninsule. La candidate défend en effet la nécessité d’une relance démographique, laquelle est du reste nécessaire : l’Italie est le deuxième pays le plus âgé au monde derrière le Japon, l’âge moyen de ses habitants s’élevant à 45 ans – soit 5 années de plus qu’en France – et atteignant même 49 ans en Ligurie. Les personnes âgées représentent de surcroît un poids important dans la société italienne.
C’est ainsi que Fratelli d’Italia, ayant pourtant toujours réalisé des scores compris entre 4 et 6% aux précédentes élections nationales et européennes, est devenue la première force politique italienne sur le plan national. La candidate n’a également pas hésité à afficher sa proximité idéologique et personnelle avec le Hongrois Viktor Orban, soutenant tout comme lui l’idée que la démocratie européenne traditionnelle aurait renoncé à défendre son identité et sa conception de la famille. Bien que la percée électorale de Giorgia Meloni soit une nouveauté, le phénomène est également à relativiser, la candidate ayant bénéficié pour porter son image réactionnaire et antisystème d’un terrain déjà labouré par le Mouvement Cinq Étoiles de Beppe Grillo et Luigi Di Maio, puis par la Lega de Matteo Salvini.
Le contexte du triomphe de Giorgia Meloni est l’aboutissement d’au moins une décennie de crises politiques et de désillusions vis-à-vis des pouvoirs et partis traditionnels de la « deuxième république(3) ».
Les Italiens ont en effet d’abord été lassés de l’affairisme et des histoires de mœurs des gouvernements Berlusconi, ayant culminé en 2011 avec le « Rubygate ». Le Président du Conseil démissionnaire était accusé d’avoir incité à la prostitution une danseuse de discothèque mineure et de l’avoir rémunérée pour avoir des relations sexuelles avec elle. Il sera condamné en juin 2013 pour incitation à la prostitution de mineure et abus de pouvoir et écopera alors d’une peine d’inéligibilité. Un premier acte protestataire s’est ainsi joué aux élections générales de 2013 avec la première percée nationale du tout nouveau Mouvement Cinq Étoiles, parti trublion alors porté par le comique Beppe Grillo et venu pour la première fois jouer les trouble-fêtes dans le concert des grands partis de la « deuxième république » avec son score de 25%.
La gestion de la crise migratoire par le gouvernement de « centre-gauche » de Matteo Renzi a également créé de profonds ressentiments au sein de la population. L’Italie, déjà en proie à de lourds problèmes économiques depuis la crise de 2008, se voyait être le seul pays d’Europe avec la Grèce à devoir gérer cette crise compte tenu des proximités géographiques de ces deux pays avec le Maghreb et l’Orient. Alors que la gauche, portée par le volontarisme affiché de Matteo Renzi, semblait bien partie – réalisant un score historique de 40% aux élections européennes de 2014 et envoyant ainsi 31 députés au Parlement européen –, les espoirs de la population ont également été réduits lorsque s’est posée l’épineuse question de la réforme libérale du marché du travail. Avec son « Jobs Act », présenté comme allant « libérer le pays de ses archaïsmes » pour faire baisser le chômage, le Président du Conseil mettait en place un CDI « à protection croissante », lequel devait permettre à l’employeur de pouvoir y mettre fin sans motif justifié pendant les trois premières années d’embauche du salarié. La formule rappelait celle imaginée en France par Dominique de Villepin en 2006 avec le Contrat Première Embauche (CPE). La réforme de Renzi déréglementait également les CDD, permettant aux employeurs d’y recourir sans avoir à se justifier et de les renouveler cinq fois sans période de carence. Cet assouplissement devait être une condition nécessaire à l’embauche, dans un pays où plus de 40% des jeunes étaient alors au chômage. Enfin, l’échec du référendum constitutionnel qui visait à supprimer partiellement le Sénat de la République en réduisant drastiquement ses compétences pour en faire une sorte d’équivalent italien du Conseil de la République français sous la IVème République(4) a sonné le glas du gouvernement, débouchant sur la démission de Renzi au profit de Paolo Gentiloni.
Ainsi s’est joué aux élections générales de 2018 un deuxième acte protestataire, caractérisé par un triomphe du Mouvement Cinq Étoiles à presque 33% mais également par une percée de la Lega de Matteo Salvini à plus de 17%. Une coalition « jaune-verte » s’est ainsi formée entre les deux partis, officiellement dominée par le M5S mais dont l’homme fort s’est dans la pratique révélé être Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur s’étant fait le porte-parole d’une ligne eurosceptique et intransigeante face aux migrants et à la délinquance, n’ayant pas hésité à se mettre en scène pour l’incarner, notamment lors de l’affaire de la fermeture des ports italiens au navire de sauvetage Aquarius. Après son succès aux élections européennes de 2019, couronné d’une obtention de 34% des suffrages, Salvini s’est senti suffisamment puissant pour présenter la démission du gouvernement et exiger des élections anticipées qui auraient été à la faveur de la Lega, ignorant que le droit constitutionnel italien n’obligeait en aucun cas le Président de la République à convoquer des élections le cas échéant. Une coalition « jaune-rouge » s’est dès lors constituée entre le M5S et son historique adversaire le PD pour faire barrage à la Lega et éviter ce faisant des élections anticipées. Après avoir gouverné deux ans et affronté la pandémie de covid-19, cette deuxième coalition a néanmoins été renversée à l’initiative de Matteo Renzi et de son nouveau parti Italia Viva au motif de désaccords concernant le plan européen de relance. Un gouvernement d’union nationale technique et europhile s’est donc formé autour de Mario Draghi comme ultime recours, appuyé par la quasi-totalité des forces politiques italiennes, Lega comprise, Salvini ayant changé son fusil d’épaule sur l’Europe à la faveur du plan de relance du covid-19.
