Culture

La fin des artistes ? l’IA remet en question l’industrie du divertissement

Avec l’émergence de l’intelligence artificielle générative incarnée par des noms tels que ChatGPT, DALL-E et Midjourney, la créativité est en train de vivre une transformation majeure. Musique, cinéma, photographie… Autant de domaines artistiques perturbés par l’ingéniosité de l’intelligence artificielle (IA). Ce phénomène démocratise l’accès à des créations de haute qualité tout en redéfinissant les rôles traditionnels des créateurs humains.

Crédits photos EchoSciences-Auvergne

Avec l’émergence de l’intelligence artificielle générative incarnée par des noms tels que ChatGPT, DALL-E et Midjourney, la créativité est en train de vivre une transformation majeure. Musique, cinéma, photographie… Autant de domaines artistiques perturbés par l’ingéniosité de l’intelligence artificielle (IA). Ce phénomène démocratise l’accès à des créations de haute qualité tout en redéfinissant les rôles traditionnels des créateurs humains. Désormais, les machines ne sont plus de simples outils, elles deviennent des collaborateurs actifs dans le processus créatif. L’industrie du divertissement se prépare à une transformation sans précédent, où artistes et créateurs trouvent un nouvel allié dans l’IA. Cette révolution soulève toutefois des questions fondamentales sur la créativité, obligeant ces acteurs à repenser la création, la distribution et la consommation de contenu. À mesure que nous explorons cette nouvelle frontière, il est temps de plonger au cœur de cette révolution créative et de découvrir les merveilles qu’elle promet d’apporter au monde du divertissement.

Les prémices d’un nouvel environnement créatif

Il y a quelques années, j’ai contacté un ami travaillant chez Google pour discuter du potentiel incroyable de l’IA, en particulier dans le domaine du divertissement. Je développais ma théorie qui prévoyait une personnification extrême des œuvres de divertissement, ainsi que la possible fin des métiers de chanteurs, de scénaristes et d’acteurs. Pour étayer mon argument, j’ai évoqué le clip réalisé par l’agence numérique « Space150 » qui a utilisé une IA pour créer un titre dans le style du rappeur Travis Scott, aussi bien au niveau des paroles que de l’image. J’étais alors fasciné par les possibilités offertes par l’IA. Cependant, mon ami, bien que circonspect, tempéra mon enthousiasme en admettant que ma théorie était une possibilité qu’il jugeait lointaine.

Trois ans plus tard, les promesses de l’IA dépassent déjà toutes mes attentes et pourraient révolutionner le monde du divertissement tel que nous le connaissons. En réalité, cette révolution a déjà commencé. La personnalisation des recommandations, rendue possible grâce à l’exploitation de nos données personnelles, a été la première étape de ce mouvement. Les services de streaming de musique et de vidéo utilisent déjà des algorithmes d’IA pour recommander du contenu personnalisé à chaque utilisateur. À l’avenir, ces algorithmes devraient devenir encore plus sophistiqués, en prenant en compte des facteurs tels que le contexte social et culturel, l’humeur, l’heure de la journée et les interactions exercées entre l’utilisateur et le contenu.

Le deuxième volet de cette révolution concerne la création de contenu. L’IA est de plus en plus utilisée pour créer des œuvres d’art, de la musique, des jeux vidéo, voire des films. En utilisant des techniques d’apprentissage automatique, l’IA peut générer des éléments de contenu tels que des paroles de chansons, des mélodies, des personnages de jeu, des scripts de film et des effets spéciaux. Bien qu’elle ne puisse pas remplacer les créateurs humains, elle peut accélérer le processus de création et ouvrir de nouvelles perspectives créatives.

