Culture

(Re)découvrir l’oeuvre majeure d’une photographe longtemps oubliée : l’exposition de Vivian Maier

Pour le Temps des Ruptures, Sarah Pilhan a déambulé dans les salles du Musée du Luxembourg pour contempler le travail photographique de Vivian Maier. Longtemps oubliée, récemment mise en lumière, son œuvre nous offre un autre regard sur l’Amérique du XX ème siècle.

Capturer le même mouvement au même moment, voilà qui tient presque du miracle. C’est un regard définitivement moderne que nous offre Vivian Maier sur l’Amérique des années 60 à 80 à travers des clichés longtemps oubliés. Redécouvert par hasard par un jeune agent immobilier en 2009, son travail connaîtra un immense succès alors qu’elle vient tout juste de décéder.

Cette première grande rétrospective française met en lumière le parcours d’une femme qui – aussi bien par manque de moyens que par choix – n’a pas souvent développé ses clichés, et encore moins eu l’occasion de les exposer. « Nanny » dans de riches familles américaines, Vivian Maier est également photographe à plein temps profitant des balades, seule ou avec les enfants, pour exercer son talent. Elle s’inscrit dans la tradition de photographie de rue tout en faisant preuve d’une singularité certaine. Issue d’un milieu modeste, elle n’a pas eu l’occasion de faire des études, et cette simplicité se retrouve dans son travail. Loin des artifices, elle offre un autre regard sur le quotidien, les gestes oubliés, presque automatiques, les postures et les abandons des quidams qui dorment sur les bancs publics. L’attention qu’elle porte aux détails donne des compositions originales, mettant en lumière toute la poésie des inconnus qu’elle croise au gré de ses promenades sur les trottoirs de New York et Chicago. Elle capture la vie en mouvement : de la dame chic qui replace discrètement son bas, à l’enfant qui vient de s’égratigner le genou. Son regard sur les enfants, rarement aussi présents dans une œuvre, est l’une de ses particularités. Très certainement marquée par son travail de gouvernante, elle fait des portraits originaux de l’enfance sous toutes ses formes : douce, brutale, pauvre, drôle, en bref pleine de la palette d’émotions dont sont capables les enfants. L’affection qu’elle semble leur porter se ressent dans ses photos, et les enfants lui rendront bien. La fratrie Gensburg, dont elle s’occupa de 1956 à 1967, prendra soin d’elle quand elle se retrouva dans le besoin et jusqu’ à la fin de sa vie. En se mettant à leur hauteur, elle révèle une fois de plus son aptitude à adopter le point de vue de ses sujets.

Vivian Maier retrace l’existence de celles et ceux qu’on ne voit pas, ou peu. Elle offre en filigrane de ses portraits celui d’une Amérique urbaine tout en contrastes, pleine d’inégalités et de destins souvent bien éloignés du rêve américain. Au gré de ses clichés, on suit l’évolution d’un pays, des Trente glorieuses aux années Reagan, du noir et blanc à la couleur. Elle vit avec son époque, qu’elle documente notamment à travers ses photographies de « Unes » de journaux et de lecteurs ou lectrices attentifs. Un « journal d’exposition » résumant la rétrospective fait d’ailleurs un clin d’œil au goût de Maier pour ce medium.

Contrairement à d’autres expositions plus arides, celle-ci a le mérite d’être accessible aux néophytes et de ne pas renvoyer les visiteurs à leur potentielle méconnaissance du sujet. Notons également qu’il n’est pas si courant de voir des expositions photographiques consacrées à une ou des femmes, bien qu’elles furent pourtant les pionnières du huitième art. Le parcours chrono-thématique permet d’aborder au mieux les différentes facettes du travail de Vivan Maier, sans nous noyer d’informations décousues. Il invite à prendre le temps de s’attarder sur les différents clichés et « à découvrir plutôt qu’observer ».

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