C’est ici qu’émerge Giorgia Meloni. Là où les autres forces politiques italiennes ont soutenu le gouvernement Draghi, la cheffe de file postfasciste et son parti Fratelli d’Italia ont fait exception. Contrairement à la Lega, ayant effectué un revirement sur la question européenne pour finalement appuyer le gouvernement Draghi, ou au M5S, ayant quant à lui sauvé ses positions en s’associant de façon opportuniste au PD lors de la crise ministérielle de 2019 et du basculement de coalition vers la gauche, Giorgia Meloni a campé sur une ligne certes marginale mais cohérente au regard des idées portées par son parti. Elle est ainsi passée de la marginalité au premier plan en se construisant une image de première et seule opposante au gouvernement technique. La cheffe de Fd’I a donc tout naturellement bénéficié de sa constance politique lorsque la crise ministérielle de l’été 2022 a éclaté à la suite de la défection du M5S de la majorité, suivi de la Lega.
Forte de son image et de sa dynamique là où la Lega apparaissait décrédibilisée, Meloni n’a pas hésité à mener une campagne agressive en jouant sur les peurs des Italiens. L’Italie est en effet l’un des pays d’Europe où la perception de la problématique migratoire est la plus déformée et la plus fantasmée. La candidate a ainsi mené une campagne anti-française, fustigeant la France et son Président qui s’était permis de traiter le gouvernement italien de « lèpre populiste » au moment de l’affaire de l’Aquarius en rappelant que la France avait dans le même temps non seulement refusé elle aussi d’ouvrir ses ports pour accueillir le navire de secours mais qu’elle orchestrait en plus le refoulement des migrants à la frontière italienne, tout en étant un pays colonialiste en Afrique subsaharienne qui défendait ses intérêts et qui était responsable du chaos libyen. En brossant un tel tableau, la candidate exploitait ainsi le ressentiment anti-français des Italiens, les premiers étant traditionnellement perçus par leurs voisins transalpins comme arrogants, supérieurs et donneurs de leçons. Tout en étant radicale et virulente, la campagne de Meloni s’est dans le même temps caractérisée par un constant souci de respectabilité. Ainsi, là où Salvini, déjà handicapé par ses revirements, a justifié l’invasion ukrainienne en défendant Vladimir Poutine, Meloni a au contraire d’emblée condamné celle-ci. Voulant se montrer rassurante, elle a également tourné une vidéo d’elle en plusieurs langues, diffusée à l’adresse des Européens, dans laquelle elle a explicitement démenti une sortie de l’Euro ou un virage autoritaire dans le cas où elle prendrait le pouvoir, se présentant également comme la seule opposante au gouvernement Draghi et aux poisons et délices du régime parlementaire et de son instabilité, accusant enfin la gauche de bafouer les libertés, notamment pour les entreprises(5). Giorgia Meloni a enfin fait campagne sur l’instabilité ministérielle en Italie. Si ce problème est loin d’être une nouveauté, il s’est en revanche à nouveau posé du fait des basculements de coalitions dans le contexte de la crise du covid-19 et de problèmes intrinsèques à l’État italien notamment dans les régions, leur autonomie et leurs compétences étant très fortes face à celles de l’État central, notamment en matière de santé.
Face à cette stratégie à la fois agressive et dédiabolisée de la candidate d’extrême-droite, la gauche s’est trouvée désemparée. Celle-ci, nous l’avons vu plus haut, est en premier lieu partie divisée pour affronter l’élection. Mais plus que ses divisions, le principal problème de la campagne de la gauche, notamment du Parti Démocrate, a été son caractère peu lisible.
Le Parti Démocrate (PD) et son candidat Enrico Letta se sont principalement positionnés comme des remparts face au péril fasciste représenté par Meloni et par son parti, comme l’a notamment montré le slogan récurrent de Letta « Scegli(6) », massivement diffusé sur les réseaux sociaux, au détriment d’une communication sur leurs propositions sociales – pourtant présentes dans leur programme, notamment en matière éducative(7) –, ce qui a par conséquent été perçu comme une tentative d’instrumentaliser la peur à des fins électorales.
Héritier indirect du Parti Communiste italien (PCI), le PD s’est par ailleurs progressivement trouvé perçu ces dernières années comme coupé des réalités sociales et comme ne représentant plus les classes populaires. Ce ressenti est prégnant dans la région des Marches, bastion historique de la gauche ayant basculé au profit de Fratelli d’Italia en 2020. On peut également évoquer le cas de l’ancienne cité ouvrière de Sesto San Giovanni, construite dans la banlieue de Milan au début du XXe siècle par l’entreprise sidérurgique Fleck, où se déclenchèrent à partir de 1943 les premières grandes grèves contre le régime Mussolinien quelques mois seulement après la défaite de la Wehrmacht à Stalingrad et où le PCI, dont la ville fut un bastion historique, réunissait jusqu’à 45% des voix en 1976. Longtemps surnommée la « Stalingrad d’Italie », la ville, administrée sans discontinuités depuis la guerre par le PCI puis par ses successeurs du Parti Démocrate de la Gauche (PDS), des Démocrates de Gauche (DS) et par l’actuel PD, a basculé en 2017 au profit de la Ligue du Nord. Dans la continuité de ce délitement, une bataille mémorielle et symbolique forte a été perdue le 25 septembre aux élections générales, lorsque la ville a vu s’imposer pour sa circonscription au Sénat Isabella Rauti, candidate de Fd’I, fille de Pino Rauti, engagé volontaire dans l’éphémère République mussolinienne de Salò puis cofondateur du MSI, face au candidat du PD Emanuele Fiano, de confession juive et dont le père fut déporté à Auschwitz. Sesto San Giovanni, cas symbolique et emblématique du recul de la gauche au profit de l’extrême-droite au même titre que peut l’être l’ancienne cité minière de Hénin-Beaumont en France désormais dirigée par le Rassemblement National, n’est pas une exception. Le centre-gauche a en effet perdu les élections générales dans toutes ses capitales provinciales anciennement ouvrières de Lombardie, à l’exception de Milan et de Mantoue.
