En cette journée du 08 mars, on ne peut qu’applaudir, s’enthousiasmer de la constitutionnalisation du droit à l’avortement en France. C’est une immense victoire, pour toutes les femmes, et pour les parlementaires, les associations qui mènent ce combat depuis des années.
Pourtant, le combat pour l’égalité et la lutte contre les violences faites aux femmes ne sont pas terminés. Les femmes subissent toujours la violence, la précarité, les discriminations, le sexisme ordinaire dans la vie comme au travail, les écarts de salaire avec les hommes. Oui, les droits des femmes ont évolué en France depuis ces dernières décennies : mais l’égalité réelle, n’est pas atteinte et des actions concrètes doivent être prises, même si cela ne semble pas être une priorité pour le gouvernement, qui vient de voter une réduction de 7 millions du budget du ministère de l’égalité Femmes-Hommes. Au-delà de ces inégalités, nous voyons émerger une nouvelle forme de violence et d’humiliation envers les femmes : la cyberviolence. Qu’est-ce que la cyberviolence, et comment se manifeste-t-elle ?
Selon l’Education Nationale(1), elle se définit comme : « un acte agressif, intentionnel, perpétré par un individu ou un groupe aux moyens de courriels, SMS, réseaux sociaux, jeux en ligne, etc. Elle présente des spécificités liées aux médias numériques : capacité de dissémination vers un large public, caractère incessant, difficulté d’identifier l’auteur et d’agir une fois les messages diffusés ».
Ce phénomène est évidemment lié à l’avènement d’internet, l’augmentation du nombre de réseaux sociaux et d’utilisateurs. L’anonymat apparent permet à de nombreux utilisateurs d’agir en tout impunité. La cyberviolence est un phénomène récent, qui touche une grande partie de la population, mais qui cible principalement les femmes. En 2015, dans une étude, l’ONU a révélé que 73% des femmes sont exposées à des violences sur internet. Dans 74% des cas, ces actes de cyberviolence sont perpétrés par des hommes, selon une étude conduite par l’association féministes contre le cyberharcèlement. Les journalistes Florence Hainaut et Myriam Leroy ont d’ailleurs réalisé un reportage en 2021 intitulé #SalePute qui met en lumière les caractéristiques de cette cyberviolence qui cible les femmes.
Elle peut prendre plusieurs formes : des insultes, menace de mort, publications de photos et vidéos sans autorisation, parfois à caractère sexuel, divulgation des informations d’identité, etc. Surtout, la cyberviolence ne se cantonne pas uniquement à l’environnement numérique, et elle peut amener d’autres violences dans le monde réel.
Ainsi, un rapport du centre Aubertine Auclert(2), démontre que neuf femmes sur dix victimes de violences conjugales, subissent également la cyberviolence de la part de leur partenaire ou ex-partenaire. La cyberviolence couplée aux violences conjugales peut prendre plusieurs formes : le cybercontrôle (le partenaire où l’ex-partenaire vérifie les outils numériques, applications utilisées pour vérifier les messages, géolocaliser sa partenaire pour surveiller ses actes, etc.) ; le cyberharcèlement (le partenaire peut harceler sur internet, menacer de mort, partager des photos et vidéos à caractère personnel sans le consentement, envoyer un nombre incalculables de messages, d’appels, etc.) ; la cybersurveillance imposée ou à l’insu (installation de logiciels espions) ; la cyberviolences économiques et administratives, etc(3).
L’intelligence artificielle favorise également la montée de cette cyberviolence en créant de toutes pièces, des photos de personnes dans des positions suggestives, dénudées, voire en rhabillant les femmes sur leurs photos : ce phénomène porte un nom, le deepfake. On peut citer l’exemple de la chanteuse Taylor Swift qui a récemment été victime de deepfake sur X. Ces actes ne sont pas anodins : ils visent à humilier, rabaisser, ramener les femmes à un statut d’objet sexuel, à contrôler leur façon de s’habiller.
Internet est le nouveau vecteur du sexisme et de la misogynie, avec un seul objectif : faire taire les femmes et les ramener à leur prétendue « place ». La polémique autour du tiktokeur « abregefrere »(4), en est un exemple phare.
Il est impératif de prendre des mesures importantes pour contrôler la cyberviolence, et son ruissellement au-delà du monde numérique. D’abord, il faut renforcer le cadre législatif existant, et faire respecter les lois en la matière. Les femmes victimes de cyberviolence, et de manière complémentaire de violences conjugales doivent être correctement prises en charge par des personnels formés et sensibilisés et doivent pouvoir bénéficier de logements d’urgence. En ce 8 mars 2024 le combat pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes doit se prolonger dans le monde virtuel.
Références
(1)https://www.education.gouv.fr/un-collegien-sur-cinq-concerne-par-la-cyberviolence-3815#:~:text=Elle%20se%20d%C3%A9finit%20comme%20un,%2C%20jeux%20en%20ligne%2C%20etc.
(2)Pour en savoir plus : https://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/medias/egalitheque/documents/synthese-cyberviolences-conjugales-web.pdf
(3) Ibid
(4) Ce tiktokeur a plus d’un million de followers, publie des vidéos dont l’objectif est d’écourter des vidéos publiées sur internet. Ces vidéos portent sur des sujets différents, mais visent majoritairement des femmes qui doivent « abréger » leurs propos. Elles subissent ainsi une vague de cyberharcèlement sur leurs vidéos, leur demandant d’abréger.