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L’action de la France doit rester ce qu’elle a toujours été, universelle

Le conflit israélo-palestinien résonne particulièrement dans une société française qui compte les deux plus grandes communautés juives et musulmanes d’Europe. Ce conflit met aussi en lumière les errements et les fautes historiques de notre pays. Face à l’horreur, l’action politique doit maintenant être à la hauteur, sous peine de laisser s’approfondir les replis communautaires qui minent la concorde civile dans notre pays.

Si c’est à Paris que Yasser Arafat proclama le 2 mai 1989 « c’est caduc » en parlant de la charte de l’OLP, c’est parce que la France a toujours su porter une voix singulière dans sa diplomatie, en particulier au Proche-Orient.

La diplomatie française, c’est partout la défense absolue des civils et des innocents. Et devant les attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre dernier, à la dimension antisémite immonde, la condamnation doit être sans ambiguïté et la libération des otages exigée.

Les Israéliens ont le droit de se défendre et de vouloir démanteler un mouvement terroriste qui ne veut ni la sécurité pour Israël, ni la paix et le développement pour la Palestine.

Ce droit à la défense n’est pas un droit à la vengeance. C’est pourquoi, face aux bombardements aveugles sur Gaza, la France doit exiger le cessez-le-feu immédiat et la trêve humanitaire.

La diplomatie française, c’est aussi la défense des opprimés. « Salut aux humiliés, aux émigrés, aux exilés sur leur propre terre qui veulent vivre et vivre libres. » proclamait le 20 octobre 1981 le président Mitterrand lors du sommet Nord-Sud, dans son discours dit de Cancun. Quelle voix peut contester sérieusement que cette phrase ne s’applique pas au peuple palestinien aujourd’hui ? Quelle voix peut contester sérieusement que nombre des résolutions de l’ONU sur le conflit israélo-palestinien sont restées lettre morte ?

Devant le tragique d’une situation décrite comme inextricable, en France, nous ne pouvons rester simples spectateurs. Entre enfants palestiniens bombardés et enfants juifs massacrés, ce serait œil pour œil, dent pour dent ? Le politique ne peut jamais se satisfaire de la loi du Talion et les démocraties encore moins.

La « profonde inquiétude » d’Emmanuel Macron n’y suffira pas.

En voulant interdire les manifestations de soutien au peuple palestinien, le gouvernement français renvoie de fait, indistinctement, les défenseurs de la cause palestinienne à un antisémitisme intemporel et universel. Il n’aide pas à trouver une position équilibrée qui permettrait d’apaiser plutôt que d’attiser.

Ceux qui craignent l’importation du conflit ont raison de le faire. Le conflit israélo-palestinien ramène la France aux heures les plus sombres de son histoire : l’antisémitisme et le passé colonial. Ce conflit est un miroir qui nous révèle des plaies qui n’ont jamais été totalement pansées.

L’antisémitisme a miné la société française pendant des décennies et se répand à nouveau. Il doit être sans cesse combattu car jamais complètement vaincu. La haine du Juif est avant tout la haine de l’autre, de la différence que l’on ne sait pas nommer. Elle a provoqué le plus grand génocide de l’Histoire. Aucune cause, aucune raison ne justifie de la minimiser.

Il y aujourd’hui en Israël et en Palestine des colons et des colonisés. La plupart des médias et des politiques, sous le coup de l’émotion légitime, l’oublient aujourd’hui. Depuis 20 ans, l’extrême-droite israélienne et Benjamin Netanyahu s’attachent méthodiquement à détruire la perspective de deux Etats vivant, en paix, côte-à-côte. Il invita même ses partisans à financer le Hamas pour empêcher la création d’un Etat palestinien. Le 7 octobre, la majorité des forces israéliennes défendaient les colons en Cisjordanie occupée.

La France, aveugle sur son passé colonial et surtout sur ses conséquences, ne peut pas fermer les yeux sur d’autres situations coloniales.

N’effaçons pas une plaie mémorielle au profit d’une autre.

N’abandonnons pas la défense des opprimés car nous n’arrivons pas à être lucides sur nous-mêmes. Depuis des décennies, cet aveuglement nous est reproché. Par les pays des Suds et par leurs populations d’abord, qui dénoncent un « deux poids, deux mesures » occidental, selon lequel la vie vaudrait plus cher sous notre regard qu’ailleurs. Les Ukrainiens, les Israéliens, les Arméniens sont dans notre lumière. Pas les Yéménites, les Syriens ou les Afghans.

Cette dénonciation monte aussi du cœur de notre société, comme un cri de révolte et de colère. Les Français aux origines mêlées, pour certains venus de ces pays des Suds aux passés coloniaux, connaissent dans leur chair la réalité des fautes et des contradictions françaises.

Il faut écouter les manifestations de cette colère.

Il faut défendre l’universalisme français, les droits de l’Homme et donc ceux aussi des opprimés. 

Nous ne pouvons renvoyer systématiquement ces colères à de l’antisémitisme, à de la solidarité communautaire voire à l’expression cachée d’un islamisme rampant.

Le président de la République a tenté de défendre une position diplomatique équilibrée en se rendant à la fois à Tel-Aviv et à Ramallah, au Caire et à Amman. Rentré en France, il devrait déployer toute son énergie à refuser que les identités singulières de notre pays soient instrumentalisées pour mettre à mal la cohésion nationale.

Assurer la cohésion nationale, ce n’est pas laisser stigmatiser Karim Benzema.

Assurer la cohésion nationale, c’est laisser s’exprimer les manifestations de soutien au peuple palestinien tout en y faisant respecter l’ordre républicain.

Assurer la cohésion nationale, ce n’est pas exclure de l’Ecole de la République des enfants endoctrinés.

Assurer la cohésion nationale, c’est faire condamner toutes les expressions racistes et antisémites qui se multiplient dans le champ médiatique et sur les réseaux sociaux.

Face aux partisans de la guerre et aux faiseurs de haine, la paix doit avoir ses combattants là-bas, et la concorde civile ses artisans ici.

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