Ce délitement s’explique par le fait que là où les Démocrates ont beaucoup fait campagne en se présentant comme des remparts face au péril fasciste, Giorgia Meloni s’est à l’inverse focalisée sur des problématiques touchant directement les Italiens, telle que le pouvoir d’achat en période d’inflation. Les raisons du succès de Giorgia Meloni sont ainsi fondamentalement les mêmes que celles du succès du M5S en 2018 : la candidate, en parlant des problèmes concrets des Italiens, s’est positionnée comme une personnalité anti-establishment, là où le PD a, à l’inverse, renoué avec son image libérale héritée des années Renzi en apparaissant comme un soutien à l’agenda libéral de Mario Draghi. Michele Russo, responsable local de Fratelli d’Italia à Sesto San Giovanni interviewé par le quotidien français Libération(8), défend ainsi la stratégie politique visant à recréer du lien social en parlant aux habitants dans une société toujours plus individualiste, ajoutant à cet effet non sans sarcasme que son parti ne fait qu’occuper ainsi le terrain exactement comme le faisait le PCI d’antan. Le PD a quant à lui été victime de la part de ses adversaires de l’accusation récurrente de s’être renfermé à l’extrême dans ses bastions urbains aisés et de s’être ainsi coupé de la population.
Si ces raisons expliquent en grande partie l’actuel succès de Fratelli d’Italia, on ne peut toutefois s’empêcher de se demander comment l’Italie a pu porter en tête des résultats électoraux une candidate néofasciste compte tenu de son passé historique et mémoriel. Pour le comprendre, il nous faut remonter aux racines du mal et aux fondations du régime républicain, dont l’objectif premier de rétablissement de la démocratie et des libertés visait pourtant à tourner la page du fascisme.
La fondation après-guerre du régime républicain s’ancre dans le prolongement de la Résistance italienne et de son triomphe face au fascisme dans la guerre civile ayant sévi entre 1943 et 1945 face aux nazis et à l’éphémère République sociale italienne, tandis que les forces anglo-américaines alliées de la Libération remontaient la botte italienne à la suite du débarquement de Sicile. L’Italie d’après-guerre est ainsi orientée à gauche, dominée par les partis de la Résistance que sont le Parti Communiste italien (PCI), d’orientation marxiste-léniniste, le Parti Socialiste italien (PSIUP(9)), marxiste mais républicain et démocrate dans le même temps, et la Démocratie chrétienne (DC), d’inspiration catholique et de tendance centriste. Dans le contexte de l’effondrement du fascisme et du triomphe des partisans et des forces militaires alliées, ces partis sont les vainqueurs et dirigent à cet effet le gouvernement provisoire.
La Démocratie chrétienne n’est à cette époque encore ni hégémonique, ni majoritaire. Ce sont les communistes qui ont le vent en poupe, forts de leur rôle dans la Résistance, lequel s’est notamment caractérisé par une implantation clandestine mais profonde dans les syndicats officiels fascistes des entreprises italiennes. Fort de cet ancrage, le PCI apparaît donc à la Libération comme la force la plus puissante, la mieux organisée et donc la plus apte à prendre le pouvoir : peu d’efforts sont à faire au vu des relais dont les communistes disposent dans le monde du travail pour transformer la guerre des partisans en vaste insurrection populaire et révolutionnaire, quand bien même se serait posée la question de l’issue d’un tel soulèvement face aux forces alliées d’occupation.
Mais Palmiro Togliatti, secrétaire général du PCI, est rentré de Moscou en 1944 avec des consignes strictes de Staline : l’exportation de la révolution mondiale en Italie attendra, il est pour l’heure hors-de-question d’y procéder sur un front où se joue encore le sort de la guerre et où il ne faut donc pas entraver les forces alliées. Staline compte sur le bon déroulement des opérations du front de l’ouest face aux nazis pour soulager l’Armée rouge sur le front de l’est. Le maître du Kremlin considère également que ce secteur géographique de la guerre doit revenir aux occidentaux, et ce bien avant la Conférence de Yalta. Prenant acte des directives moscovites, le PCI opère donc en 1944 le Tournant de Salerne, appelant officiellement les communistes à délaisser temporairement l’objectif révolutionnaire pour collaborer avec les autres partis de la Résistance, en vue de former dans l’Italie libérée un gouvernement d’unité nationale. Le PSIUP, de son côté, a réunifié ses deux grandes tendances (marxiste et sociale-démocrate) et a signé en 1943 un pacte d’action avec le PCI : il n’y aura pas de réunification des deux grands partis ouvriers italiens, séparés depuis le Congrès de Livourne de 1921, mais un accord sur une volonté commune d’action.
Majoritaires au sein du Comité de Libération nationale, les partis de gauche dominent le gouvernement provisoire, dirigé par Ferrucio Parri. Celui-ci décide de mener une « épuration financière », visant à punir ceux qui se sont enrichis pendant le fascisme. Un impôt sur le capital est dès lors mis en place, tandis qu’est réorganisée la répartition des matières premières au profit des entreprises les plus modestes. Se développe dès lors la crainte d’une socialisation rampante de l’économie italienne, notamment chez les fonctionnaires de la commission anglo-américaine interalliée de contrôle. Le gouvernement Parri se voit dès lors obligé par celle-ci de renoncer d’abord aux fournitures pour les petites entreprises, puis à son impôt sur le capital. Si les réformes socialisantes du gouvernement provisoire ont été tuées dans l’œuf par cette intervention de la commission, elles n’en ont pas moins affolé les grandes entreprises comme les plus petits possédants et ont ainsi contribué à la reconstitution de groupes politiques d’extrême-droite.