D’un point de vue strictement économique, l’IA artificielle présente des avantages considérables en transformant la production et la distribution de contenu. Elle permet de réduire les coûts, d’améliorer la qualité et d’accélérer les délais, ce qui offre de multiples opportunités pour l’industrie du divertissement. Par exemple, l’IA est de plus en plus utilisée pour optimiser la production de films et d’émissions de télévision. Elle assiste les équipes de tournage en planifiant les scènes, en suggérant les angles de caméra les plus efficaces et en identifiant les éventuelles erreurs dans le montage. De plus, l’IA intervient dans la gestion de la distribution de contenu en optimisant les stratégies de marketing et de distribution. En se basant sur les données comportementales des utilisateurs, elle aide à cibler précisément le public, adaptant ainsi la stratégie promotionnelle pour maximiser l’impact et la portée du contenu. Cette capacité d’analyse de données marque la troisième phase de la révolution dans l’industrie du divertissement.

Enfin, l’IA contribue à créer des expériences de divertissement plus immersives. Elle utilise des technologies telles que la reconnaissance vocale, la reconnaissance faciale, la réalité virtuelle et la réalité augmentée pour permettre aux utilisateurs d’interagir avec le contenu de manière plus naturelle et personnalisée. Cela ouvre la voie à des expériences de divertissement plus engageantes et interactives, où le public peut véritablement devenir acteur de l’histoire. Dans l’ensemble, l’IA est en train de transformer l’industrie du divertissement, non seulement en optimisant la production et la distribution de contenu, mais aussi en repoussant les frontières de l’expérience elle-même, offrant ainsi de nouvelles opportunités et défis passionnants pour l’avenir de ce secteur.

Demain, des plateformes dédiées à la création de musique, de séries et de films ?

Il est déjà possible de créer des films à l’aide de l’IA, bien que les résultats ne soient pas encore à la hauteur de ce que les créateurs humains peuvent produire. Actuellement, l’IA est principalement utilisée pour générer des éléments de contenu, tels que des scripts, des personnages, des effets spéciaux et des animations, qui peuvent être intégrés dans des productions cinématographiques. Pour y arriver, elle apprend à partir de données existantes, telles que des films, des scénarios et des images, afin de créer de nouveaux éléments de contenu. Si les modèles d’IA les plus avancés ont encore du mal à créer des dialogues réalistes, des personnages émotionnellement convaincants et des histoires cohérentes, ce qui limite leur utilisation dans la création de films complets, qu’en sera-t-il demain ? Les progrès rapides en matière de compréhension du langage naturel et de création de contenu pourraient lui permettre de jouer un rôle plus important dans la création de films à l’avenir. Récemment, la société de production Waymark’s a mis en ligne « The Frost » (1), le premier court-métrage de 12 minutes réalisé entièrement grâce à une IA. L’histoire se déroule en Antarctique, où une équipe de scientifiques est réveillée par un mystérieux signal sonore provenant des montagnes, les incitant à entreprendre une quête périlleuse pour découvrir sa source. « The Frost » se distingue des autres films générés par des IA en offrant une cohérence visuelle plutôt réussie. Cependant, les personnages, bien que réalistes, souffrent de problèmes d’animation, et leur apparence change fréquemment. Le scénario du film maintient toutefois l’intérêt du spectateur, et la fin crée un suspense en vue d’une suite à venir. Malgré ses imperfections, « The Frost » est considéré comme l’un des films générés par des IA les plus aboutis en termes d’exécution, de richesse visuelle, de narration et de cohérence stylistique, surpassant de nombreuses autres productions similaires.

En plus du cinéma, la photographie et la musique sont également en train de s’adapter aux capacités prodigieuses de l’IA. Les algorithmes d’apprentissage automatique sont utilisés pour créer de nouvelles images, les modifier ou même générer des images entièrement synthétiques. L’IA peut être utilisée pour restaurer des photos endommagées ou améliorer des images de faible qualité, mais elle peut également créer de nouvelles images en fonction de critères spécifiques. Par exemple, elle peut être entraînée pour créer des images basées sur des modèles existants ou pour générer des images de personnes qui n’existent pas en réalité. Des entreprises comme Nvidia ont développé des algorithmes qui permettent à l’IA de générer des images réalistes à partir de descriptions textuelles. De plus, des chercheurs ont mis au point des réseaux de neurones capables de créer des images entièrement synthétiques à partir de rien.

