Faut-il abolir l’héritage ?

Et si l’égalité républicaine exigeait de rompre avec le plus inégalitaire des privilèges ? Dans une société où la richesse se transmet davantage qu’elle ne se mérite, l’héritage cristallise la contradiction entre le mythe du mérite et la réalité de la reproduction sociale. Dans son dernier ouvrage, Rémy Goubert propose d’abolir l’héritage.

Il est venu le temps de la rupture. Celle qui accomplira enfin l’œuvre républicaine.

Il est venu le temps de la rupture avec l’outil le plus favorable à la reproduction des inégalités. Il est venu le temps de la rupture avec l’héritage.

Ces mots ne sont pas vains. Ils ne relèvent pas d’une fulgurance de militant passionné. Ils ne sont pas utopiques. Ils sont le fruit d’une étude approfondie de notre système fiscal, des propositions les plus sérieuses et des analyses les plus pointues des savants contemporains.

Ils visent à mettre le doigt sur un sujet si risqué que la plupart des responsables politiques n’osent pas en parler. Ils n’osent pas pour des raisons parfois idéologiques, c’est vrai, mais aussi et surtout par lâcheté. Notre pays est aujourd’hui davantage porté sur la rente que sur le travail. Pourtant, vous entendez chaque jour ces déclarations hâtives où l’on répète que “le travail doit payer”.

Certains diront que si le travail ne paie pas, c’est à cause des cotisations sociales, qu’ils appellent “charges”. Pourtant, elles servent à financer les retraites de nos vieux et nos chacune de nos dépenses de santé. Quelle honte à cela ?

D’autres affirment que le souci vient des étrangers, nourrissant des discours haineux sur l’Aide Médicale d’État ou la prétendue “belle vie” des migrants en France.

Ensemble, en attaquant le modèle social ou les étrangers, ils appliquent une stratégie simple mais efficace pour dévier l’attention de l’opinion publique de ce qui structure les inégalités dans ce pays : le patrimoine.

Parlons-en.

L’impôt sur les successions est le plus impopulaire. Il est aussi le moins appliqué.

87 % des Français ne paient pas de droits de succession, bénéficiant de la franchise en ligne directe (parents/enfants) de 100 000 euros.

Il en est de même pour les plus riches, mais pour des raisons bien différentes. Ceux-là ne paient pas ou peu d’impôts grâce à des optimisations fiscales organisées sur le long terme, à travers des donations répétées ou des successions préparées. C’est ce que j’appelle le grand contournement.

Ce grand contournement de l’impôt fait des victimes : l’État, d’abord privé de ressources essentielles pour financer l’école, l’hôpital, les infrastructures, la transition écologique. Mais surtout la société tout entière, biberonnée au mythe méritocratique.

Car lorsque les plus riches échappent à l’impôt, ce sont les autres qui paient. Paient en impôts indirects, paient en services publics dégradés, paient en renoncement permanent. La solidarité nationale repose aujourd’hui sur les épaules de ceux qui n’ont rien à transmettre, pendant que les héritiers de la fortune accumulent ce qu’ils n’ont pas gagné.

C’est le hasard qui a décidé. A votre place et à la place de vos parents.

Voilà le vrai scandale. Pas celui, imaginaire, des “trop d’impôts”, mais celui du privilège héréditaire. Dans une République née pour abolir les privilèges, comment tolérer qu’ils se soient simplement transformés, troquant le titre de noblesse pour un relevé de compte en banque ?

La France ne souffre pas d’un excès d’impôts, elle souffre d’un excès d’inégalités. Et ces inégalités ne sont pas le produit du hasard, mais celui d’un système organisé autour de la transmission du capital. Dans un pays où la moitié des jeunes adultes n’a aucun actif, où l’âge moyen de l’héritier est de cinquante ans, l’héritage n’a plus rien d’un soutien familial : il est devenu un instrument de rente, un verrou de classe.

Il y a ceux qui héritent, et ceux qui attendent. Ceux qui peuvent rêver, et ceux qui survivent.

C’est pourquoi j’en appelle à un nouveau pacte républicain, fondé non sur la transmission des fortunes, mais sur le partage de la valeur. À la place de l’héritage, une dotation universelle verrait le jour : un capital de départ, égal pour toutes et tous, financé par la taxation intégrale des grandes successions et des rentes inutiles. Une dotation pour la vie, qui donnerait à chaque jeune de ce pays la liberté d’entreprendre, d’étudier, de créer, d’aimer.

Son montant serait de 50 000 euros. Conditionnée à l’exercice d’un service civique de 6 mois, elle viendrait sanctionner cet effort vers autrui, guidé par l’intérêt général. Elle serait accompagnée de l’exonération complète de la transmission de la maison désignée comme familiale, car c’est le principal blocage dans le débat et que cela ne constitue pas pour autant l’élément le plus inégalitaire.

Abolir l’héritage, ce n’est pas détruire la famille, au contraire. C’est la libérer de ce moment où, en plus des inégalités économiques s’ajoute la confrontation des frères et des sœurs sur ce qu’il reste de vivant.

Combien de familles se sont-elles déchirées pour une histoire de succession ?

C’est refuser que la famille devienne une frontière. C’est libérer les individus de la dette du sang et leur garantir une véritable émancipation.

Nous n’avons pas à craindre la rupture : c’est elle qui a bâti la République. Chaque progrès social, chaque conquête démocratique est né d’un refus du statu quo.

C’est le sens de mon livre « Faut-il abolir l’héritage ? De l’impôt sur la mort à la dotation pour la vie ».

Alors oui, il est venu le temps de la rupture. Celui d’en finir avec l’héritage.

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#LTR

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