Bien que l’épuration des fascistes soit d’abord menée avec une relative rigueur, elle s’interrompt progressivement à partir du 21 novembre 1945, date du retrait des ministres libéraux du gouvernement, suivis des représentants de la DC. Le gouvernement Parri, dès lors minoritaire, se voit contraint de démissionner au profit du démocrate-chrétien Alcide De Gasperi, à qui il incombe d’organiser le référendum institutionnel sur la forme monarchique ou républicaine que prendra le nouvel État italien. Ce tournant est essentiel, puisqu’il met fin à la possibilité de changement révolutionnaire entrevue au moment de la Libération. Le retour à l’Italie libérale de l’avant-fascisme est au contraire quasi-assuré, ce dont prennent acte les Anglo-Américains en acceptant de transférer leurs pouvoirs de contrôle en Italie du nord à De Gasperi. Celui-ci décide ensuite dès 1946 de remplacer les autorités nommées par les comités de la Libération par des fonctionnaires de carrière, tous liés d’une façon ou d’une autre au régime fasciste dans l’exercice antérieur de leurs responsabilités. Le 31 mars, Gasperi dissout le Haut-Commissariat pour les sanctions contre le fascisme : il n’y aura dès lors pas de substitution d’une nouvelle classe dirigeante à l’ancienne, cette dernière se voyant au contraire restaurée malgré son appui apporté au régime Mussolinien. Cette politique est approuvée par le PCI, Togliatti promulguant en tant que Ministre de la Justice une large amnistie pour les condamnés politiques et se résignant à bien vouloir accepter l’adhésion d’un certain nombre d’intellectuels et de syndicalistes venus des rangs du fascisme.
Le 2 juin 1946 se tient le référendum sur la nouvelle forme que doit prendre l’État italien. Si la République l’emporte nettement, la monarchie constitutionnelle se voyant décrédibilisée au vu des compromissions du roi Victor-Emmanuel III avec le fascisme, un clivage se dessine déjà entre le nord et le sud du pays, le nord votant principalement pour la République tandis que le sud, plus conservateur, moins victime de la guerre civile et où l’Église est davantage implantée, vote pour la monarchie. La DC s’affirme dès lors progressivement comme force politique centrale, remportant 35% des suffrages aux élections constituantes. La gauche reste encore forte, totalisant environ 40% des suffrages avec 20,7% pour le PSIUP et 18,9% pour le PCI. Cette influence est déterminante dans la rédaction de la constitution de la République. Celle-ci est en effet officiellement fondée sur le travail et les droits sociaux, tandis que son emblème officiel, le Stellone, se compose d’un rouage denté représentant à la fois le monde du travail et le progrès, scellé en son centre d’une étoile blanche imputable à la devise de Léonard de Vinci : « Qui se fixe sur une étoile ne se retourne pas ».
La DC opère néanmoins un virage à droite à la faveur de la guerre froide, se caractérisant par l’exclusion du gouvernement du PCI et du PSIUP en mai 1947. Dans ce contexte, le PSIUP voit scissionner son aile sociale-démocrate, hostile à une poursuite de l’entente avec les communistes et favorable à un rapprochement avec la DC, pour fonder le Parti Social-Démocrate Italien (PSDI). Amputé de son aile droite, le PSIUP reprend dès lors son ancien nom de Parti Socialiste Italien (PSI). Quelques mois plus tard, à l’automne, ont lieu de grandes grèves contre le Plan Marshall, soutenues par le PCI. Se développe alors un climat de fortes violences, culminant à l’été 1948 à la suite d’une tentative d’assassinat de Togliatti. Des insurrections générales éclatent dans les villes ouvrières de Gênes, Milan ou encore Bologne, débouchant sur des batailles rangées contre les forces de l’ordre avec barricades et formation de milices ouvrières.
Compte tenu de ces violences et du Coup de Prague survenu en Tchécoslovaquie en février 1948, la DC sort grande vainqueure des élections générales du mois d’avril, recueillant 48,5% des suffrages et une majorité absolue de sièges à la Chambre des Députés et au Sénat de la République. De Gasperi peut dès lors gouverner les mains libres, même s’il forme symboliquement une coalition avec le PSDI et les forces de droite libérales et républicaines dans une optique de consensus. Le renforcement des tendances conservatrices de la DC se poursuit néanmoins après 1948 du fait de la guerre froide et de l’agitation sociale. L’aile droite démocrate-chrétienne est notamment animée par Giuseppe Pella et Mario Scelba, qui reprochent au centriste De Gasperi son refus de mettre le PCI hors-la-loi, tout comme son ancrage diplomatique atlantiste. C’est en tout cas le début d’une longue période d’hégémonie de la DC au gouvernement en Italie, qui se poursuivra bien après le retrait de De Gasperi de la politique en 1953 et dont le ciment initial de sainte-alliance anti-communiste servira bientôt de matrice à la dérive clientéliste de la politique italienne.
Ce climat d’amnistie générale et de crainte du communisme dans le contexte de la guerre froide et de l’agitation sociale permet la réémergence de petites formations d’extrême-droite. C’est dans ce contexte qu’est fondé le Mouvement Social Italien (MSI) le 26 décembre 1946 par plusieurs dirigeants de groupuscules néofascistes clandestins. On trouve parmi eux Giorgio Pini, Augusto De Marsanich, Pino Romualdi et surtout Giorgio Almirante, ex-rédacteur en chef du quotidien fasciste Il Tevere et ancien chef de cabinet du Ministère de la Culture populaire du régime Mussolinien. Parmi ses premiers adhérents, le MSI regroupe d’anciens dignitaires du régime, des jeunes militants de groupuscules divers, des militaires ou encore des aristocrates de la noblesse italienne tels que le Prince Junio Valerio Borghese, ancien sous-marinier et commandant de flottille sous la République sociale italienne et surnommé « le Prince Noir » en raison de son passé militaire fasciste et de sa foi persistante dans ce régime après 1945. Ces éléments radicaux sont bientôt rejoints par une clientèle électorale et militante plus modérée ou moins politisée. Le MSI se développe jusqu’en 1951 autour de sa tendance néofasciste intransigeante, incarnée par Giorgio Almirante, alors secrétaire général du parti.