La musique suit la même tendance que la photographie. L’IA peut être utilisée pour composer de la musique, créer des arrangements, générer des paroles, produire des sons et des effets sonores, voire reproduire la voix d’artistes. Des entreprises telles qu’Amper Music et Jukedeck ont déjà mis en place des plateformes permettant de créer des pistes musicales personnalisées de cette façon. Des artistes, comme Taryn Southern, ont également utilisé la puissance de l’IA pour créer des chansons complètes, à l’exemple de la chanson « Break Free, » créée avec l’aide d’un algorithme de musique.

Dans un avenir proche, l’avènement de plateformes alimentées par l’IA pourrait révolutionner la création de contenu de manière sans précédent. Imaginez un monde où quiconque pourrait générer de la musique, des séries, ou des films correspondant précisément à ses goûts. Les passionnés de franchises culte comme « Alien », « Star Wars » ou encore « Harry Potter » pourraient simplement exprimer leurs idées de scénarios et même devenir les héros de leurs propres films. Cette personnalisation extrême des œuvres pourrait rendre obsolètes de nombreux métiers liés à la création artistique, voire menacer l’existence des salles de cinéma traditionnelles.

Avec cette nouvelle ère en gestation, les plateformes de streaming actuelles, telles que Netflix et Prime Video, devront réinventer leur modèle pour rester pertinentes. Elles devront offrir des solutions innovantes pour suivre le rythme de cette révolution imminente. L’idée de permettre aux consommateurs de contrôler les moindres paramètres d’une œuvre, que ce soit le scénario, la musique, ou encore la durée du film, pourrait devenir la nouvelle norme. Cette vision peut sembler utopique, mais le succès de technologies émergentes comme ChatGPT et Midjourney montre que la frontière entre la science-fiction et la réalité s’estompe rapidement. Il est clair que l’avenir de l’industrie du divertissement sera façonné par l’IA, créant un paysage artistique plus personnalisé que jamais. D’ailleurs, tout un écosystème se développe rapidement autour de la vidéo générée par l’IA. De plus en plus de startups proposent des plateformes de production automatisée qui l’utilisent pour créer des vidéos à partir de textes et d’articles de presse, ou pour générer des vidéos personnalisées à grande échelle en créant des présentateurs virtuels capables de parler dans différentes langues et styles. D’autres entreprises spécialisées proposent la création de vidéos marketing à partir de textes et d’articles de blog, voire des publicités hautement personnalisées en fonction des données d’audience.

La puissance de l’IA dans la création artistique semble n’avoir que pour seule limite notre propre imagination. Les États-Unis se positionnent déjà en tête de cette course à l’innovation, bénéficiant d’un rayonnement culturel mondial. La culture américaine, diffusée à travers le globe, joue un rôle géopolitique majeur, incarnant un instrument puissant de « soft power » américain. Elle promeut l’empreinte de l’« American way of life » sur la scène internationale, façonnant les perceptions et les aspirations mondiales. Cependant, cette avancée technologique questionne également les fondements de l’exception culturelle française, un pilier de la politique culturelle de la France. Cette exception repose sur la préservation de la diversité culturelle et le respect de nombreuses règles et dispositifs législatifs destinés à soutenir la création artistique. L’IA, en transformant la manière dont nous créons et consommons l’art, pourrait remettre en question ces bases. Cette confrontation entre les avancées technologiques américaines et les valeurs culturelles françaises est le reflet d’une nouvelle révolution, où la culture est au cœur des enjeux, définissant les identités nationales et mondiales à l’ère numérique.

