Combien de fois l’histoire doit-elle se répéter pour que la farce devienne impossible ? Pour que l’esprit d’Emmanuel Macron ait épuisé entièrement notre réel politique ? C’est peut-être en géographe qu’il faut réfléchir ici, emboîter les échelles pour saisir l’ampleur de la crise politique et institutionnelle dans laquelle nous nous trouvons.
Et ainsi commencer par repartir de la plus petite échelle qui soit. La mondialisation et son association avec un capitalisme de la fragmentation[1] réduisent de manière croissante les États à des entrepreneurs d’eux-mêmes, s’offrant à qui mieux mieux à des firmes transnationales gargantuesques. Longtemps réticent à ces logiques et doté d’une très grande estime de lui-même, l’État français s’y plonge résolument grâce à François Hollande. Las, cette ligne politico-économique est poussée depuis à l’extrême. Le dumping socio-fiscal est une des grandes lois économiques de notre Europe.
Mais derrière cette échelle mondiale se déploient nos réels politiques, encore profondément nationaux. Brexit, Meloni, AfD, PiS ici, Trump là-bas, nos matrices socio-politiques déraillent face à des logiques mondiales intangibles à leurs pouvoirs d’action. Où se situe la France dans cet ensemble ?
Juste avant la crise, si dure à définir, semble-t-il. Mais qui pourrait nier aujourd’hui la définition du Trésor de la Langue Française. La crise est une « situation de trouble profond dans laquelle se trouve la société ou un groupe social et laissant craindre ou espérer un changement profond. » Tout y est. La situation de trouble est commune à toutes les démocraties libérales capitalistes, incapables de s’organiser politiquement pour gérer leur dépassement par un système économique mondialisé. La société française s’y trouve plongée. Certains espèrent, ou encouragent un profond changement dont on ne sait néanmoins pas comment il aura lieu puisque leur marge de manœuvre reste avant tout nationale. D’autres craignent la crise, craintifs de gauche et craintifs de droite, mais sont bien en peine de l’empêcher.
Reste le briquet. Un briquet aux yeux azurs qui depuis des mois à l’Élysée presse frénétiquement la pierre à briquet contre la molette pour produire le plus d’étincelles possibles, tentant de faire accroire à tous qu’il est une lampe-tempête inextinguible.
Alors attention mesdames et messieurs, dans un instant, on va commencer. Installez-vous dans votre fauteuil bien gentiment. Le spectacle se déroule sous nos yeux, quasiment cathartique étant donné l’éloignement actuel entre la politique et les citoyens.
Vieux routier de la politique gourmand de prophéties auto-réalisatrices, Jean-Luc Mélenchon le dit depuis 2022 : cela ne s’arrêtera plus avant la démission du Président de la République. Et, en l’absence de tout horizon rationnel qui caractérise l’époque, qui sait ce qu’il adviendra après …
[1] : Quinn Slobodian, Le Capitalisme de la fragmentation