Les troupes de choc du MSI, les « avanguardisti», multiplient les épreuves de force contre les communistes sans que le pouvoir ne réagisse très fermement. Les éléments réactionnaires de la Démocratie Chrétienne ne voient en effet pas d’un œil trop défavorable la reconstitution d’une force d’intervention anti-communiste, officiellement désavouée mais en fait discrètement soutenue par une partie du patronat. Le caractère très radical et ouvertement aventuriste du MSI se révèle toutefois contre-productif : il n’obtient que 6 députés et 1 sénateur aux élections générales de 1948. Un premier tournant s’opère dès lors en 1951, lorsqu’Almirante, alors assigné à résidence, cède la direction du parti à De Marsanich. Le MSI, affecté à cette époque par les coups lui étant portés par la police de Mario Scelba – alors Ministre de l’Intérieur – adopte dès lors une image plus modérée, intégrant certains éléments de la droite conservatrice dans son comité directeur. Cette stratégie porte ses fruits, le parti obtenant 29 députés et 8 sénateurs aux élections générales de 1953.
De Gasperi se trouve quant à lui en difficulté : après la défection du PSDI de sa coalition suite à la création de brigades d’interventions rapides par Scelba pour réprimer les mouvements de gauche, il se trouve également confronté à une opposition de la droite de son parti. Les éléments radicaux de la DC poussent pour un rapprochement de celle-ci avec le MSI et les monarchistes et sont soutenus dans ce sens par le Saint-Siège. Se trouvant donc en minorité et compte tenu de résultats électoraux contrastés obtenus aux élections de 1953, De Gasperi démissionne. Lui succèdent Pella et Scelba à la Présidence du Conseil.
S’il existe officiellement un « Arco Costituzionale(10) » contre le MSI pour l’empêcher d’être associé au pouvoir, la DC n’hésite pour autant pas à s’appuyer ponctuellement sur les votes des néofascistes au Parlement. Le MSI se voit toutefois exclu du gouvernement jusqu’en 1994, tandis que la DC gouverne quant à elle de façon quasi-ininterrompue jusqu’au début des années 1990, soit pendant toute la période dite de la « première république ».
Après quatre décennies de vie politique italienne monopolisée par la Démocratie chrétienne, les choses évoluent au début des années 1990, période de bouleversement complet de l’échiquier politique italien.
Une gigantesque et inédite opération judiciaire marque la vie politique italienne entre 1992 et 1994. C’est l’opération Mani Pulite (« Mains propres »), révélant l’existence d’un système généralisé de corruption et de financement illicite des partis politiques italiens, surnommé Tangentopoli. Tout commence par une banale affaire de corruption à Milan lorsque le socialiste Mario Chiesa est pris en flagrant-délit par les carabiniers en train de tenter de faire disparaître un pot-de-vin de 7 millions de lires dans une cuvette de toilettes. C’est Luca Magni, entrepreneur fatigué de payer ce type de redevances au notable socialiste, qui a appelé les carabiniers pour faire prendre celui-ci en flagrant-délit. Arrêté, Chiesa passe aux aveux sous interrogatoire, révélant au procureur Di Pietro que son cas est loin d’être anecdotique, les pots-de-vin de ce type existant dans l’ensemble des partis politiques et étant mêmes devenus une sorte d’impôt obligatoire dans les territoires pour la quasi-totalité des appels d’offres. Les bénéficiaires de ce système sont des hommes politiques de tous les partis, mais essentiellement ceux au pouvoir, comme le PSI ou la DC. Chiesa révélant des noms, les enquêtes débutées à Milan se propagent rapidement à d’autres villes d’Italie et finissent par toucher l’ensemble de la péninsule par un jeu de domino où chaque suspect en livre un autre. Plus d’une centaine de députés sont interrogés au début de l’année 1993, l’enquête vise tous les chefs de partis, à commencer par le secrétaire général du PSI Bettino Craxi. Avant sa condamnation définitive, il s’enfuit en Tunisie en 1994 pour échapper à la justice et meurt exilé là-bas en 2000. Miné par la corruption, le PSI se dissout en novembre 1994, soit quelques mois après la DC et le Parti Libéral italien, pareillement désintégrés par ce cyclone judiciaire.
Dans les mêmes années, le PCI opère de son côté un tournant réformiste, aboutissant à sa transformation suite au Congrès de Bologne de 1990 en un Parti Démocratique de la Gauche (PDS) en 1991. Avec les conséquences de l’opération Mains Propres et la disparition du PSI, le PDS accueille nombre d’anciens socialistes en son sein. Le début de la décennie est également marqué par le premier succès national du parti eurosceptique et indépendantiste de la Ligue du Nord aux élections générales de 1992. Avec les disparitions simultanées de la DC, du PLI, du PSI et compte tenu de la transformation réformiste du PCI en PDS, on observe une mutation profonde de la scène politique italienne, que certains observateurs caractérisent comme le passage d’une « première république » à une « deuxième république(11) ». Si la « première république » a été marquée par une hégémonie de la Démocratie chrétienne et par son gouvernement quasiment sans partage de la libération aux années 1990, la deuxième sera quant à elle caractérisée par une alternance droite-gauche entre conservateurs et héritiers du PCI.