Les enjeux éthiques de l’IA dans la création artistique

Au-delà des promesses fascinantes de l’IA dans le monde du divertissement, émergent également des questions cruciales sur l’éthique de la création artistique. Cette révolution technologique soulève des préoccupations importantes qui méritent d’être abordées de front.

L’une des questions éthiques centrales réside dans l’authenticité de l’art créé par IA. Alors que ces algorithmes sont capables de produire des œuvres musicales, des peintures, ou encore des écrits littéraires, une question émerge : qui est le véritable créateur de ces œuvres ? Les créations générées par des machines peuvent-elles prétendre à la même authenticité que celles issues d’un esprit humain ? Cette interrogation suscite des débats passionnés au sein de la communauté artistique et parmi les amateurs d’art.

Un autre enjeu éthique réside dans la question de la propriété intellectuelle. Lorsqu’une machine génère une composition musicale, un script de film, ou même une image artistique, à qui appartient la création ? L’artiste derrière la machine, l’entreprise qui a développé l’algorithme, ou l’utilisateur qui a initié le processus ? Ces questions légales et éthiques sont encore en cours de résolution, mais elles revêtent une importance cruciale à mesure que l’IA générative devient omniprésente.

La récente grève des scénaristes à Hollywood, menée par la Writers Guild of America (WGA), illustre ces inquiétudes. Les scénaristes se sont mobilisés après le succès de l’IA générative, en particulier de ChatGPT. Cette grève a déclenché d’âpres négociations entre les studios hollywoodiens et les syndicats représentant les scénaristes. L’accord en cours permet aux studios de continuer à utiliser l’IA générative, mais il garantit aux scénaristes des crédits et une rémunération pour leur travail, même si des outils d’IA sont employés. Cependant, des détails précis sur la compensation financière liée à l’utilisation des textes des auteurs pour l’entraînement des modèles d’IA ne sont pas encore communiqués.

La responsabilité artistique est un autre aspect fondamental des enjeux liés à l’utilisation de l’IA. Si une œuvre d’art générée par une IA soulève des problèmes moraux ou éthiques, qui en porte la responsabilité ? L’humain qui a utilisé la machine, le concepteur de l’algorithme, ou l’IA elle-même ? L’IA n’a pas de conscience ni de compréhension éthique, ce qui soulève des défis considérables en matière de responsabilité.

Enfin, il est essentiel d’aborder les implications sociétales de l’utilisation généralisée de l’IA générative dans la création artistique. Comment ces technologies modifient-elles notre perception de la créativité, de l’originalité et de l’art ? Les sociétés doivent réfléchir à la manière dont elles souhaitent intégrer ces avancées technologiques dans leur tissu culturel et artistique, tout en préservant les valeurs fondamentales de l’art et de la créativité.

En conclusion, l’IA générative, incarnée par des noms tels que ChatGPT, DALL-E et Midjourney, promet de révolutionner l’industrie du divertissement. Musique, cinéma, photographie, tous ces domaines connaissent une transformation profonde grâce à la créativité assistée par l’IA. Toutefois, cette révolution soulève des questions éthiques cruciales, telles que l’authenticité de l’art généré par des machines, la propriété intellectuelle, la responsabilité artistique, et les implications sociétales. Naviguer dans ce nouvel environnement créatif nécessite une réflexion approfondie sur les valeurs éthiques qui sous-tendent l’art et la culture. L’IA offre un potentiel impressionnant pour la créativité humaine, mais la société doit décider comment intégrer ces avancées technologiques tout en préservant ces valeurs fondamentales. La collaboration entre l’homme et la machine dans le domaine du divertissement ouvre de nouvelles perspectives, mais elle doit être guidée par la prudence et la réflexion sur les enjeux éthiques qui façonneront l’avenir de l’art et du divertissement à l’ère de l’intelligence artificielle.

Références

(1)Le lien vers le court métrage : https://youtu.be/IgPvoPBrlTE?si=C_PNJQ-dvOybW3cD

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