Le fait marquant de cette période est une entrée en politique inédite. En vue des élections générales de 1994, l’homme d’affaires Silvio Berlusconi, magnat de l’immobilier et des médias, décide de se présenter. Proche de Bettino Craxi, il annonce en janvier 1994 son entrée en politique et la création de son mouvement de centre-droit Forza Italia, dans lequel il investit 22 milliards de lires. Son annonce est à l’époque révolutionnaire sur la forme : Berlusconi se filme en effet dans un bureau – qui s’avérera plus tard être en fait un studio ayant été aménagé exprès pour le tournage – et son annonce est diffusée en boucle sur ses trois chaînes privées de télévision. La communication politique italienne se résumait jusqu’alors à des déclarations banales voire monotones, ou tout du moins sans mises en scènes. Berlusconi apparaît à l’inverse comme jeune et dynamique, déclarant « descendre sur le terrain » – employant ce faisant une métaphore footballistique, que l’on retrouve également dans le nom de son parti(12) et dans son logo, rappelant une bannière de supporter d’équipe de football. Il s’adresse ainsi à l’Italien moyen de façon à la fois nouvelle et percutante, lui faisant comprendre avec cette communication moderne et empreinte de codes sportifs et populaires qu’il ne vient pas de cet horrible monde corrompu de la politique et qu’il est quelqu’un de neuf, souhaitant parler directement aux citoyens. On assiste dès lors à la naissance d’un phénomène nouveau : celui d’un populisme libéral porté par la communication et incarné par un chef d’entreprise. La principale mutation de la « deuxième » république par rapport à « première » se situe de ce point de vue moins dans l’établissement d’un nouveau paradigme politique bipolaire entre la gauche et la droite en lieu et place de l’ancien paradigme central de la DC – quand bien même ce nouveau paradigme permettra enfin de vraies alternances politique – que dans l’émergence d’une politique de la communication, de l’image et du spectacle supplantant les idées politiques de fond.
Dans le contexte du vide politique créé par la disparition des principaux partis de gouvernement suite à l’opération Mains Propres et de la lassitude des Italiens vis-à-vis de la politique traditionnelle, Berlusconi se présente comme un homme nouveau n’étant pas un professionnel de la politique et souhaitant restituer celle-ci aux citoyens. Il se pose également en défenseur de la famille, « noyau principal de la société », de la tradition chrétienne et du travail. Son idée principale est alors celle d’une politique exercée par des non-politiciens et donc par des experts issus de la société civile – bien que ce terme ne soit pas employé par le candidat. L’idée maîtresse de ce premier Berlusconisme est que la politique ne doit pas être une affaire de carriéristes corrompus mais de spécialistes et de techniciens. Ainsi s’entoure-t-il d’universitaires et d’experts libéraux tels que Lucio Colletti, philosophe et ex-théoricien marxiste ayant bifurqué vers le libéralisme, ou encore Giuliano Urbani, professeur de sciences politiques considéré comme l’idéologue de Forza Italia. Défendant un programme libéral et vantant, en prenant son exemple personnel, la liberté d’entreprendre et de pouvoir réussir pour chaque Italien, Berlusconi se présente ainsi comme un homme de la modernité sur tous les plans : économique, puisqu’il se fait ambassadeur de la libre-entreprise et du néolibéralisme ayant le vent en poupe en ces années suivant la dislocation de l’URSS, mais également sociale, en promouvant une société du divertissement pour tous, notamment par la télévision, se voulant en rupture avec l’austérité des hommes politiques de la « première république ». Berlusconi se présente également comme un rempart face au péril communiste du PDS, désormais seul grand parti de gauche. Ce ne sont désormais plus les clivages idéologiques de fond qui font la politique, mais la communication et le paraître.
Fort de sa communication innovante prenant tous ses adversaires de court et occupant le vide politique laissé par le séisme du scandale Tangentopoli, Berlusconi remporte contre toute attente les élections générales de 1994. Bien que son gouvernement doive démissionner dès l’année suivante en raison de la défection de la Ligue du Nord de sa majorité parlementaire, il n’en constitue pas moins une révolution. Outre la rupture qu’il constitue sur la forme, il compte également pour la première fois des ministres de la Ligue du Nord et d’Alliance Nationale – tout juste fondée par Fini pour remplacer le MSI –, ces deux formations disposant de 5 ministères chacune ! Si la présence de ministres eurosceptiques et néofascistes au sein du gouvernement inquiète nombre de dirigeants européens, parmi lesquels François Mitterrand, elle constitue une première étape symbolique dans la dédiabolisation de ces deux formations.
Démissionnant du gouvernement en 1995 et passant dans l’opposition en 1996 suite à la victoire de la gauche, Berlusconi transforme son parti en profondeur pour en faire une machine de guerre personnelle. Il se sépare ainsi progressivement de plusieurs intellectuels qui l’avaient épaulé en 1994 et recrute d’anciens cadres de la défunte DC pour structurer son appareil politique. Une transformation s’effectue alors dans la façon de Berlusconi de faire de la politique : Forza Italia tient son premier congrès en 1998 et rejoint cette même année le Parti Populaire européen. Forza Italia, après s’être un temps présenté comme un phénomène nouveau, devient un parti politique classique et en quelque sorte une « Démocratie Chrétienne 2.0 », occupant l’ancien espace électoral de celle-ci, ainsi qu’un instrument personnel du leader Berlusconi en tant que véritable extension de sa personne.
De retour au pouvoir de 2001 à 2006 puis de 2008 à 2011, Berlusconi mène une politique libérale inspirée de son expérience entrepreneuriale. Il développe l’idée que le pays doit être géré comme une entreprise et que la politique n’est plus une affaire de bien commun mais un service à vendre à des clients qui sont les électeurs, ce qui justifie, comme en entreprise, n’importe quel type de stratégie commerciale et donc politique, pourvu que celle-ci fonctionne, et valide donc ouvertement le recours à la démagogie. Outre ses affaires de corruption et de mœurs, le Président du Conseil défraie également la chronique par certaines de ses décisions, notamment lorsque son Ministre de la Culture Sandro Bondi décide de nommer à la tête des musées italiens l’ancien patron de McDonald’s Italie. Si ce choix d’un profil entièrement ignorant en matière d’art et de gestion du patrimoine est perçu comme une provocation, il illustre surtout la philosophie de l’entrepreneur-Président du Conseil et sa volonté de gérer les services italiens comme des entreprises, en l’occurrence avec des profils en premier lieu managériaux.
Les élections générales de 2013 marquent un bousculement du schéma bipartisan de la deuxième république. Si le nouveau Parti Démocrate, mené par Pier Luigi Bersani, et le PdL de Silvio Berlusconi arrivent en tête en obtenant respectivement 29,5 et 29,2 % des suffrages, le schéma bipartisan en place depuis les années 1990 est bousculé par l’émergence du nouveau Mouvement 5 Étoiles de Beppe Grillo, réalisant une percée avec 25% des suffrages. Le M5S est un parti attrape-tout, ayant bénéficié de la désaffection des Italiens pour les gouvernements précédents dans une période consécutive à la démission de Berlusconi en 2011 suite à sa gestion de la crise de 2008 et à ses affaires de mœurs, ainsi que des talents d’orateur de son leader Beppe Grillo. Son discours ouvertement populiste contre la corruption des élites et défendant une remise au cœur de la politique du citoyen italien trouve un écho certain dans une Italie sévèrement affectée par la crise et sortant des années Berlusconiennes. Les raisons du succès de Grillo en 2013 sont ainsi les mêmes que celles de Berlusconi en 1994, à savoir l’incarnation d’une offre politique neuve et se proposant de faire table rase du passé dans une période de désillusions.
Les élections de 2018 renforcent quant à elles cette tendance, consacrant le succès du M5S à 31% et signant l’émergence de la Lega de Matteo Salvini, refonte de la Ligue du Nord en un parti aux ambitions nationales. Matteo Salvini s’est rapidement engagé au sein de la Ligue du Nord, privilégiant le militantisme à ses études universitaires qu’il finit par abandonner. La Ligue du Nord est créée en 1991 et bénéficie à cette époque de l’écroulement des partis traditionnels de la première république dans le contexte de l’opération Mains Propres. Parti régionaliste regroupant diverses ligues régionales nordistes, la Ligue du Nord revendique initialement une sécession des régions du nord de l’Italie, défendant la thèse que celles-ci seraient handicapées par les régions du sud, plus pauvres et moins travailleuses. Salvini se fait très vite remarquer et est rapidement élu conseiller municipal puis député européen. Prenant la tête du parti en 2013, il fait prendre à celui-ci un virage national en lieu et place de son ancien positionnement régional, comprenant en observant le développement du Front National en France que quelque chose est en train de se jouer face à l’Europe suite à la gestion de la crise de 2008. Il rebaptise son parti en simple « Lega », auquel il accole la mention de « Salvini Premier » : le parti est désormais sa chose personnelle devant le propulser pour obtenir la Présidence du Conseil. En personnalisant ainsi son parti, Salvini s’inspire ouvertement de la démarche de Berlusconi dans les années 1990, qui avait pareillement conçu Forza Italia comme un parti à son effigie. Si l’ère Berlusconi est terminée, le Berlusconisme est paradoxalement plus que jamais ancré dans les ressorts de la politique italienne, l’heure étant désormais à l’incarnation populiste et personnelle de la politique. Salvini modifie son discours, cessant de s’en prendre aux Italiens du sud pour désormais prendre comme boucs émissaires les migrants empêchant le sud de se développer.
Si Salvini reprend les méthodes de communication Berlusconiennes, il pousse également celles-ci à leur paroxysme en adoptant une stratégie d’investissement des réseaux sociaux et de création de buzz. Salvini comprend contrairement à Berlusconi, que la communication des années 2010 s’opère désormais par les réseaux sociaux. Le leader de la Lega adopte une stratégie d’appel au peuple, défendant l’idée d’un clivage entre celui-ci et une minorité d’élites privilégiées monopolisant le pouvoir.
Accédant au ministère de l’Intérieur dans le cadre de la coalition jaune-verte se structurant à l’issue des élections de 2018, Salvini acquiert une popularité considérable, qu’il doit à son franc-parler et à sa communication. Le ministre n’hésite ainsi pas à recourir à des mises en scène démagogiques, comme lorsqu’il accueille en personne à l’aéroport romain de Ciampino le terroriste d’extrême-gauche Cesare Battisti, tout juste extradé vers l’Italie, vêtu d’un uniforme de policier ; ou encore en allant voter aux élections européennes de 2019 vêtu d’un maillot de football de l’équipe d’Italie pour se présenter en électeur italien lambda. Anna Buonalume, journaliste et docteure en philosophie ayant suivi pendant un mois le ministre de l’Intérieur dans ses déplacements de campagne, raconte l’anecdote de la visite d’une ferme au cours de laquelle, voyant des poulets picorer du grain dans une basse-cour, le leader de la Lega aurait eu sur un coup de tête l’idée de se faire filmer par son collaborateur avec un iPhone en train de courir derrière les volatiles pour jouer, de façon à mettre en scène sa présence dans la ferme(13). Certaines de ces mises en scène provoquent des tollés, comme lorsque le ministre se fait filmer sonnant chez un jeune dealer pour le sermonner après avoir entendu des rumeurs dans le voisinage concernant ses activités, rappelant ainsi les patrouilles qu’effectuaient dans les quartiers les chemises noires au moment de la montée du fascisme, comme le rapporte également Anna Buonalume(14). Ces mises en scène sont naturellement relayées sur les réseaux sociaux, via lesquels le ministre organise des concours de mentions « j’aime » pour stimuler ses publications en se mettant en scène tel un animateur de jeux télévisés(15) !! Salvini ne s’en trouve dans tous les cas aucunement affecté, sa stratégie portant ses fruits aux élections européennes de 2019, auxquelles il recueille plus de 30% des voix.
Si nous constatons donc que l’Italie n’a jamais vraiment connu de défascisation depuis 1945 et que la transformation populiste de la politique italienne initiée par Silvio Berlusconi sur fond de dépolitisation des citoyens a servi la dédiabolisation de l’extrême-droite italienne et des partis successeurs du MSI , nous pouvons nous demander quel rôle la gauche a joué depuis la Libération pour endiguer ces phénomènes et proposer des alternatives autres que celles des partis droitiers aux Italiens. Ce sera l’objet de la deuxième partie.
Références
(1)« Moi, je suis Giorgia ! Je suis une femme ! Je suis une mère ! Je suis italienne ! Je suis chrétienne ! »
(2) L’enfant italien n’acquiert en effet la nationalité que si l’un de ses deux parents possède déjà celle-ci ou si, né de parents étrangers, il a résidé de façon ininterrompue sur le territoire italien jusqu’à ses 18 ans. La naturalisation des actifs s’obtient quant à elle au bout de 10 ans de résidence légale sur le sol italien, cette durée se réduisant toutefois à 4 ans pour les citoyens des autres pays de l’Union européenne et à 3 ans pour les étrangers nés en Italie.
(3) L’expression « deuxième république » désigne en Italie de façon informelle le paradigme politique établi depuis les années 1990, issu de la révolution de la scène politique s’étant effectuée de 1992 à 1994, par opposition au paradigme précédent de la « première république », s’étendant quant à lui de l’immédiat après-guerre à 1992, comme nous le développerons plus bas.
(4) La réforme visait en effet, dans une optique d’amélioration de la stabilité ministérielle, à déposséder le Sénat italien du vote de confiance au gouvernement et de l’initiative de la loi – compétences encore aujourd’hui partagées de façon strictement symétrique avec la Chambre des Députés – et à faire élire les sénateurs au suffrage indirect par les élus territoriaux dans une optique de meilleure représentation des territoires, en lieu et place de leur actuelle élection au suffrage direct par les citoyens lors des élections générales en même temps que les députés à la Chambre.
(5) On soulignera ici que si cette vidéo, démentant officiellement une tentation autoritaire, a été tournée dans plusieurs langues par la candidate, elle ne l’a en revanche pas été en italien, Giorgia Meloni s’étant jusqu’à présent gardée comme plus haut évoqué de condamner le fascisme ou de nier une aspiration autoritaire vis-à-vis de ses concitoyens.
(6) « Choisissez » : Ce slogan a été utilisé de façon récurrente dans divers visuels, comparant les positions des Démocrates et de Fratelli d’Italia sur des sujets aussi divers que la politique étrangère, l’accueil des migrants ou encore la question du droit à l’avortement.
(7) Enrico Letta et son parti proposaient entre autres d’augmenter la rémunération des enseignants italiens du secondaire, aujourd’hui une des plus faibles d’Europe, pour réhausser celle-ci dans la moyenne des salaires des enseignants européens.
(8) Éric JOZSEF, « Près de Milan, à Sesto San Giovanni, « une victoire de l’extrême droite aux législatives ne serait pas un choc » », Libération, 23/09/2022, URL : https://www.liberation.fr/international/europe/pres-de-milan-a-sesto-san-giovanni-une-victoire-de-lextreme-droite-aux-legislatives-ne-serait-pas-un-choc-20220923_5Q7EIAI7FBHZDMSPWUCIIMIWX4/, lien consulté le 11/10/2022
(9) Parti Socialiste Italien d’Unité Prolétarienne : ce nom brièvement porté entre 1943 et 1947 par le Parti Socialiste Italien, habituellement simplement dénommé PSI, relève de son absorption de mouvements de partisans comme le Movimento di Unità Proletaria ou l’Unione Populare Italiana dans le cadre de ses activités résistantes et clandestines.
(10) « Arc constitutionnel » : stratégie de barrage menée par l’ensemble des partis politiques républicains et équivalente en France au « front républicain ».
(11) Cette séparation, défendue notamment par le politologue Giovanni Sartori, se fonde non pas sur un changement de régime républicain comme pourrait le laisser penser une lecture française de cette terminologie, mais sur la révolution connue par la scène politique italienne dans ces années compte tenu de la disparition de ses partis historiques (cf. note 3). L’Italie ne change en effet pas de constitution dans ces années, celle-ci demeurant aujourd’hui la même depuis la fondation du régime républicain en 1948.
(12) « Forza Italia » signifiant littéralement « Allez l’Italie ! »
(13) Anna BONALUME, Un mois avec un populiste, Paris, Pauvert, Fayard, 2022, 329 p.
(14) Ibid.
(15) Le concours « Vinci Salvini! » (littéralement : « Gagne Salvini ! ») organisé par Salvini en 2019 relevait précisément de ce format. Le Ministre de l’Intérieur et candidat aux élections européennes s’était alors illustré dans un spot de campagne incitant ses abonnés à donner le plus de « likes » et de partages possibles à ses publications sur les réseaux sociaux et promettant aux plus réactifs l’honneur de gagner une conversation téléphonique avec lui, voire une rencontre autour d’un café. Le leader de la Lega concluait sa vidéo en déclarant que celle-ci serait une fois encore la cible de toutes les critiques des experts et intellectuels de l’élite mais que son mouvement continuerait d’avoir recours à la toile tant que celle-ci demeurerait libre d’accès et enjoignait le spectateur ainsi que les rosiconi (« rageux », terme équivalent en langage internet italien à celui de hater dans les pays anglo-saxons et en France) à faire triompher ses publications. Cette vidéo a en outre été relayée par Euronews, cf. « The Deputy Prime Minister of Italy, Matteo Salvini has just launched his own personal social media game show », Euronews English, 13/05/2019, URL : https://www.facebook.com/euronews/videos/603025003518212/, lien consulté le 17/10/2022.
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